Science - Définition

Source: Wikipédia sous licence CC-BY-SA 3.0.
La liste des auteurs de cet article est disponible ici.

Disciplines scientifiques

La sciences peut être organisée en grandes disciplines scientifiques, notamment : mathématiques, chimie, biologie, physique, mécanique, optique, pharmacie, médecine, astronomie, archéologie, économie, sociologie. Les disciplines ne se distinguent pas seulement par leurs méthodes ou leurs objets, mais aussi par leurs institutions : revues, sociétés savantes, chaires d'enseignement, ou même leurs diplômes.

Un laboratoire à l'institut de biochimie de Cologne.

La pratique retient néanmoins trois classements :

  1. les sciences formelles (ou Sciences logico-formelles) ;
  2. les sciences naturelles ;
  3. les sciences humaines et sociales.

Le sens commun associe une discipline à un objet. Par exemple la sociologie s’occupe de la société, la psychologie de la pensée, la physique s’occupe de phénomènes mécaniques, thermiques, la chimie s’occupe des réactions de la matière. La recherche moderne montre néanmoins l’absence de frontière et la nécessité de développer des transversalités ; par exemple, pour certaines disciplines on parle de « physico-chimique » ou de « chimio-biologique », expressions qui permettent de montrer les liens forts des spécialités entre elles. Une discipline est au final définie par l’ensemble des référentiels qu’elle utilise pour étudier un ensemble d’objets, ce qui forme sa scientificité. Néanmoins, ce critère n'est pas absolu.

Pour le sociologue Raymond Boudon, il n'existe pas une scientificité unique et transdisciplinaire. Il s’appuie ainsi sur la notion d’« airs de famille », notion déjà théorisée par le philosophe Ludwig Wittgenstein selon laquelle il n'existe que des ressemblances formelles entre les sciences, sans pour autant en tirer une règle générale permettant de dire ce qu'est « la science ». Raymond Boudon, dans L’art de se persuader des idées douteuses, fragiles ou fausses explique ainsi que seul le relativisme permet une approche réaliste et objective du phénomène scientifique.

Épistémologie : le discours sur la science

Épistémologie ou philosophie des sciences ?

Le vocable d'« épistémologie » remplace celui de philosophie des sciences au début du XXe siècle. Il s'agit d'un néologisme construit par James Frederick Ferrier, dans son ouvrage Institutes of metaphysics (1854). Le mot est composé sur la racine grecque επιστήμη signifiant « science au sens de savoir et de connaissance » et sur le suffixe λόγος signifiant « le discours ». Ferrier l'oppose au concept antagoniste de l'« agnoiology », ou théorie de l'ignorance. Le philosophe analytique Bertrand Russell l'emploie ensuite, dans son Essai sur les fondements de la géométrie en 1901, sous la définition d'analyse rigoureuse des discours scientifiques, pour examiner les modes de raisonnement qu'ils mettent en œuvre et décrire la structure formelle de leurs théories. En d'autres mots, les « épistémologues » se concentrent sur la démarche de la connaissance, sur les modèles et les théories scientifiques, qu'ils présentent comme autonomes par rapport à la philosophie.

Jean Piaget proposait de définir l’épistémologie « en première approximation comme l’étude de la constitution des connaissances valables », dénomination qui, selon Jean-Louis Le Moigne, permet de poser les trois grandes questions de la discipline :

  1. Qu’est ce que la connaissance et quel est son mode d'investigation (c'est la question « gnoséologique ») ?
  2. Comment la connaissance est-elle constituée ou engendrée (c'est la question méthodologique) ?
  3. Comment apprécier sa valeur ou sa validité (question de sa scientificité) ?

Avant ces investigations, la science était conçue comme un corpus de connaissances et de méthodes, objet d’étude de la Philosophie des sciences, qui étudiait le discours scientifique relativement à des postulats ontologiques ou philosophiques, c'est-à-dire non-autonomes en soi. L'épistémologie permettra la reconnaissance de la science et des sciences comme disciplines autonomes par rapport à la philosophie. Les analyses de la science (l'expression de « métascience » est parfois employée) ont tout d’abord porté sur la science comme corpus de connaissance, et ont longtemps relevé de la philosophie. C'est le cas d'Aristote, de Francis Bacon, de René Descartes, de Gaston Bachelard, du cercle de Vienne, puis de Popper, Quine, Lakatos enfin, parmi les plus importants. L’épistémologie, au contraire, s'appuie sur l'analyse de chaque discipline particulière relevant des épistémologies dites « régionales ». Aurel David explique ainsi que « La science est parvenue à se fermer chez elle. Elle aborde ses nouvelles difficultés par ses propres moyens et ne s'aide en rien des productions les plus élevées et les plus récentes de la pensée métascientifique ».

Pour le prix Nobel de physique Steven Weinberg, auteur de Le Rêve d'une théorie ultime (1997)la philosophie des sciences est inutile car elle n'a jamais aidé la connaissance scientifique à avancer.

Science au service de l'humanité : le progrès

Le terme de progrès vient du latin « progressus » qui signifie l'action d'avancer. Selon cette étymologie le progrès désigne un passage à un degré supérieur, c'est-à-dire à un état meilleur, participant à l'effort économique. La civilisation se fonde ainsi, dans son développement, sur une série de progrès dont le progrès scientifique. La science serait avant tout un moyen de faire le bonheur de l'humanité, en étant le moteur du progrès matériel et moral. Cette identification de la science au progrès est très ancienne et remonte aux fondements philosophiques de la science. Cette thèse est distincte de celle de la science dite pure (en elle-même), et pose le problème de l'autonomie de la science, en particulier dans son rapport au pouvoir politique. Les question éthiques également limitent cette définition de la science comme un progrès. Certaines découvertes scientifiques ont des applications militaires ou même peuvent être léthales en dépit d'un usage premier bénéfique.

Albert Einstein et Robert Oppenheimer. L'utilisation militaire de la technologie nucléaire a posé un dilemme aux deux scientifiques.

Selon les tenants de la science comme moyen d'amélioration de la société, dont Ernest Renan ou Auguste Comte sont parmi les plus représentatifs, le progrès offre :

  • une explication du fonctionnement du monde : il est donc vu comme un pouvoir explicatif réel et illimité ;
  • des applications technologiques toujours plus utiles permettant de transformer l'environnement afin de rendre la vie plus facile.

La thèse de la science pure pose, quant-à-elle, que la science est avant tout le propre de l'humain, ce qui fait de l'homme un animal différent des autres. Dans une lettre du 2 juillet 1830 adressée à Legendre, le mathématicien Charles Gustave Jacob Jacobi écrit ainsi, à propos du physicien Joseph Fourier : « Mr. Fourier avait l’opinion que le but principal des mathématiques était l’utilité publique et l’explication des phénomènes naturels ; mais un philosophe comme lui aurait dû savoir que le but unique de la science, c’est l’honneur de l’esprit humain, et que sous ce titre, une question de nombres vaut autant qu’une question du système du monde. ». D'autres courants de pensée comme le scientisme envisagent le progrès sous un angle plus utilitariste.

Enfin des courants plus radicaux posent que la science et la technique permettront de dépasser la condition ontologique et biologique de l'homme. Le transhumanisme ou l'extropisme sont par exemple des courants de pensée stipulant que le but de l'humanité est de dépasser les injustices biologiques (comme les maladies génétiques, grâce au génie génétique) et sociales (par le rationalisme), et que la science est le seul moyen à sa portée. À l'opposé, les courants technophobes refusent l'idée d'une science salvatrice, et pointent au contraire les inégalités sociales et écologiques, entre autres, que la science génère.

Interrogations de l'épistémologie

Liée à la théorie de la connaissance, l'épistémologie tente d'expliquer et de rationaliser un ensemble de questions philosophiques. La science progressant de manière fondamentalement discontinue, les renversements des représentations des savants, ou appelées également « paradigmes scientifiques » selon l'expression de Thomas Kuhn, sont également au cœur des interrogations épistémologiques. Parmi ces questions centrales de l'épistémologie on distingue :

  1. la nature de la production des connaissances scientifiques (par exemple les types de raisonnements sont-ils fondés) ;
  2. la nature des connaissances en elles-mêmes (l'objectivité est-elle toujours possible par exemple). Ce problème d'épistémologie concerne plus directement la question de savoir comment identifier ou démarquer les théories scientifiques des théories métaphysiques ;
  3. l'organisation des connaissances scientifiques (notions de théories, de modèles, d'hypothèses, de lois) ;
  4. l'évolution des connaissances scientifiques (quel mécanisme meut la science et les disciplines scientifiques).

Nombre de philosophes ou d'épistémologues ont ainsi interrogé la nature de la science et en premier lieu le thèse de son unicité. L'épistémologue Paul Feyerabend, dans « Contre la méthode », est l'un des premiers, dans les années soixante-dix, à se révolter contre les idées reçues à l'égard de la science et à relativiser l'idée trop simple de « méthode scientifique ». Il expose une théorie anarchiste de la connaissance plaidant pour la diversité des raisons et des opinions, et explique en effet que « la science est beaucoup plus proche du mythe qu’une philosophie scientifique n’est prête à l’admettre ». Le philosophe Louis Althusser, qui a produit un cours sur cette question dans une perspective marxiste : « tout scientifique est affecté d’une idéologie ou d’une philosophie scientifique » qu’il appelle « Philosophie Spontanée des Savants » (« P.S.S »). Dominique Pestre s'attache lui à montrer l'inutilité d'une distinction entre « rationalistes  » et « relativistes », dans Introduction aux Sciences Studies.

Grands modèles épistémologiques

L'histoire des sciences et de la philosophie a produit de nombreuses théories quant à la nature et à la portée du phénomène scientifique. Il existe ainsi un ensemble de grands modèles épistémologiques qui prétendent expliquer la spécificité de la science. Le XXe siècle a marqué un tournant radical. Très schématiquement, aux premières réflexions purement philosophique et souvent normatives sont venus s’ajouter des réflexions plus sociologiques et psychologiques, puis des approches sociologiques et anthropologiques dans les années 1980, puis enfin des approches fondamentalement hétérogènes à partir des années 1990 avec les Science studies. Le discours sera également interrogé par la psychologie avec le courant du constructivisme. Enfin, l'épistémologie s'intéresse à la « science en action » (expression de Bruno Latour), c'est-à-dire à sa mise en œuvre au quotidien et plus seulement à la nature des questions théoriques qu'elle produit.

Cartésianisme et rationalisme

René Descartes.

Le rationalisme est un courant épistémologique né au XVIIe siècle et pour lequel « toute connaissance valide provient soit exclusivement, soit essentiellement de l'usage de la raison ». Des auteurs comme René Descartes (on parle alors du cartésianisme), ou Leibniz fondent les bases conceptuelles de ce mouvement qui met en avant le raisonnement en général et plus particulièrement le raisonnement déductif dit aussi analytique. Il s'agit donc d'une théorie de la connaissance qui postule le primat de l'intellect. L'expérimentation y a un statut particulier : elle ne sert qu'à valider ou réfuter les hypothèses. En d'autres mots, la raison seule suffit pour départager le vrai du faux dans le raisonnement rationaliste. Les rationalistes prennent ainsi comme exemple le célèbre passage du dialogue de Platon, dans le Ménon, où Socrate prouve qu'un jeune esclave illettré, étape par étape et sans son aide, peut refaire et redémontrer le théorème de Pythagore.

Le rationalisme, surtout moderne, prône la toute puissance des mathématiques sur les autres sciences. Les mathématiques représentent en effet le moyen intellectuel démontrant que l'intellect et la raison peuvent se passer de l'observation et de l'expérience. Déjà Galilée expliquait dans son ouvrage L'essayeur — qui est également une démonstration de logique — en 1623, que

« Le grand livre de l'Univers est écrit dans le langage des mathématiques. On ne peut comprendre ce livre que si on en apprend tout d'abord le langage, et l'alphabet dans lequel il est rédigé. Les caractères en sont les triangles et les cercles, ainsi que les autres figures géométriques sans lesquelles il est humainement impossible d'en déchiffrer le moindre mot »

.

Empirisme

L'empirisme postule que toute connaissance provient essentiellement de l'expérience. Représenté par les philosophes anglais Roger Bacon, John Locke et Berkeley, ce courant postule que la connaissance se fonde sur l'accumulation d'observations et de faits mesurables, dont on peut extraire des lois par un raisonnement inductif (dit aussi synthétique), allant par conséquent du concret à l'abstrait. L'induction consiste, selon Hume en la généralisation de données de l'expérience pure, appelée « empirie » (ensemble des données de l'expérience), qui est ainsi l'objet sur lequel porte la méthode. Néanmoins, Bertrand Russell mentionne dans son ouvrage Science et religion ce qu’il nomme le « scandale de l’induction », cette méthode de raisonnement n'a rien d'universel, en effet, selon lui les lois admises comme générales par l'induction n'ont été cependant vérifiées que pour un certain nombre de cas expérimentaux. Dans l'empirisme, le raisonnement est secondaire alors que l'observation est première. Les travaux d'Isaac Newton témoignent d'une méthode empirique dans la formalisation de la loi gravitationnelle.

L'empirisme se décompose lui-même en sous-courants :

  • le matérialisme qui explique que seule l'expérience sensible existe;
  • le sensualisme qui considère que les connaissances proviennent des sensations (c'est la position de Condillac par exemple);
  • l'instrumentalisme, qui voit dans la théorie un outil abstrait ne reflétant pas la réalité.

Enfin, l'empirisme aurait percé dans le champ scientifique, selon Robert King Merton (dans Éléments de théorie et de méthode sociologique, 1965) grâce à ses liens étroits avec l'éthique protestante et puritaine. Le développement de la Royal Society de Londres, fondée en 1660 par des protestants, en est ainsi l'expression aboutie : « la combinaison de la rationnalité et de l'empirisme, si évidente dans l'éthique puritaine, forme l'essence de la science moderne. » explique Merton.

Positivisme d'Auguste Comte

Auguste Comte.

Auguste Comte distingue trois états historiques : dans l'état théologique, l'esprit de l'homme cherche à expliquer les phénomènes naturels par des agents surnaturels. Dans l'état métaphysique, l'explication se fonde sur des forces naturelles mais encore personnifiées (la théorie de l'éther par exemple). Avec l'état positif, l'esprit ne cherche plus à expliquer les phénomènes par leurs causes, mais il s'édifie sur des faits constatables et mesurables. Le personnage de Newton est, pour Comte, révélateur de cette « marche progressive de l'esprit humain ». La science doit ainsi mettre en œuvre des hypothèses, permettant de se passer de l'expérience, et aboutissant à la formation de lois non contradictoires. Comte cite ainsi, comme exemple, la théorie de la chaleur de Joseph Fourier, qui la bâtit sans avoir à observer la nature du phénomène. Le positivisme met en avant la qualité prédictive de la science, qui permet de « voir pour prévoir » selon les mots de Comte, dans ses Discours sur l'ensemble du positivisme (1843). Néanmoins, la méthode scientifique culmine dans la mise en pratique, dans l'action, ce que le discours moderne appellera l'application scientifique. L'ingénierie est ainsi la main de la science, caractérisée par le savoir-faire. La science est avec Comte indissociable de l'action :

« Science, d'où prévoyance ; prévoyance d'où action »

Critique de l'induction de Mach

Inventeur de la mesure de la vitesse de propagation du son, Ernest Mach développa une pensée épistémologique qui influença notamment Albert Einstein. Dans La Mécanique, exposé historique et critique de son développement Mach dévoile la conception mythologique qui sous tend les représentations mécanistes de son époque, qui aboutissent au conflit des spiritualistes et des matérialistes. Mais la critique de Mach porte surtout sur la méthode de l'induction, pendant de la déduction. Dans La Connaissance et l'erreur (1905), Mach explique que le travail du savant porte avant tout sur les relations des objets étudiés entre eux, et non sur leur classement. La démarche de recherche est avant tout mentale conclut Mach : « Avant de comprendre la nature, il faut l'appréhender dans l'imagination, pour donner aux concepts un contenu intuitif vivant ». Par ailleurs, Mach défend l'idée que la science est symbolique, thèse qu'il reprend chez Karl Pearson dans la Grammaire de la science (1892) et qui explique que la science est « une sténographie conceptuelle ». Mach annonce que seule la méthode empirique est scientifique :

« Nous devons limiter notre science physique à l'expression des faits observables, sans construire d'hypothèses derrière ces faits, où plus rien n'existe qui puisse être conçu ou prouvé »

Réfutabilité de Karl Popper et les « programmes de recherche scientifique » de Irme Lakatos

Le philosophe autrichien Karl Popper (1902 - 1994) bouleverse l'épistémologie classique en proposant une nouvelle théorie de la connaissance, dès 1959 avec la Logique de la découverte scientifique. Il donne à l'épistémologie de nouveaux concepts et outils d'examen, comme la falsifiabilité (capacité d'une théorie scientifique de se soumettre à une méthode critique sévère) ou l' infaillibilité (qui définit a contrario les théories métaphysiques, psychanalytiques, marxistes, astrologiques). Il propose ainsi de voir dans la réfutabilité le critère permettant de distinguer la science de la non-science. Un énoncé est ainsi « empiriquement informatif, si et seulement s'il est testable ou falsifiable, c'est-à-dire s'il est possible, au moins en principe, que certains faits puissent le contredire ». Néanmoins, Popper admet que les énoncés non réfutables peuvent être heuristiques et avoir un sens (c'est le cas des sciences humaines).

Popper émet par ailleurs une critique de la thèse de l'unicité de la science, notamment dans son ouvrage La logique de la découverte scientifique. L'idée d'un système de connaissance est futile selon lui : « nous ne savons pas, nous ne faisons que conjecturer. » L’idéal d’une connaissance absolument certaine et démontrable s’est révélé être une idole.Selon lui enfin, l'induction n'a aucune valeur scientifique :

«  Il n'y a pas d'induction parce que les théories universelles ne sont pas déductibles d'énoncés singuliers. »

La pensée d'Imre Lakatos(1922 - 1974) est en droite file de celle de Popper. Il est le créateur de la notion de « programmes de recherche scientifique » (P.R.S) qui est un corpus d'hypothèses théoriques lié à un plan de recherche au sein d'un domaine particulier (un « paradigme ») comme la métaphysique cartésienne par exemple. Lakatos, bien qu'étant l'élève de Karl Popper s'en oppose sur le point de la réfutabilité. Un programme de recherche est selon lui caractérisé à la fois par une heuristique positive (ce qu'il faut chercher et à l'aide de quelle méthode) et une heuristique négative (les hypothèses sont inviolables).

« Science normale » de Thomas Kuhn

Les travaux de Thomas Kuhn vont marquer une rupture fondamentale en philosophie, en histoire et en sociologie des sciences. Il va historiciser la science, et rejeter une conception fixiste de la science. Son ouvrage principal en la matière, la Structure des Révolutions Scientifiques (1962) pose qu'« il est ainsi difficile de considérer le développement scientifique comme un processus d’accumulation, car il est difficile d’isoler les découvertes et les inventions individuelles ».

« Lorsque les scientifiques ne peuvent plus ignorer plus longtemps des anomalies qui renversent la situation établie dans la pratique scientifique, alors commencent les investigations extraordinaires qui les conduisent finalement à un nouvel ensemble de convictions, sur une nouvelle base pour la pratique de la science » ajoute-t-il, qualifiant ces bases pratiques de paradigmes scientifiques (comme par exemple la lumière considérée comme un corpuscule, puis comme une onde, puis enfin comme une particule). Ces « épisodes extraordinaires » sont comme des « révolutions scientifiques » (ainsi celles apportées par Isaac Newton, Nicolas Copernic, Lavoisier, ou encore Einstein) : toutes viennent renverser un paradigme dominant. L'état d'une science, des connaissances et du paradigme, à une période donnée constitue la « science normale » qui est selon Kuhn

« une recherche fermement accréditée par une plusieurs découvertes scientifiques passées, découvertes que tel ou tel groupe scientifique [a considérées] comme suffisantes pour devenir le point de départ d’autres travaux. »

Constructivisme

Jean Piaget.

Le terme constructivisme est né au début du XXe siècle avec le mathématicien hollandais Brouwer qui l'utilisa pour caractériser sa position sur la question des fondements en mathématiques comme discipline maîtresse. Mais c'est surtout Jean Piaget qui a su apporter au constructivisme ses lettres de noblesse : avec la publication en 1967 de l'encyclopédie de la Pléiade et notamment de l’article Logique et connaissance scientifique, il opère selon Jean-Louis Le Moigne une « renaissance du constructivisme épistémologique, notamment à partir des travaux de Bachelard », . Toutefois, selon Ian Hacking, c'est Kant qui fut le « grand pionnier de la construction ».

L'école constructiviste n'accepte comme vrai que ce que le scientifique peut construire, à partir d'idées et d'hypothèses que l'intuition (comme fondement des mathématiques) accepte comme vraies, et qui sont représentables. Le psychologue et épistémologue Jean Piaget expliquera ainsi que le « fait est (…) toujours le produit de la composition, entre une part fournie par les objets, et une autre construite par le sujet ». L'expérimentation ne sert alors qu'à vérifier la cohérence interne de la construction (c'est la notion de modèle épistémologique). Piaget étendra cependant le cadre constructiviste à ce qu'il nomme l'« épistémologie génétique » qui étudie les conditions de la connaissance et les lois de son accroissement, en lien avec le développement neurologique de l'intelligence. Pour lui, l'épistémologie englobe la théorie de la connaissance et la philosophe des sciences (ce qu'il nomme le « cercle des sciences » : chaque science renforce l'édifice des autres sciences). Autrement dit, « la succession des sciences dans l'histoire obéit à la même logique que l'ontogénèse des connaissances ». Sans parler de ressemblance totale, les mécanismes, de l'individu au groupe de chercheurs et donc, aux disciplines scientifiques, sont communs (Piaget cite ainsi l'« abstraction réfléchissante »).

Refusant l'empirisme, l'épistémologie constructiviste pose que la connaissance se fait au moyen d'une dialectique, du sujet à l'objet et de l'objet au sujet, par un aller-et-retour expérimental.

Page générée en 0.516 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales | Partenaire: HD-Numérique
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise