Matière noire - Définition

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La Matière noire dans la littérature de science-fiction

  • Dans « Gidéon » de Linda Buckley-Archer, le père du personnage principal (Kate Dyer), étudie la matière noire et en parle comme d’une sorte de ciment invisible qui expliquerait l’orbite des corps célestes.
  • Dans la saga « À la croisée des Mondes » (His Dark Materials en anglais), la Poussière, autrement dit l’élément au cœur de l’histoire, est assimilée à la matière noire.
  • Dans (Bobby Pendragon) de D.J.MacHale Les flumes qui transportent les voyageurs d'un monde à l'autre sont faits de matière noire.
  • Dans la série de jeux vidéo Mass Effect, la technologie a grandement avancé grâce à la "mass technology", inspirée de la matière noire.
  • Dans la série TV Fringe, il est question dans le générique de "Dark Matter" (Matière noire).

Nature de cette matière sombre

Matière noire chaude et matière noire froide

Deux grandes théories s’affrontent quant à la nature de cette matière noire : la matière noire chaude et la matière noire froide. Celles-ci reposent sur la masse des particules composant la matière noire et par conséquent, à leur vitesse. Dans le cas de matière noire dite « chaude », les particules ont des vitesses proches de celle de la lumière, tandis que celles composant une matière noire dite « froide » seraient plus massives et donc plus lentes.

La vitesse de déplacement de ces particules intervient dans l’ordre de formation des grandes structures de l’Univers. Si l’Univers était dominé par de la matière noire chaude, la très grande vitesse des particules la constituant empêcherait dans un premier temps la formation d’une structure plus petite que le superamas de galaxies qui ensuite se fragmente en amas de galaxies, puis en galaxies, etc. C’est le scénario dit « du haut vers le bas », puisque les plus grosses structures se forment d’abord, pour ensuite se diviser. Le meilleur candidat pour constituer la matière noire chaude est le neutrino. En revanche, si la matière noire froide dominait l’Univers, les particules vont parcourir une distance plus petite et donc effacer les fluctuations de densité sur des étendues plus petites que dans le cas de matière noire chaude. La matière ordinaire va alors se regrouper pour former d’abord des galaxies (à partir de nuages de gaz), qui elles-mêmes se regrouperont en amas, puis superamas. C’est le scénario dit « du bas vers le haut ». Les candidats à la matière noire froide sont les WIMP et les MACHO.

Ces deux théories étaient défendues par Iakov Zeldovitch pour la matière noire chaude, et James Peebles pour la matière noire froide. Actuellement, c’est le modèle de matière noire froide qui semble l’emporter. En effet, les galaxies sont en équilibre dynamique, ce qui laisse penser qu’elles se sont créées avant les amas — dont tous ne semblent pas encore stables — à qui il faut plus de temps pour atteindre cet équilibre. Cependant, les théories introduisent aujourd’hui un peu de matière noire chaude. Celle-ci est nécessaire pour expliquer la formation des amas ; la matière froide seule ne pouvant la permettre en si peu de temps.

Recherches du côté de la matière ordinaire

Les scientifiques se sont dans un premier temps tournés vers la matière ordinaire (ou baryonique) pour effectuer leurs recherches et ont passé en revue tous les types d’objets qui pourraient contribuer à ce champ gravitationnel, tels les nuages de gaz, les astres morts ou les trous noirs.

Les nuages de gaz

Dans les années 1990, des cartographies précises des sources d’émission de rayons X dans l’univers — obtenues grâce au satellite Rosat — ont mis en évidence la présence de gigantesques nuages de gaz ionisé au sein des amas de galaxies ; des nuages de plusieurs millions de degrés n’émettant pas de lumière visible. De plus, ces nuages semblaient contenir dix fois plus de matière (du moins, lumineuse) que les galaxies de ces amas, peut-être était-ce enfin la matière manquante recherchée ? Malheureusement non. Au contraire même, ces nuages sont la preuve de la présence de matière noire autour des galaxies. En effet, pour atteindre de telles températures, les particules constituant le nuage doivent être accélérées à des vitesses très élevées (environ 300 km/s), et cette accélération provient de la force de gravitation. Or la quantité de gaz est insuffisante pour générer un tel champ de gravité. De même, les étoiles ne peuvent à elles seules empêcher le nuage de gaz de s’échapper. L’influence gravitationnelle de la matière sombre est ici aussi nécessaire pour expliquer le confinement de ces nuages à proximité des galaxies. D’ailleurs, la forme de ces nuages peut aider les astronomes à étudier la distribution de la matière noire aux alentours.

Conclusions des programmes MACHO, EROS et AGAPE

On estime que les trois quarts de la matière baryonique de l’Univers sont constitués d’hydrogène. Les nuages d’hydrogène atomique dans lesquels sont présentes les étoiles sont insuffisants pour expliquer cette forte interaction gravitationnelle qui fait tourner les étoiles en périphérie de galaxie plus vite que prévu, et ne multiplie qu’au mieux par deux la masse de la galaxie ; il manque encore au moins cinq fois la masse de la galaxie. Les astronomes se sont alors intéressés aux objets plus compacts et n’émettant pas de lumière (ou trop peu pour être détectés), tels les naines brunes (astres qui n’atteignent pas le stade d’étoile car pas assez massives) ou les naines blanches (étoiles mortes composées d’éléments lourds). Ces objets sont appelés « MACHO », pour Massive Compact Halo Objects (objets compacts massifs du halo).

La théorie des naines blanches a été confortée par les travaux d’Oppenheimer (2001), mais fut contestée par la suite (notamment Bergeron, 2001, 2003, 2005). Cette hypothèse reste en suspens faute de mesure de parallaxe trigonométrique et donc de distance sur les naines blanches de leur étude. D’après les travaux d’Oppenheimer, la limite inférieure de la contribution de la masse des naines blanches du halo à la masse manquante de la galaxie est de 3 %, à comparer à la limite supérieure fournie par EROS qui est de 35 %. Il existe néanmoins des problèmes avec cette hypothèse : la masse manquante des galaxies est tout de même assez importante et il faudrait donc dix fois plus d’étoiles mortes que d’étoiles vivantes. Or en observant dans l’espace lointain, on devrait voir des galaxies peuplées de ces étoiles encore vivantes (leur lumière nous venant d’une époque bien plus ancienne), donc des galaxies beaucoup plus lumineuses ; mais ce n’est pas le cas. De plus, la proportion de supernovae devrait également être plus importante dans ces galaxies lointaines. Les supernovae libérant des éléments lourds, la proportion de ces éléments devrait aussi être dix fois plus importante que celle détectée actuellement.

Pour les naines brunes, le problème était de les détecter. En 1986, l’astronome Bohdan Paczyński explique comment détecter ces objets massifs mais n’émettant pas de lumière, à l’aide de l’effet de lentille gravitationnelle. Un objet massif passant devant une étoile dévierait les rayons lumineux émis par cette étoile. Concrètement, l’effet de lentille va créer une seconde image de cette étoile et la superposer à celle de l’étoile ; la luminosité devient à ce moment (lorsque l’objet passe juste devant l’étoile) plus importante. Le problème était cependant la rareté du phénomène : le nombre de chances d’observer à un instant un effet de lentille gravitationnelle dû à une naine brune (en supposant que la matière noire en est essentiellement composée) est de un sur un million.

Bénéficiant de caméras CCD à grand champ (récupérées de programmes militaires), les astronomes ont pu au début des années 1990 étudier un grand nombre d’étoiles à la fois, augmentant les chances d’observer des effets de lentille gravitationnelle. Deux programmes d’observation sont nés : EROS (Expérience pour la Recherche d’Objets Sombres) en 1990 et MACHO en 1992 ; le premier se concentrant sur la recherche d’objets moins massifs et plus petits. Ces programmes se sont arrêtés en 2003 et 2001, avec un bilan peu convaincant. Peu d’effets de lentille gravitationnelle ont été observés et les scientifiques ont dû conclure que moins de 10 % du halo de notre galaxie pourrait être formé de naines brunes, ce qui est insuffisant encore une fois.

Le programme AGAPE (Andromeda Galaxy Amplified Pixel Experiment) a débuté vers 1994 et avait pour but de détecter des effets de lentille gravitationnelle en observant cette fois non plus le Grand Nuage de Magellan comme MACHO et EROS, mais la galaxie d’Andromède. La distance étant plus grande, la probabilité que la lumière soit déviée par un objet compact l’est aussi. Ici aussi, peu d’effets de lentille sont observés.

Les trous noirs

Beaucoup plus massifs que les MACHO ou les étoiles, les trous noirs auraient pu être de bons candidats. Certains d’entre eux pourraient atteindre une masse de plusieurs millions, voire de plusieurs milliards de masses solaires (notamment les trous noirs supermassifs, au centre des galaxies). Cependant, il faudrait, dans une galaxie, près d’un million de trous noirs d’une telle masse pour combler ce manque de matière ; un nombre trop important au vu des conséquences sur les étoiles à proximité d’un trou noir. En effet, les trous noirs traversent par moment le disque galactique et perturbent le mouvement des étoiles. Avec un tel nombre de trous noirs, les mouvements de ces étoiles serait fortement amplifiés, ce qui rendrait le disque galactique bien plus épais que ce qui est observé actuellement.

Restent les trous noirs stellaires (de l’ordre de quelques masses solaires), difficilement détectables, et les trous noirs de quelques dizaines ou centaines de masses solaires, dont la nature de leur formation reste encore mystérieuse. Dans tous les cas, la piste des trous noirs comme étant la fameuse matière noire a été délaissée, et les astronomes se sont penchés sur une autre forme de matière, non baryonique.

De la matière non baryonique

La théorie du Big Bang permet de calculer le nombre de baryons de tout l’Univers, c’est-à-dire le nombre d’atomes d’hélium 4 et d’hydrogène, formés lors de la nucléosynthèse primordiale. Les astronomes en sont arrivés à un taux de matière baryonique d’environ 4 % de la densité critique. Or, pour expliquer la géométrie plate de l’Univers, la matière totale de l’Univers doit représenter 30 % de la densité critique (les 70 % restants étant de l’énergie sombre). Il manque donc 26 % de la densité critique sous forme de matière non baryonique ; c’est-à-dire constituée par d’autres particules que les baryons.

Le neutrino

Le neutrino est une particule postulée pour la première fois en 1930 par Wolfgang Pauli, avant même la découverte du neutron (un an plus tard), et qui fut détectée en 1956 par Frederick Reines et Clyde Cowan. Cette particule — insensible aux forces électromagnétiques et à la force nucléaire forte — est émise lors d’une désintégration bêta, accompagnée d’un anti-électron, également appelé positron. Le neutrino interagit donc très peu avec les autres particules, ce qui en fait un bon candidat pour la matière noire.

La masse du neutrino était estimée très faible, voire nulle. Avec le problème de la masse manquante de l’Univers, les physiciens se sont demandés si le neutrino n’avait peut-être pas une masse, faible, mais non nulle. D’autant plus que le neutrino est la particule la plus abondante dans l’univers, après le photon. Cependant, les expériences Super-Kamiokande et SNO (Sudbury Neutrino Observatory) ont révélé une masse beaucoup trop faible pour que cette particule puisse constituer l’essentiel de la matière noire. Les neutrinos peuvent représenter, au mieux, 18 % de la masse totale de l’Univers.

Les WIMP

Les WIMP (Weakly interactive massive particles) forment une classe de particules lourdes, interagissant faiblement avec la matière, et constituent d’excellents candidats à la matière sombre non-baryonique. Parmi celles-ci on trouve, le neutralino postulé par les extensions supersymétrique du modèle standard de la physique des particules. L’idée de la supersymétrie est d’associer à chaque boson un fermion et vice versa. Chaque particule se voit donc attribuer un super-partenaire, ayant des propriétés identiques (masse, charge), mais avec un spin différent de 12. Ainsi, le nombre de particules est doublé. Par exemple, le photon se retrouve accompagné d’un photino, le graviton d’un gravitino, le neutrino d’un sneutrino, l’électron d’un sélectron, etc. Suite à l’impossibilité de détecter un boson de 511 keV (partenaire de l’électron), les physiciens ont dû revoir l’idée d’une symétrie exacte. La symétrie est dite brisée et les superpartenaires se retrouvent avec une masse très importante. L’une de ces superparticules appelée LSP (Lightest Supersymmetric Particle) est la plus légère de toutes. Dans la plupart des théories supersymétriques, dites sans violation de la R-parité, la LSP est une particule stable car elle ne peut se désintégrer en un élément plus léger. Elle est de plus neutre de couleur et de charge électrique et donc uniquement sensible à l’interaction faible ; elle constitue à ce titre un excellent candidat à la matière sombre non-baryonique.

Cette particule supersymétrique la plus légère est en général (en fonction des modèles), le neutralino, une combinaison de ces superparticules : le photino (partenaire du photon), du zino (partenaire du boson Z) ou des higgsinos (partenaires des bosons de Higgs). Les mesures récentes au CERN indiquent que sa masse est supérieure à 32 GeV/c2. La LSP peut également être un sneutrino ou un gravitino (dans le cadre de certaines théories pour lesquelles la brisure de supersymétrie se fait par médiation de jauge). La LSP est stable (sans violation de la R-parité) donc très abondante au point de représenter l’essentiel de la matière de l’Univers. Elle fait à ce titre l’objet de nombreuses recherches. La détection de matière noire peut être directe, par interaction dans le détecteur, ou indirecte, via la recherche des produits d’annihilation.

La détection de matière sombre supersymétrique est un domaine de la physique extrêmement dynamique, en particulier du point de vue des techniques. La localisation des détecteurs est à l’image de cette diversité : en orbite terrestre (AMS, PAMELA), sous la glace du pôle Sud (AMANDA, IceCube), en milieu marin (ANTARES), ou encore dans les laboratoires souterrains (EDELWEISS, MIMAC, PICASSO).

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