Sándor Ferenczi - Définition

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Introduction

Sándor Ferenczi
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Biographie
Naissance : 16 juillet 1873
Décès : 22 mai 1933

Sándor Ferenczi (16 juillet 1873 – 22 mai 1933) est l'un des premiers psychanalystes.

Ami de Lou Andreas-Salomé et de Sigmund Freud, Ferenczi fut le psychanalyste de Melanie Klein et de Michael Balint. Sa position courageuse et originale lui valut d'être mis en marge de l'IPA à la fin de sa vie.

Son parcours de psychanalyste fut marqué par une psychanalyse avec Freud à propos de laquelle les historiens de la psychanalyse repèrent une dynamique transférentielle et contre-transférentielle très importante, pouvant peut-être expliquer le rejet ultérieur de Freud et les conduites de Ferenczi.

Il ressort des écrits de Ferenczi une exigence de franchise et de sincérité, ainsi que le souhait d'apporter de véritables soins aux patients. Ferenczi déplorait l'hypocrisie de ses contemporains psychanalystes, qui se réfugiaient derrière les concepts de résistance et de transfert négatif pour ne pas remettre en question leur théorie de référence ou leur pratique. Appelé l'« enfant terrible » de la psychanalyse, il osait aller au bout de sa pensée et l'exprimer sans se censurer.

Ferenczi pense que la technique aussi bien que la théorie peuvent s'ajuster à chaque situation et à chaque sujet. Cette conviction est à la source de ses innovations théoriques et cliniques.

L'apport et les travaux de Ferenczi

Pensée

La psychanalyse considère souvent que l'étiologie des pathologies psychiques prend sa source dans l'enfance et la première enfance, de manière chronologique : les psychoses ont leur étiologie ancrée dans la prime enfance, à un niveau psychique beaucoup plus archaïque que les névroses.

Cela explique l'intérêt de Ferenczi pour les périodes les plus reculées de l'enfance, notamment pour la formation de l'appareil psychique : la notion d'introjection découle de cet intérêt pour les pathologies narcissiques, ainsi que sa conception de l'enfant et de l'adulte.

L'introjection

Dès 1909, Ferenczi écrit Transfert et introjection où il décrit cette opération psychique qui est l'inverse de la projection.

L'introjection est un mode identificatoire particulier, consistant en l'intériorisation de traits et de qualités du monde extérieur en soi, sans considération de frontière dedans/dehors.

Elle correspond à une extension du moi dans son intégration inconsciente de l’extériorité. Ferenczi précise : « L’homme ne peut aimer que lui-même et lui seul, aimer un autre équivaut à introjecter cet autre dans son propre moi ».

Le contre-transfert

Le contre-transfert a pour Ferenczi, et la plupart des psychanalystes modernes, une importance primordiale : il a été le premier à le penser véritablement. Le contre-transfert représente les réactions inconscientes du psychanalyste face à la situation psychanalytique, c'est-à-dire face à son patient et au transfert, en fonction de sa propre histoire et de son inconscient.

Selon Ferenczi, il est essentiel d'élucider le contre-transfert du psychanalyste en même temps que celui-ci met en lumière le transfert de son patient : les résidus contre-transférentiels non élaborés brouillent la relation thérapeutique et empêchent le traitement.

La compréhension du contre-transfert permet de repérer les désirs inconscients du psychanalyste et ainsi de faire en sorte qu'ils ne parasitent pas le traitement du patient. Le psychanalyste pourrait en effet imposer à son patient des interprétations erronées, correspondant à son propre désir, auxquelles le patient ne pourrait réagir : ses dénégations seraient interprétées comme résistance ou comme transfert négatif.

Cette avancée théorique majeure a donné lieu à la mise en place de la loi la plus importante de la pratique psychanalytique : la psychanalyse du psychanalyste, que l'on appelle parfois "psychanalyse didactique" ou "psychanalyse de contrôle".

La confusion de langue

En 1932, dans Confusion de langue entre les adultes et l'enfant, Ferenczi expose ce qui donne les bases de ses théories sur le trauma : l'adulte et l'enfant ne parlent pas la même langue.

L'adulte imposerait à l'enfant un langage de passion, empreint de sexualité inconsciente que l'enfant, dont le langage est tendre et non passionnel, ne peut pas élaborer. Les stimuli parentaux débordent les capacités de métabolisation de l'enfant, pouvant constituer un véritable traumatisme, menant vers le clivage du moi et le repli sur soi.

Ferenczi décrit aussi l'identification à l'agresseur : l'enfant, dont la prématuration psychique ne lui permet pas de supporter le langage et les comportements passionnés de l'adulte, se soumet alors à l'adulte considéré comme agresseur, internalisant en même temps la culpabilité inconsciente parentale.

Cette séduction originaire par la mère (et non plus seulement par le père) aurait selon Ferenczi sa place dans la constitution de l'hystérie.

Après l'abandon par Freud de la neurotica, Ferenczi remet en place le concept de théorie de la séduction, ancrant dans le réel un traumatisme que Freud pensait fantasmé.

Ce trauma originel de la séduction parentale de l'enfant innocent, en demande de tendresse, est pour Ferenczi un moment constitutif de la psyché humaine. Il considère alors que la technique psychanalytique n'explore pas assez cette demande de tendresse que porte le patient.

Le trauma

Cette confusion de langue, paradigme de la violence inconsciente maternelle et de la souffrance de l'enfant, induit un traumatisme constitutif, mettant l'enfant en position d'élaborer des mécanismes de défenses particuliers afin d'y résister et d'en sortir intact.

Cette idée se retrouve d'ailleurs chez Donald Winnicott, qui voit à l'origine de l'appareil psychique un traumatisme premier.

Ce trauma précoce est donc à l'origine de notre psyché aussi bien que des troubles psychiques, de même que le complexe d'Œdipe est le complexe central pour Freud.

Ferenczi remet sur la scène réelle la notion de traumatisme. À partir des études menées sur les soldats et sur les patients souffrant de névrose traumatique, il en déduit qu'une fragilité constitutive du moi remontant à la première enfance rend celui-ci perméable à une trop grande excitation, agissant comme effraction du système psychique, qui n'a alors d'autre choix de survie que de se morceler.

La trace mnésique de l'événement effractant (au sens d'effroi) se retrouve séparée et isolée du reste du psychisme, restant cependant vivante bien qu'inconsciente. Le patient se trouve alors en situation de répéter sans cesse, dans ses rêves ou dans son existence, la situation traumatique : la remémoration consciente est impossible et empêche l'élaboration.

La technique

Si l'adulte porte en lui l'enfant de tendresse qu'il décrit, la technique orthodoxe psychanalytique ne peut pas suffire. En effet l'analyse des rêves et des associations libres s'adresse à des patients névrosés, ayant atteint le stade de l'Œdipe et élaboré la problématique de la castration.

Les patients psychotiques fonctionnent à un niveau beaucoup plus originaire ; leur trouble serait né lorsqu'ils n'avaient pas encore acquis le langage, quand ils étaient encore infans selon la terminologie de Ferenczi. La psychose serait un blocage au stade du narcissisme primaire empêchant la constitution du Moi.

La technique doit donc subir des remaniements afin de soulager ces sujets, voire de les guérir : on ne peut s'adresser de la même manière à un nourrisson et à un enfant de quatre ans, notamment en vertu de la différence des langues, mais aussi de la conformation psychique différente et des capacités d'élaboration.

Pour Ferenczi, la technique freudienne est une technique mettant sur la scène transférentielle le père, alors que la mère aurait aussi sa place, une place réparatrice de l'enfant traumatisé que l'adulte porte en lui.

Freud disait d'ailleurs à Hilda Doolittle, son élève : « Je n'aime pas être la mère dans le transfert, cela me surprend et me choque toujours un peu, je me sens tellement masculin ».

La relaxation

Partant de l'idée que l'enfant de la confusion de langue ne possède pas de mots, son vécu est essentiellement corporel, et donc ancré à un niveau inconscient bien plus profond : l'accès au trauma originel ne peut pas se faire par la technique usuelle.

Ferenczi préconise donc, au début de ses essais techniques, un accès par le corps, notamment par la relaxation et la respiration.

La technique active

Cette technique thérapeutique fut exposée par Ferenczi la première fois en 1920, au Congrès de La Haye.

Ferenczi part d'un constat : certains patients prennent plaisir à la règle habituelle de l'analyse qu'est l'association libre. L'association libre peut en effet se transformer chez certains patients (notamment les névroses obsessionnels) en un verbiage qui n'a pas grande utilité thérapeutique et qui représente une défense en elle-même : les contenus amenés pendant les séances n'ont pas de valeur interprétative et le sujet protège les représentations inconscientes.

De même, certaines patientes hystériques déplacent leurs symptômes sur des pratiques motrices masturbatoires camouflées, telles que la contraction des jambes, ou une miction fréquente, empêchant ainsi l'analyse des contenus inconscients.

Ferenczi fait alors usage de prohibitions, d'interdictions, visant à empêcher ces pratiques dérivatives, afin de faciliter l'accès aux contenus psychiques inconscients et de faire avancer le traitement. Il se réfère d'ailleurs à Freud qui demandait à certains patients phobiques d'affronter l'objet ou la situation phobogène.

La technique active faciliterait selon lui le retour du refoulé en empêchant la compulsion de répétition, et ne serait à utiliser que précautionneusement, dans les moments de stase du traitement.

Ferenczi devait s'apercevoir par la suite que cette activité de l'analyste pouvait renforcer les résistances du patient, le thérapeute occupant alors la position du Surmoi : il abandonnera finalement la technique active.

L'analyse mutuelle

L'invention de l'analyse mutuelle prend sa source dans les déceptions de Ferenczi par rapport à la psychanalyse orthodoxe préconisée par Freud. Ferenczi n'observe que trop l'hypocrisie et l'indifférence des analystes envers leurs patients, ceux-là se réfugiant derrière leurs connaissances et leurs concepts. L'exigence de Ferenczi envers la cure est cependant trop importante pour qu'il se conduise ainsi : il est pour lui essentiel de guérir, soigner, soulager les patients.

Cette déception est renforcée par les prescriptions techniques de Freud : « je ne saurai trop recommander à mes collègues de prendre comme modèle, au cours du traitement analytique, le chirurgien » ou encore « Pour l’analysé, le médecin doit demeurer impénétrable et, à la manière d’un miroir, ne faire que refléter ce qu’on lui montre ».

Dans son Journal clinique, Ferenczi rapporte en outre des propos tendancieux tenus par Freud : «Je dois me souvenir de certaines remarques de Freud, qu’il a laissé tomber en ma présence, comptant manifestement sur ma discrétion : « les patients, c’est de la racaille ». 2) Les patients ne sont bons qu’à nous faire vivre, et ils sont du matériel pour apprendre. Nous ne pouvons pas les aider, de toute façon. » (1932).

Ferenczi s'interroge alors sur cette position des analystes, qui tendent à nier le discours de leurs patients à l'aide de concepts tels que la projection, les résistances, etc. Il avance l'idée que les analystes combattent ainsi leurs propres complexes, se préservant de leurs patients et se rendant le travail plus confortable.

Ferenczi dénonce donc cette position freudienne du chirurgien, lui préférant celle d'accoucheur : l'analyse mutuelle est l'aboutissement de cette idée.

L'analyse mutuelle était pensée comme une situation de confiance mutuelle, mettant à bas l'hypocrisie et la position de supériorité retranchée de l'analyste, où l'analyste et le patient devaient finir par partager les mêmes outils théoriques et techniques pour se soigner mutuellement. L'exigence de vérité de Ferenczi l'a donc poussé à envisager l'analyse mutuelle comme le lieu où rien ne doit être tu, et où tout doit être analysé.

Cette technique, bien que partant d'un constat réel et essentiel, tomba finalement dans l'absurde, avec l'analyse de Elisabeth Severn, prenant des proportions incroyables, bouleversant totalement le cadre de la cure et tout cadre en général.

Ferenczi reconnait alors les dangers de l'analyse mutuelle et abandonne la technique, tout en continuant d'exiger de lui-même authenticité et recul par l'analyse du contre-transfert.

La néocatharsis

Tout comme pour la relaxation, cette tentative technique s'inspire de la difficulté d'accéder aux patients ayant vécu de graves traumatismes dans leur enfance.

On a vu que selon Ferenczi le traumatisme (réel et non plus fantasmé) induisait un clivage du psychisme, un morcellement de ses différentes parties et empêchait la constitution d'un moi efficace et authentique.

L'idée de Ferenczi est alors de « revenir à la source », en quelque sorte, et de permettre l'unification du moi qui n'a pu être réalisée à l'époque.

Pour cela, il recommande la tendresse et la compassion, la couvade, une position très maternante donc, permettant au patient de revivre de manière gratifiante et constructive la période où il a échoué auparavant.

Le dire seul, la compréhension intellectuelle ne suffit pas dans les cas de traumatisme réel, seul l'investissement affectif du patient par l'analyste peut permettre la reconstruction.

L'attitude « chirurgienne » freudienne viendrait même renforcer le traumatisme, répétant l'attitude de silence et de secret des parents, qui marque le deuxième temps de la constitution du traumatisme.

La bioanalyse

Ferenczi fonde dans son ouvrage traitant des origines biologiques et psychanalytiques de la vie sexuelle chez l'homme et la femme : Thalassa, un néologisme pour désigner une nouvelle science, à la confluence de la phylogénèse et du freudisme : la bioanalyse. Il l'a décrit ainsi : « science en perspective qui serait appelée à réaliser la coopération de la biologie et de la psychanalyse », et qui a pour but idéologique pour le partisan de Freud de prouver en quelque sorte que la théorie psychique du médecin viennois a une réalité scientifique et biologique. Dans ce même ouvrage, partant du « sentiment thalassique » (le désir de retour à la vie intra-utérine comme pulsion fondamentale de tout coït) il montre les nombreuses passerelles existant entre les phases psychiques et le développement de la vie sur Terre et les parallèles entre la vie sexuelle humaine et celle animale voire végétale. Pour cela il crée le concept d'« amphimixie », repris de la zoomorphologie : mélange de deux éléments constituants pour montrer la dynamique biologique fondamentale qui règle la vie psychique sexuelle. Ferenczi pense en effet que la sexualité aboutie, complexe, le coït, vient de la réunion savamment dosée chez chacun d'un mélange de deux tendances partielles : urétrales et anales. La thèse de cet ouvrage par trop avant-gardiste est donc d'étudier sous le double angle, et biologique et psychanalytique, le phénomène de la copulation. Ferenczi fonde en cela une science ou pseudoscience, la bioanalyse, sorte de tentative parascientifique pour étendre le champ psychanalytique à la biologie.

Conviction et croyance

On voit donc que l'exigence de Ferenczi est celle-ci : offrir au patient une thérapie adaptée, briser la répétition de l'attitude parentale qui demande à l'enfant sa croyance. Ferenczi préfère que le patient soit convaincu.

L'enfant est selon lui trop souvent obligé de garder le silence et de croire aveuglément ses parents, alors qu'il vaudrait mieux recueillir sa parole, sa demande, et lui restituer l'amour qui fondera sa conviction (on peut ici faire le lien avec la théorie bionnienne des éléments bêtas et de la fonction alpha).

Postérité

L'œuvre de Ferenczi, frappée d'ostracisme par une très grande partie de la communauté psychanalytique, a été redécouverte tardivement. Cependant, de nombreux psychanalystes suivent ses traces et permettent à la psychanalyse au quotidien d'avoir un visage plus humain : Nicolas Abraham, Maria Torok, Judith Dupond, Lucien Mélèse, Claude Nachin, Serge Tisseron, Pascal Hachet, Saverio Tomasella, etc.

"La crypte freudienne n'a pas seulement eu des effets sur les psychanalyses et sur les positions théoriques de Freud. Elle poursuit son action fantomatique sur ces successeurs. Dans les milieux psychanalytiques, de pieux hommages à Freud s'accompagnent comme de son temps d'un manque d'attention scientifique suffisante et de gentillesse vis-à-vis de collègues plus proches dans le temps et dans l'espace. L'oeuvre de Sandor Ferenczi a été entourée d'une haine et d'une incompréhension cinquantenaires dont les effets ne sont pas encore éteints. L'argumentation point par point d'un travail est souvent remplcée par de pures déclarations de désaccord comme s'il s'agissait de goûts et de couleurs ou par le passage sous silence. C'est dire qu'il importe de s'intéresser au travail du Fantôme dans la psychanalyse." Claude Nachin, Les fantômes de l'âme, L'Harmattan, 1993, pp. 97-98.

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