Valérian et Laureline - Définition

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Analyse critique

L'équipe qui est à l'origine des histoires de Valérian et Laureline est restreinte en nombre : un dessinateur, sa sœur et un ami d'enfance. Quelquefois ils s'adjoignent, en fonction des circonstances, des collaborations extérieures. Leurs inspirations, leurs styles, leur ont permis de produire un travail reconnu et récompensé.

Auteurs

Les auteurs de Valérian et Laureline lors d'une séance de dédicaces pendant le festival BD des Grandes Écoles à l'École normale de Paris le 28 février 2009.

Cette série est née grâce à la rencontre et à la collaboration de deux amis d'enfance.

  • Jean-Claude Mézières : dessinateur et illustrateur, il crée pour Pilote, avec Pierre Christin, la série Valérian et Laureline. Cette série est la seule de ce dessinateur éclectique dont la production est surtout abondante en dehors de la bande dessinée.
  • Pierre Christin : scénariste, ami d’enfance de Jean-Claude Mézières, il crée avec lui la série Valérian et Laureline pour Pilote. Ce scénariste prolifique a notamment collaboré avec Enki Bilal, Annie Goetzinger, André Juillard et Jacques Tardi. Il est aussi professeur d'université honoraire et romancier.
  • Évelyne Tranlé : coloriste, elle est la sœur de Jean-Claude Mézières et a mis en couleurs les aventures de Valérian et Laureline dans Pilote à partir de celle intitulée Terres en flammes, ainsi que tous les albums de la série sauf Les Oiseaux du Maître. Elle n'est toutefois créditée de son travail qu'à partir de l'album L'Empire des mille planètes. Évelyne Tranlé est aussi la coloriste d'autres grands noms de la bande dessinée comme Cabu, Fred, Jean Giraud, Gérard Lauzier et Albert Uderzo.

Collaborateurs

Mise à part la collaboration de Stan Barets pour les Intégrales, Jean-Claude Mézières a fait appel, occasionnellement pour certaines de ses histoires, à des collaborateurs pour l'aider dans la réalisation graphique.

  • Stan Barets : écrivain, spécialiste français de la littérature de science-fiction, il rédige un livret de présentation et d'analyse des auteurs, de la série et de chacun des albums présentés en introduction de chacun des volumes de l'Intégrale.
  • Geneviève Calame : compositrice, pianiste, illustratrice et infographiste suisse, elle réalise 3 cases incorporées dans Les Héros de l'équinoxe.
  • Rózsa Futó : maquettiste hongroise, elle a réalisé la maquette et des illustrations techniques de l’Atlas cosmique de Valérian et Laureline, Les Habitants du ciel.
  • Jeanette Goffard : coloriste. Évelyne Tranlé étant alors surchargée de travail, elle se voit confier par Mézières la mise en couleurs de l’aventure Les Oiseaux du Maître.
  • Guillaume Ivernel : infographiste, il réalise quatre cases incorporées aux planches de Par des temps incertains.
  • Marc Tatou : vidéographiste, il réalise 2 cases incorporées aux planches des Cercles du pouvoir.
  • Jérémy Tranlé : fils d'Évelyne Tranlé, il collabore à l’Atlas cosmique de Valérian et Laureline, Les Habitants du ciel, et réalise aussi des illustrations techniques.
  • Éric Wenger : infographiste, il réalise 5 cases incorporées aux planches de Sur les frontières.

Inspiration et références

Toutes les aventures de Valérian et Laureline sont des références constantes à la culture de la science-fiction. Pour le lecteur attentif, il est possible de reconnaître dans l'écriture ou dans le dessin les sources d'inspiration des auteurs de la série. Pourtant Mézières déclare qu'il arrête de lire de la science-fiction dès qu'il commence à produire Valérian : « la science-fiction était devenue mon territoire, je ne voulais pas aller grappiller des idées chez les autres. » Il reste que la machine à voyager dans le temps, c'est H. G. Wells, l'idée même d'agents spatio-temporels c'est Poul Anderson et sa Patrouille du temps, les pouvoirs des Alflololiens semblent venir des Plus qu'humains de Theodore Sturgeon et l'ambiance du Monde d'Azur de Jack Vance, enfin une partie du bestiaire de la série pourrait sortir tout droit de La Faune de l'espace d'Alfred E. van Vogt. Tous ces éléments et d'autres encore, sont le signe d'une inspiration voulue et assumée, venue des auteurs de pulp magazines de science-fiction. « L'œuvre de Jean-Claude Mézières et de Pierre Christin constitue aujourd'hui l'une des deux voies royales vers une initiation à la science-fiction, l'autre étant celle des anthologies. »

La scène du Déjeuner des canotiers de Renoir est reprise dans Sur les terres truquées.

Souvent, plus que d'inspiration, il faudrait parler de références ou encore d'hommages ou de clins d'œil de deux maîtres de la bande dessinée à d'autres artistes maîtres de leur art :

  • à la littérature, le nom de Valérian est l'adaptation de celui de Valéran, prince des ténèbres, héros du livre de Nathalie et Charles Henneberg, le dernier publié dans la collection Le Rayon Fantastique, le nom de Syrte-la-Magnifique dans L'Empire des mille planètes vient du Rivage des Syrtes de Julien Gracq, les noms des personnages du Pays sans étoile sont inspirés de Jorge Luis Borges et la planète creuse vient du Matin des Magiciens de Louis Pauwels et Jacques Bergier ;
  • à la peinture, Mézières nous donne son interprétation du Déjeuner des canotiers ou de La Grenouillère d'Auguste Renoir, Sur les terres truquées ou dans L'Ordre des Pierres où l'on retrouve aussi un dripping à la mode de Jackson Pollock, Par des temps incertains un faux dieu qui a tout d'Orson Welles se prend pour celui de la Chapelle Sixtine et une nature morte de Willem Claeszoon Heda apparaît dans Les Héros de l'équinoxe ;
  • à la sculpture, avec le discobole de Myron dans Les Armes vivantes ;
  • au cinéma, avec Fred Astaire toujours dans Les Armes vivantes ou le personnage de Jerry Lewis dans Docteur Jerry et Mister Love qui devient Schroeder, le savant de La Cité des eaux mouvantes et de Par des temps incertains. Si la station spatiale de La Cité des eaux mouvantes a cette allure de grande roue et les Wolochs de L'Ordre des Pierres celle de grandes pierres énigmatiques, c'est bien parce que Mézières et Christin signent de cette façon leur admiration pour Stanley Kubrick et 2001: L'Odyssée de l'espace, tout comme la couverture de l'intégrale 3 comporte un clin d'œil à E.T. de Steven Spielberg ;
  • à la musique, avec Sun Rae, dans La Cité des eaux mouvantes, qui porte le nom à peine adapté de Sun Ra, pianiste de jazz (comme Christin lui-même) qui prêchait la « philosophie cosmique » ;
  • et bien entendu à la bande dessinée, Molto Cortes de L'Ordre des Pierres est un hommage au héros de Hugo Pratt comme Blake et Mortimer Sur les terres truquées à ceux d'Edgar P. Jacobs, l'orage de glace de L'Empire des mille planètes est une référence à Little Nemo in Slumberland de Winsor McCay, les portraits des Spectres d'Inverloch sortent tout droit de la Partie de chasse d'Enki Bilal et un clin d'œil à leur copain Jean Giraud se trouve dans Les Héros de l'équinoxe avec Arzach, un des personnages créés par Moebius.
Le Kon-Tiki a inspiré le bateau de Bienvenue sur Alflolol.

Parfois l'inspiration est moins évidente : si Mézières ne l'avait pas révélé, nous ne saurions pas que le physique de Valérian est inspiré d'une série de photos d'Hugues Aufray tirées du magazine Salut les copains, ni que Ky-Gaï d'Au bord du Grand Rien ressemble étrangement à l'une de ses petites nièces. Il est plus facile de reconnaître dans le bateau de Bienvenue sur Alflolol une réminiscence du Kon-Tiki qui remonte aux neuf ans de Mézières, ou dans Métro Châtelet direction Cassiopée sous les traits de Chatelard un portrait de Gaston Bachelard, et il est transparent que le scientifique de l'expédition de L'Ordre des Pierres se nomme Chal' Darouine.

Analyse stylistique et graphique

À la différence de Jean-Claude Mézières, Pierre Christin et Évelyne Tranlé travaillent très régulièrement pour d'autres créateurs. Ils sont appréciés, entre autres, pour savoir adapter leur style en conséquence. Les styles analysés ici sont ceux qu'ils utilisent dans le cadre de cette série uniquement.

Scénario

Une aventure de Valérian et Laureline prend son origine dans des discussions entre copains. Ensuite Pierre Christin écrit un premier jet de dialogues, pour étalonner l'épisode sur la base de quinze cases par double planche. Jean-Claude Mézières et lui discutent de l'histoire et Christin se lance dans l'écriture du scénario, au découpage généralement classique. C'est à Mézières de créer l'effet temporel propre à la scène, parfois au moyen de « plans séquences avec des incrustations d'images instantanées. » Le dessin est généralement commencé avant l'écriture complète du scénario, car Christin n'envisage jamais toute l'histoire. « Plus l'histoire devient sophistiquée plus des éléments imprévus s'ajoutent à cette trame : des trouvailles de dessin et des idées qui démultiplient les possibilités. » Mézières n'intervient jamais sur le scénario global mais il fait des propositions pour certaines scènes. « Nous avons une règle simple, déclare le dessinateur, Christin n'a pas le droit de dessiner des moustaches à mes personnages et je n'ai pas le droit d'enlever ou d'ajouter une virgule à ses textes sans son approbation. » Cela ne l'empêche pas de demander continuellement des retouches du scénario qui font perdre d'autant plus de temps que, selon Christin, en fin de compte ils en reviennent très souvent à sa proposition initiale, même si Mézières a du mal à en convenir. Tous les dessinateurs qui travaillent avec Christin disent que c'est un scénariste qui sait prendre en compte leur univers et leur proposer un scénario qui va les pousser à donner le meilleur d'eux-mêmes. Par ailleurs, Christin est personnellement très perméable à l'actualité et, comme il le fait remarquer, tous les évènements marquants de l'actualité se retrouvent d'une façon ou d'une autre dans la série.

Mézières décrit ainsi l'écriture de son ami d'enfance : « Pierre faisait des études brillantes, c'était le bon élève de la bande, mais, s'il était attiré par les études littéraires, c'est sur le fait divers qu'il a basé sa thèse de doctorat. Il a toujours aimé la littérature populaire... c'est donc normal qu'il soit devenu auteur de bandes dessinées. » « Pierre a toujours « reniflé » l'époque un peu en avance. Aucun des modèles utilisés ne sort indemne de son écriture car son texte à l'humour acide est dévastateur. » Cela tient peut-être à l'influence de René Goscinny, l'un des deux scénaristes, avec Jean-Michel Charlier, qui ont montré à Christin les techniques spécifiques du scénario de bande dessinée.

Enfin Christin avoue travailler beaucoup les titres, qu'il juge très importants au point d'avoir écrit des livres pour le pur plaisir du titre.

Dessin

Les premières aventures dessinées par Jean-Claude Mézières étaient dans le style de Mad, sa seule référence déclarée à la bande dessinée américaine, mâtinées de Franquin avec des influences de Jijé, Morris et Jean Giraud. À l'origine Mézières « faisait de la ligne claire », actuellement son graphisme « a toujours ce vieux fond, mais en le maîtrisant mieux, le côté comique n'est plus un poids mais un avantage. » « La conception de chaque planche est toujours très claire, la construction est simple ce qui donne un résultat d'une grande lisibilité sans sophistication inutile. » Comme il l'indique lui-même, « je fais toujours des crobards pour quatre ou cinq pages, c'est griffonné sur des petites feuilles, mais c'est primordial, je me fais une mini mise en page en partant du scénario de Christin, pour trouver le rythme qui convient le mieux. Je respecte l'histoire et les dialogues mais pas tout le découpage que mon scénariste me donne [...]. Je me fais donc ma mise en page préparatoire de manière à ce que ça coule, qu'il y ait les grandes images nécessaires, les points forts, que ce soit lisible facilement. Quand je cherche un dessin, c'est moins pour son graphisme que pour sa limpidité à la lecture. » En fait Mézières aime accompagner son lecteur tout au long d'une histoire, avec un dessin permettant une lecture la plus linéaire possible et une mise en page structurée par les exigences du scénario. À partir des crayonnés longtemps travaillés, il réalise ses planches en noir et blanc en utilisant la plume et le pinceau. « Aujourd'hui une planche de Valérian me prend une semaine », déclare Mézières et « plus je noircis mes planches plus mon dessin est réaliste ». Il lui arrive de redessiner complètement une case en découpant celle-ci dans la feuille et en recollant une « rustine » mais jamais il n'utilise la table lumineuse car, selon lui, reproduire un dessin de cette façon c'est avoir la certitude de le déformer et de perdre la spontanéité (même si elle est très travaillée) de son trait. Il n'a pas « un dessin fulgurant [...] par contre, il est toujours cadré dans le sens du récit. »

Et Pierre Christin de préciser sur le mode humoristique : « on peut soutenir que son style se situe plutôt à l'arrière-garde de cette avant-garde qui a révolutionné la bande dessinée dans les années 1960-1970 : des innovations nombreuses, certes, mais dans le strict respect de la tradition [...] on peut même avancer que ce dessin appartient au domaine de l'évidence incontournable : cadrage précis, refus du détail inutile, dépouillement ornemental volontaire, tout concourt à en faire l'archétype du dessin simple, trop simple peut-être au goût de ceux qu'éblouissent toujours les maniérismes passagers. Et pourtant... Que de virtuosité technique dans ce graphisme épuré à mille lieues de toute naïveté. »

Couleur

C'est Évelyne Tranlé qui assure la mise en couleur sur « bleu ». Mézières indique l'origine des sources de lumière et les tonalités des ambiances puis lui laisse une grande liberté pour harmoniser les couleurs. « Là, j'ai la chance de travailler avec la meilleure coloriste de la place et, en plus, c'est ma sœur ! » Il arrive de plus en plus à Mézières de réaliser quelques planches à la gouache en couleurs directes comme dans les derniers opus de la série. Il y a pour la mise en couleur de Valérian et Laureline un code graphique, par exemple les arbres ne sont pas verts et les cieux jamais bleus, c'est sur Terre qu'ils sont ainsi, pas dans le reste de l'Univers.

Récompenses

La série Valérian et Laureline, comme ses auteurs, ont été plusieurs fois récompensés dans des salons ou des manifestations françaises et étrangères. C'est la bande dessinée de science-fiction la plus distinguée (quatre fois honorés à Angoulême).

1970, prix Phénix, catégorie science-fiction pour Valérian Agent spatio-temporel ;
1972, Grand prix du syndicat des dessinateurs de presse pour Valérian Agent spatio-temporel ;
1976, 3e Salon international de la Bande Dessinée du Festival d'Angoulême, Alfred du meilleur scénariste français à Pierre Christin ;
1984, 11e Salon International de la Bande Dessinée du Festival d'Angoulême, Grand Prix de la Ville à Jean-Claude Mézières ;
1987, European Science Fiction Society, Special Award pour Valérian Agent spatio-temporel ;
1992, 19e Salon International de la Bande Dessinée du Festival d'Angoulême, Alph'Art jeunesse mention spéciale du jury pour Les Habitants du ciel ;
1995, Salón Internacional del Cómic del Principado de Asturias, Premios Haxtur pour El Circulo del Poder (Les Cercles du pouvoir) ;
1997, 24e Salon international de la Bande Dessinée du Festival d'Angoulême, prix Tournesol pour Otages de l'Ultralum ;
2005, Harvey Award, nominé pour Special Award for Excellence in Presentation pour Valerian, New Future Trilogy ;
2006, The Inkpot Award for Outstanding Achievement in Comic Arts, Comic-Con International ;
2007, Salon de la bande dessinée de Vaison-la-Romaine, les Lauriers d'Hadrien d'or à Pierre Christin, Jean-Claude Mézières et Évelyne Tranlé.

Cette liste est loin d'être exhaustive.

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