Reproduction et cycle de développement
Seules les tiques adultes s'accouplent, au sol avant la quête de l’hôte ou sur l’hôte lui-même.
Toutes les espèces connues de tiques se développent en passant par quatre stades évolutifs distincts :
- l'œuf . Certaines espèces pondent un très grand nombre d'œufs : on en a par exemple compté 23 891 dans une seule ponte d'Amblyomma nuttalli, une tique africaine qui parasite les tortues.
- la larve (qui n'a que 3 paires de pattes, griffues),
- la nymphe (qui est octopode comme l'adulte mais sans orifice génital)
- l’adulte . A ce stade le dimorphisme sexuel est généralement net (écusson chitinisé) plus développé en face dorsale chez le mâle des ixodidae que chez la femelle, dont le tégument doit rester souple pour se distendre pour une prise de sang maximale afin d'élaborer ses œufs.
Dans la plupart des cas, durant son cycle de vie, une tique change d'hôte à chacun de ces stades
- Le cycle est dit « triphasique » quand au sortir de l'œuf, la larve se fixe sur un premier hôte qu'elle quitte après y avoir fait son premier repas, c'est-à-dire effectué sa première phase parasitaire. Elle mue alors au sol, puis doit trouver un nouvel hôte pour son repas nymphal, qui est la deuxième phase parasitaire, après quoi elle se laissera à nouveau tomber au sol pour effectuer la mue de transformation en adulte. Devenue adulte elle recherche un troisième hôte pour effectuer le dernier repas ou troisième phase parasitaire (chez ces tiques, les adultes sont toujours plus porteurs de pathogènes transmissibles que la nymphe et la larve, chaque repas étant une chance de contracter les germes). Exemple : Rhipicephalus sanguineus a un cycle triphasique monotrope (c'est-à-dire effectué sur la même espèce-hôte aux 3 stades).
Un petit nombre d'espèces de tiques ne changent pas d'hôte à chaque stade
- Le cycle est dit « diphasique » quand il ne comporte que 2 phases parasitaires : la larve effectue son repas sur un hôte, puis mue en nymphe et effectue son second repas sur un même hôte avant de se détacher pour se transformer en une tique adulte qui effectuera sa deuxième phase parasitaire sur un deuxième hôte.
- Le cycle est dit « monophasique » quand la tique effectue tout son cycle de développement (3 repas et 2 mues) sur un même individu-hôte. Seule la larve à jeun effectue une quête d'hôte. Exemple : Boophilus microplus.
Stratégies de quête d'hôte
Pendant les phases de « quête », la tique attend un hôte pour s'y accrocher. La quête se fait sur les brins d'herbe, de graminées, de fougères, etc., en milieu extérieur ouvert pour les tiques exophiles ; elle se fait au sol, à même la terre ou sur les brindilles des nids et terriers ou les crevasses des grottes, pour les tiques endophiles. Parmi les exophiles, différentes stratégies s'observent :
- Dispersion des tiques sur un large territoire, sur tous types de végétation. Cette situation se rencontre surtout dans les zones à conditions climatiques peu sévères.
- Distributions spatiales et temporelles ciblant des lieux où les chances de rencontre avec l'hôte sont plus favorables : zone d'ombres et de nourrissage en zone aride pour les tiques infestant les mammifères, etc. Par exemple, les larves de Rhipicephalus appendiculatus ou Rhipicephalus zambeziensis en saison sèche seront surtout trouvées dans la végétation entourant les trous d'eau permanents ou sur des herbes dominées par des Acacias, c'est-à-dire là où des ongulés ou d'autres mammifères viendront nécessairement se nourrir et/ou s'abriter du soleil.
- Des larves semblent aussi pouvoir se laisser transporter en aval par l'eau lors de crues. Elles pourront sur une berge plus éloignée tenter de trouver un autre hôte. En zone aride, les cours d'eau attirent inévitablement de nombreux animaux qui y viennent boire. Ces animaux pourront à leur tour véhiculer la tique, parfois sur de grandes distances, ce qui permet l'entretien de vastes métapopulations, génétiquement riches et donc très adaptables aux modifications de leur environnement (et aux pesticides antiparasitaires le cas échéant).
- Certaines tiques savent remarquablement bien se déplacer sur leur hôte (même animaux lisses à écailles tels que certains serpents, orvets, lézards) ou percer une peau épaisse (de rhinocéros ou de tortue) sans que l'hôte ne les sente et ne cherche à se débarrasser d'elles. Elles sont ensuite très bien ancrées sur leur hôte, et leur piqûre rendue indolore par des anesthésiants injectés avec leur salive les rend moins détectables. Libres et attachées, elles montrent aussi une très bonne résistance à l'écrasement et une étonnante capacité à échapper aux différentes méthodes de nettoyage de leur hôte (par léchage, grattage, bains de boue ou de poussière, auto-épouillage). L'épouillage réciproque, véritable rite social développé par les singes semble une des méthodes les plus efficaces, mais consommatrice de temps).
Ces différentes stratégies peuvent être combinées, avec des variations saisonnières (ex. : concentration autour de l'eau douce en saison sèche et chaude). Les larves étant mobiles, mais sur d'assez courtes distances, elles peuvent en cas d'insuccès tenter de se déplacer et chercher un lieu plus favorable (ce comportement semble plus fréquent quand il fait plus chaud, chez I. ricinus.
L'ancrage de la tique sur son hôte
Après avoir trouvé une proie et s'y être accrochée, la tique chemine lentement sur la peau (de quelques minutes à plusieurs heures parfois) pour trouver un emplacement qui lui convient. De fines griffes lui permettent de se stabiliser sur l'épiderme (ces griffes sont plus puissantes chez la larve qui a besoin de s'ancrer pour pouvoir percer la peau). La tique coupe la peau grâce à des chélicères extériorisables (cachées au repos dans une gaine protectrice) qu'elle enfonce peu à peu ainsi que l'hypostome, aidé par la sécrétion d'enzymes salivaires (protéases) qui provoquent une cytolyse. Au bout de son rostre se forme alors une poche ou chambre de cytolyse. Cette opération, sous l'effet de substances salivaires anesthésiantes, se fait sans douleur pour l'hôte. La tique en quelques heures a ainsi enfoncé tout son rostre. Elle parfait son ancrage par la sécrétion d'une substance, sorte de colle biologique dite « cément » (ou « manchon hyalin ») ; cette colle la fixe très fortement au derme. Ainsi fixée, elle peut alors, pendant toute la durée de son repas, alternativement (Pérez-Eid, 2007) aspirer le sang et réinjecter de la salive de manière à agrandir la poche ainsi creusée sous la peau jusqu'à ce que cette poche atteigne un ou plusieurs microcapillaires sanguins, qui crèveront et l'alimenteront directement en sang. Durant ce temps, la tique injecte un cocktail de molécules qui affaiblissent localement l'immunité de l'hôte et insensibilisent le système nerveux (ce qui ne fonctionne plus chez des organismes dont le système immunitaire a été sensibilisé (rendu allergique en quelque sorte) à ces molécules).
Plus le rostre est long, mieux la tique est fixée. Ainsi des tiques brévirostres telles que Rhipicephalus ou Dermacentor s'ôtent facilement de la peau, n'y laissant que leur manchon hyalin, alors que des tiques longirostres telles qu'Ixodes et Amblyomma sont si bien fixées qu'une traction directe leur arrache souvent le rostre, lequel peut causer un abcès ou une infection. Il faut les faire tourner avant de les extraire pour disloquer le cément (ce qui ne suffit pas toujours) ou, mieux, utiliser un instrument spécialisé (type tire-tique).