Tritium - Définition

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Mesure, dosage

Mesures de tritium dans la nappe phréatique sous l'ancien réacteur de Santa Susana

Il a fallu attendre les années 2000 pour mieux le doser. Les techniques d'analyses sont les suivantes :

  • Une chambre d'ionisation des gaz permet de mesurer des concentrations importantes, de même que la microcalorimétrie pour des solides (sous forme d'hydrures par exemple).
  • L'eau tritiée, ou des liquides (extraits par distillation azéotropique de plantes, animaux, champignons, sols) peuvent être analysés facilement par scintillation liquide.
  • Vers 1980 sont apparus des compteurs à très bas bruit de fond détectant le tritium à partir de 5 Bq/l. De nouveaux flacons de comptage ainsi que des « cocktails scintillants » spéciaux ont permis de le détecter à partir de 1 Bq/l.
  • La spectrométrie de masse de cet isotope est encore plus précise, mais plus longue (délais d'attente pour les analyses). Le tritium de l'air doit être analysé dans l'eau, après y avoir été solubilisé. Le tritium peut dégazer d'un échantillon liquide pour s'enfuir dans l'atmosphère. Les échantillons sont donc conservés en flacons étanches et avec une pellicule d'huile minérale sur le liquide.
  • Une eau faiblement tritiée peut être « enrichie » pour analyse en profitant du fait que, lors de l'électrolyse, le tritium se dégage à la cathode plus lentement que l’hydrogène ordinaire (car ce dernier est plus léger). Cette technique permet d’accroitre les seuils d'analyse de 0,2 jusqu’à 0,02 Bq/l.
  • Les échantillons de sols ou de tissus vivant sont congelés et si possible traités dans leurs récipents d'échantillonnages qui doivent être étanches.

Radiotoxicité

Le tritium est un isotope aux caractéristiques inhabituelles ; très soluble dans l’eau (eau tritiée ou « HTO »), avec un trajet court des électrons (ß): < Ø noyau, une densité d’ionisation élevée (mais peu de cellules touchées), pouvant provoquer des dommages à l’ADN, avec une inhomogénéité des doses et fixations intra cellulaire quand il est présent sous forme d’OBT (Tritium organiquement lié) alors que la répartition est homogène pour l’eau tritiée, et pour ces raisons une efficacité biologique plus grande que d’autres radionucléide.

Efficacité biologique relative

Jusqu'en 2008, les autorités sanitaires considérait que l'EBR (Efficacité biologique relative) du tritium était de 1 Cependant, la littérature scientifique disponible, incluant les études récentes lancées en 2007 en Grande-Bretagne à partir du rapport RIFE 11 (Radioactivity In Food and the Environment) des agences environnementales et sanitaires britanniques, et des études du groupe AGIR (HPA) suggérait un besoin de réévaluer l'impact biologique du tritium sur l’homme suite à une possible sous-estimation de l'efficacité biologique relative du rayonnement du tritium).

En 2008, le Groupe d'experts de l’Article 31 du Traité Euratom a recommandé de la réévaluer ; « Sur la base des données scientifiques actuelles, un relèvement de 1 à 2 de la valeur du facteur de pondération lié au rayonnement (wR) du tritium devrait être envisagé ». L'Autorité française de sûreté nucléaire (ASN) a créé en 2008 2 groupes de réflexion, mandatés pour analyser les risques posés par le tritium en terme de santé environnementale. Après 2 ans de travail, ces groupes ont produit avec l'ASN en 2010 un Livre blanc sur le tritium concluant que les risques liés au tritium ont dans le passé été probablement sous-estimés. Le groupe de travail, présidé par M. Smeesters, préconise de multiplier par deux le facteur de pondération du tritium pour les rayonnements (wR) (2 au lieu de 1) pour le calcul du risque individuel.

Effet biologique et cancérogénéité

Il est fortement radioactif (une faible présence donne des mesures importantes en becquerel), mais une forte activité très locale n'entraîne qu'une exposition globale minime mesurée en sievert), et uniquement très près de la source, car le dépôt d'énergie s'effectue sous forme de traces courtes (où le dépôt d'énergie est plus grand). Il présente des caractéristiques de rayonnement β de faible énergie (18 keV) qui le rendent très ionisant autour de l’atome même, mais avec un rayonnement rapidement arrêté par l’eau ou le contenu cellulaire en périphérie (autrement dit, ce rayonnement a dans l’eau perdu son énergie après avoir parcouru 6 μm max. ou en moyenne 0,56 μm. Il n'est donc pas directement ou immédiatement dangereux tant qu'il est à l'extérieur d'un organisme (la couche de peau morte qui recouvre l'épiderme suffit à bloquer ce rayonnement).

Il serait cependant dangereux (en terme d’effet mutagène) dans le noyau cellulaire et plus précisément dans l’ADN ou très près de l’ADN. Ce dépôt est très hétérogènes à l'échelle cellulaire, avec possibilité de lésions multiples de l'ADN plus difficilement réparables si la source est proche de l'ADN ou intégrée dans l'ADN (à la place d'un atome d'hydrogène).

Sauf en sortie de rejet d'installation nucléaire, il est normalement assez rare et dilué pour minimiser le risque pour l'ADN, mais le risque de cassure de l'ADN est plus élevé s'il pénètre le noyau ou le cytoplasme au moment de la division cellulaire, en particulier chez le jeune embryon. L’eau tritiée (HTO) traverse aisément la barrière placentaire et diffuse de manière homogène dans toutes les cellules en croissance rapide du foetus ; or l'eau est la molécule la plus présente dans l'organisme de la plupart des espèces. Et quand le tritium est intégré dans l'eau (eau tritiée), ou après avoir été inhalé à l'état gazeux ou ingéré sous forme organique ou lorsqu'il est présent sous forme d'eau tritiée, il peut très facilement pénétrer au cœur d'une cellule et dans le noyau. Pour un embryon (végétal, animal ou fongique de quelques cellules), du tritium qui atteindrait l’ADN (intégré dans un composé organique) augmente le risque de mutation (et indirectement de fausse-couche chez la femme).

Le tritium organique (OBT) traverse lui aussi la barrière placentaire, mais se répartit de manière non-homogène dans le fœtus et les cellules, De plus, quand il était inclus dans une molécule (eau, matière organique, protéine...), sa désintégration (qui le transmute en un atome d’hélium) transforme la molécule hôte par la perte d'un hydrogène, avec des conséquences biologiques encore mal évaluées (mutations possibles).

Des effets sur la santé n'ont été rapporté chez l'Homme qu’à fortes doses. Des mutations, mort cellulaire, modifications chromosomiques ont été observées, mais seulement au-delà de plusieurs kBq/mL ; Chez l’animal ; des excès de cancers ont été observés, mais à doses élevées (à partir de 0,1-0,2 Gy, soit 100-200 mSv).. C'est pourquoi l'effet biologique du tritium, émetteur bêta, a longtemps été considéré comme similaire à celui d’une exposition externe gamma.

Facteur de dose

Les facteurs de doses sont toujours faibles, mais la radiotoxicité diffère suivant que le tritium est absorbé sous forme gazeuse, liquide, ou organiquement fixée (OBT). Facteurs de dose :

  • Tritium gazeux : 1,8.10-15 Sv/Bq. on a cherché à diminuer les rejets gazeux en les diluant dans de l'eau car l'inhalation directe de tritium gazeux conduit à un facteur de dose 10.000 fois plus élevé que celui dû à l'inhalation de vapeurs d'eau tritiée ;
  • Eau tritiée : 1,8.10-11 Sv/Bq ;
  • Tritium organiquement lié (OBT) : 4,1.10-11 Sv/Bq (facteur pouvant être réévalué en raison de l'inhomogénéité de la répartition de l'OBT dans la cellule)


Le tritium fait règlementairement partie du groupe de radiotoxicité le plus faible (groupe 4). Compte tenu de sa très faible radiotoxicité, des excès de cancers ne sont attendus que pour des expositions de l'ordre du giga-becquerel. Aux doses habituellement rencontrées, les études épidémiologiques ne mettent pas en évidence d’excès de cancers attribuables au tritium.

Le tritium ne délivre (en moyenne, par personne) qu' une dose annuelle d'environ 1 microsievert (µSv), soit mille fois moins que le seuil limite pour le public qui est de 1 millisievert. Christian Bataille, dans son rapport sur la gestion des déchets nucléaires affirmait cependant que le tritium « présente pour la santé humaine des dangers incontestables qu’il convient de ne jamais oublier. »

Radioprotection

Sa radiotoxicité (et par suite son écotoxicité) pourraient être revue à la hausse pour plusieurs raisons :

  • les rejets de chaque centrale sont faibles (ex : environ 40 gr/an en France), mais elles seront de plus en plus nombreuses selon l'industrie nucléaire, et en aval le retraitement du combustible est une source plus importante de rejet ;
  • ces rejets devraient fortement augmenter en France et dans le monde avec les nouvelles générations de centrales (2 réacteurs EPR en cours de construction ou prévus à Flamanville et Penly en France). Le projet ITER (réacteur à fusion thermonucléaire) en produira également plus que les actuels réacteurs à eau pressurisée ;
  • Ces rejets sont localement très significatifs (aux points de rejet à La Hague par exemple, dans l’eau et dans l’air) ;
  • Des données récentes évoquent une bioaccumulation possible voire fréquente, dont pour des formes organiques du tritium, dans les sols ou sédiments, et dans certains végétaux consommés par l’homme (radis, riz ou laitue par exemple), à partir de l’air ou du sol, plus rapidement en période de croissance exponentielle du végétal.
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