Valérian et Laureline - Définition

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Thématique

« Valérian (et Laureline, bien sûr), c'est la surprise permanente, la diversité, la richesse thématique et visuelle. » La bande dessinée se voulait simple, un héros voyageant dans le temps, mais assez rapidement, elle se développe et parcourt des thèmes qui par leur nombre et leur variété en font une série originale et en continuel renouvellement. De l'aveu de ses auteurs, « chaque nouvel album peut nous conduire absolument où nous voulons », la science-fiction étant conçue par eux comme « un moyen formidable de « surchauffer » le réel. » Le thème qui traverse toute la série, avec celui des voyages spatio-temporels, est la manipulation du temps. Une autre de ses caractéristiques est la référence subtile à des situations sociales, économiques, politiques et même écologiques avant l'heure, « sans pour autant transformer les histoires en discours militants. » Dans la préface du catalogue de l'exposition qui a suivi à Angoulême la remise du Grand Prix de la Ville, Jack Lang, alors ministre de la culture, écrit : « Valérian et Laureline, transportés dans un futur technologique qui assure confort et progrès, s'affrontent toujours dans leurs pérégrinations à des tyrans ou des dictateurs, à des sociétés où règnent conflits et injustice qui sont l'image de notre propre réalité. Et ce faisant, on peut découvrir à travers l'itinéraire de nos deux héros une lecture avisée de nos sociétés contemporaines [...] Mézières et Christin réussissent la gageure de ne pas inventer un univers de pure fiction, mais de nous entretenir sur un mode réellement divertissant des problèmes socio-politiques les plus critiques de notre temps. »

Voyage spatio-temporel

À l'origine de la série, une distinction forte existe entre voyages dans l'espace et voyages dans le temps. Les premiers se font grâce à des vaisseaux spatiaux de type XB 27 et les seconds, les sauts temporels, passent par l'intermédiaire de portes temporelles prépositionnées en différents lieux terrestres (auberge d'Aurelaune, New York, Brasilia, Inverloch, etc.).

Mais cela interdit par définition les voyages dans le temps dans des univers inconnus des Terriens de Galaxity, du fait de l'inexistence de portes temporelles. Dans la première histoire courte, Le Grand Collectionneur, les auteurs simplifient les voyages spatio-temporels en dotant le SST - Service Spatio-Temporel - de vaisseaux de type XB 982 autorisant les voyages spatiaux et les sauts temporels combinés. Cela permet de développer des aventures sur des planètes autres que la Terre et d'ouvrir aux auteurs les univers sans limite de leur imagination.

Manipulation de la flèche du temps

Ce qui suit dévoile des moments clés de l’intrigue.

Jusqu'au diptyque Châtelet/Brooklyn, les différents albums montrent Valérian et Laureline sillonnant l'Univers d'aventure en aventure. Mais les auteurs se laissent prendre au piège de leur imagination. Dès la seconde planche de la deuxième aventure, La Cité des eaux mouvantes, publiée en 1968, ils inventent une situation qui leur posera plus tard un vrai problème de cohérence : un dépôt de bombes à hydrogène explose en 1986 près du pôle Nord, transformant radicalement l’aspect et l’organisation de la Terre. C’est sur ces ruines, pendant l'âge noir, que naîtra Galaxity après l'invention de la machine spatio-temporelle en 2314. Les auteurs ne s’imaginaient pas en 1968 faire vivre la série pendant encore 18 ans. Mais en 1980/1981, après la parution du diptyque Châtelet/Brooklyn, un des sommets de la série, il faut bien se rendre à l’évidence : Valérian agent spatio-temporel a un succès tel qu’il n’est pas question de mettre fin à la série ou de la continuer dans l’incohérence. Aucune explosion nucléaire, malgré la catastrophe de Tchernobyl, ne va ravager la Terre en 1986. Pierre Christin, fin connaisseur de science-fiction, s’attache alors dans le diptyque suivant, publié en 1983/1985, Inverloch/Hypsis, à surmonter l’incohérence. Il n'ignore pas que c'est malheureusement au prix d’un autre problème bien connu en science-fiction, le paradoxe du grand-père. Si, en remontant dans le passé, on tue son grand-père avant qu’il n'ait procréé, on n’a donc pas de père. Si on n'a pas de père on ne peut donc pas exister et si on n’existe pas, on ne peut pas tuer son grand-père. Autrement dit, en changeant le passé, on détruit le présent et rend impossible le futur : c'est le principe de causalité du paradoxe temporel.

Dans Les Foudres d'Hypsis, venant de 3152, le Superintendant du Service Spatio-Temporel, aidé de Valérian et Laureline, empêche, en 1985, l’explosion nucléaire qui devait désorganiser la Terre l'année suivante. Ils détruisent le futur de la planète, donc rendent impossible l'émergence de Galaxity qui s’est construite sur les ruines de la période noire de celle-ci. Si Galaxity n'a pu se construire pendant l'âge noir, la machine spatio-temporelle n'a pu être inventée en 2314 et Galaxity n'existe pas en 3152. Valérian ne peut donc exister dans ce siècle, ni dans aucun autre d’ailleurs, à la différence de Laureline qui, elle, vient du XIe siècle, donc bien avant la période noire. Si Valérian ne peut exister dans aucun siècle, comment justifier la série ? Heureusement, les Shingouz négocient avec le Fils de la Trinité d’Hypsis le retour de Valérian et Laureline au XXe siècle avec leur astronef, autorisant ainsi la poursuite des voyages spatio-temporels et permettant aussi à la saga de renouer avec le parti pris du départ et la continuation de la série.

Mais le paradoxe du grand-père n'est pas résolu. Une première possibilité de solution est représentée par l'entreprise de Jal, autre agent spatio-temporel rescapé de Galaxity, qui cherche à répliquer en 1988 la catastrophe évitée en 1985. Toutefois Valérian et Laureline, avec l'aide de Monsieur Albert, font échouer cette tentative Sur les frontières. Pierre Christin n'adopte donc pas la théorie de l'autocorrection, qui veut que le temps répare le temps.

Avec la parution en 2001 de Par des temps incertains, une nouvelle négociation apporte la réponse à deux questions : il existe bien deux histoires parallèles de la Terre post-XXe siècle ; la Terre de Galaxity du XXXIIe siècle se trouverait quelque part dans un trou noir. Ainsi par des temps incertains, Schroeder et Sun Rae n'ont pas la mémoire de leurs aventures de La Cité des eaux mouvantes et de Terres en flammes, qui se sont passées dans une autre trame de temps.

Christin fait donc le choix de la théorie d'un Univers multiple ou d'univers parallèles, dits encore multivers d'Everett. C’est le thème des derniers épisodes, Au bord du Grand Rien paru en 2004, L'Ordre des Pierres en 2006 et L'OuvreTemps, paru en janvier 2010. Ce dernier album clôture la saga de Valérian et Laureline.

Fin des révélations.

Critiques sociales

Christin et Mézières conforment les aventures de Valérian et Laureline à leurs inclinations politiques, plutôt situées à gauche. « À l'époque, en 1967, la bande dessinée était foncièrement de droite, avec des grands chefs, des grands héros [...], et nous on ne savait pas ce qu'on allait faire, mais on savait qu'on n'allait pas faire ça. » Ils ne souhaitaient pas pour autant faire des histoires aussi ouvertement politiques que celles de Charlie-Hebdo. Sans être « engagée dans le sens où les écrivains de la génération précédente, par exemple Aragon ou Sartre, ont pu s'engager [...] cette série est par contre profondément engagée dans son temps, c'est-à-dire que Valérian parle et a toujours voulu parler de problèmes très contemporains » et ne s'est pas fait faute de « dénoncer la concentration du pouvoir, les oripeaux idéologiques dont elle se pare et l'illusion d'utopie qu'elle se donne pour horizon », précise Gérard Klein.

La première prise de position de Christin et Mézières est peut-être leur défense du féminisme. Laureline est une héroïne féminine qui n'a rien à envier aux héros masculins. Elle forme avec Valérian un vrai couple dans lequel l'homme ne domine pas la femme. Au moment de la création de Laureline, les vraies héroïnes de bandes dessinées étaient inexistantes ; c'est sans doute grâce à elle que des héroïnes comme Yoko Tsuno ou Natacha ont existé ensuite. Toutefois, dans Le Pays sans étoile, les auteurs présentent « une belle fable renvoyant dos à dos le machisme et le féminisme dans une ridicule guerre des sexes. » Dans Les Armes vivantes, c'est la guerre elle-même qui est tournée en ridicule sur « une planète de féodaux mal embouchés qui se livrent des guerres aussi archaïques qu'inexpiables. »

Très tôt, Christin et Mézières font preuve d'une conscience écologique. En 1971 et 1972, Bienvenue sur Alflolol est une des premières bandes dessinées traitant d'écologie, terme assez peu répandu à l'époque. Ils y posent « quelques questions essentielles à mi-chemin de la fable et de l'aventure. Jusqu'où l'industrie peut-elle mettre en péril une planète ? » Ce sont les intérêts économiques qui sont dénoncés en 1980/81 dans le diptyque Chatelet/Brooklin, ou « la nature proprement diabolique du capitalisme contemporain », et cela dès 2001, dans Par des temps incertains.

Les scénarios de Christin ont très souvent pour cadre des civilisations très hiérarchisées, mettant généralement en scène toutes les injustices de nos sociétés modernes comme dans l'Empire des mille planètes et Otages de l'Ultralum. En nous présentant les astéroïdes de Shimbalil à l'image d'une Californie des astres, dans L'Orphelin des astres, les auteurs se lancent dans une « critique sociale hilarante. » « Sous la plume de Christin, chaque humanité stellaire connaît ses classes opprimées et ses luttes. » S'y opposent souvent nature et technologie, hiérarchie et anarchie, oppression et révolution. Avec Les Oiseaux du Maître, une histoire « résolument placée sous le signe de la lutte contre l'oppression, Christin signe un de ses scénarios les plus politiques » : il y montre comment la domination des esprits permet la dictature mais aussi comment la volonté commune des dominés peut mettre fin à la domination. Dans L'Ambassadeur des Ombres, les auteurs mettent en scène, au sein d'une ONU intergalactique, l'impérialisme de Galaxity que Laureline saura déjouer en plaidant la libre détermination des peuples. Dans Les Héros de l'équinoxe, Christin profite « d'un malicieux pastiche des histoires de super héros [...] pour renvoyer dos à dos les trois grandes idéologies que sont le fascisme, le communisme et le spiritualisme. »

Christin ne considère pas Galaxity comme une cité idéale, puisque c'est la capitale d'un empire. « On n'y prêche pas que la bonne parole » et les hommes qu'il y met en scène, s'inspirant du modèle de « l'homme blanc américain » du XXe siècle, sont des personnages « pas tout blancs [qui] ont tous en réalité des motivations très sombres. » « Les extra-terrestres sont plutôt les Bantous, bref toute cette population pas toute noire qui fait peur à l'Occidental. »

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