Théorème de Thalès - Définition

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Origines

Rien n'atteste de la connaissance ou non du théorème de Thalès ou d'un résultat similaire avant la (lente) apparition de l'écriture. Les premières traces connues et incontestables de l'utilisation de connaissances mathématiques sont des textes pragmatiques provenant des premières grandes civilisations maitrisant l'écriture. Les textes les plus anciens traitent tous de numération, c'est-à-dire de l'art du calcul, en particulier de la multiplication, de la division et de l'extraction de racines. Il n'est pas étonnant que ces textes soient les premiers : sans la maitrise de cet art, le théorème de Thalès n'a pas d'utilité. Les premières traces d'une connaissance du théorème ou d'un substitut proche remontent au IIe millénaire av. J.-C., à l'âge du bronze, à la fois en Égypte antique et en Mésopotamie dans la civilisation babylonienne.

Civilisation babylonienne

La tablette MLC 1950 (datée entre -1900 et -1600) décrit un exercice dans lequel le scribe cherche à calculer les longueurs des bases d'un trapèze rectangle à partir d'informations sur l'aire du trapèze, sa hauteur et la hauteur du triangle correspondant. Les données sont indiquées sur la figure ci-contre (en notation sexagésimale). Le scribe calcule :

  • la demi-somme des longueurs cherchées comme le rapport de l'aire par la hauteur (d'autres tablettes confirment que la formule donnant l'aire du trapèze était connue) ;
  • la demi-différence par application d'une formule non expliquée ; en notant A l'aire du trapèze BDEC, elle s'écrit aujourd'hui littéralement :
\dfrac{BC-DE}{2}=\dfrac{A}{2AD+BD}.

Roger Caratini explique comment obtenir cette formule en appliquant la petite propriété de Thalès aux triangles ABC et ADE d'une part, et aux triangles CBA et CFE d'autre part. Il déduit de ce raisonnement que le scribe possédait « un certain nombre de connaissances dans le domaine de la géométrie élémentaire, en particulier les théorèmes fondamentaux sur la similitude des triangles » (donc, le théorème de Thalès ou un substitut). Cependant, le problème est présenté par sa figure sans que les hypothèses soient énoncées ;

Démonstration possible de la formule

Le parallélogramme BDEF admet un angle droit en B, et deux de ses côtés sont par hypothèses parallèles : c'est donc un rectangle. En particulier, la droite (EF) est parallèle à (AB). L'application de la petite propriété de Thalès aux triangles CBA et CFE donne :
\dfrac{BC-DE}{DE}=\dfrac{BD}{AD} ou encore \dfrac{BC-DE}{BD}=\dfrac{DE}{AD}.
Comme la droite (DE) est parallèle à la droite (BC), une nouvelle application da la propriété de Thalès donne :
\dfrac{AD}{AB}=\dfrac{DE}{BC} ou encore \dfrac{BC}{AB}=\dfrac{DE}{AD}.
D'où on peut déduire :
BC+DE=(AB+AD).\dfrac{BC-DE}{BD}=\dfrac{2.A}{BD}.
Par conséquent, on en déduit :
\dfrac{BC-DE}{2}=\dfrac{A}{2AD+BD}.

Égypte antique

Le papyrus Rhind contient un équivalent du théorème de Thalès.

De la civilisation égyptienne, seuls quatre papyrus offrent des résolutions de problèmes mathématiques. Les égyptologues déduisent les connaissances mathématiques de l'Égypte antique indirectement des documents administratifs traitant des crues du Nil, du calcul des impôts, des répartitions de terres cultivables, du dessin des champs après la destruction des repères suite aux crues... Selon certains, les pyramides de Gizeh démontreraient un savoir géométrique mis au service de l'architecture. Cependant, selon d'autres, l'absence de tables numériques montre un faible intérêt pour les mathématiques en dehors de ses applications.

Le plus célèbre des quatre papyrus est le papyrus Rhind, du nom d'Alexander Henry Rhind , un antiquaire écossais qui l'achèta en 1858. Il aurait été rédigé par le scribe Ahmès sous le pharaon Apophis Âa-ouser-rê (vers -1550), reprenant le contenu d'un papyrus non retrouvé rédigé sous le règne du pharaon Amenemhat II (vers -1850).

Sylvia Couchoud, une égyptologue, étudie ce papyrus avec attention. Outre les informations qu'il fournit sur les connaissances en arithmétique et en algèbre, il offre l'énoncé du théorème de Thalès, appelé seqet, appliqué à un exemple numérique.

Grèce antique

Une édition des Éléments d'Euclide.

La civilisation grecque antique est différente de celle de l'Égypte et de Babylone. La philosophie et la beauté y sont des sujets essentiels. Il n'est donc pas étonnant que les mathématiques grecques n'ont plus pour premier objectif la résolution de problèmes pragmatiques, mais celle de problèmes théoriques. Pythagore établit une géométrie fondée sur des principes, qui deviendront plus tard des axiomes pour accéder à une approche non expérimentale et purement spéculative et intellectuelle. Pour Platon, les mathématiques constituent la base de l'enseignement des Rois-philosophes de la cité idéale. La géométrie prend réellement ses racines dans la civilisation grecque.

Une vision de cette nature modifie radicalement la formulation du théorème de Thalès, dont on trouve la première démonstration écrite connue dans les Eléments d'Euclide. Trois éléments essentiels ont changé. Le théorème est énoncé de manière parfaitement générale, à la différence des Égyptiens qui décrivent ce résultat à l'aide d'un exemple, ou des Babyloniens qui semblent utiliser implicitement le résultat. Précédemment, les traités de mathématiques se présentaient comme une suite de techniques à même de trouver le bon résultat. La notion de démonstration était absente. Enfin, la réciproque est énoncée, ce qui est aussi une première.

Le calcul de la hauteur d'une pyramide, une légende

le théorème de l'article doit son nom en France à Thalès de Milet.

Certains textes littéraires de l'Antiquité grecque font référence aux travaux de Thalès de Milet au VIe siècle av. J.-C., dont aucun écrit ne nous est parvenu. Cependant, aucun texte ancien n'attribue la découverte théorème à Thalès. Dans son commentaire sur les Éléments d'Euclide, Proclos affirme que Thalès aurait rapporté le résultat de son voyage en Égypte. Hérodote rapporte la même chose et précise qu'il est l'un des sept sages fondateurs de cette civilisation. Une anecdote célèbre rapporte que Thalès obtint l'admiration de Pharaon en mesurant la hauteur d'une des pyramides. Plutarque indique que :

«  Dressant seulement à plomb un bâton au bout de l’ombre de la pyramide et se faisant deux triangles avec la ligne que fait le rayon du soleil touchant aux deux extrémités, tu montreras qu’il y avait telle proportion de la hauteur de la pyramide à celle du bâton, comme il y a de la longueur de l’ombre de l’un à l’ombre de l’autre. »

Cette légende est reprise par d'autres auteurs. Diogène Laërce écrit :

«  Hiéronyme dit que Thalès mesura les pyramides d'après leur ombre, ayant observé le temps où notre propre ombre égale notre hauteur.. »

Thales theorem 6.png

Bernard Vitrac émet de sérieux doutes sur la réalité de ces précisions : « Plus ils sont tardifs, plus ils sont capables de donner des détails sur le procédé utilisé ». Plutarque parle seulement de proportionnalité entre les hauteurs de la pyramide et du bâton, d'une part, et des longueurs de leurs ombres projetées, d'autre part. Laërce évoque l'égalité des côtés adjacents à un angle droit d'un triangle rectangle isocèle. La légende selon laquelle Thalès aurait inventé « son » théorème en voulant calculer la hauteur d'une pyramide est aujourd'hui véhiculée et embellie sur de nombreux sites internet, par de nombreux journaux de vulgarisation et par certains auteurs.

Selon Michel Serres, cette histoire était utilisée et transmise dans la civilisation grecque antique comme un moyen mnémotechnique : « Dans une culture de tradition orale, récit tient lieu de schéma, scène vaut intuition, où l'espace vient en aide à la mémoire. [...] Mieux vaut reconnaître, alors, dans le récit, moins une légende originaire que la forme même de la transmission ; il communique un élément de science plus qu'il ne témoigne de son émergence ».

Cette histoire atteste aussi de l'origine probable de la géométrie : le calcul des distances et des tailles caractéristiques d'objets inaccessibles (ici la hauteur d'une pyramide) a probablement conduit l'homme à s'interroger sur les relations des distances entre des points de repère. Cette interrogation l'a naturellement conduit à s'intéresser à la trigonométrie, d'où l'émergence de résultats comparables au théorème de Thalès. Par ailleurs, on trouve dans les différentes versions un objet de référence, un axe, un essieu, ou Thalès lui-même, utilisé comme un gnomon, terme signifiant « instrument du savoir, de la compréhension ». Certains voient dans l'origine babylonienne de ce terme une preuve supplémentaire que l'énoncé du théorème et sa démonstration seraient d'origine babylonienne

Une version de la légende de la découverte du résultat par Thalès pourrait être la suivante.

Version de la légende

Lors d'un voyage en Égypte, Thalès aurait visité les pyramides construites plusieurs siècles plus tôt. Admirant ces monuments, il aurait été mis au défi d'en calculer la hauteur. Thalès aurait donc entrepris une mesure des pyramides, dont le principe reposerait sur le concept de triangles semblables et de proportionnalité. Thalès aurait remarqué qu'à cette époque de l'année, à midi, l'ombre portée d'un homme ou d'un bâton égalait la taille de l'homme ou la longueur du bâton. Les rayons de soleil pouvant être supposés parallèles, Thalès en aurait déduit qu'il en serait de même pour la hauteur de la pyramide et son ombre projetée.
Encore fallait-il être capable de mesurer l'ombre projetée : il aurait repéré le sommet de l'ombre projetée de la pyramide, mais pour la mesurer dans son entier, il lui aurait fallu partir du centre de la pyramide qui n'était pas accessible. Thalès aurait bénéficié d'un atout supplémentaire : non seulement l'ombre portée égalait la hauteur de la pyramide, mais les rayons du soleil étaient perpendiculaires à une arête de la base. Le sommet de l'ombre de la pyramide se serait alors trouvé sur la médiatrice d'un côté de la base. Il lui aurait suffi de mesurer la distance séparant l'extrémité de l'ombre et le milieu du côté, d'ajouter à cette longueur un demi-côté pour obtenir la hauteur de la pyramide.
Le fait que le sommet de l'ombre de la pyramide soit sur la médiatrice d'un côté à midi ne tient absolument pas du hasard, mais au fait que les pyramides sont orientées plein sud ou plein ouest. La pyramide de Khéops est située à une latitude de 30°, la longueur de l'ombre égale celle du bâton lorsque le soleil fait 45° avec la verticale. L'angle que forme le soleil avec la verticale varie au cours de l'année entre 6,73° (au plus fort de l'été) et 53,27° (au plus fort de l'hiver) et ne fait un angle de 45° que deux fois dans l'année (le 21 novembre et le 20 janvier). Ce serait un hasard extraordinaire que Thalès se fût trouvé là à cet instant précis. À toute autre période de l'année, la longueur de l'ombre est proportionnelle à la hauteur.
Thalès aurait lui-même fait ces remarques. Il serait retourné et aurait expliqué que la hauteur de la pyramide est proportionnelle à la longueur de son ombre. En comparant la longueur de l'ombre et la hauteur d'un bâton planté, il lui aurait été facile de connaître le coefficient de proportionnalité et de l'appliquer ensuite à l'ombre de la pyramide pour en déterminer sa hauteur. Plutarque ne dit d'ailleurs pas autre chose(ou?).
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