Potez 540 - Définition

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Carrière opérationnelle

La guerre civile espagnole

Le 17 juillet 1936 la Légion étrangère espagnole, commandée par le général Franco, entra en rébellion contre le gouvernement de Madrid. Le 18 juillet le mouvement gagna des casernes en Espagne et le 19 juillet José Giral, chef du gouvernement espagnol sollicita l'aide du Président du Conseil français, Léon Blum. Alors que les troupes marocaines débarquaient en Andalousie et faisaient rapidement mouvement sur Madrid, soutenus par des avions saisis à Séville, Blum acceptait de fournir une vingtaine d'avions de bombardement. Mais le gouvernement de Front Populaire français était partagé sur la question et le Président de la République Française Albert Lebrun opposé à une aide directe. Léon Blum décida donc d'aider les Républicains espagnols avec discrétion, attitude qu'il justifia par le traité franco-espagnol signé quelques mois plus tôt. Pierre Cot, Ministre de l'Air et chaud partisan d'une aide à l'Espagne républicaine, chargea son chef de cabinet Jean Moulin de suivre le dossier espagnol. Les services du Ministère de l'Air recensèrent les avions disponibles ou en cours de production pouvant être vendus. On trouva un lot de Potez 540/542 et, le 25 juillet, vingt machines en attente de livraison à l'Armée de l'Air quittèrent Étampes pour Toulouse. Ces avions étaient désarmés et la présence à bord de personnel de l'Armée de l'Air strictement interdite. Ils furent ostensiblement livrés à la compagnie aérienne LAPE, dont les pilotes assurèrent le convoyage entre Toulouse et Barcelone. 5 appareils passèrent en Espagne entre le 15 et le 18 aout 1936, un autre fin septembre. Mais les mitrailleuses Vickers de 7,69 mm qui devaient équiper ces bimoteurs n'arrivèrent jamais à destination, pas plus que les lance-bombes.

Pendant ce temps, à Paris, André Malraux, membre du Comité Mondial Antifasciste, organisait chez lui une annexe de l'Ambassade d'Espagne aux fins de recruter des pilotes et organiser administrativement et financièrement leur transfert vers l'Espagne, sans expérience aéronautique ou militaire, mais avec enthousiasme. Grâce à Jean Moulin il obtint une liste de pilotes réservistes susceptibles de volontariat.

Tous ces efforts aboutirent à la constitution à Barcelone de l'Escuadra España, transférée le 16 août 1936 à Madrid, où le gouvernement espagnol, réticent devant ces mercenaires bien payés et indépendants, accepta de leur confier les 5 Potez, et quelques vieux chasseurs Nieuport 52 pour les escorter. Symboliquement les Potez furent identifiés par les lettres E, S, P, A et Ñ que Malraux fit peindre sur les dérives. L'aviation nationaliste étant encore mal organisée et équipée de vieux avions saisis au gouvernement espagnol, les premières missions de l'Escadrille Espagne furent spectaculaires : le 1er septembre, le groupe attaqua par surprise un aérodrome secret des insurgés près d'Olmedo, épisode romancé dans un des chapitres de L'Espoir. Le 20 septembre trois avions seulement étaient en état de vol, les autres ayant été endommagés par la chasse adverse. Le 25 septembre, au cours d'un raid sur Grenade, le ‘E' fut victime d'une panne moteur et se posa sur le ventre dans la Sierra de Guadarrama. Le 2 octobre, un autre bimoteur était abattu ; le 5 octobre, tous les Potez étaient hors d'état de vol, et certains pilotes français rentraient déjà chez eux. Heureusement, le 15 octobre, la CAMS (filiale de Potez) livrait 6 Potez 542. Deux autres arrivèrent en Espagne avant la fin du mois. Le 27 octobre, trois Potez 542 décollés à la tombée de la nuit d'Albacete et pilotés par Abel Guidez, René Darry et Victor Veniel, survolèrent l'aérodrome de Talavera de la Reina et bombardèrent l'Etat-major du général Franco sans rencontrer de résistance.

L'arrivée massive des renforts russes à partir d'octobre fit perdre beaucoup d'importance à L'Escuadra España, transférée à Señera-Chiva et rebaptisée Aviation Antifasciste André Malraux. Les Potez bombardèrent la ville de Teruel et les alentours en soutien de la XIIIe Brigade Internationale. Le 26 décembre, ils frappèrent la gare et lusine électrique de Teruel; repartant pour bombarder à nouveau ces objectifs, le "S", piloté par Darry avec Malraux comme observateur, ne put pas décoller parce qu´un des moteurs était endommagé et quitta piste ; l'avion fut détruit, mais il n´y eut pas mort. Trois autres Potez, dont deux appartenant à une unité républicaine, atteignirent donc Teruel, où ils furent surpris par des Heinkel He 51 au moment où trois Polikarpov I-15 "Chatos" d´escorte arrivaient pour assurer leur protection. Dans le combat qui s'ensuivit, un Heinkel fut abattu et les autres prirent la fuite mais seulement après avoir touché le "N", piloté par Marcel Florein et le "O", piloté par le capitaine Gregorio Garay. Le "N" s´ecrasa dans la région de Mora de Rubielos, à 40 km au sud-est de Teruel. Le 29 décembre, la base des chasseurs He 51 à Concud-Caudé fut attaqué par surprise par les Potez, qui y détruisirent les trois chasseurs s'y trouvant encore. La dernière action dans le secteur de Teruel eut lieu le 31 décembre, après quoi tout ce front se calma jusqu'en août 1937.

Transférée à Alcantarilla, l'escadrille de Malraux, réduite à deux Potez ("P" et "B"), fut finalement détachée à l´aérodrome de Tabernas, Almería, pour couvrir la retraite de la population de Málaga sous la protection de cinq Polikarpov I-15 "Chatos". Le 11 février 1938, les deux Potez décollèrent pour effectuer une mission de couverture avec trois chasseurs I-15. Ils furent surpris à basse altitude par une escadrille de Fiat CR.32 qui débordèrent les "Chato" et mitraillèrent les lourds Potez. Le "B", piloté par Guy Santès, tomba dans l´eau sur la plage de Castel del Ferro, près de Motril ; le co-pilote Jan-Frederikus Stolk fut tué, le reste de l´équipage blessé. Le "P" tomba sur Liano de Dalia mais on n'enregistra aucune perte dans l´équipage. Faute d'avions, l'escadrille internationale fut alors dissoute.

Très médiatisée, l'Escuadra España utilisa au total une vingtaine de Potez 540/542, mais ne disposa jamais plus de 9 avions disponibles à la fois. Elle ne fut pas non plus la seule à utiliser ce bimoteur en Espagne, certains avions étant livrés par des filières mystérieuses. Entre septembre et octobre 1936, l'unité mixte de Martin Lune, stationnée à Madrid, perdit 5 Potez 540, appartenant probablement au premier lot livré. Au printemps 1937, fut constitué à Lleida le 11e groupe de bombardement de nuit qui disposait de deux Potez 540, deux Bloch MB.210 et de l'unique Breguet 460. Le premier Potez fut rapidement accidenté à Majorque par un pilote tchèque (Kozek), le second immobilisé par manque de pièces. La 2e escadrille du Groupe 72 a également disposé de 3 Potez avec un Bloch MB.200 et un Bloch MB.210, appareils affectés uniquement aux missions de reconnaissance et de transport.

Fin septembre 1937, tous les Potez 540/542 républicains furent regroupés dans une unité mixte, Espagnols et Russes se partageant ces bimoteurs en attendant l'arrivée de Tupolev SB. Le 25 octobre, ils attaquèrent les troupes franquistes près de Madrid. Deux jours plus tard, cinq Potez montés par des équipages russes menés par le capitaine Rokka attaquèrent un aérodrome au sud de Grenade. Début novembre, les Potez ne volèrent plus que sous escorte de chasse. Ainsi, le 3 novembre, cinq bombardiers s'envolèrent en compagnie de 10 I-15, le lendemain cinq chasseurs escortèrent trois bombardiers... dont la disponibilité décrut rapidement. Le 10 novembre 4 Potez attaquèrent des positions d'artillerie franquistes au sud-ouest de Madrid. Touché par la DCA, un appareil fit un atterrissage forcé dans les lignes nationalistes.

Durant son utilisation en Espagne, le Potez 540/542 s'est révélé un avion facile à piloter, stable et capable d'encaisser de nombreux coups, en particulier grâce à ses réservoirs auto-obturant, une innovation que les Russes se firent un devoir d'étudier avec la plus grande attention. Le poste d'équipage était conçu pour faciliter les communications entre les membres de l'équipage, et l'avion bien pourvu en instruments. En cas d'atterrissage sur le ventre, les moteurs étaient protégés par le train semi-escamotable et l'équipage avait toutes les chances de s'en tirer. Mais le Potez avait des freins déficients, des performances nettement insuffisantes et enfin le moteur Lorraine-Dietrich du Potez 542 était d'une fiabilité très précaire.

Dans l'Armée de l'Air

Malgré les retards de livraison, l'Armée de l'Air disposait au 1er janvier 1938 de 182 Potez 540/542. Ils équipaient les 36e, 38e, 51e, 52e, 54e, et 55e Escadres, le GAR 512 et le GAO 1/506. Reconnus dépassés, ils commençaient à être remplacés en première ligne par les Potez 637 ou Breguet 691/693 et affectés à l'instruction des équipages de bombardement. 7 appareils furent désarmés, pourvus d'immatriculations civiles, réaménagés en transports VIP pour 7 passagers et versés à l'Escadrille Ministérielle de Villacoublay, ancêtre du groupe de liaisons aériennes ministérielles (GLAM). Un autre fut affecté aux déplacements du Ministre de la Marine, réaménagé avec un salon comprenant deux banquettes et un cabinet de toilette. Doté d'un équipement radio totalement modifié, cet avion ministériel fut doté d'une immatriculation civile [F-APEU] bien que portant sur le fuselage les cocardes spécifiques à l'Aéronautique Navale. Un Potez 542 fut également remotorisé avec des moteurs Hispano-Suiza 12Ybrs de 860 ch, son armement étant remplacé une batterie d'équipements photographiques spéciaux. Devenu Potez 544, il fut discrètement utilisé pour des missions de reconnaissance dans les régions frontalières de l'Allemagne et de l'Italie au profit de l'Etat-major. Il effectua en particulier une série de reconnaissances sur la Ligne Siegfried.

Pourtant, le 1er septembre 1939, on comptait encore 85 Potez 540/542 (dont 73 bons de guerre) en première ligne, (54e et 63e Escadre de bombardement, 36e Escadre de reconnaissance, GAO 504, 1/506, 511, 543, 4/551, 552 et 553) , 24 (dont 6 non disponibles) en écoles et 41 (dont 31 bons de guerre) en entrepôts.

Le 10 mai 1940, il n'en restait que 23 en première ligne, dont 12 seulement disponibles, 87 dans les écoles (39 seulement disponibles) dont une dizaine transférés à la Marine, et 16 en état de vol affectés à divers centres d'essais et unités spéciales. Le Potez 540 ne participa pas à la Campagne de France, les appareils en première ligne se trouvant outre-mer.

En octobre 1938, l'aviation d'Indochine fut réorganisée. Les escadrilles n° 2 et 6 fusionnèrent pour constituer le 41e Groupe Aérien Autonome. A côté des Potez 25, il disposait de 3 Potez 542 TOE. En septembre 1939, l'EB 2/42 disposait de 6 Potez à Tan Son Nhut. Fin 1940, ils furent engagés dans le conflit frontalier avec la Thaïlande.

En AOF, l'escadrille n°1 disposa dès 1938 de trois Potez 540 TOE. Une escadrille n°4 est créée à la fin de l'année sur Potez 542 TOE. Renforcées de Farman F.222, elles fusionnent le 1er juillet 1939 pour constituer le 43e GAA à Thiès.

Au service de Vichy

Au moment de l'Armistice de 1940, on comptait 71 Potez repliés sur l'Afrique du Nord et quelques exemplaires en Grande-Bretagne. Une partie des bimoteurs évacués sur l'Afrique du Nord furent renvoyés en Métropol,e et quelques appareils abandonnés sur place remis en état de vol pour intégrer l'Aviation de Vichy. Ils furent utilisés comme avions de transport, affectés aux déplacements ministériels ou à l'acheminement du courrier et des haut-fonctionnaires vers l'Outre-Mer. Le Service civil des liaisons aériennes en utilisa une dizaine mais trois groupes de transport militaire furent aussi constitués, utilisant une dotation mixte de Potez 540, Potez 62 et Potez 65. En 1941, le GT II/15 détacha 2 Potez 540 et un Potez 65 en Syrie pour acheminer vers l'Irak une partie de l'aide allemande destinée à Rashid Ali. 3 autres Potez furent transférés d'Afrique du Nord vers le Liban le 24 septembre 1941, amenant du matériel et des munitions puis évacuant du personnel sur Athènes. Après la reddition du Liban français, le groupe rentra au Maroc. Aucun Potez ne participa au bref baroud d'honneur qui tenta de s'opposer au débarquement Allié en Afrique du Nord en novembre 1942, et ils poursuivirent leurs missions de transport jusqu'à leur remplacement courant 1944 par des appareils plus appropriés d'origine américaine.

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