Étant donné un ensemble
de parties d'un même ensemble X, la tribu engendrée par
est la plus petite tribu (au sens de l'inclusion) contenant
. On la note
.
Proposition et définition — Soit X un ensemble et
un ensemble de parties de X. Il existe une plus petite tribu sur X (pour l'inclusion) qui contienne
. On l'appelle la tribu engendrée par
, et on la note
.
On prouve facilement l'existence de
en la définissant comme l'intersection de toutes les tribus sur X qui contiennent
(cette intersection a un sens, puisqu'au moins une telle tribu existe, à savoir la tribu dite discrète formée de toutes les parties de X).
Tribu engendrée par une famille d'applications
Définition — Soit X un ensemble, I un ensemble d'indices et soit pour chaque
un espace mesurable
et une application
.
On appelle tribu engendrée par la famille
la famille engendrée par la réunion des tribus image-réciproques
. On la note
On vérifie facilement que :
la tribu engendrée est la plus petite tribu qui rende simultanément mesurables toutes les applications fi.
en notant
, pour pour toute application g d'un espace mesurable
vers
, g est mesurable si et seulement si chaque
l'est.
Construction transfinie
Un procédé de construction récurrence transfinie permet plus généralement une description de la tribu engendré par une partie
. Il a été appliqué dès 1898 par Émile Borel pour définir la famille qu'on appelle aujourd'hui tribu borélienne.
Pour le décrire posons d'abord une notation : pour
ensemble de parties d'un ensemble X, on notera
l'ensemble des unions dénombrables d'éléments de
et
l'ensemble des intersections dénombrables.
Une première idée, non concluante, pourrait être la suivante : on part de l'ensemble
composé des éléments de
et de leurs complémentaires. Pour construire de nouveaux éléments de la tribu engendrée, on applique aux parties qui figurent dans la classe
les opérations d'union dénombrable et d'intersection dénombrable : on obtient ainsi une nouvelle classe
. On recommence l'opération en posant
et ainsi de suite par récurrence. On pourrait espérer que la réunion de la suite croissante des
réponde à la question : elle n'est évidemment pas vide, chaque
est stable par complémentaire, les opérations de réunion ou d'intersection infinie envoient
dans
. Mais ce dernier point n'entraîne pas qu'elles envoient la réunion des
dans elle-même : qu'on songe à une possible suite d'ensembles
où chaque Ai est un élément de
. Rien ne permet d'assurer que sa réunion ni son intersection sera elle aussi dans l'un des
.
Cette idée peut pourtant être exploitée mais à condition de pousser plus loin la construction en effectuant une récurrence transfinie. On définit pour chaque ordinal α un ensemble de parties de Ω selon la procédure suivante :
est l'ensemble composé des éléments de
et de leurs complémentaires. ;
Notons alors ω1 le premier ordinal non dénombrable, on vérifie alors facilement que :
L'inclusion dans le sens
est facile - par récurrence transfinie on constate aisément que pour tout ordinal α,
est inclus dans
. Dès lors l'ensemble
l'est aussi.
Pour le sens
, on remarque que
et qu'il suffit donc de s'assurer que ce dernier ensemble est lui-même une tribu pour garantir qu'il contiendra
. Or il est non vide de façon évidente, stable par complémentarité parce que chaque
l'est (récurrence transfinie facile, à l'aide des lois de De Morgan pour le passage à un ordinal successeur), seule la stabilité par réunion dénombrable demande un peu d'attention. Soit donc
une suite d'éléments de
; pour chaque i notons αi le plus petit ordinal tel que
, et posons enfin
. Comme réunion dénombrable d'ordinaux dénombrables, β est lui-même un ordinal dénombrable - il est alors aisé de vérifier que
. La stabilité par réunion dénombrable est prouvée.
Lorsque X est un espace topologique métrisable et
la topologie sur X cette construction admet des variantes. Il n'est ici pas nécessaire d'initialiser la récurrence en mêlant ouverts et fermés comme on le ferait si on suivait le mode d'emploi donné plus haut pour définir
. En effet la métrisabilité garantit que tout fermé est un Gδ (et tout ouvert un Fσ) donc si on initialise la récurrence en prenant
on retrouve les fermés dès
; on peut bien sûr symétriquement choisir une initialisation à partir de l'ensemble des fermés. La considération conjointe de ces deux itérations parallèles conduit à l'introduction de notations standardisées, ces familles croissantes de classes jouant un rôle important en théorie descriptive des ensembles : c'est ce qu'on appelle la hiérarchie de Borel.