Big Bang - Définition

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Le modèle standard de la cosmologie

La construction de ce qui est désormais appelé le modèle standard de la cosmologie est la conséquence logique de l’idée du Big Bang proposée dans la première partie du XXe siècle. Ce modèle standard de la cosmologie, qui tire son nom par analogie avec le modèle standard de la physique des particules, offre une description de l’univers compatible avec l’ensemble des observations de l’univers. Il stipule en particulier les deux points suivants :

  • L’univers observable est issu d’une phase dense et chaude (Big Bang), durant laquelle un mécanisme a permis à la région qui nous est accessible d’être très homogène mais de présenter de petits écarts à l’homogénéité parfaite. Ce mécanisme est probablement une phase de type inflation, quoique d’autres mécanismes aient été proposés.
  • L’univers actuel est empli de plusieurs formes de matières :
    • Les photons, c’est-à-dire les particules représentant toute forme de rayonnement électromagnétique,
    • Les neutrinos,
    • La matière baryonique, qui forme les atomes,
    • Une ou plusieurs formes de matière inconnues en laboratoire mais prédites par la physique des particules appelées matière noire, responsable entre autres de la structure des galaxies, bien plus massives que l’ensemble des étoiles qui les composent,
    • Une forme d’énergie aux propriétés inhabituelles, appelée énergie noire ou constante cosmologique, responsable de l’accélération de l’expansion de l’univers observée aujourd’hui (et probablement sans rapport direct avec l’inflation).

Un très grand nombre d’observations astronomiques rendent ces ingrédients indispensables pour décrire l’univers que nous connaissons. La recherche en cosmologie vise essentiellement à déterminer l’abondance et les propriétés de ces formes de matière, ainsi qu’à contraindre le scénario d’expansion accélérée de l’univers primordial (ou d’en proposer d’autres). Trois ingrédients de ce modèle standard de la cosmologie nécessitent de faire appel à des phénomènes physiques non observés en laboratoire : l’inflation, la matière noire et l’énergie noire. Néanmoins, les indications observationnelles en faveur de l’existence de ces trois phénomènes sont telles qu’il semble extrêmement difficile d’envisager d’éviter d’y faire appel. Il n’existe de fait aucun modèle cosmologique satisfaisant s’affranchissant d’un ou plusieurs de ces ingrédients.

Implications philosophiques et statut épistémologique

L’aspect étonnamment « créationniste » que suggère le Big Bang — du moins dans son interprétation naïve — a bien sûr été à l’origine de nombreuses réflexions, y compris hors des cercles scientifiques, puisque pour la première fois était entrevue la possibilité que la science apporte des éléments de réponse à des domaines jusque là réservés à la philosophie et la théologie. Ce point de vue sera en particulier exprimé par le pape Pie XII (voir ci-dessous).

Remarquons au passage que la chronologie suggérée par le Big Bang va à l’inverse des convictions des deux grands architectes des théories de la gravitation, Isaac Newton et Albert Einstein, qui croyaient que la Création était éternelle (nonobstant la contradiction des termes). Dans le cas d’Einstein, toutefois, il ne semble pas avéré qu’il y avait un préconçu philosophique pour motiver cette intuition, qui pourrait être avant tout issue de motivations physiques (voir l’article univers d’Einstein).

Lemaître élaborera un point de vue différent de celui exprimé par le pape : la cosmologie et la science en général, n’a pas vocation à conforter ou à infirmer ce qui est du domaine du religieux (ou philosophique). Elle se contente de proposer un scénario réaliste permettant de décrire de façon cohérente l’ensemble des observations dont on dispose à un instant donné. Pour l’heure, l’interprétation des décalages vers le rouge en termes d’expansion de l’univers est établie au-delà de tout doute raisonnable, aucune autre interprétation ne résistant à un examen sérieux, ou étant motivée par des arguments physiques pertinents, et l’existence de la phase dense et chaude est également avérée (voir plus haut).

Critiques de la part de scientifiques

Par contre les convictions ou les réticences des acteurs qui ont participé à l’émergence du concept ont joué un rôle dans ce processus de maturation, et il a souvent été dit que les convictions religieuses de Lemaître l’avaient aidé à proposer le modèle du Big Bang, bien que ceci ne repose pas sur des preuves tangibles. Notons à l’inverse que l’idée que tout l’univers eût pu avoir été créé à un instant donné paraissait à Fred Hoyle bien plus critiquable que son hypothèse de création lente mais continue de matière dans la théorie de l’état stationnaire, ce qui est sans doute à l’origine de son rejet du Big Bang. De nombreux autres exemples de réticences sont connus chez des personnalités du monde scientifique, en particulier :

  • Hannes Alfvén, prix Nobel de physique 1970 pour ses travaux sur la physique des plasmas, qui rejeta en bloc le Big Bang, préférant lui proposer sa propre théorie, l’univers plasma, basée sur une prééminence des phénomènes électromagnétiques sur les phénomènes gravitationnels à grande échelle, théorie aujourd’hui totalement abandonnée ;
  • Edward Milne, qui proposa des cosmologies newtoniennes, et fut d’ailleurs le premier à le faire (quoiqu’après la découverte de la relativité générale), dans lesquelles l’expansion était interprétée comme des mouvements de galaxies dans un espace statique et minkowskien (voir univers de Milne) ;
  • De façon plus posée, Arno Allan Penzias et Robert Woodrow Wilson qui reçurent le prix Nobel de physique pour leur découverte du fond diffus cosmologique, apportant ainsi la preuve décisive du Big Bang, ont reconnu qu’ils étaient adeptes de la théorie de l’état stationnaire. Wilson déclara notamment ne pas avoir eu la certitude de la pertinence de l’interprétation cosmologique de leur découverte :
« Arno et moi, bien sûr, étions très heureux d’avoir une réponse de quelque nature que ce soit à notre problème. Toute explication raisonnable nous aurait satisfait. […] Nous nous étions habitués à l’idée d’une cosmologie de l’état stationnaire. […] Philosophiquement, j’aimais la cosmologie de l’état stationnaire. Aussi ai-je pensé que nous devions rapporter notre résultat comme une simple mesure : au moins la mesure pourrait rester vraie après que la cosmologie derrière s’avèrerait fausse. »

Même aujourd’hui, et malgré ses succès indéniables, le Big Bang rencontre encore une très faible opposition de la part d’une partie du monde scientifique, y compris chez certains astronomes. Parmi ceux-ci figurent ses opposants historiques comme Geoffrey Burbidge, Fred Hoyle et Jayant Narlikar, qui après avoir finalement abandonné la théorie de l’état stationnaire, en ont proposé une version modifiée, toujours basée sur la création de matière, mais avec une succession de phases d’expansion et de recontraction, la théorie de l’état quasi-stationnaire, n’ayant pas rencontré de succès probant en raison de leur incapacité à faire des prédictions précises et compatibles avec les données observationnelles actuelles, notamment celles du fond diffus cosmologique. Une des critiques récurrentes du Big Bang porte sur l’éventuelle incohérence entre l’âge de l’univers, plus jeune que celui d’objets lointains, comme cela a été le cas pour les galaxies Abell 1835 IR1916 et HUDF-JD2, mais la plupart du temps, ces problèmes d’âge résultent surtout de mauvaises estimations de l’âge de ces objets (voir les articles correspondants), ainsi qu’une sous-estimation des barres d’erreur correspondantes.

Dans le monde francophone, Jean-Claude Pecker, membre de l’académie des sciences, Jean-Marc Bonnet Bidaud, astrophysicien au Commissariat à l’énergie atomique émettent des critiques sur le Big Bang. Christian Magnan, chercheur au Groupe de Recherches en Astronomie (GRAAL) de l'Université de Montpellier continue à défendre fermement la réalité du Big Bang mais se montre néanmoins insatisfait du modèle standard de la cosmologie. Il critique notamment ce qu’il décrit comme « la soumission inconditionnelle au modèle d’univers homogène et isotrope » (c’est-à-dire satisfaisant au Principe cosmologique) qui conduit selon lui à des difficultés. La plupart de ces critiques ne sont cependant pas étayées par des éléments scientifiques concrets, et ces personnes ne comptent pas de publications sur le sujet dans des revues scientifiques à comité de lecture. Il n’en demeure pas moins que la presse scientifique grand public se fait souvent l’écho de telles positions marginales, offrant parfois une vision faussée du domaine à ses lecteurs.

Statut actuel

Les progrès observationnels constants dans le domaine de la cosmologie observationnelle donnent une assise unanimement considérée comme définitive au Big Bang, du moins parmi les chercheurs travaillant dans le domaine. Il n’existe d’autre part aucun modèle concurrent sérieux au Big Bang. Le seul qui ait jamais existé, la théorie de l’état stationnaire, est aujourd’hui complètement marginal du fait de son incapacité à expliquer les observations élémentaires du fond diffus cosmologique, de l’abondance des éléments légers et surtout de l’évolution des galaxies. Ses auteurs se sont d’ailleurs finalement résignés à en proposer au début des années 1990 une version significativement différente, la théorie de l’état quasi-stationnaire, qui comme son nom ne l’indique pas comporte un cycle de phases denses et chaudes, lors desquelles les conditions sont essentiellement semblables à celles du Big Bang.

Il n’existe désormais pas d’argument théorique sérieux pour remettre en cause le Big Bang. Celui-ci est en effet une conséquence relativement générique de la théorie de la relativité générale qui n’a à l’heure actuelle (2009) pas été mise en défaut par les observations. Remettre en cause le Big Bang nécessiterait donc soit de rejeter la relativité générale (malgré l’absence d’éléments observationnels allant dans ce sens), soit de supposer des propriétés extrêmement exotiques d’une ou plusieurs formes de matière. Même dans ce cas il semble impossible de nier que la nucléosynthèse primordiale ait eu lieu, ce qui implique que l’univers soit passé par une phase un milliard de fois plus chaude et un milliard de milliards de milliards de fois plus dense qu’aujourd’hui. De telles conditions rendent le terme de Big Bang légitime pour parler de cette époque dense et chaude. De plus, les seuls modèles réalistes permettant de rendre compte de la présence des grandes structures dans l’univers supposent que celui-ci a connu une phase dont les températures étaient entre 1026 et 1029 fois plus élevées qu’aujourd’hui.

Ceci étant, il arrive que la presse scientifique grand public se fasse parfois l’écho de telles positions marginales. Il est par contre faux de dire que l’intégralité du scénario décrivant cette phase dense et chaude est comprise. Plusieurs époques ou phénomènes en sont encore mal connus, comme en particulier celle de la baryogénèse, qui a vu se produire un léger excès de matière par rapport à l’antimatière avant la disparition de cette dernière, ainsi que les détails de la fin de la phase d’inflation (si celle-ci a effectivement eu lieu), en particulier le préchauffage et le réchauffage : si les modèles de Big Bang sont en constante évolution, le concept général est en revanche très difficilement discutable.

Pie XII et le Big Bang

L’illustration la plus révélatrice sans doute des réactions suscitées par l’invention du Big Bang est celle du pape Pie XII. Celui-ci, dans un discours resté célèbre très explicitement intitulé Les preuves de l’existence de Dieu à la lumière de la science actuelle de la nature, fait le point sur les dernières découvertes en astrophysique, physique nucléaire et cosmologie, faisant d’ailleurs preuve d’une connaissance aiguë de la science de son temps. Il ne mentionne aucunement la théorie de l’état stationnaire, mais tire de l’observation de l’expansion et de la cohérence entre âge estimé de l’univers et autres méthodes de datation la preuve de la création du monde :

« […] Avec le même regard limpide et critique dont, il [l’esprit éclairé et enrichi par les connaissances scientifiques] examine et juge les faits, il y entrevoit et reconnaît l’œuvre de la Toute-Puissance créatrice, dont la vérité, suscitée par le puissant « Fiat » prononcé il y a des milliards d’années par l’Esprit créateur, s’est déployée dans l’univers […]. Il semble, en vérité, que la science d’aujourd’hui, remontant d’un trait des millions de siècles, ait réussi à se faire témoin de ce « Fiat Lux » initial, de cet instant où surgit du néant avec la matière, un océan de lumière et de radiations, tandis que les particules des éléments chimiques se séparaient et s’assemblaient en millions de galaxies. »

Il conclut son texte en affirmant :

« Ainsi, création dans le temps ; et pour cela, un Créateur ; et par conséquent, Dieu ! Le voici, donc — encore qu’implicite et imparfait — le mot que Nous demandions à la science et que la présente génération attend d’elle. […] »

N’approuvant pas une telle interprétation de découvertes scientifiques, Lemaître demanda audience à Pie XII, lui faisant part de son point de vue que science et foi ne devaient pas être mêlées. Il est souvent dit que Pie XII se rétracta de ce premier commentaire lors d’un discours prononcé l’année suivante, devant un auditoire d’astronomes. Sans parler de rétractation, Pie XII n’évoque plus la création de l’univers, mais invite les astronomes à « acquérir un perfectionnement plus profond de l’image astronomique de l’univers ».

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