Sercq ([sɛʁ], en sercquiais Sèr, en anglais Sark) est une petite île Anglo-Normande située dans la Manche, à l'est de Guernesey et à quelques kilomètres à l'ouest des côtes du Cotentin français.
Sercq est une seigneurie normande du bailliage de Guernesey, état dépendant de la Couronne britannique.
D'abord pacifiée par les légions romaines, afin de protéger les routes commerciales, Sercq fut utilisée au XIIIe siècle comme repaire par le pirate français Eustache le Moine, après qu'il eut servi le roi Jean d'Angleterre. Cet ancien refuge de naufrageurs abritait alors une petite communauté celte depuis le IVe siècle. L'île fut proposée ensuite au seigneur de Saint-Ouen (à Jersey). Hélier de Carteret, reçut de la reine Élisabeth Ire d'Angleterre la seigneurie de Sercq, sous condition qu’il la colonise : c'était alors une île peu peuplée, qu'il fallait protéger contre des bandes de pirates qui s'en servaient de base d’opérations. C’est avec une quarantaine de familles venues de la paroisse de Saint-Ouen que Carteret établit cette petite société féodale. Les colons avaient tout d'abord essayé d'établir un bailliage indépendant, mais le bailli de Guernesey se hâta de refuser les revendications des colons et d'affirmer l'autorité de la Cour royale de Guernesey sur l'île, ce qui est resté d'actualité.
Les trois siècles qui suivirent furent paisibles, en dehors des tensions franco-britanniques, auxquelles l'île fut forcément impliquée. La paix qui caractérise l'ère victorienne a permis la découverte de l'île par les premiers touristes, souvent des personnes de la haute société, dont le voyage passait par Guernesey ou Jersey. Le prince Louis Lucien Bonaparte y vint en 1862 pour étudier le sercquiais, issu du jersiais, dialecte insulaire normand.
Durant la Seconde Guerre mondiale, l'île fut occupée par les Allemands entre 1940 et 1945, comme les autres îles Anglo-Normandes. Contrairement à celle d'Aurigny transformée en camps, celle de Sercq ne conserve que peu de traces de cette période.
Après la guerre, l'île fut mieux connue par les guides de tourisme. En revanche, contrairement aux autres fiefs des bailliages de Jersey et de Guernesey, le seigneur y conserva intacts ses droits seigneuriaux. Dans les autres îles, ils furent abolis ou tranférés au domaine public. En revanche, toutes les seigneuries ont conservé leur existence juridique : les seigneurs continuent la tradition de la foi et de l'hommage, dans les mains du duc de Normandie (la Reine) ou de son réprésentant. Ils paient un cens qui est resté inchangé depuis le Moyen Âge.
En 1990 un physicien nucléaire français sans emploi, nommé André Gardes, tenta une invasion de Sercq, armé d'un fusil semi-automatique. Il fut arrêté par l'officier de police (lequel était à l'époque un fermier de la petite Sercq, Philip Perrée Junior) alors qu'il était assis sur un banc, en train de changer le chargeur.
En 1993, les frères Barclay rachètent Brecqhou.
Sercq fait juridiquement partie du bailliage de Guernesey. Elle n'a donc pas le rang d'État indépendant, mais c'est la seule seigneurie anglo-normande qui a gardé sa spécificité féodale, du fait de son caractère insulaire.
Serqc est le dernier état féodal d'Europe , c'est une seigneurie depuis 1604. Seule l'introduction de la représentation complète par le suffrage universel a changé depuis avant 2008 , date de cette réforme. Voir l'article , ci-dessous.
Comme les autres fiefs des îles Anglo-Normandes, le fief de Sercq est tenu par le seigneur des mains de la duchesse Élisabeth II (survivance de la partie insulaire du duché de Normandie). L'île avait été partagée en 40 parcelles (quarantaine tènements) par le premier seigneur de l'île, Hélier de Carteret, en 1565. Ces tènements ont été transmis à leurs successeurs par droit d'aînesse, mais seuls 39 d'entre eux pouvaient siéger aux plaids que préside le sénéchal, nommé par le seigneur. Ce droit a été supprimé en avril 2008, quand la loi électorale a été substantiellement réformée et le privilège des tenants d'avoir automatiquement un vote au parlement aboli. La conséquence politique de cette institution ne modifie en rien la concession du fief de Sercq à son titulaire actuel, par Élisabeth II, au même titre que les autres seigneuries de Guernesey et de Jersey, lequel conserve ses droits féodaux et son siège aux chefs plaids. La question d'une remise en cause des droits seigneuriaux ne semble apparemment pas posée.
Le seigneur de Sercq est à la tête du gouvernement de l'île de Sercq (dans le cas d'une femme, le titre est « Dame »). Depuis 1974 John Michael Beaumont (1927-) est le vingt-deuxième seigneur de Sercq, titre dont il a hérité par sa grand-mère en 1974. Beaucoup des lois de l'île, en particulier celles qui traitaient du rôle du seigneur et de la manière dont il héritait, étaient restées inchangées depuis leur entrée en vigueur en 1565, sous la reine Élisabeth I.
Selon le « droit de colombier » (qui est un droit seigneurial et non féodal), seul le Seigneur peut garder des pigeons, c'est un de ses privilèges traditionnels, un symbole du droit de justice qui lui appartient en propre, et qui est exercé par le sénéchal.
Autre privilège du Seigneur : il est la seule personne sur l'île à pouvoir posséder une chienne non stérilisée. Ceci, depuis qu'au XVIIe siècle des attaques d'animaux errants eurent lieu contre les troupeaux de moutons.
Les Chefs Plaids, parlement de l'île, sont constitués de 40 tenants (les propriétaires de terres dont la subdivision remonte aux 40 familles d'origine) et 12 députés du Peuple (élus pour un mandat de trois ans). Le sénéchal est le président des Chefs Plaids, auxquels le Seigneur (ou son délégué) doit assister. Après le changement actuel, qui était préparé depuis quelques années et qui fut finalement adopté par le Chefs Plaids puis accepté par le Conseil privé en 2008, les Chefs Plaids seront élus librement.
Originellement, les Chefs Plaids étaient des séances particulières du tribunal de l'île ou les jurés élus « avec le conseil du peuple » gouvernaient l'île depuis 1572. « Avec le conseil du peuple » – originellement, cela signifiait que la tête de chaque famille avait un vote dans ces séances. Mais en 1604, ce droit fut réduit aux 39 familles qui possédaient les plus vieilles parcelles. Ces familles avaient un statut élevé parce qu'ils étaient requis pour le Seigneur qui devait avoir 40 hommes armés sur l' île. Maintenant, ces familles sont une minorité. Les 12 députés du Peuple, la seule répresentation de la majorité, ont été introduits en 1922.
En 2006, Sercq a entamé des réformes démocratiques pour se mettre en conformité avec la Convention européenne des droits de l'homme. Ces réformes s'expliquent par les pressions exercées par les frères Sir David et Sir Frederick Barclay, propriétaires du Daily Telegraph, richissimes nouveaux tenants (propriétaire terrien féodal) que les lois de Sercq empêchaient de mener leurs affaires rondement. En l'occurrence, les frères Barclay avaient acheté l'îlôt de Brecqhou pour 2,3 millions de livres en 1993, et semblaient souhaiter en disposer sans égard pour la législation locale, qui interdit notamment les hélicoptères.
Sous la pression, apparemment, de la couronne britannique, le 4 octobre 2006, les membres du parlement de l'île (les chefs plaids) votèrent la fin du régime féodal, à la majorité de vingt-trois voix pour un système de représentation à un niveau, une voix contre et quatorze abstentions. Vingt-huit « conseillers » remplaceront désormais les quarante tenants et les douze députés du peuple. Les conseillers recevront le titre honorifique Sieur ou Madame autrefois réservé aux tenants. Sercq est donc, à ce jour, en conformité avec les recommandations du Conseil de l'Europe.
Le 10 décembre 2008, la petite île a tourné la page de plus de 400 ans de féodalité de type ancien, en organisant les premières élections entièrement démocratiques de son histoire. Cette élection n'a toutefois pas mis à bas le statut féodal et seigneurial de l'île, mais l'a fait évoluer. Les habitants ont pu élire, pour la première fois, l'intégralité des membres de leur parlement local, les Chefs Plaids. Le scrutin s'est tenu dans la salle de billard du siège du gouvernement de l'île. Les 56 candidats pour 28 sièges, représentaient près de 10% de la population de l'île.
La majorité des électeurs s'est prononcée en faveur des partisans du « féodalisme » et au détriment de ceux des « réformes » prévues par les frères Barclay, notamment l'abolition du caractère héréditaire du poste de seigneur et le cumul par le sénéchal, nommé par le seigneur pour trois ans, du pouvoir judiciaire et exécutif. En fin de compte, seuls cinq partisans des Barclay ont été élus, ils ont aussitôt annoncé, par mesure de rétorsion, et immédiatement commencé à mettre en œuvre, la fermeture de toutes leurs entreprises (hôtel, commerces, entreprises de construction, agences immobilières) sur l'île et licencié leurs 140 employés, c'est-à-dire un habitant sur quatre, sachant qu'il n'existe pas de système de sécurité sociale à Sercq, donc pas d'allocations de chômage. Kevin Delaney, directeur du Sark Estate Management, qui regroupe les intérêts des Barclay sur l'île a annoncé qu'ils ferment leurs firmes, mais qu'il n'ont pas l'intention de les vendre
À Jersey, les États (parlement), réunis en session le 12 décembre 2008, ont envoyé un message de soutien à l'île-sœur, et le premier ministre a annoncé le lundi suivant envisager une aide financière à Sercq, en espérant "ne pas devoir la prélever sur l'aide à l'outremer".
Le nouveau parlement se réunit tous les trois mois et fonctionne par le biais de comités spécifiques (l'équivalent des commissions dans les conseils municipaux français), auxquels peuvent toutefois être adjoints des membres non élus. Ces comités rédigent des rapports et des propositions qui sont discutées en séance plénière des Chiefs Plaids. Dans les discussions, on note que tracteur, seul véhicule motorisé autorisé à Sercq, pourrait se voir concurrencé dans certains cas par quelques véhicules électriques