Théorème isopérimétrique - Définition

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Plan euclidien

Dans tout le paragraphe, S désigne une surface fermée convexe d'un plan euclidien dont l'aire, noté a, est finie et strictement positive ; le périmètre l'est aussi et est noté p.

Dans le plan euclidien, le théorème isopérimétrique prend la forme suivante :

  • La surface S possède une aire supérieure à celle d'un disque de périmètre p. L'égalité entre les aires n'a lieu que si S est un disque.

Ce théorème est souvent exprimé sous une forme équivalente, dite inégalité isopérimétrique :

p^2 - 4\pi a \ge 0\;

Aucune hypothèse n'est nécessaire sur la nature de la surface. Cependant, si elle n'est pas suffisamment régulière, le périmètre n'est pas fini, l'inégalité ne possède alors aucun intérêt.

Démonstrations géométriques élémentaires

En dimension 2, on dispose d'une propriété qui simplifie grandement les choses :

  • Si une surface n'est pas convexe mais est d'aire et de périmètre fini, il existe une surface S de périmètre strictement plus petit et d'aire strictement plus grand.

Intuitivement, ce théorème est relativement évident. L'enveloppe convexe de S possède une aire strictement plus grande et un périmètre strictement plus petit que S, si l'ensemble n'est pas convexe. Pour cette raison, il est pertinent de ne s'intéresser qu'aux surfaces convexes. Comme l'aire et le périmètre, s'ils existent, d'un convexe est le même que celui de son adhérence, se limiter aux convexes fermés ne réduit en rien la généralité des solutions trouvées. Enfin, comme toute surface de périmètre fini est bornée, si elle est fermée, elle est nécessairement compacte (cf. l'article Topologie d'un espace vectoriel de dimension finie).

L'article Isopérimétrie établit encore deux résultats à l'aide de la géométrie du triangle :

  • Si un polygone à n sommets possède une aire maximale pour un périmètre donné, ce polygone est régulier.
  • Si une surface possède une aire maximale pour un périmètre donné, alors cette surface est celle d'un disque.

La partie plus difficile à établir est l'existence de telles surfaces.

Calcul des variations

Une première manière de simplifier la question est du supposer que la frontière est suffisamment régulière. En 1904, Hurwitz propose une démonstration particulièrement élégante, qui se fonde sur l'inégalité de Wirtinger :

  • Soit une courbe fermée définie par une fonction f(t)=(x(t),y(t)) périodique, continûment dérivable définissant une surface S. La majoration suivante est vérifiée, l'égalité n'ayant lieu que si la courbe définit un cercle.
p^2\geq 4\pi a\;

Le prix à payer contre l'élégance et la simplicité est le caractère partiel de la solution. L'existence d'une solution optimale est bien démontrée, mais uniquement si la frontière est lisse. Or la frontière peut être quelconque. Évidemment, si elle n'est pas finie, la formule est vraie mais possède peu d'intérêt.

Polygone et Steiner

La fonction associe à un triangle de périmètre égal à 3, son aire.

Les démonstrations historiques ont toutes un chainon manquant. Elles montrent qu'une surface, polygonale ou quelconque, qui ne possède pas la bonne propriété : être régulier ou être un disque, n'est pas un optimum. En revanche, elle ne montre pas qu'un tel optimum existe. Une fois l'existence d'un tel optimum démontrée, on sait alors qu'il est unique et l'on connait sa géométrie. Mais la démonstration de cette existence est l'élément qui bloque les démonstrations pendant de si nombreux siècles. Elle demande une compréhension d'un aspect alors mal maitrisé de la géométrie : la topologie.

Les preuves actuelles procèdent d'une démarche encore inconnue à l'époque de Steiner. La géométrie étudiée n'est plus le plan euclidien, support de la surface étudiée, mais un univers où chaque point est une surface. Elle est illustrée sur la figure de gauche dans le cas particulier des triangles. La fonction considérée est celle qui, à un triangle de périmètre 3, associe son aire. Le triangle est représenté par deux paramètres, c la longueur d'une arête et φ l'angle entre deux arêtes dont celle de longueur c. Si l'angle est de mesure nulle ou égale à π, l'aire est nulle, il en est de même si c est égal à 0 ou à 3/2. La représentation graphique montre que le maximum est bien atteint. Dans ce cas particulier, le sommet est le triangle décrit par le couple (1, π/3).

Dans le cas des polygones à n sommets, où n est un entier supérieur à 2, la configuration est relativement simple. On identifie un polygone à un vecteur de R2n. L'ensemble des polygones devient une partie d'un espace vectoriel euclidien, cette fois-ci, de dimension 2n. La topologie d'un espace euclidien dispose d'une propriété adéquate. Un théorème assure que les ensembles fermés et bornés sont des compacts. La fonction, qui à un polygone associe son aire est continue. Un des charmes des compacts est que toute fonction continue, définie sur un compact et à valeur dans R atteint ses bornes. La configuration est analogue à celle de la figure de gauche. Ce qui permet d'établir le chainon manquant :

  • Il existe un polygone à n côtés et de périmètre p qui possède une aire maximale.

Pour le cas général, une démarche analogue à la précédente ne permet pas de conclure. En se limitant aux convexes compacts, la zone qui nous intéresse est bien un fermé borné, mais la dimension de l'espace est ici infinie. Or si la dimension n'est pas finie, le théorème de Riesz montre qu'un fermé borné comme la boule unité n'est jamais compact. De plus, la fonction périmètre n'est plus continue, on peut approcher de plus en plus précisément un disque de rayon 1 par des carrés de plus en plus petits, l'approximation garde un périmètre égal à 8 sans s'approcher de la valeur 2π, même si elle devient excellente.

En revanche, il est possible d'approcher précisément la frontière d'un convexe compact par un polygone de périmètre plus petit et de surface presque égale à celle du convexe. Cette propriété, et le fait d'avoir établi le théorème isopérimétrique pour les polygones, permet aisément de montrer qu'aucune surface de périmètre p ne peut posséder une aire supérieure à celle d'un disque de même périmètre. Le disque est ainsi un des optimums recherchés, et les travaux de Steiner montrent que cet optimum est unique.

  • Toute surface S possède une aire plus petite que celle du disque de même périmètre. L'égalité n'a lieu que si la surface S est elle aussi un disque.

Somme de Minkowski

Somme de Minkowski d'un hexagone de rayon 1 et de la boule unité

On pourrait croire que les deux démonstrations précédentes closent le débat du problème isopérimétrique du plan euclidien E. Il n'en est rien. La démarche d'Hurwitz n'apporte aucune information si la frontière n'est pas suffisamment lisse. Celle présentée au dernier paragraphe se généralise mal aux dimensions supérieures. A partir de la dimension 3, il ne faut plus espérer trouver des polyèdres convexes réguliers, encore appelés solides de Platon approchant avec la précision voulue la sphère. Il n'existe que 5 solides de ce type.

Hausdorff et Minkowski développent une autre approche, fondée sur une géométrie un peu différente. Ici, le terme de géométrie désigne l'étude d'un ensemble muni d'une distance et d'une opération algébrique compatible. L'espace considéré est celui des compacts non vides, la distance celle de Hausdorff et l'opération est la somme de Minkowski, dont la compatibilité avec la distance se traduit par la continuité de l'opération. La somme de Minkowski P + Q correspond à l'ensemble des sommes dont le premier membre est élément de P et le second de Q :

P + Q = \{x \in E\quad x = p + q \quad\text{avec}\quad p \in P \;\text{et}\; q \in Q\}

Si S désigne un convexe compact non vide et t.B la boule fermée de centre le vecteur nul et de rayon t, l'aire de la somme S + t.B prend la forme suivante, connue sous le nom de formule de Steiner-Minkowski :

A(S + t\mathcal B) = a + p\cdot t + \pi \cdot t^2 \;

Ici, a désigne l'aire de S et p son périmètre. Cette somme est illustrée sur la figure de gauche dans le cas d'un hexagone. La somme correspond à l'ensemble des points du plan à une distance inférieure ou égale à t de S. Appliquer à l'hexagone jaune de la figure de gauche, on peut décomposer cette somme en trois régions. La première correspond à la figure initiale S en jaune, la deuxième aux points situés sur un rectangle de côté une arête du polygone et de largeur t, correspondant aux 6 rectangles bleus. L'aire des surfaces bleues est égale à p.t. Enfin, à chaque sommet est associée une portion de disque de rayon t, en vert sur la figure. L'union de ces portions de disque forme un disque complet, d'où le dernier terme de la formule. La démonstration dans le cas non polygonal est donnée dans l'article détaillé.

La surface s'exprime comme un polynôme de degré 2, son discriminant est égal à p2 - 4π.a. On reconnait là le terme de l'inégalité isopérimétrique. Démontrer le théorème revient à dire que le discriminant n'est jamais négatif, ou encore que le polynôme admet au moins une racine. Ce résultat s'obtient directement comme une conséquence de l'inégalité de Brunn-Minkowski.

Inégalité de Bonnesen

L'opposé rayon du cercle inscrit ainsi que celui du cercle circonscrit se trouvent entre les racines du polynôme.

A y regarder de près, le paragraphe précédent propose bien une méthode généralisable pour montrer l'inégalité isopérimétrique, mais elle n'indique pas comment traiter le cas de l'égalité. Plus précisément, la démonstration n'indique pas que seul le cercle est la solution, partie difficile de la démonstration qui a bloqué tant de monde depuis l'Antiquité.

Il existe bien une preuve, donnée dans l'article isopérimétrie et fondée sur une symétrisation de Steiner. Elle est mal commode à généraliser en dimension quelconque. Bonnesen trouve une expression simple, en fonction d'un cercle inscrit et d'un circonscrit. Le cercle est dit inscrit dans un compact S s'il est inclus dans S et si son rayon r est maximal. Un cercle est dit circonscrit dans S s'il contient S et si son rayon R est minimal. L'inégalité de Bonnesen s'exprime de la manière suivante, si a est l'aire du compact et p son périmètre :

p^2 - 4\pi a \ge \pi^2(R - r)^2\;

Ce résultat signifie que le discriminant du polynôme du second degré, qui à t associe l'aire de la surface S + t.B admet deux racines distinctes si un cercle inscrit possède un rayon strictement plus petit qu'un cercle circonscrit. Autrement dit, pour le l'égalité isopérimétrique ait lieu, il est nécessaire que les deux rayons soient égaux, ce qui ne peut arriver que pour le cercle. Un autre résultat, un peu plus fort indique que les deux valeurs -R et -r se situent entre les deux racines, comme illustré sur la figure de droite. De la même manière, on en déduit la nécessité de l'égalité entre R et r pour atteindre l'optimal.

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