Produit tensoriel d'espaces vectoriels de dimensions finies
Il est pratique, avant d'étudier le produit tensoriel de vecteurs et de donner un sens plus précis au terme tenseur, de considérer les espaces vectoriels qui interviennent dans sa définition. On note que le même symbole, à savoir
, est utilisé pour construire à la fois les tenseurs et les espaces auxquels ils appartiennent.
On notera par la suite
l'ensemble des applications k-linéraires de
dans F (c'est-à-dire linéaires par rapport à chacune de leur k variables).
Définitions
Soit E et F deux espaces vectoriels de dimension finie sur un corps
(considéré comme commutatif ; en pratique il s'agit souvent de
ou de
mais d'autres corps sont possibles). On note E* le dual de E. Le produit tensoriel de E par F - noté
ou
s'il n'y a pas d'ambigüités sur le corps - est un cas particulier de produit tensoriel de modules. Une définition plus simple peut être ici de le définir comme l'espace vectoriel des formes bilinéaires sur
.
On rappelle par ailleurs qu'en dimension finie, on assimile sans problème E à son bidual E* * . On a donc de même :
Dans la théorie des catégories, les
-espaces vectoriels (de dimension finie mais on peut généraliser en dimension quelconque) forment un exemple standard de catégorie monoïdale pour le produit tensoriel ainsi défini.
Propriétés
Associativité
Les ensembles
,
et
sont canoniquement isomorphes. Cette caractéristique permet de considérer le produit tensoriel comme associatif et d'assimiler le produit de k espaces vectoriels de dimensions finis à l'ensemble des formes k-linéaires sur les espaces duaux. Le parenthésage est donc inutile :
Dimension
La dimension d'un produit tensoriel d'espaces est égale au produit des dimensions de tous les espaces.
Le corps des scalaires
étant un espace vectoriel de dimension 1 sur lui-même, il peut être utilisé dans le produit tensoriel.
et
sont canoniquement isomorphes à E. On peut donc considérer
comme une sorte d'élément neutre.
Puissances tensorielles
On peut définir la k-ième puissance tensorielle d'un espace E, notée
ou
, par :
pour
,
;
pour k = 1, en extrapolant les définitions précédentes,
;
pour k = 0, le choix de
permet de généraliser les formules de manière cohérente.
On a par ailleurs les propriétés :
Dualité
Encore une fois par isomorphisme canonique on a :
Ensemble des applications linéaires et multilinéaires
L'ensemble
des applications linéaires de E dans F est canoniquement isomorphes à
. Plus généralement l'ensemble des applications k-linéaires de
dans F est canoniquement isomorphes à
. Il est donc possible de confondre ces espaces.
À propos de la commutativité
Il existe un isomorphisme entre
et
. En pratique les assimiler (c'est-à-dire rendre
commutatif) n'est cependant pas toujours une bonne chose. C'est en particulier problématique lorsque E = F. En effet, cette assimilation pourrait dans ce cas amener à croire que le produit tensoriel de deux éléments (décrit ci-dessous) est commutatif ; ce qui n'est pas le cas.
Dans la suite de cet article on considérera donc, sauf mention contraire,
et
comme deux espaces distincts. Les considérations liées à leur isomorphismes sont abordés dans .
Permutation d'indices
Les espaces
et
peuvent être mis en relation via un isomorphisme qui consiste simplement à inverser l'ordre des indices. Ainsi à tout
on peut associer un unique élément de
, que l'on notera τ(12)T, tel que :
Ce principe se généralise pour k espaces. Soit
un espace vectoriel de dimension finie sur un corps
et
une permutation. On peut définir un isomorphisme τσ qui a tout élément T de
associe un tenseur τσT de
, défini par :
On voit bien qu'une permutation induit naturellement un isomorphisme entre les espaces
et
.
Pour des raisons de commodité, on peut utiliser la notation canonique des permutations consistant à n'indiquer que la liste différentes permutations circulaires. Ainsi l'application τ(125) transforme l'indice 1 en l'indice 2, l'indice 2 en l'indice 5, l'indice 5 en l'indice 1 et laisse invariant les autres indices.
En théorie des catégories, ce type d'applications, qui fournit une notion proche de la commutativité, est étudié dans le cadre des catégories monoïdales tressées.
Non unicité de l'isomorphisme
Pour des espaces
et
donnés à priori, l'existence d'une telle application τ n'implique cependant pas nécessairement son unicité. Supposons en effet qu'un espace Ei est présent plusieurs fois dans le produit
. Si l'espace
est un produit des mêmes Ei (mais dans un ordre éventuellement différent), il existe plus d'une permutation σ telle que τσ soit un isomorphisme de
dans
. Ainsi pour
et
, on peut utiliser comme isomorphisme les applications τ(23), τ(1234), τ(14)(23), τ(234), τ(123) et τ(1423).
peut être mis en relation avec lui-même via deux permutations : l'identité τid et l'application τ(12). En généralisant à un ordre quelconque, l'espace
peut être muni d'un groupe d'automorphismes constitué de telles applications. Ce groupe est en outre isomorphe à
.
C'est cette absence d'unicité dans le cas général qui oblige à tenir compte de l'ordre des indices. De fait, on s'abstient en règle générale de considérer le produit tensoriel d'espaces comme commutatif.
Propriétés
Transposition
Dans le cas de produit de deux espaces, l'application τ(12) peut être appelée transposition. Cette notion est cohérente avec celle de transposition d'application linéaire. On sait en effet qu'une application linéaire f de E dans F peut être représentée par un tenseur
. Le tenseur transposé tT = τ(12)T, élément de
représente alors l'application transposée tf, application de F* dans E* .