Comme décrit plus haut la théorie DFT est, au stade des équations de Kohn-Sham, une théorie parfaitement exacte (mises à part l'approximation de Born-Oppenheimer et les approches numériques discutées précédemment) dans la mesure ou la densité électronique qui minimise l'énergie totale est exactement la densité du système de N électrons en interaction. Cependant, la DFT reste inapplicable car le potentiel d'échange-corrélation (contenant également la correction à l'énergie cinétique) reste inconnu. Il est donc nécessaire d'approximer ce potentiel d'échange-corrélation. Deux types d'approximations existent : l'approximation de la densité locale ou LDA et l'approximation du gradient généralisé ou GGA ainsi que les méthodes dérivées qui se fondent sur une approche non locale.
L'approche de la densité locale est fondée sur le modèle du gaz uniforme d'électron et constitue l'approche la plus simple pour exprimer l'énergie d'échange-corrélation. Celle-ci est décrite comme :
où
La contribution provenant de l'échange électronique dans l'approximation de la densité locale est connue et provient de la fonctionnelle d'énergie d'échange formulée par Dirac
L'approximation LDA peut être formulée de manière plus générale en prenant en compte le spin de l'électron dans l'expression de la fonctionnelle, on parle alors d'approximation LSDA (pour local spin density approximation). Cette approche fut initialement proposée par John C. Slater et permet de résoudre certains problèmes liés à une approche LDA, notamment le traitement de systèmes soumis à des champs magnétiques et les systèmes où les effets relativistes deviennent importants. En prenant en compte l'approximation LSDA, la fonctionnelle d'échange est exprimée comme :
où α et β expriment les spins up et down.
Pour l'énergie de corrélation, des valeurs précises sont disponibles via les calculs de Monte Carlo quantique établi par Ceperleyet par Ceperley et Alder dont les résultats peuvent être interpolés afin d'obtenir une forme analytique. Il existe donc de nombreuses paramétrisations pour l'énergie de corrélation telles que, par exemple, celles de Hedin-Lundqvist, Perdew-Zunger ou Volko-Wilkes-Nusair
Dans l'approximation LDA (ou LSDA), le potentiel de corrélation est défini par :
où
où A = 21, C = 0.045 et x = rs/A
— J. Perdew et al (1996)
Bien qu'étant une approche assez simple conceptuellement, l'approximation LDA permet néanmoins d'obtenir de bons résultats. Une compensation des erreurs permet d'expliquer en partie le relatif succès de la méthode LDA. Celle-ci tend en effet à sous-estimer l'énergie d'échange alors qu'elle surestime l'énergie de corrélation ce qui permet, in fine d'obtenir des valeurs assez bonnes pour l'énergie d'échange-corrélation.
L'approche LDA se fondait sur le modèle du gaz d'électrons et supposait donc une densité électronique uniforme. Cependant les systèmes atomiques ou moléculaires sont le plus souvent très différents d'un gaz d'électrons homogène et, de manière plus générale, on peut considérer que tous les systèmes réels sont inhomogènes c'est-à-dire que la densité électronique possède une variation spatiale. Les méthodes dites GGA (Generalized gradient approximation), parfois aussi appelées méthodes non locales, ont été développées de manière à prendre en compte cette variation de la densité en exprimant les énergies d'échanges et de corrélation en fonction de la densité mais également de son gradient (c'est-à-dire sa dérivée première). De manière générale , l'énergie d'échange-corrélation est définie dans l'approximation GGA comme :
Globalement, les fonctionnelles GGA sont construites selon deux types de procédures différents. L'un est de nature empirique et consiste en une interpolation numérique des résultats expérimentaux obtenus sur un grand nombre de molécules. On peut citer comme exemple de fonctionnelle construite selon ce processus les fonctionnelles d'échange notée B (Becke88), PW (Perdew-Wang) ou bien encore mPW (modified Perdew-Wang). La deuxième procédure consiste à construire les fonctionnelles sur la base des principes de la mécanique quantique (et est en ce sens plus rationnelle). Les fonctionnelles d'échange B88 (Becke88), P (Perdew86) ou PBE (Perdew-Burke-Ernzerhof) sont construites de cette manière.
Dans l'approximation GGA, la fonctionnelle d'échange est exprimée comme :
où
Les méthodes GGA permettent d'obtenir une amélioration des résultats par rapport à une approche locale. Cependant, comme décrit plus haut, l'approche GGA n'est pas toujours suffisante pour une description correcte de diverses propriétés chimiques des composés. C'est pourquoi, à partir du milieu des années 1990, de nouveaux types de fonctionnelles ont été développées de manière à aller au-delà des résultats fournis par des méthodes GGA. Les fonctionnelles dites meta-GGA (ou m-GGA) font ainsi intervenir dans les équations le laplacien (c'est-à-dire la dérivée seconde) de la densité. Celles-ci permettent un gain de précision dans la détermination des propriétés moléculaires mais posent certains problèmes au niveau de la stabilité numérique. On peut citer comme exemple de fonctionnelle m-GGA, la fonctionnelle de corrélation B95 développée par Becke. Un degré de précision supplémentaire est atteint en combinant l'échange et la corrélation obtenu par des méthodes GGA avec un certain pourcentage d'échange décrit par la théorie Hartree-Fock. Les fonctionnelles construites sur ce principe sont qualifiées de fonctionnelles hybrides, on parle alors de fonctionnelles H-GGA (hybrid-GGA functional). La détermination du pourcentage d'échange Hartree-Fock à inclure dans la fonctionnelle est essentiellement déterminée de manière empirique. L'utilisation de ce type de fonctionnelle permet une amélioration significative des résultats et est devenue depuis plusieurs années le choix le plus populaire dans le domaine de la chimie quantique. La fonctionnelle d'échange-corrélation hybride B3LYP représentait ainsi 80% d'utilisation sur la période 1990-2006. Les fonctionnelles HM-GGA (Hybrid-Meta GGA functional) représentent une nouvelle classe de fonctionnelles et font actuellement l'objet de nombreux développements. Le concept est similaire à l'approche des fonctionnelles hybrides, la différence est que l'on part de fonctionnelle m-GGA à la place de GGA. Ces fonctionnelles font donc intervenir l'échange Hartree-Fock, la densité électronique et son gradient ainsi que la densité électronique de l'énergie cinétique (c'est-à-dire le laplacien de la densité). C'est la cas, par exemple, de la fonctionnelle B1B95.
— Gn 28. 12
La métaphore de l'échelle de Jacob est due à J. Perdew et illustre le progrès croissant dans le domaine des fonctionnelles de la densité depuis le milieu des années 1980. L'échelle de Jacob, telle que vue par Perdew, contient 5 échelons représentant les 5 générations de fonctionnelles. Les utilisateurs prennent ici la place des anges, montant ou descendant les barreaux selon ses besoins qui résultent d'un compromis entre exactitude et ressources informatiques disponibles.
Paradis = exactitude | ||
Echelon | Méthode | Exemple |
---|---|---|
5e échelon | Totalement non local | - |
4e échelon | Hybrid Meta GGA | B1B95 |
Hybrid GGA | B3LYP | |
3e échelon | Meta GGA | BB95 |
2e échelon | GGA | BLYP |
1e échelon | LDA | SPWL |
Terre = Théorie Hartree-Fock |
Les fonctionnelles d'échange et de corrélation peuvent adopter des formes mathématiques souvent complexes. De manière à simplifier les notations, la convention est de noter les fonctionnelles du nom de leur(s) auteur(s) suivi de la date de publication dans le cas ou un même groupe a publié plusieurs fonctionnelles différentes. La fonctionnelle d'échange électronique développée par Axel Becke en 1988 est ainsi notée B et la fonctionnelle de corrélation publiée par le même auteur en 1995 est notée B95. Dans le cas où plusieurs auteurs sont impliqués dans le développement, les initiales de ceux-ci sont utilisées pour symboliser la fonctionnelle. La fonctionnelle de corrélation LYP est ainsi nommée du nom de ses trois auteurs Lee, Yang et Parr.
La description complète de l'échange et de la corrélation électronique est obtenue en combinant une fonctionnelle d'échange et une fonctionnelle de corrélation. La fonctionnelle est alors symbolisée en ajoutant simplement les symboles des fonctionnelles d'échange et de corrélation (toujours dans cet ordre). Dans les cas plus complexe des fonctionnelles hybrides le nombre de paramètres impliqués est également mentionné.
B3LYP est actuellement la fonctionnelle la plus employée en théorie DFT. Il s'agit d'une fonctionnelle hybride obtenue par combinaison linéaire entre des fonctionnelles d'échange et de corrélation GGA et de l'échange Hartree-Fock. B3LYP signifie Becke - 3 paramètres - Lee,Yang,Parr et est décrite comme :
Le tableau ci-dessous renseigne les principales fonctionnelles d'échange-corrélation employées dans les calculs DFT classées selon le type d'approximation utilisé. Une description plus complète ainsi que les références relatives aux diverses fonctionnelles reprises dans le tableau peuvent être trouvée dans le review publié par S.F. Sousa et al.
Type | Fonctionnelle | Année | Fonctionnelle d'échange | Pourcentage d'échange HF | Fonctionnelle de corrélation |
---|---|---|---|---|---|
LSDA | SVWN3 | 1981 | Slater | 0 | VWN n°3 |
SVWN5 | 1981 | Slater | 0 | VWN n°5 | |
SPWL | 1992 | Slater | 0 | Perdew Wang locale | |
GGA | BLYP | 1988 | Becke88 | 0 | Lee-Yang-Parr |
BP86 | 1988 | Becke88 | 0 | Perdew86 | |
BPW91 | 1991 | Becke88 | 0 | Perdew-Wang 91 | |
PBE | 1996 | Perdew-Burke-Ernzerhof | 0 | Perdew-Burke-Ernzerhof | |
BPBE | 1996 | Becke88 | 0 | Perdew-Burke-Ernzerhof | |
G96LYP | 1996 | Gill96 | 0 | Lee-Yang-Parr | |
HCTH | 1998 | Hamprecht-Cohen-Tozer-Handy | 0 | Hamprecht-Cohen-Tozer-Handy | |
mPWLYP | 1998 | modified Perdew-Wang91 | 0 | Lee-Yang-Parr | |
mPWPW91 | 1998 | modified Perdew-Wang91 | 0 | Perdew-Wang91 | |
XLYP | 2004 | Becke88 + Perdew-Wang91 | 0 | Lee-Yang-Parr | |
MGGA | BB95 | 1996 | Becke88 | 0 | Becke95 |
HGGA | B3LYP | 1994 | Becke88 | 20 | Lee-Yang-Parr |
HMGGA | B1B95 | 1996 | Becke88 | 25 | Becke95 |