On utilise les notations suivantes, soit S un lacet simple d'un plan euclidien identifié à R2. Le complémentaire de S dans R2 est noté R2 - S. S est l'image par une application continue φ du cercle, noté ici R/Z dans R2. Ici R/Z désigne le groupe quotienté par son sous-groupe Z. La fonction φ peut encore être vue comme une fonction périodique de période 1. Si l'application φ est vue comme une fonction de R/Z, dire que le lacet est simple revient à dire que φ est injective.
Deux résultats préliminaires sont simples à établir :
Ce premier résultat simplifie la démonstration, il existe des théorèmes puissants, valables sur les connexes par arcs, particulièrement ceux issus de l'homotopie, comme le théorème du point fixe de Brouwer. Celui là est l'argument clé de la démonstration proposée ici.
Cette proposition limite le théorème à montrer l'existence d'une unique composante connexe bornée.
En effet, soient x un point de R2 - S, Cx sa composante connexe et y un point de Cx. Comme S est l'image du compact R/Z par l'application continue φ, S est compact, donc fermé et R2 - S est ouvert. En conséquence, il existe un disque D ouvert de centre y et de rayon strictement positif inclus dans R2 - S. L'union de Cx et de D est connexe car union de deux connexes d'intersection non vide. On en déduit que l'union de Cx et de D est incluse dans la composante connexe de x dans R2 - S, comme cette composante connexe est égale à Cx, l'ensemble Cx contient D. Autrement dit, tout point y de Cx contient un disque de centre y et de rayon strictement positif, ce qui montre que Cx est ouvert. De plus, tout ouvert connexe de R2 est connexe par arcs, ce qui montre que les composantes connexes de R2 - S sont connexes par arcs.
Soit A et B deux points de R2 - S éléments d'une composante connexe non bornée. L'objectif est de montrer qu'ils sont éléments de la même composante connexe, ou encore de montrer qu'il existe un chemin d'extrémités A et B dans l'ensemble R2 - S. Le principe de la démonstration est illustré sur la figure de droite. L'ensemble S est compact, il existe un disque D (en orange sur la figure) contenant le lacet S. Comme les composantes connexes de A et de B sont non bornés, il existe des points A1 et B1 situés respectivement dans les composantes connexes de A et B et appartenant au complémentaire du disque D. On peut alors construire des chemins d'extrémités respectives A, A1 (en marron) et B, B1 (en bleu), situés dans R2 - S. Comme le complémentaire du disque D ne rencontre pas S, il est simple de construire un chemin de A1 à B1 qui ne rencontre pas S (illustré en violet sur la figure). La juxtaposition des chemins reliant A à A1, puis A1 à B1, puis enfin B1 à B forme un chemin reliant A et B et d'intersection vide avec S. Cette juxtaposition montre que A et B sont dans la même composante connexe et termine la démonstration.
Le premier lemme correspond à celui explicité dans le paragraphe intitulé Par le théorème du point fixe de Brouwer et illustré sur figure de droite. L'ensemble C désigne le carré [a, b]x[c, d] où a, b, c et d sont des nombres réels tels que a (resp. c) est strictement plus petit que b (resp. d). Les lettres h et v désignent deux fonctions de [-1, 1] dans C, l'une plutôt horizontal et l'autre plutôt vertical. On note les coordonnées de la fonction h (resp. v) hx et hy (resp. vx et vy). On dispose, par hypothèse, des égalités :
Autrement dit, les courbes v et h se croisent. Ce résultat est une conséquence du théorème du point fixe de Brouwer.
Le deuxième lemme concerne la frontière des composantes connexes du complémentaire d'une courbe de Jordan dans un plan. Ici, la lettre γ désigne une courbe de Jordan.
Ce lemme utilise non seulement le théorème du point fixe de Brouwer, mais aussi le théorème de prolongement de Tietze. Ce dernier indique que, dans un espace métrique, il est toujours possible de prolonger une application continue définie sur un fermé et à valeurs dans un segment de R en une application continue définie sur l'espace entier et à valeurs dans le même segment.
Le principe de la preuve est un raisonnement par l'absurde. On suppose que le couple n'existe pas, on construit alors une fonction φ de C dans lui-même qui n'admet aucun point fixe.
Soit ||.|| la norme qui à un couple de R2 associe la plus grande de ses coordonnées, en valeur absolue. Comme, par hypothèse, les images de h et de v ne s'intersecte pas, la fonction φ du carré [-1, 1]2 dans lui-même, est bien définie :
Par construction, elle prend ses valeurs à la frontière du domaine, c'est là qu'il faut rechercher les points fixes de φ. Un point de la forme (x, -1), où x est un réel en valeur absolue plus petit que 1, ne peut être un point fixe car la deuxième coordonnée de son image est positive. Un point de la forme (x, 1) ne peut non plus être un point fixe, car la deuxième coordonnée de son image est négative. En vérifiant les deux autres zones frontières, on conclut que φ ne peut posséder de point fixe, ce qui contredit le théorème du point fixe. Cette contradiction termine la démonstration du lemme.
Si le complémentaire ne possède qu'une unique composante connexe, la proposition est évidente. Sinon, soit U une composante connexe et Uc son complémentaire (à priori réunion de plusieurs composantes connexes). Si U n'est pas borné, son complémentaire Uc l'est, d'après un résultat précédent. On suppose, dans un premier temps, que U est borné.
L'intersection de l'adhérence de U et de Uc est inclus dans γ. En effet, soit p un point de cette intersection, il ne peut être dans une composante connexe autre que U car toutes les composantes connexes d'un ouvert sont ouvertes, il ne peut non plus être dans U par définition du complémentaire, il est donc dans γ. On suppose que cette intersection n'est pas égale à γ, c'est-à-dire que l'inclusion est stricte. Il existe alors un arc injectif α défini sur l'intervalle [0, 1] tel que son image contienne l'intersection.
On considère un point A élément de U et D un disque de centre A et contenant la composante connexe U. On considère l'application rα identité de α dans α. Comme α est homéomorphe au segment [0, 1], on peut appliquer le théorème de prolongement de Tietze, qui indique que l'on peut prolonger l'application rα en une application r continue de D dans α. On définit la fonction f comme égale à r sur U et à l'identité sur la zone de D ne rencontrant pas U. La définition de f sur la frontière de U et sur le complémentaire de U dans D coïncide, c'est l'identité, ce qui montre que f est continue. Cette application est de plus l'identité sur le bord du disque D.
L'application f possède une image contenant un trou : tout point de U n'a pas d'antécédent par f, en particulier, le point A n'est pas couvert par l'image de f. Soit p la projection du disque D de centre A sur sa frontière, cette application est définie sur tout le disque à l'exception du point A. Comme f possède une image ne contenant pas A, la composition pof est une application bien définie, elle est définie sur D et à valeurs dans la frontière de D, qu'elle laisse invariante. Soit maintenant l'application d, consistant à associer à un point de la frontière de D, son antipode. La fonction dopof est continue, du disque D dans lui-même et ne possède aucun point fixe, ce qui contredit le théorème du point fixe de Brouwer.
Si U n'est pas borné, Uc l'est, le raisonnement précédent s'applique encore, à condition de remplacer U par Uc.
Les éléments de la démonstration sont maintenant rassemblés. Soit γ une courbe de Jordan, illustrée en bleu sur la figure en haut à gauche. Il est déjà établi qu'une composante connexe du complémentaire possède pour frontière la courbe γ et qu'il existe une unique composante connexe non bornée. Il reste à montrer l'existence d'une unique composante connexe bornée.
La courbe γ est bornée car image d'un compact par une application continue. Soient a et b deux points de γ tels que la distance entre ces deux points soit maximale. La compacité garantit encore l'existence de tels points. Quitte à opérer sur la courbe d'abord une rotation, puis une translation et enfin une homothétie, on peut fixer comme coordonnées aux deux points a et b : (-1, 0) et (1, 0). On considère ensuite le rectangle K couvrant la surface [-1, 1]x[-2, 2], il contient l'intégralité de la courbe γ et sa frontière intersecte la courbe en deux points uniques a et b. On définit enfin les points c et d de coordonnées respectives (0, 2) et (0, -2).
La démonstration se décompose en trois étapes. Dans un premier temps on construit un point x, dans un deuxième temps on montre que la composante connexe de x est bornée, enfin on montre que toute composante connexe bornée contient x.
Le lemme 1 montre que la courbe γ croise le segment [c, d]. Soit m l'intersection de deuxième coordonnée maximale et γc la portion d'arc de γ qui relie a et b et qui contient m. Soit l l'intersection de γc et du segment [c, d] de deuxième coordonnée minimale (qui peut, dans certains cas, être confondu avec m). Soit enfin de γd la deuxième portion d'arc de γ reliant a et b. Ces différentes notations sont illustrées sur la figure en haut à droite.
Montrons que le chemin γd croise le segment [l, d] (en violet sur la figure en bas à gauche). Le chemin vert et violet croise γd, d'après le lemme 1. Ce chemin se décompose en trois parties. La première, en vert, est composée par le segment [c, m], qui ne peut croiser γd car ce segment ne croise γ qu'au point m, qui fait partie de γc. La deuxième partie en vert est la portion de chemin de γd comprise entre m et l, qui ne peut croiser γd car γ est définie par une application injective. La seule zone possible pour l'intersection est donc le segment [l, d] en violet. Soit k l'intersection d'ordonnée maximale et x un point de l'intervalle ]k, l[.
La composante connexe de x, illustrée en rose sur la figure en bas à gauche, est celle que l'on va maintenant démontrer être bornée. On raisonne par l'absurde et l'on suppose que x est dans la composante connexe non bornée. Cette composante connexe est ouverte, elle est en conséquence connexe par arc. Considérons un chemin reliant x à un point hors du rectangle [-1, 1]x[-2, 2], qui ne croise pas γ. Soit α la restriction de ce chemin telle que l'extrémité différente de x soit élément de la frontière du rectangle. Le chemin α est illustré en rouge sur les figures de droite. Si cette extrémité comporte une deuxième coordonnée négative, la première figure à droite montre l'existence, en vert et rouge, d'un chemin reliant c et d qui ne croise pas γd. Ce résultat est en contradiction avec le lemme 1 et cette contradiction montre que la deuxième coordonnée est positive. Cependant la deuxième figure de droite montre alors l'existence d'un chemin reliant c à d qui ne croise pas γc, cette configuration ne peut pas non plus se produire. En conclusion, tout chemin reliant x à la frontière du rectangle croise la courbe γ, ce qui montre que la composante connexe de x est bornée.
Le deuxième lemme permet de montrer l'unicité de la composante connexe bornée. Supposons qu'il existe une autre composante connexe bornée, noté C. Le lemme 2 montre que sa frontière est égale à γ et C contient un point arbitrairement proche de a et un autre arbitrairement proche de b. Comme C est connexe, ces deux points sont connectés par un chemin β. En utilisant le lemme 1, on montre que ce chemin engendre une contradiction. On considère le chemin correspondant à la zone orange, verte et violette de la figure en bas à droite. Il coupe le rectangle en deux parties et croise le chemin β. Il ne peut le croiser dans la partie orange car les points de ces segments sont dans la composante non bornée. Le chemin β ne peut le croiser dans la partie verte car cette partie est incluse dans la frontière γ. Enfin, la partie violette est constituée de points de la composante connexe de x, ils ne peuvent pas non plus faire partie du chemin β.
Ce dernier raisonnement conclut la démonstration. On a montré l'existence d'une unique composante connexe non bornée, d'une unique composante connexe bornée et le lemme 2 indique que la frontière de ces composantes connexes sont les points de la courbe de Jordan.