Géopolitique - Définition

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Introduction

La géopolitique désigne tout ce qui concerne les rivalités de pouvoirs ou d’influence sur des territoires et les populations qui y vivent, c'est-à-dire l'étude des rapports de forces entre divers acteurs sur un espace plus ou moins défini. La géopolitique repose alors sur l'analyse des objectifs visés par les acteurs et leurs moyens mis en œuvre pour y arriver. Les acteurs sont variés : ils peuvent être des États, mais également des mouvements politiques ou des groupes armés plus ou moins clandestins. Les espaces sont tout autant variés de par leurs variations de tailles : les plus petits peuvent être analysé à une très grande échelle (ville, commune, rue…), ou à une plus petite échelle (région, État, espaces inter- étatiques, planète).

Originellement, c'est en Allemagne que la notion de géopolitique a été construite, principalement par Friedrich Ratzel. Cependant cette dernière servait à légitimer la puissance et l'expansionnisme allemand. L'utilisation de cette dernière par l'idéologie nazie a proscrit un temps cette discipline dans l'après guerre, notamment en France, car largement connotée. Pourtant la nécessité pour les décideurs politiques et les citoyens de mieux comprendre les conflits qui les entourent et ainsi d'en comprendre les enjeux a contribué, depuis les années 80, au renouveau de cette discipline. À ce titre c'est au cours du conflit qui opposa les Khmers rouges aux Nord-Vietnamiens, que la géopolitique recommença a être utilisé.

Genèse de la géopolitique contemporaine

Depuis sa naissance à la fin du XIXe siècle, la géopolitique contemporaine a subi des évolutions, qu'il est possible d'étudier sous un angle épistémologique.

Fondateurs

Le terme apparaît sous la plume du professeur de science politique/géographie suédois Rudolf Kjellén dans un article de journal, en 1889, qui évoque les frontières suédoises, puis dans un ouvrage, Stormakterna. Pour son auteur, la géopolitique est « la science de l'État comme organisme géographique ou comme entité dans l'espace : c'est-à-dire l'État comme pays, territoire, domaine ou, plus caractéristique, comme règne. Comme science politique, elle observe fermement l'unité étatique et veut contribuer à la compréhension de la nature de l'État ».

Il reprend en réalité les éléments de géographie politique énoncés par le géographe allemand Friedrich Ratzel, que l'on considère comme le père de la Geopolitik allemande. Ratzel analyse l'État en rapport avec sa géographie, son espace, son milieu, les deux sont en interactions. Dans son ouvrage Politische Geographie oder die Geographie der Staaten, des Verkehrs und des Krieges, Ratzel perçoit l'État comme un être vivant.

Écoles de pensée

Friedrich Ratzel.

À la suite des analyses de Friedrich Ratzel, puis de Kjellén, nombre d'universitaires et de membres des États-majors tentent de mettre au point des analyses géopolitiques au service de leur pays. On peut ainsi distinguer quatre grandes écoles :

L'École allemande : die Geopolitik

La géopolitique allemande – ou Geopolitik – repose sur les approches théoriques de Ratzel (1844-1904), qui donnera naissance à l'École de Berlin. Cette Geopolitik émerge avec la naissance du IIe Reich, dans la deuxième partie du XIXe siècle, qui cherche à se donner une légitimité territoriale et renforcer sa puissance. Elle est fortement influencée par des approches naturalistes ou environnementales comme celle du géographe Carl Ritter, de la pensée hégélienne notamment diffusée par son disciple Ernst Gapp, ou encore le darwinisme social passé entre les mains du biologiste philosophe Ernst Haeckel, le père du terme « écologie ».

L'approche géographique de Ratzel, interprétée comme géopolitique, s'applique à démontrer que l'État, thème principal des travaux géopolitiques, est « comme un être vivant qui naît, grandit, atteint son plein développement, puis se dégrade et meurt ». L'État, pour vivre (ou survivre), doit s'étendre et fortifier son territoire. À travers ce prisme, Ratzel défend l'idée que l'Allemagne pour vivre doit devenir un véritable empire et donc posséder un territoire à sa mesure. Pour cela, il faut que le politique mette en place une politique volontariste afin d'accroître la puissance de l'État. Ce dernier a donc besoin pour se développer de territoires, d'un espace, l'espace nourricier, le Lebensraum (terme inventé par Ratzel), l'espace de vie (souvent traduit par espace vital).

Les successeurs de Ratzel mettent cette nouvelle discipline au service du Prince et elle sera appliquée sous le IIIe Reich. Ils proposent au régime nazi une approche cartographique du monde où les « Grands Peuples » (grandes puissances) se partagent la planète en fonction d'alliances et d'une hiérarchie raciale des peuples. Cette Geopolitik active s'inscrit contre l'idée du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes émise par la SDN. Parmi les disciples de Ratzel, il faut citer le général bavarois Karl Haushofer (1869-1946) qui affine la notion d'espace de vie et la perception de l'espace dans un but hégémonique. Après la défaite de 1918, il devient l'un des chantres de la puissance allemande. Haushofer prévoit un partage du monde en quatre zones :

  1. une zone paneuropéenne recouvrant l'Afrique et dominant le Moyen-Orient ; dominée par l'Allemagne,
  2. une zone panaméricaine dominée par les États-Unis,
  3. une zone panrusse incluant l'Asie centrale et l'Asie du Sud dominée par la Russie,
  4. une zone panasiatique dominée par le Japon, alliée de l'Allemagne, recouvrant l'Extrême-Orient (Chine), l'Asie du Sud-Est et le Pacifique Nord. Cette partition du monde permet de contrer l'encerclement anglo-saxon.

Cette application par le politique d'une discipline percevant l'État comme un organisme et à but hégémonique est appliquée au cours de la Seconde Guerre mondiale.

À la suite de ses dérives, au sortir de la guerre, la géopolitique tant en Allemagne qu'ailleurs dans le monde est bannie des milieux universitaires et des États-majors, au profit d'autres approches du monde. D'ailleurs, les disciplines géographiques ont renoncé à réutiliser ces approches jusqu'aux années 1970-1980.

L'École américaine

Les géopoliticiens américains - l'amiral Alfred Mahan (1840-1914) ou le journaliste et professeur de science politique Nicholas Spykman (1893-1943) - se sont intéressés aux relations entre le développement technologique des civilisations et la domination de l'espace par les États. Fortement influencés par l'école anglaise, Mahan et Spykman articulent leurs travaux sur la puissance maritime (en anglais sea power) et la politique d'« endiguement » (en anglais containment) de l'Allemagne puis de la Russie, choisissant l'alliance avec l'Empire britannique.

L'École américaine a aussi expliqué comment les grands empires d'Asie avaient réussi à se stabiliser dans le temps en se basant seulement sur l'administration très hiérarchisée de l'irrigation dans les territoires ou l'Asie des moussons. C'est la théorie des despotismes orientaux, grande thèse de géopolitique. L'École américaine – ou École de Berkeley - s'est toujours intéressée à la dimension culturelle qui marque l'espace terrestre.

Le retour de la géopolitique américaine se poursuit au XXe siècle avec les thèses de Samuel Huntington dans Le Choc des civilisations.

L'École anglaise : la sea power

Cette École définit la puissance anglaise par la domination des mers ou océans (théorie de l'empire maritime). Principal contributeur, l'amiral britannique Halford Mackinder (1861-1947) conçoit la planète comme un ensemble composé par un océan mondial (9/12e), une île mondiale (2/12e - Afrique, Asie, Europe) et de grandes îles périphériques ou Outlyings Islands (1/12e - Amérique, Australie). Afin de dominer le monde, il faut dominer l'île mondiale et principalement le cœur de cette île, le heartland, véritable pivot géographique du monde (allant de la plaine de l'Europe centrale à la Sibérie occidentale et en direction de la Méditerranée, du Moyen-Orient et de l'Asie du Sud). Ainsi, l'Empire britannique, qui s'est construit sur la domination des océans, doit désormais, pour rester une grande puissance mondiale, s'attacher à se positionner sur terre en maîtrisant les moyens de transport par voie de chemin de fer. L'approche géopoliticienne anglaise renvoie à cette volonté de domination du monde via le commerce, en contrôlant les mers, puis désormais les terres, se faisant l'héritière directe, non seulement de la géopolitique allemande, mais aussi des premiers navigateurs anglais, comme Walter Raleigh : « Qui tient la mer tient le commerce du monde ; qui tient le commerce tient la richesse ; qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même ».

La géopolitique de Mackinder est à replacer dans une perspective de concurrence entre la puissance maritime britannique et la puissance allemande qui, à travers son contrôle de la Mitteleuropa, tend vers le contrôle du heartland.

L'École française

L'École française de géopolitique s'est développée en réponse à la conception allemande de la géopolitique. D'après Yves Lacoste, l'un des ouvrages de Paul Vidal de la Blache (1845-1918), père de l'École française de géographie, La France de l'Est (1917) doit être analysé comme un ouvrage géopolitique dans la mesure où Vidal de la Blache explique les raisons de l'appartenance de l'Alsace et la Lorraine à la France.

Citons aussi le géographe Jacques Ancel (1882-1943), auteur d'ouvrages sur la question des nationalités dans l'Empire austro-hongrois, qui s'intéresse aux questions des frontières définies comme des « isobare(s) politique(s), qui fixe(nt), pour un temps, l'équilibre entre deux pressions ; équilibre de masses, équilibre de force », reprenant les travaux d'André Chéradame.

S'il existe une géopolitique française, c'est surtout dans la contestation de l'approche géopolitique allemande et de ses légitimations déterministes. Chéradame, dès 1916, condamne les dérives de la Geopolitik allemande dans son ouvrage Le plan pangermaniste démasqué. Le redoutable piège berlinois de la partie nulle. Dans l'entre-deux guerre, l'amiral Raoul Castex (1878-1968) synthétise la stratégie navale dans son ouvrage à portée géopolitique Théories stratégiques(1929).

Il semble toutefois que ces trois directions ne soient pas aussi éloignées les unes des autres. En effet, toutes trois proposent une géopolitique dynamique, active, percevant l'État comme un organisme qui doit vivre ou survivre face à la concurrence d'autres États.

Depuis la fin des années soixante, cette école de pensée a été réactualisée à travers les différents ouvrages de Lacoste (cf. bibliographie) et l'Institut français de géopolitique (IFG) de Saint-Denis (Université Paris 8), dirigé par Béatrice Giblin-Delvallet. Disciple de Lacoste, Pascal Lorot travaille sur les relations entre géopolitique et économie et fonde la géoéconomie.

Fin de la géopolitique avec la Seconde Guerre mondiale ?

Après la Seconde Guerre mondiale, la notion de géopolitique, traduisant mal une répartition de plus en plus complexe des pouvoirs institutionnels dans le monde, recule au profit de quatre disciplines de sciences humaines :

  • les relations internationales, appuyées sur la théorie du droit international ;
  • la sociologie politique, sociologie des relations internationales. Sur ce point, l'évolution reste limitée, puisque la notion d'international reflète la division du monde en nations souveraines, ce qui se traduit en pratique par l'intergouvernemental plutôt que par une mondialisation institutionnelle ;
  • la géographie politique qui étudie :
    • l'organisation du pouvoir et des territoires à la surface de la Terre,
    • le découpage social de l'espace dans les relations de pouvoir,
    • la cartographie électorale ;
  • La géostratégie, étude des intérêts des États et des acteurs politiques dans l'espace surtout international.
    C'est un espace du droit international, des alliances, des conflits, des positions parce que la stratégie consiste à projeter les intérêts d'un État dans le monde (et par extension pour les entreprises).
    Le géostratège envisage les conséquences d'un conflit localisé.
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