Syndrome d'épuisement professionnel - Définition

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Introduction

Classification internationale
des maladies
CIM-10: Z73.0

Le syndrome d’épuisement professionnel est une maladie caractérisée par un ensemble de signes, de symptômes et de modifications du comportement en milieu professionnel. Des modifications morphologiques, fonctionnelles ou biochimiques de l’organisme du sujet atteint sont observées dans certains cas. Le diagnostic de cet état de fatigue classe cette maladie dans la catégorie des risques psychosociaux professionnels et comme étant consécutive à l’exposition à un stress permanent et prolongé. Ce syndrome est nommé burn out syndrome chez les anglophones, d’où l’expression de burnout, et Karōshi (過労死) (littéralement : « mort par excès de travail ») au Japon.

En 1969, le docteur Loretta Bradley est la première à désigner un stress particulier lié au travail sous le terme de burnout. Ce terme est repris en 1974 par le psychanalyste Herbert J. Freudenberger puis par la psychologue Christina Maslach en 1976 dans leurs études des manifestations d’usure professionnelle.

« En tant que psychanalyste et praticien, je me suis rendu compte que les gens sont parfois victimes d’incendie, tout comme les immeubles. Sous la tension produite par la vie dans notre monde complexe leurs ressources internes en viennent à se consumer comme sous l’action des flammes, ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur, même si l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte. »

— Herbert J. Freudenberger

Pour ces premiers observateurs, le syndrome d’épuisement professionnel vise principalement les personnes dont l’activité professionnelle implique un engagement relationnel important comme les travailleurs sociaux, les professions médicales et les enseignants.

L’étude de ces catégories professionnelles a conduit ces chercheurs à considérer les confrontations répétées à la douleur ou à l’échec comme des causes déterminantes dans les cas de manifestation de ce syndrome d’épuisement professionnel. Il est, à l’époque des premières observations, conçu comme un syndrome psychologique spécifique aux professions « aidantes ». Cette notion a prévalu quelque temps et a marqué durablement la conceptualisation du phénomène et l’orientation des premiers travaux de recherche. Mais les connaissances accumulées depuis ces premières observations ont conduit à étendre les risques de manifestations d’un syndrome d’épuisement professionnel à l’ensemble des individus au travail, quelle que soit leur activité.

Louis Albert-Lefeuvre, Après le travail, 1885.

Identifications

Herbert Freudenberger et la première description

La littérature spécialisée admet généralement que le psychothérapeute et psychiatre Herbert Freudenberger est l’auteur des premières recherches sur le syndrome d’épuisement professionnel. Dans son article Staff burnout publié en 1974, première tentative de description de l’affection, Herbert Freudenberger désigne en effet par le terme Burn-Out Syndrome (« B.O.S. ») un état d’épuisement dans lequel se trouve le personnel soignant des Free Clinics, très investi professionnellement et émotionnellement avec des patients toxicomanes. Il définit ce burnout comme la perte de motivation d’une personne pour son travail, surtout quand sa forte implication n’a pas produit les résultats escomptés.

Freudenberger dirige dans les années 1970 un hôpital de jour, une free clinic, accueillant des toxicomanes dans le Lower East Side de New York. L’établissement fonctionne principalement grâce à de jeunes bénévoles. Freudenberger débute ses observations après avoir remarqué que nombre de ces bénévoles finissent par perdre toute motivation après environ un an d’activité. Il s’aperçoit que des symptômes physiques caractéristiques accompagnent ce changement, tels que l’épuisement, la fatigue, la persistance de rhumes, les maux de tête, les troubles gastro-intestinaux et les insomnies.

Dans ses travaux, Freudenberger souligne davantage les symptômes comportementaux et dresse le portrait d’individus submergés par leurs émotions. Colère, irritation, incapacité à faire face aux tensions, aux nouvelles situations, mais aussi perte d’énergie sont parmi les premiers signes de ce qu’il nomme « craquage » ou « épuisement émotionnel et mental ». Herbert Freudenberger estime que les attitudes négatives et le recours au cynisme sont également des manifestations faisant partie du tableau clinique. Il relève des stratégies de surenchère, comme passer de plus en plus de temps au travail et déployer une hyperactivité inefficace, mais aussi des stratégies d’évitement, comme la recherche de l’isolement et le refus du contact avec ses collègues.

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Bougie
Le burnout d’une bougie illustre la métaphore de Herbert Freudenberger.

Le terme burnout est utilisé à l’époque pour désigner les effets de la toxicomanie ; il représente pour Freudenberger une métaphore efficace pour désigner l’ensemble des symptômes qu’il observe. Dans la langue anglaise courante, burnout signifie « s’user, s’épuiser, craquer en raison de demandes excessives, d’énergie, de forces ou de ressources ». « Le terme qualifie par exemple, l’état d’une bougie qui, après avoir éclairé de longues heures n’offre plus qu’une flamme désuète [ténue]. »

Du fait de son expérience, Herbert Freudenberger remarque que chez les jeunes bénévoles, l’engagement initial et la certitude de faire un travail significatif suffisent un temps à alimenter la satisfaction et à maintenir les efforts. Cependant, les patients qu’ils traitent dans sa clinique résistent fréquemment et sont souvent imperméables aux conseils. Dans un tel milieu, l’aide et l’énergie déployées par ces jeunes bénévoles sont souvent vaines. Freudenberger remarque ainsi que « c’est précisément parce que nous nous sommes consacrés à notre tâche que nous tombons dans le piège du craquage ». D’après Freudenberger et Richelson en 1980, le syndrome d’épuisement professionnel se développe quand les individus ont une image idéalisée d’eux-mêmes, se perçoivent dynamiques, charismatiques, particulièrement compétents et finissent par perdre le lien avec leur soi véritable.

Dans cette conceptualisation du burnout, les facteurs individuels se voient attribuer un rôle important dans le développement du syndrome d’épuisement professionnel, car ce sont des individus engagés et dévoués à une cause qui sont frappés. Dans cette optique, le burnout est perçu comme la « maladie du battant ». En 1980, Freudenberger et Richelson le définissent ainsi :

« Un état de fatigue chronique, de dépression et de frustration apporté par la dévotion à une cause, un mode de vie, ou une relation, qui échoue à produire les récompenses attendues et conduit en fin de compte à diminuer l’implication et l’accomplissement du travail. »

Christina Maslach et les relations interpersonnelles

Christina Maslach, chercheuse en psychologie sociale, compte parmi ceux qui ont contribué à imposer le concept et à asseoir sa validité. Dans un texte datant de 1993, elle relate comment les recherches qu’elle a menées au cours des années 1970 l’ont conduite, un peu par hasard explique-t-elle, à découvrir elle aussi le syndrome d’épuisement professionnel, alors qu’elle s’intéresse aux stratégies utilisées pour faire face aux états d’activation émotionnelle, en particulier l’inquiétude distante et l’objectivation comme autodéfense.

L’« inquiétude distante » renvoie par exemple chez un médecin à l’attitude idéale combinant compassion et détachement émotionnel. Si le médecin est soucieux du bien-être de son patient, il est également attentif à maintenir une objectivité en évitant une trop grande implication. Le concept d’« objectivation comme autodéfense », notion introduite par Philip Zimbardo en 1970, exprime l’idée de se protéger du débordement émotionnel en considérant des « cas » plutôt que des personnes. Face à une maladie grave, à un état particulièrement préoccupant, il est en effet plus facile pour un médecin de soigner s’il oublie l’individu qui souffre et se consacre au « cas » et à ses symptômes.

Armée théoriquement de ces deux concepts, Christina Maslach démarre ensuite un programme de recherches par des entretiens auprès de professionnels du champ médical puis du champ de la santé mentale (psychiatres, infirmier(e)s de secteur psychiatrique, etc.). L’analyse dévoile plusieurs thèmes : d’abord, si les expériences émotionnelles peuvent être gratifiantes (certains patients guérissent, en effet, suite aux efforts du professionnel), elles sont le plus souvent stressantes (travailler avec des patients difficiles, déplaisants, avoir de mauvaises nouvelles à annoncer, être en conflit avec les collègues font partie des facteurs de stress). Ensuite, les professionnels sont incapables d’atteindre le détachement. Avec le temps, ils adoptent en effet des attitudes négatives envers leurs clients. Enfin, ils interprètent leurs expériences émotionnelles comme des échecs et s’interrogent sur leurs capacités à travailler dans ce secteur, dépréciant ainsi leurs compétences.

Décrivant par hasard les résultats de ses premières analyses à un magistrat, Christina Maslach s’entend dire qu’un phénomène similaire apparaît chez les avocats exerçant auprès de personnes en situation de difficulté sociale. Ces avocats nomment métaphoriquement ce phénomène « burnout ». Le terme, que retient aussi Christina Maslach, est en effet « dans l’air ». Il désigne une manifestation qui reste à étudier à ce moment-là.

Puisque le burnout semble commun aux professionnels de la santé et aux avocats, Christina Maslach émet l’hypothèse que travailler avec d’autres, en particulier dans une relation d’aide, est au cœur du phénomène. À l’inverse d’Herbert Freudenberger qui insiste sur les facteurs personnels, elle situe davantage les causes du burnout dans l’environnement du travail et ses conditions. Elle cherche à valider cette idée en menant des entretiens auprès d’autres groupes professionnels dont l’activité suppose aussi une implication relationnelle. Dans tous les cas des thèmes récurrents émergent de l’analyse : épuisement émotionnel, attitudes distantes, négatives envers les clients ou les patients. À l’évidence, ces manifestations présentent une régularité à travers les différentes professions.

Ces manifestations ne sont pas une réponse produite par quelques individus, mais un problème relativement répandu. Ainsi le terme burnout a comblé un vide en étiquetant un phénomène jusqu’ici sans nom mais pourtant prédominant dans le monde du travail. Il a été séparé dès le départ des affections psychologiques inter-psychiques pour être apparenté aux désordres psychosociaux. Certes, il partage des symptômes communs avec des affections telles que la dépression, mais il s’en distingue clairement par son fondement.

C’est dans un texte tout aussi descriptif que celui de Herbert Freudenberger que Christina Maslach relate les résultats de ses premières investigations. Si Freudenberger parle du « dynamisme du burnout », Maslach à plusieurs reprises dans son texte emploie a contrario le terme de « craquage » lié au burnout. Elle observe que ce « craquage » est suivi d’une perte d’efficacité dans les services de santé et d’action sociale, d’un absentéisme et d’un turnover élevé. Il provoque aussi une détérioration du bien-être physique : « Les professionnels sont épuisés, fréquemment malades et peuvent souffrir d’insomnies, d’ulcères et de maux de tête […] Afin de surmonter ces problèmes physiques, le travailleur peut se tourner vers les tranquillisants, la drogue […] Le burnout est encore associé à des manifestations comme l’alcoolisme, la maladie mentale, les conflits conjugaux ou le suicide ».

Dans le même texte, Christina Maslach insiste particulièrement sur les modalités de mise à distance ou de désengagement, autant de stratégies verbales qui consistent à catégoriser les clients sous des labels abstraits (tels : « mes dossiers »), techniques (comme : « c’est un coronaire »), ou encore stigmatisants (l’appellation « pauvres » par exemple). D’autres stratégies existent par ailleurs : parmi les principales, mise à distance physique et strict respect du règlement sont autant d’attitudes qui permettent de limiter les implications personnelles. Christina Maslach utilise le terme de « dépersonnalisation » pour désigner ces attitudes, bien éloignées de l’inquiétude distante.

Premières études cliniques

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Monument au Travail à Bruxelles.

C’est donc à partir d’observations, d’entretiens, voire d’analyses d’expériences personnelles (Herbert Freudenberger a en effet lui-même été atteint de burnout) que les recherches ont commencé à s’organiser.

Les années 1975 à 1980 ont vu paraître quantité d’articles dans des revues professionnelles. Ces publications étaient traversées par des préoccupations plus pragmatiques qu’académiques. Le plus souvent la nature stressante d’une activité était décrite, quelques études de cas cliniques illustraient le propos et les auteurs avançaient diverses recommandations. Les similitudes entre ces différents écrits sont :

  • certaines professions sont plus « à risque » que d’autres, notamment celles :
    • à fortes sollicitations mentales, émotionnelles et affectives,
    • à forte responsabilité notamment vis-à-vis d’autres personnes,
    • où l’on cherche à atteindre des objectifs difficiles, voire impossibles,
    • où il existe un fort déséquilibre entre les tâches à accomplir et les moyens mis en œuvre,
    • où il existe une ambiguïté ou un conflit de rôles ;
  • certaines personnes sont plus « à risque » que d’autres :
    • personnes ayant des idéaux de performance et de réussite,
    • personnes liant l’estime de soi à leurs performances professionnelles,
    • personnes sans autre centre d’intérêt que leur travail,
    • personnes se réfugiant dans leur travail et fuyant les autres aspects de leur vie ;
  • les différents symptômes rencontrés dans le burnout sont :
    • les douleurs généralisées,
    • le manque d’attention,
    • l’insomnie,
    • l’irritabilité,
    • l’impatience,
    • l’épuisement physique et psychologique,
    • le manque de motivation pour se lever et aller travailler.

Cependant Christina Maslach et Wilmar Schautfeli notent que ces premiers écrits se caractérisent par les points suivants :

  • d’un auteur à l’autre, la signification du terme burnout n’est pas nécessairement la même ;
  • le terme inclut tout un ensemble de « crises » que peut connaître un individu, au risque de tout englober et ne plus rien désigner ;
  • ces premiers écrits ne reposent pas sur des données empiriques, mais sur des études de cas isolés. Ils s’intéressent en particulier aux symptômes que développent les individus atteints de burnout.

Les psychologues Baron Perlman et Alan Hartman montrent à quel point la première phase de cette recherche scientifique est marquée par une dispersion des conceptions. Ils recensent dans les articles publiés entre 1974 et 1980 quarante-huit définitions différentes. Parmi celles-ci, on trouve des idées aussi disparates que :

  • échouer, s’épuiser ;
  • perte de créativité ;
  • perte d’implication au travail ;
  • dureté des collègues, du travail et de l’institution ;
  • réponse au stress chronique lié au fait de réussir, « d’aller loin » ;
  • syndrome d’attitudes inappropriées envers les clients et envers soi-même.

Ils avancent toutefois une synthèse de toutes ces définitions :

« Le burnout est une réponse au stress émotionnel chronique avec trois dimensions :
  1. l’épuisement émotionnel ou physique,
  2. la diminution de la productivité,
  3. la surdépersonnalisation. »

On comprend que ce syndrome ait d’abord alerté les praticiens, puisqu’ils encourent le risque de le rencontrer chez leurs collègues ou d’être confrontés eux-mêmes à ces manifestations au cours de leurs activités, mais ils étaient peu entraînés à concevoir des recherches systématiques ainsi que plus préoccupés à élaborer des interventions que des théories. Autrement dit leur intérêt porte sur « la façon de résoudre le problème, plutôt que sur les moyens de le conceptualiser ».

Inversement, les chercheurs se sont d’abord détournés du problème estimant qu’ils ont à faire, avec la notion de burnout, à « quelque-chose » de pseudo-scientifique.

« Le premier livre de Christina Maslach et Susan Jackson consacré au développement d’une échelle de mesure du burnout et à ses propriétés psychométriques a été retourné par une première maison d’édition avec un mot stipulant : « nous ne publions pas de psychologie populaire ». Depuis, cet instrument de mesure est reconnu internationalement et utilisé dans des recherches publiées dans les revues scientifiques les plus prestigieuses ».

Syndrome tridimensionnel

On peut passer des stresseurs à l’accomplissement personnel directement ou via l’épuisement émotionnel puis la dépersonnalisation
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Processus du syndrome d’épuisement professionnel d’après le modèle tridimensionnel de Christina Maslach et Susan Jackson

C’est au début des années 1980 que les premières recherches empiriques systématiques ont été publiées. La notion de burnout fut alors plus clairement définie et conceptualisée. Christina Maslach, à partir de ses recherches basées sur des entretiens, utilise dans un premier temps une définition provisoire selon laquelle le syndrome recouvre deux dimensions. La première, l’épuisement émotionnel, correspond à l’assèchement des ressources et à la perte de motivation. La seconde, la dépersonnalisation, renvoie aux attitudes distantes et négatives envers les clients, patients et autres relations des professionnels étudiés par Christina Maslach.

Même si ses recherches révèlent des pistes prometteuses, elles reposent encore trop sur un nombre limité de cas individuels. Christina Maslach souhaite entreprendre des investigations plus systématiques, avec méthodologie et rigueur. Elle veut aussi s’adresser à des échantillons plus larges, à des fins comparatives, et tenir compte des contextes situationnels. À ce stade, « la question clé était le développement d’une définition plus précise du burnout et la construction d’une mesure standardisée » explique-t-elle. Elle a donc mené (avec Kathy Kelly, Ayala Pines et Susan Jackson) des enquêtes par questionnaire et conduit un programme de recherches psychométriques pour aboutir à une définition plus opérationnelle et à une échelle de mesure valide.

Au cours de ses recherches préliminaires par entretiens, Christina Maslach a recueilli un vaste registre d’émotions et d’attitudes exprimant l’usure ressentie, jalonnant ce phénomène qu’elle ambitionne de mieux cerner. Elle regroupe l’ensemble de ces expressions sur une échelle composée de quarante-sept items. Cette échelle, représentant l’étendue des expériences associées au phénomène d’épuisement professionnel, a été administrée à un échantillon de six cent cinq personnes réparties dans plusieurs corps professionnels. Les analyses statistiques confirment bien la présence des deux dimensions déjà mises à jour, épuisement émotionnel et dépersonnalisation, même si, en fait, quatre dimensions présentent des poids factoriels suffisants pour être retenues. Ces analyses sont réparties sur vingt-cinq items. Soumis à un nouvel échantillon de quatre cent vingt personnes, ces derniers donnent toujours les quatre mêmes dimensions correspondant aux significations suivantes : épuisement émotionnel, dépersonnalisation, sentiments de réduction de l’accomplissement personnel et implication. Le dernier facteur, l’implication, ne sera retenu que provisoirement. Christina Maslach et Susan Jackson définissent ensuite le burnout comme « un syndrome d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et de réduction de l’accomplissement personnel qui apparaît chez les individus impliqués professionnellement auprès d’autrui ».

L’épuisement émotionnel renvoie au manque d’énergie, au sentiment que les ressources émotionnelles sont épuisées. La personne est « vidée nerveusement » et a perdu tout son entrain ; elle n’est plus motivée par son travail qui devient dès lors une corvée. Elle ne réalise plus les tâches qu’elle effectue auparavant et en ressent frustrations et tensions. L’épuisement émotionnel est souvent lié au stress et à la dépression. Autant les conceptions théoriques que les résultats empiriques actuels lui donnent un rôle central dans le processus d’épuisement professionnel.

La dépersonnalisation représente la dimension interpersonnelle du syndrome d’épuisement professionnel. Elle renvoie au développement d’attitudes impersonnelles, détachées, négatives, cyniques, envers les personnes dont on s’occupe. L’individu ne se sent plus concerné par son travail et dresse une barrière qui l’isole de ses clients et de ses collègues. Parler de « l’appendicite de la chambre 22 » est un exemple de ces attitudes. La dépersonnalisation peut prendre des formes plus dures et s’exprimer à travers des attitudes et des comportements de rejet, de stigmatisation, de maltraitance. Il s’agit d’une stratégie mal adaptée, destinée à faire face à l’épuisement des ressources internes en mettant à distance les bénéficiaires de l’aide, ou en rendant leurs demandes illégitimes.

Cette attitude permet de s’adapter à l’effondrement de l’énergie et de la motivation. Les clients, les usagers, les patients, les élèves étant perçus sur un mode négatif, leurs demandes, leurs besoins apparaissent moins pressants, moins urgents à résoudre. Le terme de « dépersonnalisation » peut prêter à confusion vu qu’il désigne aussi l’état psychique où domine l’impression d’être étranger à soi-même. Le terme de « déshumanisation » aurait pu être choisi, mais sa connotation est évidemment trop extrême pour qu’il soit retenu.

Le manque ou la réduction de l’accomplissement personnel concerne à la fois la dévalorisation de son travail et de ses compétences, la croyance que les objectifs ne sont pas atteints, la diminution de l’estime de soi et du sentiment d’auto-efficacité. La personne ne s’attribue aucune capacité à faire avancer les choses, convaincue de son inaptitude à répondre efficacement aux attentes de son entourage. L’accomplissement personnel représente la dimension auto-évaluative du syndrome d’épuisement professionnel.

Quelques auteurs mis à part, un consensus se dégage dans les années 2000 pour affirmer que le syndrome d’épuisement professionnel démarre avec l’épuisement émotionnel. Celui-ci entraîne par la suite la dépersonnalisation. L’épuisement émotionnel réduit l’accomplissement personnel soit directement, soit à travers de la dépersonnalisation . On considère que l’épuisement émotionnel représente l’élément affectif du syndrome d’épuisement professionnel tandis que les deux autres dimensions, la dépersonnalisation et la réduction de l’accomplissement personnel constituent les éléments attitudinaux ou cognitifs.

Le Maslach Burnout Inventory's comme outil de mesure

Fonctionnement : évaluer les affirmations des tableaux 1, 2 et 3 à l’aide de l’échelle de nimérisation des réponses ci-après, pour chaque évaluation additionner la valeur de l’échelle au score du tableau, interpréter le score du tableau. Numérisation des réponses : 1 : Jamais; 2 : Quelques fois par an ; 3 : Une fois par mois ; 4 : Quelques fois par mois ; 5 : Une fois par semaine ; 6 : Quelques fois par semaine ; 7 : Tous les jours. Tableau 1 : Épuisement professionnel : Je me sens émotionnellement vidé(e) par mon travail ; Je me sens à bout à la fin de ma journée de travail ; Je me sens fatigué(e) lorsque je me lève le matin et que j’ai à affronter une autre journée de travail ; Travailler avec des gens tout au long de la journée me demande beaucoup d’effort ; Je sens que je craque à cause de mon travail ; Je me sens frustré(e) par mon travail ; Je sens que je travaille « trop dur » dans mon travail ; Travailler en contact direct avec les gens me stresse trop ; Je me sens au bout du rouleau. Tableau 2 : Dépersonnalisation : Je sens que je m’occupe de certains patients/clients/élèves de façon impersonnelle comme s’ils étaient des objets ; Je suis devenu(e) plus insensible aux gens depuis que j’ai ce travail ; Je crains que ce travail ne m’endurcisse émotionnellement ; Je ne me soucie pas vraiment de ce qui arrive à certains de mes patients/clients/élèves ; J’ai l’impression que mes patients/clients/élèves me rendent responsable de certains de leurs problèmes. Tableau 3 : Accomplissement personnel : Je peux comprendre facilement ce que mes patients/clients/élèves ressentent ; Je m’occupe très efficacement des problèmes de mes patients/clients/élèves ; J’ai l’impression, à travers mon travail, d’avoir une influence positive sur les gens ; Je me sens plein(e) d’énergie ; J’arrive facilement à créer une atmosphère détendue avec mes patients/clients/élèves ; Je me sens ragaillardi(e) lorsque dans mon travail j’ai été proche de mes patients/clients/élèves ; J’ai accompli beaucoup de choses qui en valent la peine dans ce travail ; Dans mon travail, je traite les problèmes émotionnels très calmement. Interprétation des scores : Pour le tableau 1 : Épuisement professionnel : Score de 0 à 18 : correct; score de 18 à 30 : attention; score supérieur à 30 : dangereux. Pour le tableau 2 : Dépersonnalisation : Score de 0 à 6 : correct; score de 6 à 12 : attention; score supérieur à 12 : dangereux. Pour le tableau 3 : Accomplissement personnel : Score de 0 à 34 : dangereux; score de 34 à 40 : attention; score supérieur à 40 : correct.
Exemple d’échelle de mesure du Maslach Burnout Inventory’s :
d’après les écris du professeur Maslach

Ces trois facteurs et les items qui les composent ont été utilisés pour constituer la mesure du syndrome d’épuisement professionnel. Cette mesure formée de trois sous-échelles est aujourd’hui largement validée. Il s’agit du Maslach Burnout Inventory’s (acronyme : « MBI »). Les premières études sur le MBI ont été publiées en 1996 par Susan Jackson, Michael Leiter et Christina Maslach. Simple d’utilisation, cet inventaire a permis de mesurer le syndrome d’épuisement professionnel auprès de groupes importants et d’en étudier systématiquement les causes. « Adapté en plusieurs langues, il est de loin l’instrument le plus employé pour mesurer le syndrome d’épuisement professionnel. »

Le MBI est constitué de vingt-deux items : neuf pour l’épuisement émotionnel, cinq pour la dépersonnalisation et huit pour l’accomplissement personnel. Chaque item représente une facette de l’évaluation que le sujet peut faire de son travail. La personne interrogée indique la fréquence selon laquelle elle éprouve le sentiment en question. L’épuisement, la dépersonnalisation et la réduction de l’accomplissement personnel sont mesurés séparément. Autrement dit, l’individu n’a pas un score global de burnout, mais un score pour chacune des trois dimensions. Le terme burnout continue de désigner globalement ces trois dimensions qui pourtant sont distinctes, même si elles sont liées au sein d’un seul construct théorique qui les subsume : « Les recherches qui ont étudié la validité du MBI ont confirmé qu’une structure à trois dimensions correspondait mieux aux données qu’une structure à deux ou à une seule dimension ».

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