Les risques et complications
Le risque transfusionnel existe, mais reste inférieur au risque de n'être pas transfusé si l'indication d'une transfusion a été bien posée. Le risque viral est beaucoup mieux appréhendé depuis les années 1990, ce qui a limité très nettement après cette date, et parfois de façon excessive, le recours aux transfusions. Depuis les années 2005, nous observons une augmentation des transfusions de 3% par an environ. Cette augmentation est due à deux raisons. D'une part, une meilleure sécurité des produits, et une diminution de la peur de leur utilisation (liée en partie au diagnostic génomique viral, recherche des virus VIH et VHC par biologie moléculaire) ce qui a entraîné une diminution très nette des transfusions autologues différées (T.A.D.). D'autre part une augmentation de la durée de vie et du nombre de seniors lié au "papy boom". Les anémies réfractaires et les prothèses de hanches sont peu fréquentes chez les sujets jeunes...
Les risques sont d'origine immunologique, infectieuse, ou liés aux volumes transfusés :
Risques immunologiques
- Incompatibilité transfusionnelle érythrocytaire : elle est a priori écartée par les tests faits sur le donneur et le receveur.
- l'accident ABO, souvent grave, ne devrait plus se voir, car parfaitement évitable, et toujours dû à une erreur humaine.
- hors ce cas, la transfusion est considérée comme sûre à 98 % (on a donc 2 % d'incidents, dont très peu débouchent sur un décès. Les plus fréquents de ces incidents sont une réaction "frisson-fièvre", réaction passagère et bénigne).
- incompatibilité leuco-plaquettaire, due à la présence d'anticorps anti HLA chez le donneur, qui peut entraîner une atteinte pulmonaire grave, le TRALI, acronyme anglais (transfusion related acute lung injury), pour atteinte pulmonaire aigüe transfusionnelle.
- purpura post transfusionnel, plusieurs jours après une transfusion de plaquettes homologues. Le malade détruit ses propres plaquettes.
Enfin, une simple inefficacité transfusionnelle peut être liée à un anticorps présent chez le receveur vis à vis d'un antigène présent sur les éléments figurés transfusés. Anticorps anti-érythocytaire pour les globules rouges, anti HLA, anticorps ABO et anti HPA pour les plaquettes.
Si l'on transfuse une personne avec un concentré érythrocytaire incompatible, cela peut provoquer le décès du patient : les anticorps réagissent et cela entraîne une hémolyse intra vasculaire aiguë, avec CIVD, hémoglobinémie (plasma rose ou rouge) et hémoglobinurie (urine rouge foncé), et entraîne un collapsus irréversible. Si la personne est consciente, elle ressentira parfois une vive douleur aux lombaires ; au cours d'une opération chirurgicale, on constatera une hémorragie en nappe. Dans quelques cas, on aura une absence de réaction par immunodéficience, mais aussi quelques cas inexpliqués d'absence de réaction. Si l'on s'en aperçoit à temps, le patient doit être traité par hémodialyse.
En France, un accident ABO (une cinquantaine de cas par an) se traduit par un taux de décès de 10 à 20 %.
Notons qu'en cas de transfusion en aveugle, ce qui se faisait avant la découverte du groupe sanguin, mais se pratique également toujours de nos jours dans les pays en voie de développement en raison de l'absence de moyens d'analyse, on peut estimer que l'on a environ 64 % de chances que le don soit compatible. Si la transfusion est réservée aux cas grave, on peut donc estimer, en transfusant une unité en aveugle, que l'on sauve deux patients sur trois. Avec deux unités, cette proportion descend à quatre sur dix.
Risques infectieux
- risque bactérien, dû à la contamination bactérienne du produit transfusé. Ce type d'accident est rare, mais très grave. Ce risque transfusionnel a profondément changé les habitudes de prescriptions ces dernières années, entraînant une limitation des indications et la recherche de solutions alternatives (travaux sur le sang artificiel...). Le risque le plus important, le moins maîtrisé, et pouvant aboutir à des accidents mortels (première cause d'accident post-transfusionnel mortel, avant même l'accident ABO), est essentiellement bactérien, la contamination lors du prélèvement pouvant aboutir chez le receveur à des septicémies ou des chocs toxi-infectieux, surtout pour les concentrés de plaquettes qui se conservent à température ambiante (22 °C) favorisant le développement des bactéries. On minimise ce risque en adoptant des procédures d'asepsie rigoureuses au moment du prélèvement, en refusant tout donneur fébrile. Les poches de prélèvement actuelles permettraient un dépistage systématique au laboratoire sans « ouvrir » le container (en soi, source de contamination), mais ce n'est pas encore une obligation légale. En outre il ne faut pas perdre de vue que les examens bactériologique demandent beaucoup de temps, chose parfois difficilement compatible avec des produits à durée de vie très limitée, comme les plaquettes (5 jours).
- Bien mieux maîtrisé aujourd'hui, peut-être à cause de la médiatisation à outrance qui l'a mis en avant dans les années 1990, est le risque viral (hépatites virales, CMV, HIV…), qui n'entraîne qu'exceptionnellement aujourd'hui des contaminations. Cela explique sans doute le reflux depuis quelques années de la demande de protocoles de transfusion autologue différée -T.A.D. (baisse régulière des prescriptions de T.A.D. qui ne représentent plus, en 2006, que 8 prélèvements pour 1000 prélèvements homologues contre 6 pour 100 en 1996). On minimise ce risque en tentant de détecter par l'interrogatoire les possibles porteurs de virus, de rejeter les « donneurs à risque ». Les examens de laboratoires sur le sang prélevé aux donneurs acceptés, notamment le dépistage génomique viral, permettent de réduire encore davantage ce risque qui actuellement tend vers zéro, tout en conservant un fort retentissement médiatique.
- En ce qui concerne les transfusions effectuées avant 1993, année d'utilisation généralisée des tests de troisième génération de dépistage de l'hépatiite C, il est très fortement recommandé aux receveurs de PSL (produits sanguins labiles -Globules rouges, plasmas frais congelés, plaquettes) de se faire contrôler, les symptômes cliniques de certaines hépatites n'apparaissant souvent qu'après des années. De même doivent être contrôlés les receveurs de certains produits de fractionnement (PPSB, Facteur VIII...) perfusés avant atténuation virale des produits par procédé S.D. (solvant-détergent), procédé généralisé fin 1987. Les divers traitements subis par certains autres produits de fractionnement, tels l'albumine et les immunoglobulines, ont, depuis toujours, évité toute possibilité de contamination virale.
- Trois cas de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jacob par le biais de transfusions sanguines ont été décrits en 2006. Ces maladies à prions posent d'autres problèmes non résolus directement (pas de possibilité technique de dépistage). Seule une éviction ciblée (antécédents familiaux, « chrono-géographie ») permet de minimiser, le risque.
On minimise ces risques en trois étapes :
- Sélection des donneurs. Avant le don, le donneur a un entretien avec un médecin qui l’avertit des risques qu’il fait courir au receveur de son sang si celui-ci est contaminé. Ce médecin donne aussi des conseils et évalue le risque de maladie chez le donneur (elle peut être dans une phase où elle ne peut être détectée). Il peut refuser le don (10 à 25 % des cas), conseiller au donneur de faire des analyses de son sang en laboratoire ou d’attendre quelques mois la fin d’un traitement.
- Analyse du sang recueilli. Certains virus ou leurs marqueurs sérologiques comme ceux du SIDA et des hépatites B et C sont systématiquement recherchés, et certaines sérologies parasitaires (paludisme, maladie de Chagas) peuvent l'être en fonction du passé géographique du donneur.
- Traitement du sang recueilli.
- Les plasmas d'aphérèse transfusés étaient, jusqu'en septembre 2008, soit traités industriellemnt par solvant détergent (plasmas viro atténués S.D.) soit soumis à une quarantaine dans l'attente d'un contrôle sérologique du donneur (plasmas sécurisés). Depuis cette date, les plasmas sécurisés ne sont plus utilisés. À côté du plasma S.D, deux types de plasmas sont transfusés. Il s'agit de plasmas viro et bactério-atténués par traitement soit au bleu de méthylène, soit par amotosalen de la famille des psoralènes. La comparaison des avantages ou inconvénients respectifs de ces trois types de plasmas n'est pas évidente.
- Concernant les plaquettes, grandes pourvoyeuses d'accidents bactériens par rapport aux CGR (qui eux sont conservés à 4° C), leur traitement est possible par l'amotosalen (Intercept®) appliqué à titre expérimental depuis 2006 à la Réunion et à l'EFS Alsace, et depuis 2007 dans l'ensemble des DOM. D'autres procédés sont en cours de développement - Mirasol® et UV-C.
- Ces divers procédés ne conviennent pas pour les concentrés érythrocytaires, qui présentent toutefois un risque bactérien bien moindre.
Les plasmas issus des dons de sang total sont adressés au LFB pour la fabrication de médicaments dérivés du sang. Cette fabrication comporte de très nombreuses étapes d'inactivation bactérienne, parasitaire et virale. Traitements à l'alcool, à la pepsine, chromatographies, ultrafiltration, pasteurisation sont mis en œuvre selon le médicament produit.
La traçabilité des produits sanguins transfusée reste essentielle afin de pouvoir remonter jusqu'au donneur en cas de problème.
Autres risques
- surcharge transfusionnelle, qui peut entraîner un OAP (œdème aigu du poumon), par excès de volume en circulation.
- hémochromatose, par surcharge en fer, après des centaines de transfusions.
- problèmes métaboliques, tels qu'une hypocalcémie due à la surcharge en citrate (anticoagulant utilisé lors du prélèvement du donneur), ou une hyperphosphatémie en cas d'utilisation massive de plasma viro atténués S.D.(P.V.A.-S.D.).