Théorème des deux carrés de Fermat - Définition

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Démonstrations

Les différentes démonstrations sont regroupées en fonctions des époques et des auteurs. En revanche, la rédaction choisie utilise le formalisme moderne : ainsi, la présentation des résultats de Diophante est très éloignée de la forme géométrique présente dans les textes originaux. Les preuves ont été choisies pour leur simplicité. En conséquence, la démonstration fondée sur les entiers de Gauss est due à Dedekind, celle utilisant les résultats de Lagrange sur les formes quadratiques est due à Gauss et certains résultats de Fermat sont exprimés en termes de résidus, vocable contemporain qui n'apparait qu'à la fin du XVIIIe siècle.

Époque de Diophante

Une première approche élémentaire montre que :

  • Si un entier n est somme de deux carrés, alors le reste de la division de n par 4 n'est jamais égal à 3.

Elle se démontre en étudiant les restes de la division euclidienne par 4 d'un carré parfait.

Une identité remarquable due à Diophante (Arithmetica, III, 19), souvent dénommée identité de Brahmagupta permet d'établir le résultat suivant :

  • Si deux entiers n et m sont sommes de deux carrés, alors leur produit est aussi somme de deux carrés.

Les deux entiers n et m peuvent être vus comme le carré du module de deux nombres complexes à parties réelle et imaginaire entières. Comme le produit de deux modules est égal au module du produit, il suffit de considérer les parties réelles et imaginaires du produit pour conclure.

Il est aussi possible d'établir directement l'identité sans référence aux nombres complexes :

Conséquences de l'identité de Diophante

L'identité de Diophante permet d'aller plus loin dans l'analyse de l'équation. Elle permet de montrer que:

  • Si un nombre premier p est somme de deux carrés, alors les deux carrés sont uniques.

Une autre propriété est utile :

  • Si un entier n, somme de deux carrés, est divisible par un nombre premier m, somme de deux carrés, alors le quotient est lui-même somme de deux carrés.

La démonstration est de même nature que la précédente, elle est fondée sur des calculs algébriques astucieux utilisant la même identité. Ce résultat peut être utilisé pour établir une preuve du théorème. Il permet d'avancer aussi l'analyse du cas général. Il permet par exemple de démontrer la proposition suivante, présente dans une des preuves du théorème :

  • Si un nombre n, somme de deux carrés, est divisible par un nombre m, qui n'est pas somme de deux carrés, alors le quotient q contient un facteur premier qui n'est pas somme de deux carrés.

Fermat et les résidus

Une autre étape de la démonstration consiste à étudier les restes de la division euclidienne par p de chacun des termes de l'équation x2 + y2 = p. Comme le reste du terme de droite est nul, celui du terme de gauche est aussi nul. Cette démarche revient finalement à trouver une solution à l'équation suivante :

(1)\quad x^2 + y^2 = k_1.p \quad\text{avec}\quad k_1 \in \mathbb N\;

L'objectif est de trouver les solutions telles que ni x ni y ne soient des multiples de p. Comme p est premier, cela signifie que y et p sont premiers entre eux. L'identité de Bézout montre l'existence d'entiers α et β tels que :

 \alpha .y + \beta.p = 1 \quad \text{et}\quad \alpha^2 .y^2 = 1+\beta^2.p^2-2.\beta .p

En multipliant par α2 l'équation (1) et en remplaçant α2.y2 par la valeur calculée précédemment, on obtient :

(\alpha.x)^2+ 1 = p.(\alpha^2.k_1 - \beta^2.p + 2.\beta)\quad \text{ou}\quad (2)\quad m^2 + 1 =k.p\quad\text{avec}\; m=\alpha.x \; \text{et}\; k = \alpha^2.k_1 - \beta^2.p + 2\beta\;

L'équation (2) admet toujours une solution si p est somme de deux carrés. Elle correspond à une simplification de l'équation générale, maintenant connue sous le nom du problème du résidu quadratique. Elle revient à déterminer dans quel cas un multiple d'un nombre premier s'écrit comme la somme d'un carré parfait et de un. Si p est un nombre premier différent de deux, la solution est donnée par la proposition suivante :

  • Il existe un multiple de p s'écrivant comme somme d'un carré parfait et de un si et seulement si le reste de la division euclidienne de p par quatre donne pour reste un.

La condition est nécessaire, il a en effet déjà été démontré que le reste de la division euclidienne de m2 + 1 n'est jamais égal à trois. De nombreuses approches permettent d'établir la condition suffisante. L'une utilise le petit théorème de Fermat. Une connaissance plus avancée en arithmétique modulaire permet une démonstration plus expéditive.

Euler et la descente infinie

La démonstration d'Euler, présentée ici, suit exactement le plan indiqué par Fermat. Après l'utilisation du petit théorème de Fermat pour l'étude du résidu quadratique, il utilise la méthode de descente infinie. Cette méthode, souvent utilisée en arithmétique, se fonde sur les propriétés des entiers positifs. Elle propose des raisonnements par l'absurde fondée sur le fait qu'il n'existe pas dans N (l'ensemble des entiers positifs) de suite infinie strictement décroissante. La preuve consiste, à l'aide des hypothèses, à construire une suite infinie strictement décroissante d'entiers positifs. Comme une telle suite n'existe pas, il est démontré qu'une hypothèse est fausse.

Les démonstrations de cette nature s'appliquent plus naturellement pour l'obtention de propriété d'inexistence de solutions. Fermat l'utilise en particulier pour montrer une proposition équivalente à celle de son grand théorème pour n égal à quatre. La difficulté ici consiste à appliquer cette méthode pour démontrer un résultat positif : l'existence de solution. Euler trouve une méthode astucieuse, il établit d'abord le lemme suivant en utilisant la descente infinie :

  • Si un entier n est somme de deux carrés parfaits n = a2 + b2 et si a et b sont premiers entre eux, alors chaque facteur premier de n est somme de deux carrés.

Une fois ce résultat établi, la démonstration est brève. Le paragraphe précédent montre qu'il existe un entier k tel que k.p soit somme de deux carrés m2 + 12 . Les deux entiers m et 1 sont premiers entre eux car 1 est premier avec tous les entiers. Le facteur p est donc, d'après la proposition précédente, somme de deux carrés.

Lagrange et les formes quadratiques

Si la démonstration d'Euler possède l'avantage de clore une conjecture de plus d'un siècle, elle est difficilement généralisable et ne permet guère de progresser sur l'équation diophantienne x2 + n.y2 = p.

Lagrange utilise une démarche moins entachée de cette faiblesse. Il considère l'expression x2 + y2 comme la forme quadratique associée au produit scalaire canonique. Cette approche élargit considérablement la liste des outils disponibles, ceux de l'algèbre linéaire en font maintenant partie. La situation n'est néanmoins pas celle la plus fréquemment rencontrée. Le produit scalaire n'est pas défini sur un espace vectoriel mais sur le module Z2. Un module est une structure comparable à celle d'espace vectoriel, à la différence près que l'ensemble des scalaires n'est plus un corps. Pour les modules de cette nature, certains résultats restent vrais, comme par exemple l'existence d'une base ce qui offre une expression algébrique simple.

Si M est la matrice de passage de la base canonique dans une autre base sur Z2, son déterminant est nécessairement égal à 1 ou -1. En effet, une matrice de passage est inversible :

\det(M\circ M^{-1})=\det(M)\cdot \det(M^{-1})=\det(Id)=1

Ici Id désigne la matrice identité. Comme les coefficients de la matrice sont entiers, le déterminant l'est aussi. L'égalité précédente montre que le déterminant de M est inversible et comme les seuls entiers inversibles sont 1 et -1, ce sont les seules valeurs possibles. La matrice du produit scalaire canonique est l'identité. Dans une base quelconque, la matrice est donc de la forme tM.M (ici tM désigne la matrice transposée de M). Une telle matrice est symétrique et de déterminant égal à un car la transposition ne modifie pas le déterminant. Comme le produit scalaire est défini positif, les coefficients diagonaux sont positifs. Réciproquement, Lagrange établit le résultat suivant :

  • Toute forme bilinéaire sur Z2 dont la matrice est symétrique, de coefficients diagonaux positifs et de déterminant égal à un, admet une base orthonormale.

Ainsi l'image par la forme quadratique associée d'un vecteur de coordonnées (x, y) dans la base orthonormale est égale à x2 + y2. Lagrange choisit la forme bilinéaire φ de matrice M suivante :

M = \begin{pmatrix} p & m \\ m & q \end{pmatrix}

Ici, p désigne le nombre premier congru à un modulo quatre et m et q des entiers. La matrice M possède un déterminant égal à un si et seulement si m2 + 1 = p.q. Cette équation est bien connue et déjà traitée. Elle correspond à l'étude du résidu quadratique -1 sur le modulo p. Elle admet une solution si et seulement si p est congru à un modulo quatre.

Soit u le vecteur de coordonnées (1, 0), un calcul élémentaire montre que φ(u, u) = p. Si a et b sont les coordonnées de u dans la base orthonormale, alors l'expression de φ(u, u) devient a2 + b2, ce qui démontre le théorème.

Gauss et ses entiers

Illustration de la démonstration par les entiers de Gauss

L'adjonction d'une géométrie euclidienne à la question des deux carrés est d'un incontestable apport. Elle permet d'introduire les outils de l'algèbre linéaire dans l'arithmétique. Elle ouvre cependant plus de questions qu'elle n'en résout. Bien peu d'outils restent disponibles pour attaquer le cas général. Gauss propose un nouvel enrichissement structurel de l'ensemble des couples de coordonnées entières. Le plan, qui dispose déjà d'une addition, d'un produit externe par un élément de Z et d'une forme quadratique, est en plus équipé d'une multiplication interne. Le point (a, b) de coordonnées entières est identifié au complexe a + i.b. L'ensemble des points dispose alors d'une structure d'anneau dont les éléments sont appelés entiers de Gauss.

La forme quadratique est maintenant interprétée comme une norme. À un point z est associé la norme N(z) définie par le produit de z et de son conjugué. La norme dispose d'un double avantage aux yeux du théorème sujet de l'article, la question posée s'exprime sous une forme simple N(z) = p et la norme est une valuation de l'anneau. Une valuation est ici une application qui à un entier de Gauss associe un entier naturel (le terme entier naturel désigne ici un élément de Z) positif et qui respecte la multiplication, c'est-à-dire si Z[i] désigne l'ensemble des entiers de Gauss :

\forall z_1,z_2 \in \mathbb Z[i]\quad N(z_1.z_2)=N(z_1).N(z_2)\;
Richard Dedekind est l'auteur de la démonstration proposée ici.

Elle possède l'avantage de conférer à l'anneau une structure euclidienne, c'est-à-dire que l'anneau dispose d'une division euclidienne. Ainsi, si n et m sont deux entiers de Gauss :

\exists d,r \in \mathbb Z[i]\quad n = d.m + r\quad \text{avec}\quad N(r)<N(d)

Tout anneau euclidien est aussi factoriel, ce qui signifie que le théorème fondamental de l'arithmétique s'applique encore. Il existe ainsi des nombres premiers de Gauss et une décomposition unique en facteur premiers, aux entiers inversibles près.

Ce nouveau cadre structurel autorise la démonstration du théorème en quelques lignes. Si p est un nombre premier congru à 1 modulo 4, l'objectif est de montrer l'existence d'un entier z tel que N(z) = p. Le résultat sur le résidu quadratique -1 montre qu'il existe deux entiers naturels positifs m et k tel que N(m + i) = k.p. On en déduit l'égalité suivante :

(m+i)(m-i) = k.p\;

Cette égalité permet de déduire que p n'est pas premier comme entier de Gauss. S'il l'était, il diviserait m + i ou m - i, ainsi que son conjugué. Ainsi il diviserait l'un et l'autre ainsi que leur différence -2.i. Or l'entier de Gauss p ne divise pas -2.i car sa norme est trop grande. Il existe donc deux entiers de Gauss z1 et z2, qui ne sont pas des unités et tel que z1.z2 est égal à p. Comme les diviseurs ne sont pas des unités, leur normes sont différentes de 1 et N(z1).N(z2) = p2. Comme p est premier, les seuls diviseurs de p2 sont 1, p et lui-même. On en déduit que N(z1) est égal à p, ce qui termine la démonstration.

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