Saturnisme - Définition

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Effets et symptômes chez l'homme

Les symptômes d'intoxications légères conduisent rarement au diagnostic de saturnisme. Avec l'augmentation du taux de plomb dans l'organisme, les symptômes suivant apparaissent :

  • Nausées, vomissements, diarrhées/constipation, maux de tête, avec fréquente perte d'appétit et de poids ;
  • Apparition d'un goût métallique dans bouche, éventuellement suivi dans les cas d'intoxication forte d'apparition d'un liseré grisâtre ou bleuâtre sur les gencives, dit "«liseré de Burton »" (très rare chez le jeune enfant, plus fréquent chez l'adulte gravement intoxiqué).
  • Douleurs abdominales (dites « coliques de plomb ») ;
  • Troubles neurologiques, avec réduction des capacités cognitives (difficulté de concentration, trouble de la mémoire), fatigue et comportement léthargique ou au contraire hyperactivité ;
  • Irritabilité ; c'est un symptôme qui a d'abord été constaté en milieu scolaire chez les enfants des régions ou familles exposées. Mais certains auteurs estiment qu'il a été sous-estimé chez l'adulte.
  • Insomnie ;
  • Retard de développement mental chez l'enfant, avec séquelles irréversibles si l'intoxication a concerné l'embryon, le fœtus ou le jeune enfant ;
  • Troubles psychomoteurs : Le plomb affecte les systèmes nerveux central et périphérique, d'abord de manière totalement indolore. Un des premiers signes d'atteinte périphérique (neuropathie chronique) étant une faiblesse des muscles extenseurs de la main (qui apparaît après quelques semaines d'exposition). Si l'exposition perdure ou est élevée, des douleurs articulaires apparaissent, puis une Paralysie éventuelle des membres ;
  • Anémie
  • Dysfonctionnement des reins ;
  • Hypertension artérielle ;
  • Stérilité masculine (par effet toxique et/ou de perturbation endocrinienne) ;
  • Perte auditive ;
  • Hyperuricémie (accumulation d'acide urique suite à une excrétion insuffisante dans l'urine ]);
  • Cancers (induit par certaines formes chimiques du plomb);
  • Coma puis mort, généralement provoquée par une encéphalite.

Comme le mercure, le plomb semble pouvoir être un perturbateur endocrinien quand il touche le fœtus (in utero), avec des effets différés sur le développement mental. '.

Plomb et épidémiologie de la violence et de la criminalité

Les effets délétères du plomb n'intéressent pas que les médecins. Ils préoccupent aussi le politique, les responsables de la santé, les assureurs et les économistes. Le plomb moléculaire n’est en effet ni biodégradable, ni dégradable. Et étant bioaccumulable, il restera pour cette raison longtemps un problème de santé publique dans la plupart des pays, en dépit de son interdiction d’usage dans l’essence et les peintures et certaines cartouches de chasse. De plus si les émissions ont chuté en occident, la production mondiale de plomb a continué à croître au début du XXème siècle, avec des sources très importantes d'exposition de l'environnement et de la population en Chine et dans les pays où l'essence est restée plombée.

On se demande depuis longtemps si les effets sociaux de l'exposition au plomb se limitent à des troubles de mémoire associés à une simple irritabilité (par exemple constatée chez les enfants exposés au plomb, et qu'on a attribué à une possible souffrance du cerveau), ou si au-delà d'effets simplement pénalisants pour l’intégration sociale d'individus, le saturnisme pouvait conduire à des troubles graves du comportement, sources de violence et favorisant des comportements criminels.

Saturnisme et criminalité : Rick Nevin (consultant en économie) a en mai 2000 rendu public un essai d'évaluation quantitative du problème. Il concluait que d'après l'étude comparative des statistique d'exposition moyenne au plomb, et de criminalité, que l'exposition au plomb pouvait expliquer aux États-Unis et dans d'autres pays 65% à 90% de la variation des taux de la criminalité violente, avec des vagues d'augmentation de la criminalité qui suivent systématiquement l'augmentation de la plombémie moyenne, avec un léger décalage. C'était la première fois qu'un auteur liait si directement l'augmentation de comportements agressifs ou criminels à une exposition environnementale au plomb.

Les résultats de cette étude ont été rappelés sept ans après (en juillet 2007) par le Washington Post dans un article qui a relancé l'intérêt porté à l’intoxication saturnine comme facteur de violence.

Les résultats de Rick Nevin ont en effet été confortés par les conclusions de Roger D. Masters de l’Université de Dartmouth et des travaux similaires d'autres chercheurs non issus du monde de la médecine ou de la toxicologie. Un document de Jessica Reyes économiste d’Amherst est disponible en pré-publication en ligne.

Saturnisme et schizophrénie

On se demande depuis longtemps si le plomb peut expliquer certains troubles mentaux, dont certaines schizophrénies.

  • En janvier 2004 un article du Scientific American estimait à propos de la schizophrénie que le blocage des récepteurs NMDA (protéine jouant un rôle essentiel dans le développement du cerveau et la cognition) pouvaient produire les symptômes de la schizophrénie, mais sans en expliquer le mécanisme.
  • Il est depuis reconnu que le plomb est un puissant inhibiteur du récepteur NMDA, et notamment dans l'hippocampe, avec des effets qui semblent pouvoir persister longtemps après l'exposition.
  • Selon un article de 2007 sur l'encéphalopathie induite par l’exposition du cerveau au plomb, le plomb interfère aussi avec les phénomènes de neurotransmission liés au glutamate. Ceux-ci sont responsables de l’activité de plus de la moitié des synapses du cerveau humain, et sont essentiel pour l'apprentissage. Le récepteur du glutamate, réputé expliquer l’étonnante plasticité neuronale du cerveau et du développement, est une molécule réceptrice dénommée N-methyl-D-aspartate (NMDA). Or cette NMDA est sélectivement bloquée par le plomb, qui pour partie passe facilement les barrières méningées protégeant le cerveau. L’intoxication saturnine perturberait ainsi les réseaux neuronnaux de l’apprentissage et expliquerait les troubles de la conservation permanente de l'information nouvellement acquise par le cerveau.

« Saturnisme utérin » et schizophrénie  : Dans une étude épidémiologique à long terme présentée au congrès annuel 2004 réunion de l'American Association for the Advancement of Science, à Seattle (États-Unis), Ezra Susser et son équipe ont à l’université Columbia de New York ont exploité les données de suivi d’un panel de 12 094 enfants nés à Oakland (Californie) de 1959 à 1966. Des échantillons de sérum sanguins collectés chez leurs mères alors qu'elles étaient enceintes, avaient été congelés et conservé pour une analyse ultérieure.

Les analyses ont montré que les enfants exposés in utero à des taux plus élevés de plomb présentaient un risque doublé de développer une schizophrénie ou des troubles apparentés plus tard. L'étude doit être prolongée sur d'autres populations et sur un panel d'enfants encore plus large, avec des questionnaires plus précis pour les mères afin d'essayer de déterminer s'il y a des périodes d'exposition in utero où le risque est plus élevé de provoquer une future schizophrénie (on peut supposer que la période dite de synaptogenèse est la plus critique, mais cela demande confirmation).

Ezra Susser a émis l'hypothèse d'un impact sur le cerveau du fœtus comparable à celui de l'alcool qui empêche précocement la formation de connexions neuronales, ce qui peut conduire à la mort de groupes de cellules qui auraient dû jouer un rôle dans le développement futur du cerveau. Cette même étude a d'ailleurs détecté d'autres facteurs que le plomb qui peuvent aussi agir ou peut-être s'additionner. L'impact de l'alcool était connu, mais l'étude a montré que les enfants nés d'une mère qui a été grippée dans la première partie de sa grossesse ont trois fois plus de risque de développer une schizophrénie plus tard. D'autres études ont aussi montré un risque accru d'avoir un QI plus bas pour l'exposition in utero à ces trois facteurs (plomb, alcool, grippe).

Saturnisme de l'adulte et de la personnes âgées

Les impacts neurocomportementaux du plomb sont connus chez l'enfant. Ils ont peut être été sous estimés chez l'adulte et la personne âgée.

  • Ainsi grâce à une liste clinique de médecine du travail, a-t-on pu trouver deux vrais jumeaux de soixante et onze ans, tous les deux victimes d'une intoxication chronique au plomb (peintres à la retraite). Mais l'un des deux frères (JG) avait principalement fait du décapage de peinture et avait des antécédents d'exposition chronique au plomb plus graves.
    Le taux de plomb de leur rotule et tibia ont été mesuré par "fluorescence KX-ray". En dépit du temps écoulé depuis leur retraite, il était encore de 5 à10 fois celui de la population générale et environ 2,5 fois plus élevé chez JG que chez son frère (E.G.). On a examiné (spectroscopie par résonance magnétique) les rations de N-acetylaspartate/creatine (un marqueur de la densité neuronale). Les Ratios étaient plus bas chez J.G. que chez son frère. En outre, les scores des tests neurocognitifs évaluant la mémoire et les fonctions cognitives ont été plus mauvais qu'attendu chez les deux frères, et la mémoire à court terme était considérablement pire chez JG que chez son frère. Ceci suggère des effets neurotoxiques à long terme, subtils et durables, de l'intoxication saturnine chronique de l'adulte, avec notamment un dysfonctionnement du lobe frontal (observé chez les deux jumeaux), mais avec également un dysfonctionnement hippocampique du cerveau du frère autrefois le plus exposé au plomb.
    Une relation causale ne peut être déduite de ces seuls cas, mais les frères étaient génétiquement identiques et ont connu des expériences de vie semblables et les auteurs estiment que les résultats de la MRS (In vivo magnetic resonance spectroscopy) sont compatibles avec l'hypothèse qu'un saturnisme chronique ait causé chez les deux frères une perte neuronale, ce qui peut contribuer à la dégradation des fonctions cognitives. D'autres études sur des jumeaux pourraient améliorer la compréhension des effets du plomb.

Aspects socio-historiques rétrospectifs

IL y a 2000 ans, Dioscorides avaient déjà identifié de nombreux effets délétères du plomb pour la santé
Matériel d'adduction d'eau, plomb, antiquité romaine, source de contamination de l'eau et de saturnisme, qui a peut-être significativement contribué à la chute de l'Empire romain

Les données semblent confirmer l'hypothèse émise depuis longtemps d'un lien (non exclusif) entre exposition au plomb (éventuellement in utero) et troubles comportementaux, générant d'éventuelles violences et conflits.
Elles éclairent d’un jour nouveau les violences qui ont caractérisés certaines périodes et lieux ou caractérisent encore certaines zones géographiques où le plomb a été massivement utilisé par l’industrie, mais aussi par les armées et lors de guerres civiles (Empire romain, guerres mondiales...).
Ces résultats incitent aussi à éradiquer au plus vite le plomb des munitions, dont de chasse.

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