Utopie - Définition

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Introduction

L'utopie (néologisme de l'écrivain anglais Thomas More), synthèse des mots grecs οὐ-τοπος (lieu qui n'est pas) et εὖ-τοπος (lieu de bonheur) est une représentation d'une réalité idéale et sans défaut. Cela se traduit, dans les écrits, par un régime politique idéal (qui gouvernerait parfaitement les hommes), une société parfaite (sans injustice par exemple, comme la Callipolis de Platon ou l'Eldorado de Candide) ou encore une communauté d'individus vivant heureux et en harmonie (l'abbaye de Thélème, dans Gargantua, de Rabelais, en 1534).

Devant la menace de la censure politique ou religieuse, les auteurs situent l'action dans un monde imaginaire, île inconnue par exemple (L'Île des esclaves, Marivaux, 1725), ou montagne inaccessible (la découverte de l'Eldorado, dans Candide, 1759).

Une utopie peut désigner également une réalité difficilement admissible : en ce sens, qualifier quelque chose d'utopique consiste à le disqualifier et à le considérer comme irrationnel. Cette polysémie, qui fait varier la définition du terme entre texte littéraire à vocation politique et rêve irréalisable, atteste de la lutte entre deux croyances, l'une en la possibilité de réfléchir sur le réel par la représentation fictionnelle, l'autre sur la dissociation radicale du rêve et de l'acte, de l'idéal et du réel.

Origine du terme utopie

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Voir « utopie » sur le Wiktionnaire.

Le terme d'utopiaest un néologisme grec forgé par Thomas More en 1516 pour désigner la société idéale qu'il décrit dans son œuvre (en latin) Utopia. Il est traduit en français par utopie. Ce terme est composé de la préposition négative grecque ou et du mot topos qui signifie lieu. Le sens d'utopie est donc, approximativement, « sans lieu », « qui ne se trouve nulle part ». Cependant, dans l'en-tête de l'édition de Bâle de 1518 d'Utopia, Thomas More utilise, exceptionnellement, le terme d' Eutopia pour désigner le lieu imaginaire qu'il a conçu. Ce second néologisme ne repose plus sur la négation ou mais sur le préfixe eu, que l'on retrouve dans euphorie et qui signifie bon. Eutopie signifie donc « le lieu du Bon ».

Si de ces deux mots, seul le premier passera à la postérité, ils n'en sont pas moins complémentaires pour décrire l'originalité de l'Utopia de More. En effet, cette œuvre a pour caractéristique d'être, d'une part, un récit de voyage et la description d'un lieu fictif (utopia) et, d'autre part, un projet d'établissement rationnel d'une société idéale (eutopia). Ces deux aspects du texte de Thomas More ont amené à qualifier d'utopie des œuvres très différentes.

Thomas More, 1527, Frick Collection, New York

Histoire de l'utopie

Les précurseurs de l'utopie

Platon (tableau de Raphaël)

Platon est le premier grand idéaliste de la pensée occidentale. On peut en effet rapprocher l'utopie (au sens moderne que prit ce mot) du concept d'idée de Platon.

La pensée de Platon est exposée dans l’ouvrage classique la République, dont le titre même est un programme. Par République, Platon entend Politeia, c’est-à-dire État, Constitution. Platon voulut donc tracer les grandes lignes de ce que devait être une cité organisée de manière idéale par castes. C’est cette volonté de constituer une cité idéale qui fait de Platon le grand fondateur du concept d'idée, qui fut repris ultérieurement par les utopistes du XIXe siècle.

Il est très important de noter que, même si Platon a réfléchi aux questions économiques, sa pensée ne fut pas aussi aboutie sur ce thème que celle de son successeur Aristote, qui écrivit un ouvrage dédié à l'économie : Économiques.

Voir : Histoire de la pensée économique

Genèse du genre : L'Utopie de Thomas More

L'Utopie de Thomas More, gravure de Holbein pour une édition de 1518

L'avocat et homme de lettres Thomas More s'inscrit, à l'instar de son ami Érasme, dans le cadre du mouvement humaniste qui redécouvre la littérature antique grecque et latine et s'en inspire. More connaissait les œuvres d'Aristote et de Platon et le projet de cité idéale qui occupe une partie de La République peut être considéré comme l'une des sources d'inspiration de l'Utopie. Le texte de More est cependant également tributaire de son époque : il emprunte en partie sa forme aux récits de voyage de Vasco de Gama ou de Magellan. La découverte du Nouveau monde en 1492 a mis les Européens en contact avec d'autres peuples, très différents, et permet à More d'imaginer une civilisation originale située aux confins du monde connu. De manière plus générale, son projet de société s'inscrit dans le courant philosophique de la Renaissance qui place l'Homme au centre du monde.

Le premier livre de L'Utopie rapporte une conversation entre le narrateur et plusieurs autres personnages, dont Raphaël Hythlodée un navigateur qui a découvert l'île d'Utopie. La discussion porte principalement sur les injustices et les défauts de la société, injustices auxquelles Raphaël Hythlodée oppose les sages coutumes du pays dont il a fait la découverte. Le second livre rapporte la description par Hythlodée de l'Utopie. Cette description, assez détaillée, porte sur les lois, les coutumes, l'histoire, l'architecture et le fonctionnement économique de l'île.

La société utopienne est foncièrement égalitaire et ignore toute propriété privée. On peut la qualifier de communiste. Elle repose en outre sur un ensemble de lois et sur une organisation très rationnelle et précise. Elle est présentée comme la plus aboutie des civilisations.

On peut voir dans cette œuvre avant tout une critique de la société anglaise (et européenne) du XVIe siècle. Les vertus de l'Utopie sont en quelque sorte des réponses aux injustices du monde réel : elles les soulignent par contraste (l'égalité de tous les citoyens utopiens met en lumière l'extrême misère, à cette époque, de nombre de paysans anglais sans terres) et montrent que les maux de l'Angleterre ne sont peut-être pas des fatalités puisque les Utopiens les ont résolus. L'Utopie, qui se présente comme une œuvre de fiction, affirme néanmoins que l'homme a la possibilité d'influer sur son destin et est donc porteuse du concept d'histoire. More s'abstient pourtant de présenter son utopie comme un programme politique. Il considère la réalisation d'une telle société comme souhaitable mais affirme ne pas même l'espérer.

Ainsi, le genre littéraire crée par Thomas More repose sur un paradoxe. Il se présente en effet comme une œuvre de fiction sans lien avec la réalité : le nom de l'île ("nulle part") mais aussi du fleuve qui la traverse (Anhydre, c'est-à-dire sans eau) ou du navigateur Hythlodee (qui signifie : habile à raconter des histoires) sont là pour nous le rappeler. Cependant, l'utopiste se refuse à tout recours au merveilleux ou à la fantaisie et le bonheur qui est censé régner en Utopie se doit de reposer sur la cohérence du projet. Nul climat paradisiaque, nulle bénédiction divine, nul pouvoir magique n'a contribué à la réalisation de la société parfaite. Il s'agit donc d'une fiction dont la valeur repose sur la cohérence du discours.

Les utopies de la renaissance

François Rabelais
  • L'Utopie de Thomas More, 1516.
  • L'abbaye de Thélème dans Gargantua de Rabelais, 1534.
  • La Nouvelle Atlantide de Francis Bacon, fin XVIe siècle, début XVIIe siècle.

Les utopies de la période classique

  • La Cité du Soleil de Tommaso Campanella, 1623.
  • Le Criticon de Baltasar Gracián, 1651-1657.
  • Histoire comique des États et Empires de la Lune de Cyrano de Bergerac, 1657.
  • La Terre Australe connue de Gabriel de Foigny, 1676.
  • Histoire des Sevarambes de Denis Vairasse, 1677-1679.
  • Les Aventures de Télémaque de Fénelon, 1699.

Les utopies des Lumières

  • Libertalia dans « Histoire Générale des Pyrates de typiak » de Daniel Defoe, 1724.
  • L'Île des esclaves et La Colonie de Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, 1725.
  • Voyage au pays de Houyhnhnms, quatrième des Voyages de Gulliver, de Jonathan Swift, 1726.
  • L'Eldorado dans Candide (Chapitre XVIII) de Voltaire, 1759.
  • La Vérité, ou le Vrai système de Léger Marie Deschamps (Ca. 1750-1760)
  • Le Pays des Gangarides dans La Princesse de Babylone de Voltaire, 1768.
  • L'an 2440 de Louis Sébastien Mercier, 1786 (2de édition).
  • Paul et Virginie de Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre, 1789.
  • L'ile de Tamoé dans Aline et Valcour (Histoire de Sainville et de Léonore) du Marquis de Sade, 1795

Les utopies au XIXe siècle

François Marie Charles Fourier
  • Le Phalanstère de Charles Fourier v. 1830.
  • Voyage en Icarie d'Étienne Cabet, 1840.
  • Les Cinq Cents Millions de la Bégum, de Jules Verne, 1879.
  • Loocking Backward (1888 )( traduit en Cent ans après ou l'an 2000 ) d'Edward Bellamy
  • Nouvelles de Nulle Part ou Une Ère de Repos (News from Nowhere or An Epoch of Rest) de William Morris, 1890.
  • Hygeia : a city of Health, de Benjamin Ward Richardson, 1890.

L'Île Mystérieuse (1874) Jules Verne

Les utopies au XXe siècle

  • Une Utopie Moderne de Herbert George Wells, 1905.
  • La Visite du capitaine Tempête dans le ciel, Mark Twain, 1909
  • Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien d'Alfred Jarry, 1911.
  • Nous Autres de Ievgueni Zamiatine, 1924.
  • Utopolis de Werner Illing, 1930.
  • Le Meilleur des Mondes de Aldous Huxley, 1932.
  • Le jeu des perles de verre de Hermann Hesse, 1943.
  • 1984 de George Orwell, 1948.
  • Ile de Aldous Huxley, 1962.
  • Le monde de Gondawa dans La Nuit des temps et Ravage de René Barjavel, 1968.
  • L'An 01 de Gébé, 1970.
  • Les Villes Invisibles d'Italo Calvino en 1972.
  • La planète Annares dans Les Dépossédés de Ursula K. Le Guin, 1974.
  • Écotopie de Ernest Callenbach, 1975 (en:Ecotopia)
  • Adieux au prolétariat, d'André Gorz (surtout la dernière partie)
  • La Québécie de Francine Lachance, 1990.
  • Lois Lowry : Le passeur 1994
  • L'Île des Gauchers, Alexandre Jardin, 1995.
  • Les Fourmis de Bernard Werber, 1996.
  • La Belle Verte, film de Coline Serreau, 1996.
  • Les Cités obscures, série de bande dessinées de Francois Schuiten et Benoit Peeters, 1996
  • Les Monades Urbaines de Robert Silverberg
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