Pomme de terre - Définition

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Histoire

Origines

La pomme de terre est originaire des Andes, où elle a été consommée et cultivée probablement depuis l'époque néolithique.

Plantation de pommes de terre à l'aide de la chaquitaclla (Felipe Guaman Poma de Ayala : El primer nueva corónica y buen gobierno 1615-1616)

Les plus anciens restes de tubercules de pommes de terre cultivées (et aussi de patates douce) ont été retrouvés dans des grottes de Tres Ventanas situées à 2800 mètres d'altitude dans le canyon Chilca dans une région côtière du Pérou (à 65 km au sud-est de Lima). Ces restes sont datés de 8000 ans avant Jésus-Christ, à une époque glaciaire de la fin du Pléistocène, alors que les hauts plateaux andins étaient couverts par les glaces. D'autres sites archéologiques dans lesquels des restes de pommes de terre ont été retrouvés s'échelonnent le long de la côte péruvienne depuis Huaynuma dans la vallée de Casma (région d'Ancash, à 360 km au nord de Lima) jusqu'à La Centinela dans la vallée de Chincha (à 200 km au sud de Lima). Ces grottes ont également livré des restes de haricot, haricot de Lima, piment, oca et ulluque notamment.

Toutefois, un spécimen de Solanum maglia, espèce de pomme de terre sauvage, datant de 13 000 ans avant Jésus-Christ (Pléistocène tardif), a été retrouvé sur le site archéologique de Monte Verde, près de Puerto Montt dans le sud du Chili. Ce vestige de pomme de terre, consommée mais non cultivée, est le plus ancien, toutes espèces confondues, et confirme cette région comme l'un des centres de l'évolution de la pomme de terre .

La domestication de la pomme de terre s'est développée par la suite, ainsi que les pratiques agricoles en général, dans la région du lac Titicaca, alors que dans la région côtière se développait un climat de plus en plus aride. C'est dans cette région, située à cheval sur les actuels territoires du Pérou et de la Bolivie, que l'on constate encore la plus grande variabilité génétique des espèces et variétés de solanées tubéreuses, avec plus de cent espèces sauvages et plus de 400 variétés indigènes de pommes de terre cultivées. Cette domestication aurait commencé, après une longue période d'appropriation, vers 2 000 ans av. J. C. et aurait été contemporaine de celle du lama. Elle aurait été facilitée tant par l'invention de techniques permettant d'éliminer les alcaloïdes toxiques des variétés amères que par l'émergence de variétés moins amères.

Les Incas utilisaient pour planter les pommes de terre un outil traditionnel, la chaquitaclla, encore en usage aujourd'hui.

Diffusion dans le monde

La première description connue date de 1533, que l'on doit à Pedro de Cieza de León dans sa Chronique du Pérou. Introduite en Espagne en 1534, elle est cultivée par des moines de Séville en 1573 pour nourrir des personnes malades, également sous le nom de papa. Elle aurait été introduite en France vers 1540 et cultivée à Saint-Alban-d'Ay (il s'agissait de "las trifolas" (nom générique) que l'on retrouve aujourd'hui repris avec la variété dite « Truffole »). Selon Alexandre Dumas, elle fut apportée de Virginie par l'amiral anglais Walter Raleigh en 1585. « Quant à la pomme de terre, des préjugés absurdes l'empêchèrent longtemps d'être appréciée à sa juste valeur ; c'était pour beaucoup un aliment dangeureux ou au moins grossier et tout au plus bon pour les cochons ». En deux siècles, la pomme de terre va conquérir l'Europe : d'abord en Espagne où elle prendra le nom de patata (sous l’influence de batata, patate douce et le mot papa ayant vraisemblablement entraîné une confusion avec le mot Papa désignant le Pape), puis l'Italie taratouffli (petite truffe), l'Irlande potato, l'Allemagne puis la France. Elle est figurée pour la première fois par Gaspard Bauhin dans Pinax Theatri Botanici de 1596.

Illustration extraite de Theatri botanici (1671) de Gaspard Bauhin
Illustration de John Gerard, The Herball or Generall Historie of Plantes (1633)

Elle est décrite en 1600 par Olivier de Serres, qui la nomme cartoufle (à relier à l'allemand Kartoffel) et déclare à son sujet : « Cet arbuste dit cartoufle porte fruict de mesme nom, semblable a truffes. » Tandis qu'en Italie, Belgique, Allemagne, Pologne et Russie on mangeait déjà la pomme de terre, en France elle ne fut utilisée que pour nourrir le bétail pendant plus de deux siècles. Les Anglais avaient de leur côté découvert le tubercule en 1586, au retour d'une campagne contre les Espagnols dans l'actuelle Colombie. Propagée aussi bien par les Anglais que par les Espagnols, la pomme de terre gagne le reste de l'Europe, et les nombreuses disettes du XVIIIe siècle vont encourager sa consommation par les Européens, l'Allemagne figurant au rang des précurseurs.

Dès 1604, Lancelot de Casteau, maitre-cuisinier du Prince-évêque de Liège, donne quatre recettes différentes pour accommoder les pommes de terre (toujours cuites non pelées) : bouillies et nappées de beurre fondu ; étuvées dans un vin d'Espagne ; étuvées avec marjolaine et persil, et nappées d'une sauce aux jaunes d'œufs et au vin ; grillées, présentées avec menthe hachée et Raisins de Corinthe, arrosées de vinaigre.

En 1757, la pomme de terre est cultivée en Bretagne, alors en période de disette, dans la région de Rennes par Louis-René Caradeuc de La Chalotais, bientôt suivi dans le Léon par monseigneur de la Marche, surnommé « l'évêque des patates » (eskob ar patatez). Jean-François Mustel, agronome rouennais (auteur d’un Mémoire sur les pommes de terre et sur le pain économique), encourage sa culture en Normandie : en 1766 on cultive la pomme de terre à Alençon, à Lisieux et dans la baie du Mont Saint-Michel.

Portrait de Parmentier

Mais c'est surtout Antoine Parmentier, de retour d'un séjour en captivité en Prusse, qui fait la promotion de la pomme de terre comme aliment humain et réussit à développer son usage dans toutes les couches de la société française. Il avait été capturé par les Prussiens pendant la guerre de Sept Ans (1756-1763) et avait découvert à cette occasion la pomme de terre, principale nourriture fournie aux prisonniers. À la suite d'une terrible disette survenue en 1769, l'académie de Besançon lance en 1771 un concours sur le thème suivant : « Indiquez les végétaux qui pourraient suppléer en cas de disette à ceux que l'on emploie communément à la nourriture des hommes, et quelle en devrait être la préparation. » Parmentier remporte le premier prix, devant d'autres concurrents qui avaient eux aussi rédigé un mémoire sur la pomme de terre, preuve que l'usage de ce tubercule était vraiment à l'ordre du jour.

Plus d'un siècle avant Parmentier, grâce à Jean Bauhin (1541-1612) et frère de Gaspard Bauhin, directeur des « Grands-Jardin » de Montbéliard, la patate était consommée pour pallier la famine qui sévissait dans le Comté de Montbéliard indépendant et devenu français en 1793. Cette année même, « les pommes de terre furent tellement considérées comme indispensables, qu'un arrêté de la Commune en date du 21 ventôse ordonna de faire le recensement des jardins de luxe afin de les consacrer à la culture de ce légume ; en conséquence la grande allée du jardin des Tuileries et les carrés de fleurs furent cultivés en pommes de terre ; ce qui leur fit donner pendant longtemps le surnom d'oranges royales en mémoire de la restauration qui en avait fait apprécier l'utilité ».

Par la suite, Parmentier réussit à obtenir l'appui des autorités pour inciter la population à consommer des pommes de terre. Il fait notamment usage d'un stratagème resté célèbre : il fait monter une garde (légère) autour d'un champ de pommes de terre, donnant ainsi l'impression aux riverains qu'il s'agit d'une culture rare et chère, destinée au seul usage des nobles. Certains volent des tubercules, les cuisinent et les apprécient. Le roi Louis XVI le félicite en ces termes : « La France vous remerciera un jour d'avoir inventé le pain des pauvres ». Leur emploi dans la cuisine populaire se développe alors très rapidement.

À la fin du XVIIIe siècle, 45 km² étaient consacrés en France à la culture de la pomme de terre. Un siècle plus tard, en 1892, cette surface était passée à 14 500 km², chiffre considérable dont il faut cependant souligner qu'il a nettement baissé par la suite. Actuellement, la production de pommes de terre n'occupe plus que 1 800 km², d'une part parce que la consommation humaine a fortement diminué, de l'autre parce que la consommation animale a disparu. Dans le monde, la production annuelle est d'environ 300 millions de tonnes, pour une surface cultivée supérieure à 20 000` km². Peu avant la Révolution, l'agronome Jean Chanorier développe cette culture sur ses terres de Croissy-sur-Seine.

En France, le 25 nivôse an II (13 janvier 1794), la Convention, confrontée à l'insuffisance des réquisitions de blé et aux émeutes, adopte la loi relative à la culture de la pomme de terre qui demande la généralisation de cette culture dans le pays. L'article premier de cette loi dispose que :

« Les autorités constituées sont tenues d'employer tous les moyens qui sont en leur pouvoir dans les communes où la culture de la pomme de terre ne serait pas encore établie, pour engager tous les cultivateurs qui les composent à planter, chacun selon ses facultés, une portion de leur terrain en pommes de terre. »

Développement depuis le XIXe siècle

Mémorial à la Grande famine de Dublin

Au XIXe siècle, la pomme de terre était devenue l'aliment prédominant chez les Irlandais. L'épidémie de mildiou dans les années 1840 est à l'origine d'une grande famine et d'une importante émigration vers les États-Unis et le Canada.

Un des problèmes était la conservation des tubercules qu'il fallait notamment protéger contre le gel et la pourriture ; on trouve dans le Bulletin de Lille, de décembre 1915 une recette de conservation des pommes de terre, qui selon le lecteur qui la communique, « a paru naguère dans une revue scientifique » :

« Emplir aux trois quarts d'eau un récipient (chaudron ou marmite assez spacieuse). Faire chauffer l'eau et, quand elle est bouillante, remplir le récipient de pommes de terre. Laisser bouillir le tout pendant une minute. Passé ce temps, retirer les pommes de terre, les essuyer, et répéter l'opération jusqu’à complet épuisement des pommes de terre. Les germes, se trouvant ainsi détruits, la fermentation n'est désormais plus possible. Les pommes de terre, ainsi traitées, sont ensuite mises dans des paniers ou dans des sacs, et peuvent se conserver pendant environ deux ans". Contre le gel qui donne aux pommes de terre un goût sucré désagréable, le même bulletin conseille de « Mettre les tubercules dans de l'eau froide que l'on fait chauffer. Dès que l'eau commence à bouillir, l'enlever, elle emportera complètement avec elle le goût sucré en question. On mettra ensuite les pommes de terre dans de l'eau froide et salée, que l'on fera bouillir à la manière ordinaire. »

La pomme de terre commence à s'imposer dans la haute cuisine. En 1870, le cuisinier français Adolphe Dugléré, alors chef du Café Anglais, crée la recette des pommes Anna, ainsi nommées en l'honneur d'Anna Deslions, courtisane du Second Empire.

Brevetée en 1903, la plaque autochrome, premier procédé de photographie en couleur inventé par Louis Lumière, utilisait pour capter la lumière des grains de fécule de pomme de terre teintés.

En 1971, est fondé à Lima au Pérou dans le berceau historique de la pomme de terre, le Centre international de la pomme de terre (CIP). Cette institution internationale vise à améliorer la sécurité alimentaire des pays en voie de développement en misant sur l'amélioration des rendements et de la production de la pomme de terre et d'autres tubercules alimentaires.

En 1995, la NASA expérimente pour la première fois la culture de pommes de terre dans l'espace lors d'une mission de la navette spatiale Columbia.

L'Organisation des Nations unies a déclaré l'année 2008, l'année de la pomme de terre afin de « renforcer la prise de conscience du rôle clé de la pomme de terre, et de l'agriculture en général ».

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