Théorème de Jordan - Définition

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Démonstration

Résultats préliminaires

On utilise les notations suivantes, soit S un lacet simple d'un plan euclidien identifié à R2. Le complémentaire de S dans R2 est noté R2 - S. S est l'image par une application continue φ du cercle, noté ici R/Z dans R2. Ici R/Z désigne le groupe quotienté par son sous-groupe Z. La fonction φ peut encore être vue comme une fonction périodique de période 1. Si l'application φ est vue comme une fonction de R/Z, dire que le lacet est simple revient à dire que φ est injective.

Deux résultats préliminaires sont simples à établir :

  • Les composantes connexes de R2 - S sont des ouverts connexes par arcs.

Ce premier résultat simplifie la démonstration, il existe des théorèmes puissants, valables sur les connexes par arcs, particulièrement ceux issus de l'homotopie, comme le théorème du point fixe de Brouwer. Celui là est l'argument clé de la démonstration proposée ici.

  • Il existe une unique composante connexe de R2 - S non bornée.

Cette proposition limite le théorème à montrer l'existence d'une unique composante connexe bornée.

Lemmes techniques

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Le premier lemme correspond à celui explicité dans le paragraphe intitulé Par le théorème du point fixe de Brouwer et illustré sur figure de droite. L'ensemble C désigne le carré [ab]x[cd] où a, b, c et d sont des nombres réels tels que a (resp. c) est strictement plus petit que b (resp. d). Les lettres h et v désignent deux fonctions de [-1, 1] dans C, l'une plutôt horizontal et l'autre plutôt vertical. On note les coordonnées de la fonction h (resp. v) hx et hy (resp. vx et vy). On dispose, par hypothèse, des égalités :

h_x(0) = a,\; h_x(1)=b \quad\text{et}\quad v_y(0)=c,\;v_y(1)=d
  • Lemme 1 : Il existe un couple (x0, y0) de valeurs de prises dans l'intervalle [-1, 1] tel que h(x0) = v(y0).

Autrement dit, les courbes v et h se croisent. Ce résultat est une conséquence du théorème du point fixe de Brouwer.

Le deuxième lemme concerne la frontière des composantes connexes du complémentaire d'une courbe de Jordan dans un plan. Ici, la lettre γ désigne une courbe de Jordan.

  • Lemme 2 : Chaque composante connexe du complémentaire de γ possède pour frontière la courbe γ.

Ce lemme utilise non seulement le théorème du point fixe de Brouwer, mais aussi le théorème de prolongement de Tietze. Ce dernier indique que, dans un espace métrique, il est toujours possible de prolonger une application continue définie sur un fermé et à valeurs dans un segment de R en une application continue définie sur l'espace entier et à valeurs dans le même segment.

Preuve

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Les éléments de la démonstration sont maintenant rassemblés. Soit γ une courbe de Jordan, illustrée en bleu sur la figure en haut à gauche. Il est déjà établi qu'une composante connexe du complémentaire possède pour frontière la courbe γ et qu'il existe une unique composante connexe non bornée. Il reste à montrer l'existence d'une unique composante connexe bornée.

La courbe γ est bornée car image d'un compact par une application continue. Soient a et b deux points de γ tels que la distance entre ces deux points soit maximale. La compacité garantit encore l'existence de tels points. Quitte à opérer sur la courbe d'abord une rotation, puis une translation et enfin une homothétie, on peut fixer comme coordonnées aux deux points a et b : (-1, 0) et (1, 0). On considère ensuite le rectangle K couvrant la surface [-1, 1]x[-2, 2], il contient l'intégralité de la courbe γ et sa frontière intersecte la courbe en deux points uniques a et b. On définit enfin les points c et d de coordonnées respectives (0, 2) et (0, -2).

La démonstration se décompose en trois étapes. Dans un premier temps on construit un point x, dans un deuxième temps on montre que la composante connexe de x est bornée, enfin on montre que toute composante connexe bornée contient x.

Le lemme 1 montre que la courbe γ croise le segment [cd]. Soit m l'intersection de deuxième coordonnée maximale et γc la portion d'arc de γ qui relie a et b et qui contient m. Soit l l'intersection de γc et du segment [cd] de deuxième coordonnée minimale (qui peut, dans certains cas, être confondu avec m). Soit enfin de γd la deuxième portion d'arc de γ reliant a et b. Ces différentes notations sont illustrées sur la figure en haut à droite.

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Montrons que le chemin γd croise le segment [ld] (en violet sur la figure en bas à gauche). Le chemin vert et violet croise γd, d'après le lemme 1. Ce chemin se décompose en trois parties. La première, en vert, est composée par le segment [cm], qui ne peut croiser γd car ce segment ne croise γ qu'au point m, qui fait partie de γc. La deuxième partie en vert est la portion de chemin de γd comprise entre m et l, qui ne peut croiser γd car γ est définie par une application injective. La seule zone possible pour l'intersection est donc le segment [ld] en violet. Soit k l'intersection d'ordonnée maximale et x un point de l'intervalle ]kl[.

La composante connexe de x, illustrée en rose sur la figure en bas à gauche, est celle que l'on va maintenant démontrer être bornée. On raisonne par l'absurde et l'on suppose que x est dans la composante connexe non bornée. Cette composante connexe est ouverte, elle est en conséquence connexe par arc. Considérons un chemin reliant x à un point hors du rectangle [-1, 1]x[-2, 2], qui ne croise pas γ. Soit α la restriction de ce chemin telle que l'extrémité différente de x soit élément de la frontière du rectangle. Le chemin α est illustré en rouge sur les figures de droite. Si cette extrémité comporte une deuxième coordonnée négative, la première figure à droite montre l'existence, en vert et rouge, d'un chemin reliant c et d qui ne croise pas γd. Ce résultat est en contradiction avec le lemme 1 et cette contradiction montre que la deuxième coordonnée est positive. Cependant la deuxième figure de droite montre alors l'existence d'un chemin reliant c à d qui ne croise pas γc, cette configuration ne peut pas non plus se produire. En conclusion, tout chemin reliant x à la frontière du rectangle croise la courbe γ, ce qui montre que la composante connexe de x est bornée.

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Le deuxième lemme permet de montrer l'unicité de la composante connexe bornée. Supposons qu'il existe une autre composante connexe bornée, noté C. Le lemme 2 montre que sa frontière est égale à γ et C contient un point arbitrairement proche de a et un autre arbitrairement proche de b. Comme C est connexe, ces deux points sont connectés par un chemin β. En utilisant le lemme 1, on montre que ce chemin engendre une contradiction. On considère le chemin correspondant à la zone orange, verte et violette de la figure en bas à droite. Il coupe le rectangle en deux parties et croise le chemin β. Il ne peut le croiser dans la partie orange car les points de ces segments sont dans la composante non bornée. Le chemin β ne peut le croiser dans la partie verte car cette partie est incluse dans la frontière γ. Enfin, la partie violette est constituée de points de la composante connexe de x, ils ne peuvent pas non plus faire partie du chemin β.

Ce dernier raisonnement conclut la démonstration. On a montré l'existence d'une unique composante connexe non bornée, d'une unique composante connexe bornée et le lemme 2 indique que la frontière de ces composantes connexes sont les points de la courbe de Jordan.

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