L'adjectif naturelle s'oppose chez Darwin au concept de sélection artificielle connue et pratiquée depuis quelques milliers d'années par les éleveurs. En effet les animaux d'élevage domestiques ou les espèces de plantes cultivées (vaches, chiens, roses…) constituent autant de variations « monstrueuses » absentes dans la nature. Elles sont le fruit de la lente sélection d'individus intéressants (pour les rendements, ou du point de vue esthétique) par les éleveurs et les agriculteurs (voir élevage sélectif des animaux). C'est cette observation qui permit à Darwin d'émettre l'hypothèse d'une sélection opérée par la nature sur les espèces sauvages.
Par exemple :
La rose cultivée est une mutation d'une rose sauvage. Cette mutation a été sélectionnée par les horticulteurs, elle est répandue dans les jardins: c'est la sélection artificielle.
Dans la nature des roses cultivées ne peuvent se reproduire, c'est la sélection naturelle.
La sélection artificielle, malgré son intense pression (élimination de tout géniteur qui ne répond pas aux critères du choix), ne parvient pas, après des pratiques millénaires, à faire naître de nouvelles espèces. Les races ne s'isolent pas et peuvent s'hybrider sans perte ou baisse de fécondité. La domestication et la culture révèlent les limites, assez étroites entre lesquelles l'espèce varie sans courir de péril, mais elles n'impriment pas un mouvement évolutif aux espèces qu'elles concernent.
Cas de sélection naturelle scientifiquement démontrés
Il apparaît aujourd'hui évident que tout organe ayant une fonction définie, par exemple la nageoire du poisson, est une adaptation à un milieu et le résultat d'une sélection naturelle. Cependant la démonstrationscientifique doit, elle, passer par la mise en évidence d'une corrélation chiffrée entre les variations d'un caractère héréditaire et celles d'un paramètre précis de l'environnement. Parmi les exemples les plus célèbres, on peut citer :
Les deux morphes du phalène du bouleau : le clair (à gauche) et le sombre (à droite).
Les pinsons des Galapagos : les épisodes de sécheresse furent suivis par une raréfaction des graines molles et donc par une augmentation de la taille du bec des pinsons leur permettant de briser la coquille des graines restantes, plus dures.
La sélection naturelle chez les bactéries de résistances aux virus bactériophages a été mise en évidence par l'expérience de Luria et Delbrück. Ils ont en effet démontré pour la première fois que les mutations préexistent à la sélection et qu'elles sont bien aléatoires.
Le mélanisme industriel de la phalène du bouleau en Angleterre: dans cette espèce de papillons, la proportion d'individus clairs aurait diminué du fait de la pollution qui détruisait les lichens (blanc) qui se développaient sur les surfaces des troncs d'arbre sur lesquels ils se posaient. En effet, Les individus clairs (initialement présents en majorité), étant désormais plus visibles que les autres sur les troncs noir, étaient plus sujets à la prédation que les autres. Les phalènes sombres qui existaient avant la pollution seraient alors devenues majoritaires. Puis, le phénomène se serait inversé lorsque les industries polluantes ont progressivement disparu permettant le retour du développement du lichen sur les troncs. En fait, cette belle histoire est discutable car apparemment les phalènes ne se posent pas sur les troncs mais sous les feuilles des bouleaux. Les modifications des fréquences des morphes sombres et clairs pourraient être comme des réponses à la toxicité des rejets industriels plutôt qu'envers la modification de la couleur du revêtement des troncs. Mais pourquoi les phalènes y seraient-elles seules sensibles ?
Sélection naturelle dans l'espèce humaine
La sélection naturelle produit aussi ses effets dans l'espèce humaine :
La capacité chez l'adulte à digérer le lactose du lait a été sélectionnée il y a environ 9000 ans dans les populations humaines originaires d'Europe du nord ou d'Asie centrale où on élevait du bétail pour son lait, mais pas dans d'autres populations où cet aliment est absent. Récemment, il a été découvert que cette capacité était présente également chez certaines ethnies d'Afrique de l'Est, les Tutsis et Fulanis du Soudan, de Tanzanie et du Kenya, mais à partir de trois autres mutations, sélectionnées indépendamment l'une de l'autre. Ces dernières seraient apparues il y a 7000 à 3000 ans. Il s'agit là d'un exemple de convergence évolutive.
Relation entre sélection naturelle et les activités humaines
L'homme peut aussi exercer involontairement une pression de sélection sur certains organismes dont l'évolution, en retour, peut être néfaste pour l'économie ou la santé humaine :
La résistance aux antibiotiques : Par exemple, depuis 1961 les bactéries staphylocoques dorés résistantes à la méticilline se sont multipliées et rendent inefficaces le traitement par cet antibiotique dans un grand nombre de cas. Ces résistances sont à l'origine de nombreuses maladies nosocomiales, en milieu hospitalier.
La résistance des criquets pèlerins aux insecticides : Comme dans l'exemple précédent, l'utilisation massive d'insecticide pour éradiquer les criquets s'est traduite par une plus grande résistance. En effet, les individus survivant au traitement insecticide peuvent engendrer plusieurs milliers de descendants en quelques générations, soit en quelques années, qui eux-mêmes héritent de cette capacité de résistance. L'élimination de cette nouvelle population exige alors un traitement encore plus agressif pour l'écosystème.
Dans les exemples précédents, il s'agit d'espèces évoluant au gré des améliorations techniques humaines mais ce phénomène peut aussi s'observer dans les interactions biologiques entre deux espèces. Un exemple très étudié d'une telle coévolution est le parasitisme de ponte chez les coucous. Dans ces espèces, le parent pond ses œufs dans le nid d'autres oiseaux. Dès sa naissance, le jeune coucou expulse les œufs présents afin d'être le seul à bénéficier des soins prodigués par les parents de l'espèce hôte ainsi trompés. Parmi les espèces parasitées, certaines ont évolué des stratégies antiparasitiques, en l'occurrence une aptitude à distinguer les œufs de coucou de leurs propres œufs. Cela a créé une pression de sélection pour certaines espèces de coucou qui ont évolué une forme de mimétisme des œufs de telle sorte que ceux-ci ressemblent étonnamment aux œufs de leurs hôtes. À leur tour, les espèces parasitées (comme la pie-grièche écorcheur) ont développé des capacités accrues de discrimination de leurs propres œufs des œufs mimétiques du coucou, capacité qui est absente chez des espèces non ou moins parasitées.
De tels phénomènes de coévolution sont fréquemment observés dans les cas de parasitisme mais parfois aussi dans certains cas de compétition interspécifique ou dans le cadre compétition intraspécifique de la sélection sexuelle. La coévolution inter-sexes s'observent souvent en réponse à la sélection sexuelle post-copulatoire : par exemple, dans certaines espèces d'oiseaux et d'invertébrés, les pénis des mâles ont une forme hélicoïdale qui fonctionne comme un goupillon éliminant la semence des autres mâles et leur permettant de déposer leurs propres gamètes au plus profond du vagin des femelles avec lesquelles ils s'accouplent afin de s'assurer la paternité de la progéniture ; dans ces mêmes espèces, on observe une augmentation proportionnelle de la taille du vagin avec une morphologie tout en sinuosités qui contrecarre les stratégies reproductives des mâles.