Ziggourat - Définition

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Les fonctions des ziggurats

Une construction monumentale

Par leur masse et leur aspect spectaculaire, et les moyens mis en œuvre pour les édifier et les préserver, les ziggurats sont parmi les monuments les plus importants construits par les Anciens mésopotamiens. Leur construction est une tâche prise en charge par les souverains, qui mettent leur administration et leur main-d'œuvre en action pour cela. Comme pour les palais, les grands temples et les murailles des cités, les constructions des ziggurats sont décrites dans des inscriptions de construction, qui mettent bien en avant leur aspect monumental et l'importance symbolique que leur édification revêtait pour les rois et leur prestige personnel. Les noms de certaines ziggurats mettent d'ailleurs en avant le respect qu'inspirait ces édifices ou leur aspect spectaculaire : la « Maison au fondement imposant » () à Ur ou la « Maison-montagne de l'univers » () à Assur. Les ziggurats ont également marqué les témoins extérieurs à la civilisation mésopotamienne, notamment celle de Babylone, que des auteurs grecs ont décrite et qui a tellement marqué les juifs déportés en Babylonie qu'elle leur a inspiré le mythe de la Tour de Babel.

Il a été tenté d'évaluer ce que demandait la construction de tels édifices. M. Sauvage a estimé la quantité de briques nécessaires à la construction du premier étage de la ziggurat d'Ur à plus de 7 millions (crues et cuites). Selon lui, la construction de cet étage aurait dû demander près de 95 000 journées de travail pour le maçonnage des briques, et 50 000 journées de travail pour les autres tâches, soit respectivement 95 et 50 jours si on employait 1 000 ouvriers, nombre attesté dans le cas de la construction d'un temple à la même période. Un texte d'époque néo-babylonienne nous apprend que plus de 8 500 personnes ont été employées à la construction de la ziggurat de Sippar, ce qui est considérable. Pour la même époque, J. Vicari évalue que la ziggurat de Babylone comprend 36 millions de briques (mais cela dépend de la dimension qu'on lui attribue), pouvant être mis en œuvre selon lui par 1 200 hommes en 1 250 jours, calcul théorique dans la mesure où cet édifice est en fait une extension d'une ziggurat antérieure plus petite et n'a donc pas nécessité un tel travail ; tandis que M. Sauvage a estimé qu'il aurait fallu environ 330 jours de travaux à 1 500 ouvriers (dont un bon millier de maçons) pour la construire, sans prendre en compte les autres matériaux (bois, roseaux) et l'intendance.

Il est probable que les administrateurs en charge de ces chantiers aient ajusté le personnel mobilisé en fonction du temps prévu pour la construction et de leurs moyens. Ils n'avaient pas besoin d'un personnel spécialisé pour préparer les briques. Les ouvriers n'étaient sans doute pas mobilisables toute l'année, en raison des obligations des travaux agricoles, de l'entretien d'autres constructions publiques comme les canaux, etc., ce qui rend difficile l'estimation du temps nécessaire à la construction ou la restauration d'une ziggurat, sans oublier d'éventuels imprévus. Un autre problème était de trouver le personnel spécialisé, les maîtres-maçons, qui pouvaient avoir des compétences très vastes et étaient donc indispensables au chantier. On ne sait en revanche rien des architectes ayant conçu et supervisé la construction de ces édifices, le souverain se présentant systématiquement comme le concepteur de ceux-ci.

Au final, la construction d'une ziggurat ne représente pas une charge de travail considérable, et pas forcément beaucoup plus qu'un autre monument, vu qu'un grand temple demandait environ 20 millions de briques (sans compter ses dépendances). Un palais royal ou une muraille demandaient beaucoup plus de moyens.

Un temple surélevé

Depuis les premières explorations et fouilles de ziggurats en Mésopotamie, des spéculations ont été faites quant à leur fonction. Par exemple, Victor Place et d'autres observateurs du XIXe siècle ont voulu voir dans les ziggurats un observatoire d'astronomes. Elles ont certes pu servir à mieux voir le ciel, et à s'en rapprocher pour des rituels (voir plus bas), mais ce n'est pas leur fonction principale. Tout indique en effet que les ziggurats sont des édifices à fonction religieuse. Elles sont situées dans un espace sacré, sont dédiées à une divinité, et portent un nom sumérien comme les autres temples mésopotamiens, débutant par le terme , signifiant « maison », car un temple est considéré comme étant la résidence d'une divinité. Ces noms peuvent également servir pour rechercher la symbolique des ziggurats, mais le problème est qu'ils sont très divers et peuvent nous orienter dans plusieurs directions, même si des recoupements sont possibles et très évocateurs comme il sera vu plus bas.

Plusieurs interprétations ont été faites quant à leur fonction religieuse. On a voulu y voir une construction funéraire (Hommel), ou bien un symbole de l'univers ou de la terre en miniature (Rawlinson, Jensen, Lagrange), ou encore un trône divin (Lethaby, Dombart). Les ziggurats ont également été comprises comme des reproductions symboliques de montagnes, qui auraient eu une signification religieuse. L'architecte et archéologue allemand W. Andrae a proposé une autre interprétation, qui voit dans la ziggurat un édifice destiné à porter un sanctuaire surélevé (Hochtempel) lié à un sanctuaire situé à proximité au niveau du sol (Tieftempel). Selon lui, le temple haut est la résidence terrestre habituelle de la divinité, qui peut descendre rejoindre son temple bas à l'occasion. Cette théorie a été critiquée, car dans certains cas il n'y a pas de temple bas répondant au temple haut de la ziggurat (Nippur, Ur). Le fait de surélever la ziggurat peut néanmoins servir à placer le temple de la divinité principale au-dessus des autres temples de la ville.

Un lien entre le Ciel et la Terre

La théorie de W. Andrae a été prolongée par A. Parrot, qui a émis l'hypothèse selon laquelle la ziggurat est un édifice permettant à la divinité de descendre du Ciel vers la Terre, plutôt qu'un moyen pour les hommes de s'élever vers le Ciel. Quoi qu'il en soit, les interprétations ultérieures ont mis en avant le rôle de la ziggurat en tant que lien entre le Ciel et la Terre. Cela se retrouve notamment dans les noms de certaines ziggurats : celle de Babylone, « Maison-fondement du Ciel et de la Terre » (), celle de Nippur, « Maison-lien du Ciel et de la Terre » (), ou encore celle de Sippar, « Maison-escalier pour le Ciel pur » (). Une inscription du roi Nabuchodonosor relative à la construction de la première proclame ainsi : « Alors je m'appliquai à élever Etemenanki, pour faire rivaliser son sommet avec le ciel. » On constatera également que la Genèse raconte que les constructeurs de la Tour de Babel voulaient que son « sommet touche au ciel ».

D'après la conception mésopotamienne du Monde, celui-ci était constitué du Ciel (), et de l'ensemble constitué de la Terre et du Monde inférieur (), qui auraient été séparés au début des Temps selon une tradition cosmogonique. Le Ciel était le lieu de résidence des divinités principales du panthéon mésopotamien, les Anunnaki, alors que le Monde inférieur est l'équivalent des Enfers. Entre les deux se trouve la surface terrestre, où vivent les humains. La ziggurat pourrait donc symboliser une sorte de lien entre les deux grandes parties constituant le Monde, voire un passage de l'un vers l'autre comme l'indique le nom de la ziggurat de Sippar. La ziggurat de Babylone pourrait en plus avoir la fonction particulière de symboliser ce qui était considéré comme le centre du Monde, le lieu où le dieu Marduk a créé l'Univers d'après l'Épopée de la Création babylonienne (Enuma Eliš).

Quels rituels avaient lieu dans les ziggurats ?

Si la ziggurat a une fonction religieuse, quels sont alors les rituels qui ont pu y avoir lieu ? Des informations proviennent d'abord de la ziggurat de Babylone. On sait d'après la Tablette de l'Esagil que le temple haut abritait les statues de plusieurs divinités : Marduk, Nabû et sa parèdre Tashmetu, Ea, Nusku, Anu et Enlil. En face de la cella de Marduk se trouvait une chambre comprenant son lit et son trône. Tout cela nécessitait le même entretien quotidien que les temples ordinaires, à savoir des offrandes alimentaires, vestimentaires et autres aux statues symbolisant la présence divine dans le sanctuaire. En tout état de cause, il paraît légitime de supposer que des rituels similaires à ceux qui se déroulaient dans le temple bas (l'Esagil) pouvaient être transposés dans le temple haut d'Etemenanki, même si aucun texte ne mentionne le déroulement de rituels quotidiens ou courants dans le temple de la ziggurat. Les textes évoquent plutôt des rituels exceptionnels, comme le déroulement d'un rituel de type Mariage sacré dans le lit de ce temple, entre Marduk et sa parèdre représentés par leurs statues cultuelles. On trouve une même idée dans Hérodote, qui dit que la chambre divine voyait lors d'un rituel l'union entre le dieu et une femme du pays. D'autres textes fragmentaires évoquent des rituels pouvant se dérouler dans le temple haut de la même ziggurat. Les représentations artistiques de ziggurats ne permettent pas d'en savoir plus. On serait tenté de voir dans les escaliers des ziggurats des chemins pour faire des processions, mais aucun document sur des rituels ne vient appuyer cela. La ziggurat de Babylone n'est jamais mentionnée comme lieu de passage lors de la fête religieuse de l'akītu qui a lieu lors du Nouvel An, alors que de nombreux temples de la ville sont visités à cette occasion.

Deux documents mésopotamiens indiquent plus explicitement qu'une ziggurat a servi de lieu de déroulement de rituels spécifiques. Il s'agit de tablettes de la période séleucide, donc très tardives, provenant d'Uruk, et décrivant des rituels similaires, se déroulant sur le toit du temple au sommet de la ziggurat du dieu Anu. Un d'eux a lieu durant la nuit, et est apparemment destiné à assurer la pérennité de la lumière dans un feu sacré, en lien avec des astres divins. Lors qu'apparaissent les étoiles du dieu Anu et de sa parèdre Antu on entonne des chants, puis on effectue des sacrifices en leur honneur avant d'allumer une torche transportant un feu sacré, à laquelle on a effectué un « lavage de bouche », rituel consistant à insuffler de la vie dans des objets sacrés. Elle est ensuite portée en d'autres endroits du sanctuaire, avant d'être éteinte dans la cour principale du temple, à la suite de quoi les autorités et habitants d'Uruk allument à leur tour des torches en divers points de la ville et à ses portes jusqu'à la fin de la nuit. Dans ces cas, ce serait donc seulement la hauteur de la ziggurat qui en fait le lieu idéal pour une partie de ce rituel lié à des astres divinisés, dont on cherche peut-être à capter la lumière sacrée, et on ne fait rien dans le temple supérieur de l'édifice. Au final, il est frappant de constater que parmi les nombreux textes de rituels et de fêtes religieuses dont nous disposons, seul un petit nombre indique explicitement que des rituels se soient déroulés dans le temple haut de la ziggurat, alors que cet édifice paraît majeur dans le paysage religieux des grandes villes mésopotamiennes.

Maquette du sit-šamši, XIIe siècle, Musée du Louvre.

La documentation élamite relative aux ziggurats fournit aussi des indices, au moins sur l'existence d'un rituel ayant lieu dans l'espace sacré entourant celle de Chogha Zanbil. Les fouilleurs du site ont dégagé au pied d'un des côtés de l'édifice un espace cultuel, où se trouvaient 14 tables interprétées comme étant des autels à sacrifices, en face d'un podium ayant pu servir à porter le trône royal, et d'un bassin à ablutions. Cela resterait très obscur, si on ne pouvait le mettre en relation avec une œuvre élamite retrouvée à Suse et datée du siècle suivant, la représentation miniature d'un rituel du « lever du soleil » (sit šamši). Deux prêtres effectuent un rituel entre deux édifices, qui pourraient bien être un autel à degrés et une ziggurat (ou bien un second autel à degrés), et à proximité d'un bassin à ablutions. Si l'on s'en tient à son nom, ce rituel aurait lieu à l'aube. Or l'espace cultuel de Chogha Zanbil est justement situé sur le côté du soleil levant. Mais en l'absence d'informations plus précises, cette reconstitution reste très hypothétique.

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