Sorbonne - Définition

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Architecture

La vieille Sorbonne

À ses origines, la Sorbonne n'est donc que l'un des collèges de l'université et, par extension cette université. Elle ne correspond alors qu'à un logis destiné à abriter une vingtaine de personnes. À cet effet, Saint-Louis donna quelques maisons de la rue coupe-gueule, face à l'hôtel de Cluny, pour y installer des étudiants. Robert de Sorbon, par l'intermédiaire de Guillaume de Chartres achète et échange rapidement l'ensemble des abords de cette rue; en 1260, la majorité du site actuel est aux mains du collège. Il s'agit alors d'un ensemble épars de bâtiments divers, maisons, granges, etc. disposés dans un jardin. Une grande simplicité du bâti est maintenue à dessein par le fondateur qui instaure une règle de vie pieuse et austère. En dépit des achats et constructions ultérieures, cette relative austérité reste une des caractéristiques du collège. Au début du XVIIe siècle, il se présentait encore comme un ensemble de bâtiments disparates édifiés le long de la rue Coupe-Gueule, désormais appelée rue de la Sorbonne, entre le cloître Saint-Benoît au nord et le collège de Calvi au sud. Il comportait une chapelle construite au XIVe siècle dont la façade donnait sur la rue.

En 1626, le cardinal de Richelieu, ancien élève des lieux entreprend de faire reconstruire cet ensemble. Il faut dire que les bâtiments, particulièrement mal commodes, étaient devenus nettement insuffisants au cours des deux derniers siècles. Le rôle des collèges avait en effet alors évolué : d'un simple gîte à l'attention d'une vingtaine de pensionnaires, il était devenu le siège d'une importante bibliothèque et un lieu d'enseignement, tandis que l'acquisition de terres et de rentes avait permis d'accroître le nombre de pensionnaires. Des travaux étaient urgents pour le nouveau proviseur du collège.

Richelieu chargea donc son architecte, Jacques Lemercier, de reconstruire l'ensemble afin de répondre aux exigences et au goût de l'époque. Le premier projet consistait à raser les bâtiments gothiques du collège et de son voisin méridional, celui de Calvi, tout en conservant la chapelle. Celle-ci, modernisée et agrandie, aurait servi de séparation entre deux cours de taille égale. Les travaux de démolition étaient en cours depuis 1629 quand Richelieu, conforté dans sa situation de premier ministre après la journée des dupes, fit retravailler le projet dans un sens plus ambitieux.

On abandonna le système des cours jumelles au profit d'une grande cour unique s'étendant au nord d'une nouvelle chapelle. Celle-ci prit rapidement des proportions monumentales, recouvrant tout l'espace jadis occupé par le collège de Calvi. Les travaux de reconstructions commencèrent en mai 1635 et le gros œuvre était presque terminé à la mort du cardinal en 1642. Seule la chapelle, aujourd'hui considérée comme le chef-d'œuvre de Lemercier et de l'architecture classique parisienne restait inachevée. La duchesse d'Aiguillon, héritière de Richelieu et exécutrice de son testament, dirigea la fin des travaux.

Le Palais de Nénot

Plan de la nouvelle Sorbonne, d'après Henri-Paul Nénot

Pour les différentes causes exposées plus haut, la reconstruction du complexe de la Sorbonne devint une affaire d'État qui traversa tout le XIXe siècle. Divers aménagements permirent d'aller au plus urgent, mais dans le dernier quart du siècle, la chose était plus pressante que jamais : la république positiviste faisait de l'éducation publique une priorité et l'augmentation du nombre d'étudiants interdisait de reconduire plus avant le statu quo.

Un nouveau concours d'architecte fut donc ouvert dans les années 1880 et remporté par l'élève de Charles Garnier, Henri-Paul Nénot. Il reprenait l'idée de Léon Vaudoyer de construire non plus un collège mais un véritable palais des sciences et des lettres. Refusant les tentations néogothiques qu'on voyait s'épanouir en Grande-Bretagne ou en Belgique pour les nouveaux collèges de Cambridge ou l'université de Gand, il livra un très bel exemple du classicisme haussmannien. Nénot déclara "l'université ne peut se passer de la tradition de l'architecture latine et a besoin de proportions et de règles dans ses bâtiments".

Son projet était à la fois simple et grandiose. La surface à lotir avait été étendue à un vaste îlot tout en longueur compris entre les rues Saint-Jacques, Cujas, des écoles et de la Sorbonne. Le terrain présentait une forte déclivité, s'élevant de façon importante au sud, suivant les pentes de la Montagne Sainte-Geneviève. La chapelle, devenue monument historique et occupant une surface importante au centre du site, devait être conservée. Ce n'était donc pas un ensemble facile à mettre en valeur. Nénot y délimita trois ensembles qui permettent véritablement de considérer son bâtiment comme un complexe regroupant plusieurs monuments, séparés par des rues intérieures transversales, les galeries Robert de Sorbon et Jean de Gerson :

  • au nord, sur la rue des écoles, il créa un vaste palais académique, destiné à recevoir l'administration du rectorat, la chancellerie de l'université et les secrétariats des deux facultés qui devaient occuper le site.
  • au sud, un ensemble d'ailes assez basses, organisées autour de cours nombreuses et aménageables, destiné à accueillir les laboratoires de la faculté des sciences. Chaque département y disposait de locaux spécialement adaptés à sa discipline.
  • entre les deux, un ensemble généraliste autour d'une cour d'honneur, regroupant de vastes salles, de grands amphithéâtres et une bibliothèque centrale, apte à accueillir toutes sortes d'enseignements, mais en particulier ceux de la faculté des lettres.

Le Palais

Le grand vestibule, sur la rue des Écoles
L'escalier d'honneur vers le vestibule

Chaque ensemble était construit selon un thème architectural. Le palais, au Nord, était ainsi la seule partie entièrement conçue dans des matériaux nobles, affichant sur les rues comme dans les cours un appareil de pierre de taille sommé de grands toits pentus d'ardoise. Sa façade principale, sur la rue des écoles, au nord, était édifiée dans un style néo-Renaissance des plus grandiloquents. Au premier étage, d'immenses fenêtres à meneaux de pierre marquaient ainsi cette inspiration. À l'intérieur, un grand vestibule de pierre claire décoré de reliefs et de statues s'ouvrait sur un monumental escalier à double révolution desservant un grand amphithéâtre plus proche d'une salle de spectacles que d'une salle de cours. Il était décoré dans des tons de vert, couleur traditionnellement attachée au savoir et très présente dans le bâtiment. Son mur de scène fut confié au peintre Puvis de Chavannes qui y figura le bois sacré de la connaissance. L'escalier menait à un palier à éclairage zénithal largement ouvert sur le rez de chaussé, faisant ainsi office de puits de lumière. Un vaste péristyle en dessinait les contours et soutenait une verrière dont le médaillon central figurait les armes de Paris en vitrail. Au dessus du vestibule, depuis le palier, on accédait à une enfilade de salons ouvrant sur la rue et destinés à accueillir les cérémonies de l'université et du rectorat. Cette partie, particulièrement prestigieuse regorgeait de peintures murales évoquant les grands moments de l'université de Paris, de la concession de Saint-Louis à l'inauguration de la nouvelle Sorbonne.

Au rez-de chaussée, le vestibule s'ouvrait à ses extrémités sur deux galeries, les amphithéâtres Michelet et Quinet à l'est et les bureaux du rectorat à l'ouest. Les deux galeries, bordées d'arcades de pierre de taille garnies de boiseries et de peintures figurant les principales villes de l'histoire universelles, longeaient le grand amphithéâtre et aboutissaient, après une volée de marches, à la galerie Robert de Sorbon. Elles étaient longées vers l'extérieur de l'îlot par deux cours éclairant les secrétariats des deux facultés résidentes. L'ensemble possédait une grande lisibilité puisque toute la partie ouest, rectorat excepté était dévolue à l'administration de la faculté des lettres, tandis qu'en symétrique, toute la partie est était dévolue à l'administration de la faculté des sciences. Au niveau de la galerie Robert de Sorbon, entre les galeries des sciences et des lettres, se trouvait la salle des autorités, communiquant avec la scène du grand amphi. Décorée d'allégories des sciences peintes dans les styles pointilliste et fauve, elle était le lieu de préparation et de repos des sommités appelées à intervenir dans le grand amphi et servait de coulisses pour les représentations qui s'y déroulaient.

La Faculté des lettres

L'amphithéâtre Richelieu, au cœur de la nouvelle Sorbonne de Nénot

Commençait ensuite la partie centrale du bâtiment. La cour d'honneur avait été conçue de manière à évoquer une architecture Louis XIII et à ne pas trancher avec la chapelle qui en occupait le bord méridional. Elle était bordée au nord par un auvent à colonnes ouvert dans le rez-de chaussé du bâtiment. Elle s'ouvrait sur la rue à l'ouest par une porte cochère et sur le hall des amphis à l'ouest. Celui-ci était une réplique plus modeste du grand vestibule du palais. Il s'ouvrait sur un escalier menant à la bibliothèque et sur cinq salles de cours : les amphithéâtres Descartes, Guizot, Turgot et Richelieu, ainsi que sur la salle Louis Liard, anciennement salle des doctorats. Les trois premiers étaient des salles rectangulaires à gradins, ornés de boiseries basses et d'une peinture au dessus de l'estrade. Derrière chaque estrade se trouvait un bureau pour que le professeur puisse recevoir ses étudiants. L'amphithéâtre Richelieu était de conception très différente, puisqu'il était rond. Là encore, boiseries et peinture en décoraient les murs. Autre spécificité, ces derniers étaient vert pomme et ornés sur toute leur hauteur de motifs floraux. La salle Louis Liard, enfin, était une salle prestigieuse destinée aux soutenances de doctorat et aux réunions académiques. Son décor était néo-rococo et un grand portrait du Cardinal de Richelieu trônait au dessus de l'estrade. À l'arrière, ici encore, on trouvait une petite salle destinée à la délibération des jurys de doctorat.

Salle de lecture de la Bibliothèque

À l'étage, sur toute la longueur de la cour, s'étendait la vaste bibliothèque de la Sorbonne Afin de ne pas réduire la luminosité en obstruant une partie des fenêtres avec des rayonnages, elle fut dès le début une bibliothèque avec peu de livres en libre accès. De part et d'autre de l'entrée, où se situait le guichet et les catalogues, s'organisaient deux espaces de lecture : les lettres au nord et les sciences au sud. Le long vaisseau était décoré de deux scènes historiques à ses extrémités et les murs étaient recouverts de toiles marouflées aux grands motifs art nouveau dans des tons vert-d'eau. Un système de ventilation très novateur était ménagé dans les frises en fontes du plafond et permettait de chauffer la salle en hiver. Sur les cours intérieures, au dessus des amphithéâtres Turgot et Guizot, s'élevaient cinq puis huit étages de magasins. Des salles séparées, pour les professeurs et pour accueillir la bibliothèque de Victor Cousin, jouxtaient la grande salle. Au même niveau que la bibliothèque, sur la rue Saint-Jacques se situaient les deux musées de l'université, celui de minéralogie et celui de (aide bienvenue), qui complétaient ces archives du savoir.

Cette partie du bâtiment était la plus récente et on pouvait y constater un changement dans le goût dominant : le décor y faisait une plus large part au bois et aux toiles peintes. L'influence du style art-nouveau était palpable. Les escaliers de cette partie centrale du bâtiment étaient ainsi décorés des mêmes toiles peintes aux délicats motifs vert-d'eau que la bibliothèque, bien qu'elles aient été par la suite recouvert d'un badigeon beige. Le contraste était donc saisissant avec la décoration du palais, juste à côté, décoré dans le style triomphant et propagandiste si cher aux débuts de la troisième république. Le long des rues extérieurs, s'échelonnaient quatre étages de salles de cours. Sur la rue Saint-Jacques, se trouvait une tour à deux coupoles destinée à accueillir l'observatoire de la Sorbonne. Par souci d'économie, seules les façades sur les rues et la cour d'honneur furent ici réalisées en pierre de taille; les ailes donnant sur les cours intérieures étaient en brique.

La Faculté des Sciences

Les bâtiments de la faculté des sciences, avec leur appareil de pierre et de brique, depuis l'école de droit de Paris

Cet ensemble était traversé sur toute sa longueur par la galerie Richelieu, qui s'achevait au sud par une nouvelle volée de marches destinées à compenser la pente de la montage. Au sud s'étendaient les bâtiments de la faculté des sciences, avec seulement deux à trois étages en moyenne et réalisés dans un style industriel mêlant appareil de briques et auvents métalliques. Cette section du bâtiment comportait surtout des laboratoires et des bureaux mais aussi quelques beaux amphithéâtres : ceux de chimie et de géologie, notamment au niveau de l'entrée. Il s'agissait de deux amphithéâtres ronds en boiseries, et dont le haut de l'estrade était peint de paysages dans un style néo-impressionniste. Ce sont actuellement les amphithéâtres Bachelard et Oury (dits de gestion).

Un monument menacé ?

Si le complexe de Nénot put sembler lors de son inauguration aussi grandiloquent que sur-dimensionné, l'université de Paris ne comptant en 1914 que 17308 étudiants, il fallut bien vite l'adapter à un afflux d'étudiants toujours plus nombreux. Le plan de Nénot fut donc modifié peu à peu pendant tout le XXe siècle, au gré de l'évolution de la démographie. Dans le bâtiment lui-même, on chercha ainsi à gagner de l'espace d'enseignement en couvrant le rez-de chaussé des cours intérieures de l'ancienne faculté des sciences pour y créer des amphithéâtres. Ces structures de piètre qualité occupent à l'heure actuelle huit des onze cours du bâtiment et accueillent des services aux étudiants, des sanitaires et des salles de travail, alors que la vocation de ces espaces était de ménager des respirations dans un îlot de très grande taille. De même, leurs toits de graviers, installés sans se soucier de l'esthétique générale du monument, sont actuellement, faute d'entretien, envahis par des plantes parasites. La bibliothèque a été soumise au même problème et a dû trouver de nouveaux espaces de stockage quand ses cinq étages de magasins ont été pleins. On a d'abord commencé par construire trois nouveaux étages avant d'utiliser les caves. À l'heure actuelle, seul le creusement d'un silo sous la cour d'honneur ou le stockage de livres hors de Paris permettraient d'accroître les collections.

L'événement le plus important de ce siècle pour le monument a sans doute été le démembrement de l'université et la multiplication subséquente de ses occupants. Chaque institution a en effet sa propre politique concernant le bâtiment, en dépit de l'autorité théorique de la Mairie de Paris et de la Chancellerie des Universités sur la gestion du complexe. La chose est saisissante quand on arpente les couloirs : suivant l'occupant des murs, ceux-ci peuvent passer du blanc immaculé au jaune sale. L'installation non concertée de gaines techniques (électricité, téléphone, réseau local) par chacun des acteurs pose en outre des problèmes importants, à tel point que la réfection globale de ces réseaux fait partie des missions assignées par la mairie de Paris à la campagne de mise en sécurité de la Sorbonne.

Une autre menace, qui ne pèse plus sur l'intégrité du monument, mais sur sa vocation, est dénoncée depuis plusieurs années par les étudiants du complexe: il s'agit de la mainmise toujours plus importante des services de la chancellerie sur le bâtiment. Le rapport Larrouturou sur l'immobilier universitaire parisien s'en est également étonné, dans la mesure où la chancellerie possède de nombreux autres immeubles dans Paris. Il est vrai que, théoriquement, celle-ci attribue les espaces qui se libèrent dans le complexe au fil des départs, mais elle s'en est attribué plusieurs, notamment dans l'ancienne faculté des sciences, faisant craindre aux organisations étudiantes une politique de grignotage et d'expulsion des étudiants. Il n'est pas faux qu'un certain nombre de précédents existent, notamment en ce qui concerne le palais académique, qui abritait le rectorat et la chancellerie, mais aussi les secrétariats des facultés. Or ces derniers font aujourd'hui partie des espaces attribués à la chancellerie.

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