Un groupe sanguin est une classification de sang reposant sur la présence ou l'absence de substances antigéniques héritées à la surface des globules rouges (hématies). Ces antigènes peuvent être des protéines, des glucides, des glycoprotéines ou des glycolipides, selon le système de groupe sanguin, et certains de ces antigènes sont également présents à la surface d'autres types de cellules de différents tissus.
Les divers groupes sanguins sont regroupés en systèmes. Appartiennent à un même système de groupes sanguins l'ensemble des épitopes ou phénotypes résultant de l'action des divers allèles d'un même gène ou de gènes étroitement liés.
Le sang est un tissu liquide que l’on peut facilement prélever sur un individu sain pour le transfuser à un individu malade. Or, malgré une composition cellulaire identique de ce tissu, il existe une variabilité, ou polymorphisme des divers éléments du sang entre les individus, ce qui rend impossible la transfusion entre certains groupes de personnes. On dit des personnes qui présentent une même caractéristique qu’elles appartiennent au même groupe sanguin. Jusqu’à une époque récente, ces caractéristiques ont été mises en évidence grâce à des anticorps spécifiques d’un épitope, déterminant antigénique reconnu spécifiquement par un anticorps. Ces épitopes, déterminant divers phénotypes, sont génétiquement transmis.
La découverte du système ABO, le premier de ces systèmes, en 1900, par Landsteiner a permis de comprendre pourquoi certaines transfusions sanguines étaient couronnées de succès, alors que d'autres se terminaient tragiquement.
Les antigènes sont des molécules qui couvrent la surface de toutes les cellules de l'organisme et participent à son identité. Elles sont les cibles des anticorps lorsqu'elles sont identifiées comme étrangères. Mais les antigènes concernent aussi bien des substances extérieures à l'organisme et contre lesquelles réagissent les anticorps : le pollen, la poussière, certains aliments ou médicaments, ou les poils léchés d'animaux.
Les anticorps sont des molécules produites par les lymphocytes B du système immunitaire qui réagissent avec les antigènes n'appartenant pas à l'organisme. Elles attaquent le non-soi. Certains anticorps sont fabriqués « à la demande » (défense contre les bactéries...), d'autres existent naturellement dans l'organisme (ce qui fut découvert avec le système ABO).
Lorsqu'un anticorps (ou une lectine) se fixe spécifiquement à un antigène situé à la surface des globules rouges, il provoque l'agglutination, parfois l'hémolyse(destruction), de ces derniers. Cette agglutination peut être soit immédiate, et c'est ainsi que le système ABO a été découvert, soit « aidée » par une technique d'agglutination artificielle, et c'est ainsi, qu'après les travaux de Coombs, qui a produit et utilisé une antiglobuline, un grand nombre d'anticorps et de systèmes de groupes sanguins ont été découverts.
Les principaux groupes sanguins sont ceux qui définissent les systèmes ABO, Rhésus et Kell, mais il en existe beaucoup d'autres. Ces trois systèmes sont les plus importants, en pratique. Le premier, ABO, car il entraîne un accident transfusionnel immédiat en cas de transfusion incompatible, et de ce fait a été le premier découvert. Le second, Rhésus, car l'immunogénicité de deux de ses antigènes (D, et c, surtout) entraîne très fréquemment des immunisations sources d'accidents ultérieurs et d'incompatibilités fœto-maternelles. Le troisième système, Kell, car l'antigène Kell est très immunogène, moins cependant que l'antigène RH1, D, et donne de ce fait, mais moins fréquemment, les mêmes complications.
La détermination du groupe dans ces trois systèmes en ABO (A, B, AB ou O), en Rhésus (+ ou -), ou en Kell (+ ou -) se base, comme pour tous les systèmes, sur les caractéristiques des antigènes présents à la surface des érythrocytes et, pour le système ABO, sur les anticorps présents dans le sang.
Nous donnons ici la liste des différents systèmes définis et référencés par l'ISBT en août 2008, avec dans l'ordre leur numéro, leur dénomination initiale ou commune, leur dénomination abrégée (symbole) officielle, la nature de l'épitope ou de l'élément qui le porte, la localisation chromosomique. Enfin, dans chaque système, un numéro à 3 chiffres est attribué à chaque spécificité antigénique. Ainsi, dans le ABO quatre spécificités sont référencées : A=001, B=002, AB=003, A1=004. Dans le système MNS nous arrivons au numéro 046, et dans le RH nous dépassons le numéro 050...
Classification des groupes sanguins | ||||
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N° | Dénomination initiale ou commune | Dénomination abrégée officielle (symbole) | Nature de l'épitope ou de l'élément qui le porte | Localisation chromosomique |
001 | ABO | ABO | ose (N-acétylgalactosamine, galactose) | 9q34.2 |
002 | MNS | MNS | GPA / GPB (glycophorines A et B) | 4q31.21 |
003 | P | P1 | glycolipide | 22q11.2-qter |
004 | Rhésus | RH | protéines RHD / RHCE | 1p36.11 |
005 | Lutheran | LU | IgSF (apparenté aux immunoglobulines) | 19q13.32 |
006 | Kell | KEL | glycoprotéine | 7q34 |
007 | Lewis | LE | ose (fucose) | 19p13.3 |
008 | Duffy | FY | protéine (ECR ou récepteur de chimiokine, et des Plasmodium vivax et Plasmodium knowlesi) | 1q23.2 |
009 | Kidd | JK | protéine (transporteur d'urée) | 18q12.3 |
010 | Diégo | DI | glycoprotéine (bande 3, AE 1, ou échangeur d'anions) | 17q21.31 |
011 | Cartwright | YT | protéine (AChE, acétylcholinestérase) | 7q22.1 |
012 | Xg | XG | glycoprotéine | Xp22.33 |
013 | Scianna | SC | glycoprotéine | 1p34.2 |
014 | Dombrock | DO | glycoprotéine (fixée à la membrane par le GPI ou glycosyl-phosphatidyl-inositol) | 12p12.3 |
015 | Colton | CO | aquaporine 1 | 7p14.3 |
016 | Landsteiner-Wiener | LW | IgSF (apparenté aux immunoglobulines) | 19p13.2 |
017 | Chido/Rodgers | CH/RG | C4A C4B (fractions du complément) | 6p21.3 |
018 | Hh | H | ose (fucose) | 19q13.33 |
019 | Kx | XK | glycoprotéine | Xp21.1 |
020 | Gerbich | GE | GPC / GPD (glycophorines C et D) | 2q14.3 |
021 | Cromer | CROM | glycoprotéine (DAF ou CD55, régulatrice des fractions C3 et C5 du complément, liée à la membrane par un GPI) | 1q32.2 |
022 | Knops | KN | glycoprotéine (CR1 ou CD35, capteur d'immun-complexes) | 1q32.2 |
023 | Indian | IN | glycoprotéine (CD44 fonction d'adhésion ?) | 11p13 |
024 | OK | OK | glycoprotéine (CD147) | 19p13.3 |
025 | RAPH | MER2 | glycoprotéine transmembranaire | 11p15.5 |
026 | John Milton Hagen | JMH | protéine (liée à la membrane par un GPI) | 15q24.1 |
027 | Ii | I | polyoside ramifié (I) / non ramifié (i) | 6p24.2 |
028 | Globoside | P | glycolipide | 3q26.1 |
029 | GIL | GIL | aquaporine 3 | 9p13.3 |
030 | Rh-associated glycoprotein | RHAG | 36 % homologie avec RHCED. Indispensable à l'expression de RH. | 6p21-qter |
Il existe, n'appartenant pas à ces 30 systèmes, d'autres antigènes présents sur les érythrocytes. Ces antigènes sont classés dans deux séries.
La première, série numérotée 700, regroupe les antigènes de faible incidence, rencontrés chez moins de 1% des individus.
La seconde, série numérotée 901, regroupe les antigènes de haute incidence, rencontrés chez plus de 90% des individus, et très souvent plus de 99% pour la plupart d'entre eux.
Les antigènes rares, qu'ils appartiennent à un système, comme l'antigène Vw du système MNS, (système 002, antigène 009) ou à la série 700 comme les antigènes Peters (700.018) ou Rasmussen (700.040) sont appelés antigènes privés, et les anticorps correspondant anti-privés.
Les antigènes fréquents, qu'ils appartiennent à un système, comme l'antigène RH46, (système 004, antigène 046) ou à la série 901, comme les antigènes Vel (901.001) ou Ata (901.003) sont appelés antigènes publics, et les anticorps correspondant anti-publics.
Ces deux systèmes sont les plus importants, tant dans la pratique médicale, que pour leur intérêt historique, car ils ont fourni les bases génétiques, immunologiques pour toutes les études ultérieures des autres systèmes.
Découvert en 1900 par Landsteiner, le système ABO permet de classer les différents groupes sanguins selon
Ainsi les globules rouges du groupe sanguin A possèdent des antigènes A, ceux du groupe B des antigènes B, ceux du groupe AB des antigènes A et B alors que ceux du groupe O ne contiennent pas d’antigènes de type A ni de type B.
Ce système, expliquant certains problèmes indépendant du système ABO, accidents transfusionnels et la maladie hémolytique du nouveau-né, fut découvert en 1940 par Landsteiner et Wiener.
Le système Rhésus permet de classer les groupes sanguins selon la présence ou non d’antigène D à la surface des globules rouges (rhésus est le nom d'une espèce de macaque, Macaca mulatta, qui a permis de mettre en évidence ce système de groupe sanguin).
Dans la pratique médicale courante, on distingue les individus rh- qui ne portent pas l'antigène D, ou RH1 dans la nomenclature internationale, sur la surface de leurs hématies et les individus Rh+, qui présentent l'antigène D. En règle générale, les sujet rh- n'ont pas d'anticorps anti-D dans leur plasma. Une transfusion est alors possible sans conséquence immédiate.
Cet anticorps n'apparaît qu'après une transfusion non iso-rhésus (transfusion d'un sang D+, RH1, à un sujet D-) ou une grossesse après la naissance d'un enfant Rh+ chez une femme rh-. On dit alors qu'il s'agit d'un anticorps irrégulier. Dans ce dernier cas, la transfusion d'un sang Rhésus positif D+ entraîne une réaction hémolytique (qui détruit les hématies) par incompatibilité Rhésus.
Ce système de groupe sanguin comporte de nombreux autres antigènes à côté de l'antigène D = RH1. En particulier, les antigènes C (RH2), E (RH3), c (RH4) et e (RH5). Certains de ces antigènes peuvent entraîner les mêmes complications transfusionnelles ou fœtales que l'antigène D, en particulier l'antigène c (RH4), qui, lui, est, en règle, présent chez un sujet rh négatif.
En France, les groupes sanguins se répartissent de la manière suivante (exemple A+ prédomine avec 39%):
Rhésus | Groupe sanguin | Total | |||
O | A | B | AB | ||
Rh+ | 37 % | 39 % | 7 % | 2 % | 85 % |
Rh- | 6 % | 6 % | 2 % | 1 % | 15 % |
Total : | 43 % | 45 % | 9 % | 3 % | 100% |
Au Canada, en 2006 les groupes sanguins se répartissent de la manière suivante :
Rhésus | Groupe sanguin | Total | |||
O | A | B | AB | ||
Rh+ | 39% | 36 % | 7,5 % | 2,5 % | 85 % |
Rh- | 7 % | 6 % | 1,5 % | 0,5 % | 15 % |
Total : | 46 % | 42 % | 9 % | 3 % | 100% |
Cette répartition peut présenter de sensibles différences selon les origines ethniques :
Exemples de répartitions :
Exemples de répartition dans le monde | |
Groupe sanguin | Répartition mondiale |
---|---|
O + | 38% |
A + | 34% |
B + | 9% |
O - | 7% |
A - | 6% |
AB + | 3% |
B - | 2% |
AB - | 1% |
Exemples de répartition par type de population | ||||
Population | O | A | B | AB |
Allemande | 41% | 43% | 11% | 5% |
Belge | 44% | 45% | 8% | 3% |
Britannique | 47% | 42% | 8% | 3% |
Basque | 56% | 40% | 3% | 1% |
Indienne du Pérou | 100% | 0% | 0% | 0% |
Mayas | 97% | 1% | 1% | 1% |
Indienne d'Amérique | 96% | 4% | 0% | 0% |
Oyirad (Russie) | 26% | 23% | 41% | 11% |
Tchouvache (Asie centrale) | 30% | 29% | 33% | 7% |
De ces répartitions, nous pouvons calculer les fréquences géniques dans les diverses populations. Ce type de calculs est valable pour chaque système de groupe sanguin, par application de la loi de Castle-Hardy-Weinberg, article où le système ABO est pris pour exemple.