Trou noir - Définition

Source: Wikipédia sous licence CC-BY-SA 3.0.
La liste des auteurs de cet article est disponible ici.

Propriétés

Un trou noir est un objet astrophysique comme un autre. Il se caractérise par le fait qu’il est très difficile à observer directement (voir ci-dessous), et que sa région centrale ne peut être décrite de façon satisfaisante par les théories physiques en leur état du début du XXIe siècle, car elle abrite une singularité gravitationnelle. Cette dernière ne peut être décrite que dans le cadre d’une théorie de la gravitation quantique, manquante à ce jour. Par contre, on sait parfaitement décrire les conditions physiques qui règnent dans son voisinage immédiat, de même que son influence sur son environnement, ce qui permet de les détecter par diverses méthodes indirectes.

Par ailleurs, les trous noirs sont étonnants en ce qu’ils sont décrits par un très petit nombre de paramètres. En effet, leur description, dans l’univers dans lequel nous vivons, ne dépend que de trois paramètres : la masse, la charge électrique et le moment cinétique. Tous les autres paramètres du trou noir (par exemple sa taille ou sa forme) sont fixés par ceux-là. Par comparaison, la description d’une planète fait intervenir des centaines de paramètres (composition chimique, différenciation de ses éléments, convection, atmosphère, etc.). La raison pour laquelle un trou noir n’est décrit que par ces trois paramètres est connue depuis 1967 : c’est le théorème de calvitie démontré par Werner Israel. Celui-ci explique que les seules interactions fondamentales à longue portée étant la gravitation et l’électromagnétisme, les seules propriétés mesurables des trous noirs sont données par les paramètres décrivant ces interactions, à savoir la masse, le moment cinétique et la charge électrique.

Pour un trou noir, la masse et la charge électrique sont des propriétés habituelles que décrit la physique classique (c'est-à-dire non-relativiste) : le trou noir possède un champ gravitationnel proportionnel à sa masse et un champ électrique proportionnel à sa charge. L'influence du moment cinétique est par contre spécifique à la relativité générale. Celle-là stipule en effet qu'un corps en rotation va avoir tendance à « entraîner » l'espace-temps dans son voisinage. Ce phénomène, non encore observé à l'heure actuelle dans le système solaire en raison de son extrême faiblesse pour des astres non compacts, est connu sous le nom d'effet Lense-Thirring (aussi appelé frame dragging, en anglais). Il prend une amplitude considérable au voisinage d'un trou noir en rotation, au point qu'un observateur situé dans son voisinage immédiat serait inévitablement entraîné dans le sens de rotation du trou noir. La région où ceci se produit est appelée ergorégion.

Quatre types théoriques possibles…

Les quatre types théoriques de trous noirs en fonction du moment cinétique (J) et de la charge électrique (Q). La masse (M) est toujours strictement positive.
  M > 0
  J = 0 J ≠ 0
Q = 0 Schwarzschild Kerr
Q ≠ 0 Reissner-Nordström Kerr-Newman

Un trou noir possède toujours une masse non nulle. En revanche, ses deux autres caractéristiques, à savoir le moment cinétique (rotation) et la charge électrique, peuvent en principe prendre des valeurs nulles (c’est-à-dire égales à zéro) ou non nulles. La combinaison de ces états permet de définir quatre types de trous noirs.

Quand la charge électrique et le moment cinétique sont nuls, on parle de trou noir de Schwarzschild, du nom de Karl Schwarzschild qui, le premier, a mis en évidence ces objets comme solutions des équations de la relativité générale (les équations d'Einstein), en 1916.

Quand la charge électrique est non nulle et le moment cinétique nul, on parle de trou noir de Reissner-Nordström. Ces trous noirs ne présentent pas d’intérêt astrophysique notable, car aucun processus connu ne permet de fabriquer un objet compact conservant durablement une charge électrique significative ; celle-ci se dissipe normalement rapidement par absorption de charges électriques opposées prises à son environnement. Un trou noir de Reissner-Nordström est donc un objet théorique très improbable dans la nature.

Si le trou noir possède un moment cinétique (c’est-à-dire qu’il est en rotation sur lui-même) mais n’a pas de charge électrique, on parle de trou noir de Kerr, du nom du mathématicien néo-zélandais Roy Kerr qui a trouvé la formule décrivant ces objets en 1963. Contrairement aux trous noirs de Reissner-Nordström et de Schwarzschild, les trous noirs de Kerr présentent un intérêt astrophysique considérable, car les modèles de formation et d’évolution des trous noirs indiquent que ceux-ci ont tendance à absorber la matière environnante par l’intermédiaire d’un disque d'accrétion dans lequel la matière tombe en spiralant toujours dans le même sens dans le trou noir. Ainsi, la matière communique du moment cinétique au trou noir qui l’engloutit. Les trous noirs de Kerr sont donc les seuls que l’on s’attend réellement à rencontrer en astronomie. Cependant, il reste possible que des trous noirs à moment cinétique très faible, s’apparentant en pratique à des trous noirs de Schwarzschild, existent.

La version électriquement chargée du trou noir de Kerr, dotée comme lui d’une rotation, est connue sous le nom de trou noir de Kerr-Newman et ne présente comme le trou noir de Reissner-Nordström ou celui de Schwarzschild que peu d’intérêt astrophysique eu égard à sa très faible probabilité.

… Et une multitude d’autres

D’un point de vue théorique, il peut exister une multitude d’autres types de trous noirs avec des propriétés différentes. Par exemple, il existe un analogue du trou noir de Reissner-Nordström, mais en remplaçant la charge électrique par une charge magnétique, c’est-à-dire créée par des monopôles magnétiques, dont l’existence reste extrêmement hypothétique à ce jour. On peut de même généraliser le concept de trou noir à des espaces comprenant plus de trois dimensions. Ceci permet d’exhiber des types de trous noirs ayant des propriétés parfois différentes de celles des trous noirs présentés ci-dessus.

Le trou et le noir…

L’existence des trous noirs est envisagée dès le XVIIIe siècle indépendamment par John Michell et Pierre-Simon Laplace. Il s’agissait alors d’objets prédits comme tellement denses que leur vitesse de libération était supérieure à la vitesse de la lumière — c’est-à-dire que même la lumière ne peut vaincre leur force gravitationnelle. Plutôt qu’une telle force (qui est un concept newtonien), il est plus juste de dire que la lumière subit en fait un décalage vers le rouge infini. Ce décalage vers le rouge est d’origine gravitationnelle : la lumière perd la totalité de son énergie en essayant de sortir du puits de potentiel d’un trou noir. Ce décalage vers le rouge est donc d’une nature quelque peu différente de celui dû à l’expansion de l’univers, que l’on observe pour les galaxies lointaines et qui résulte d’une expansion d’un espace ne présentant pas de puits de potentiels très profonds. De cette caractéristique provient l’adjectif « noir », puisqu’un trou noir ne peut émettre de lumière. Ce qui est valable pour la lumière l’est aussi pour la matière : aucune particule ne peut s’échapper d’un trou noir une fois capturée par celui-ci, d’où le terme de « trou » fort approprié.

Horizon des événements

La zone sphérique qui délimite la région d’où lumière et matière ne peuvent s’échapper, est appelée « horizon des événements ». On parle parfois de « surface » du trou noir, quoique le terme soit quelque peu impropre (il ne s’agit pas d’une surface solide ou gazeuse comme la surface d’une planète ou d’une étoile). Il ne s’agit pas d’une région qui présente des caractéristiques particulières : un observateur qui franchirait l’horizon ne ressentirait rien de spécial à ce moment-là (voir ci-dessous). Par contre, il se rendrait compte qu’il ne peut plus s’échapper de cette région s’il essayait de faire demi-tour. C'est une sorte de point de non retour. En substance, c’est une situation qui est un peu analogue à celle d’un baigneur qui s’éloignerait de la côte. Si par exemple le baigneur ne peut nager que deux kilomètres, il ne ressentira rien s’il s’éloigne à plus d’un kilomètre de la côte. Par contre, s’il fait demi-tour, il se rendra compte qu’il n’a pas assez d’énergie pour atteindre la rive.

En revanche, un observateur situé au voisinage de l’horizon remarquera que le temps s’écoule différemment pour lui et pour un observateur situé loin du trou noir. Si ce dernier lui envoie des signaux lumineux à intervalles réguliers (par exemple une seconde), alors l’observateur proche du trou noir recevra des signaux plus énergétiques (la fréquence des signaux lumineux sera plus élevée, conséquence du décalage vers le bleu subi par la lumière qui tombe vers le trou noir), et les intervalles de temps séparant deux signaux consécutifs seront plus rapprochés (moins d’une seconde, donc). Cet observateur aura donc l’impression que le temps s’écoule plus vite pour son confrère resté loin du trou noir que pour lui. À l’inverse, l’observateur resté loin du trou noir verra son collègue évoluer de plus en plus lentement, le temps chez celui-ci donnant l’impression de s’écouler plus lentement.

Si l’observateur distant voit un objet tomber dans un trou noir, les deux phénomènes de dilatation du temps et de décalage vers le rouge vont se combiner. Les éventuels signaux émis par l’objet seront de plus en plus rouges, de moins en moins lumineux (la lumière émise perd de plus en plus d’énergie avant d’arriver à l’observateur lointain), et de plus en plus espacés. En pratique, le nombre de photons reçus par l’observateur distant va décroître très rapidement, jusqu’à devenir nul : à ce moment-là l’objet en train de chuter dans le trou noir est devenu invisible. Même si l’observateur distant tente d’approcher l’horizon en vue de récupérer l’objet qu’il a eu l’impression de voir s’arrêter juste avant l’horizon, celui-ci demeurera invisible.

Pour un observateur s’approchant d’une singularité, ce sont les effets de marée qui vont devenir importants. Ces effets, qui déterminent les déformations d’un objet (le corps d’un astronaute, par exemple) du fait des hétérogénéités du champ gravitationnel, seront inéluctablement ressentis par un observateur s’approchant de trop près d’un trou noir ou d’une singularité. La région où ces effets de marée deviennent importants est entièrement située dans l’horizon pour les trous noirs supermassifs, mais empiète notablement hors de l’horizon pour des trous noirs stellaires. Ainsi, un observateur s’approchant d’un trou noir stellaire serait déchiqueté avant de passer l’horizon, alors que le même observateur qui s’approcherait d’un trou noir supermassif passerait l’horizon sans encombre. Il serait tout de même inéluctablement détruit par les effets de marée en s'approchant de la singularité.

Singularité

Au centre d’un trou noir se situe une région dans laquelle le champ gravitationnel et les distorsions de l’espace (on parle plutôt de courbure de l’espace) deviennent infinis. Cette région s’appelle une singularité gravitationnelle. La description de cette région est délicate dans le cadre de la relativité générale puisque celle-ci ne peut décrire des régions où la courbure devient infinie.

De plus, la relativité générale est une théorie qui ne peut pas incorporer en général des effets gravitationnels d’origine quantique. Or quand la courbure tend vers l’infini, on peut montrer que celle-ci est nécessairement sujette à des effets de nature quantique. Par conséquent, seule une théorie de la gravitation incorporant tous les effets quantiques (on parle alors de gravitation quantique) est en mesure de décrire correctement les singularités gravitationnelles.

La description d’une singularité gravitationnelle est donc pour l’heure problématique. Néanmoins, tant que celle-ci est située à l’intérieur d’un trou noir, elle ne peut influencer l’extérieur d’un trou noir, de la même façon que de la matière située à l’intérieur d’un trou noir ne peut en ressortir. Ainsi, aussi mystérieuses que soient les singularités gravitationnelles, notre incapacité à les décrire, signe de l’existence de limitations de la relativité générale à décrire tous les phénomènes gravitationnels, n’empêche pas la description des trous noirs pour la partie située de notre côté de l’horizon des événements.

Page générée en 0.120 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales | Partenaire: HD-Numérique
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise