Polythiophène - Définition

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Introduction

Unité de répétition monomère de polythiophène non substitué. Les étoiles indiquent les groupes de terminaison de la chaîne polymère.
Les polythiophènes montrent des propriétés optiques résultant de leur structure conjuguée, comme le démontre la fluorescence d'une solution de polythiophène substitué sous irradiation UV.

Les polythiophènes (PT) constituent une famille de polymères (macromolécules) résultant de la réaction de polymérisation du thiophène, un hétérocycle sulfuré, qui peut devenir conducteur lorsque des électrons sont ajoutés ou enlevés des orbitales p conjuguées par dopage.

La propriété la plus remarquable de ces matériaux, la conductivité électrique, est une résultante de la délocalisation électronique le long de la chaîne polymère - d'où parfois leur qualification de «  métaux synthétiques ». Cependant, elle ne constitue pas la seule propriété intéressante due à cette délocalisation des électrons. Les propriétés optiques dépendent en effet des stimuli environnementaux, avec des modifications drastiques de couleur selon le solvant, la température, le potentiel appliqué, et les liaisons à d'autres molécules. Les changements de couleurs et de conductivité sont induits par le même mécanisme - la torsion du squelette polymère, rompant la conjugaison - ce qui fait d'eux des capteurs chimiques donnant une large gamme de réponses électroniques et optiques.

Bref historique

L'étude des polythiophènes - et plus largement sur les polymères conducteurs - s'est essentiellement déroulée sur les trois dernières décennies jusqu'à voir son excellence confirmée par l'obtention en 2000 du prix Nobel de chimie par Alan Heeger, Alan MacDiarmid et Hideki Shirakawa « pour la découverte et le développement de polymères conducteurs ». Un nombre important d'articles de revue a déjà été publié sur les PT, le premier d'entre eux datant de 1981. Schopf et Koßmehl ont ainsi publié une revue claire de la littérature publiée entre 1990 et 1994. Roncali observa la synthèse par voie électrochimique en 1992, et les propriétés électroniques des PT substitués en 1997. La revue de McCullough de 1998 s'appesantissait sur les synthèses chimiques de PT conducteurs. Une revue générale sur les polymères conjugués des années 1990 a été menée par Reddinger et Reynolds en 1999. Enfin, Swager et al. ont étudié des capteurs chimiques basés sur des polymères conjugués en 2000. Ces articles de revue sont d'excellents guides pour mettre en lumière les premières publications sur les PT des deux dernières décennies.

Propriétés structurales et optiques

Longueur de conjugaison et chromismes

Les systèmes p étendus de PT conjugués produisent une des propriétés les plus intéressantes de ces matériaux, leurs propriétés optiques. En première approximation, le squelette conjugué peut être considéré comme un exemple réel de la solution de l'« électron dans une boîte » de l'équation de Schrödinger; cependant, le développement de modèles plus fins pour prédire de manière fine les spectres d'absorption et de fluorescence de systèmes d'oligo-thiophènes bien définis est en cours. La conjugaison repose sur la superposition des orbitales p des cycles aromatiques, qui, en retour, nécessite que les cycles de thiophène soient coplanaires (voir figure 2, en haut).

Figure 2. Orbitales p conjuguées d'un PT coplanaire et substitué.

Le nombre de cycles coplanaires détermine la longueur de conjugaison : plus grande est la longueur de conjugaison, plus la séparation entre niveaux d'énergie sera faible et plus la longueur d'onde d'absorption sera importante. La déviation vis-à-vis de la coplanarité peut être permanente, résultant de mauvaises liaisons durant la synthèse ou être provoquées par l'adjonction de chaînes latérales volumineuses (gêne stérique), ou temporaire, résultant de modifications de l'environnement ou des liaisons. Cette torsion du squelette réduit la longueur de conjugaison (voir figure 2, en bas) et la séparation des niveaux d'énergie s'accroît, ce qui réduit la longueur d'onde d'absorption.

La détermination de la longueur de conjugaison maximale effective nécessite la synthèse de PT réguliers par régions de longueur définie. La bande d'absorption dans la région du visible est décalée vers le rouge lorsque la longueur de conjugaison augmente, et la longueur de conjugaison maximale effective est calculée comme le point de saturation de décalage vers le rouge. Les premières études de Ten Hoeve et al. ont indiqué que la conjugaison effective s'étend sur 11 unités de répétition, puis d'autres études ultérieures ont accru cette estimation à 20 unités. Plus récemment, Otsubo et al. ont effectué les synthèses d'oligothiophènes à 48 et 96, et ont découvert que le décalage dans le rouge, tant qu'il est faible (une différence de 0,1 nm entre le 72- et le 96-mère), ne sature pas, ce qui signifie que la longueur de conjugaison effective peut être plus importante même que 96 unités.

Une large gamme de facteurs environnementaux peuvent causer la torsion du squelette conjugué, réduisant ainsi la longueur de conjugaison et provoquant le décalage de la bande d'absorption, incluant les solvants, la température, l'application d'un champ électrique ou les ions dissous. La bande d'absorption du poly(3-thiophène acide acétique) dans une solution aqueuse d'alcool polyvinylique (PVA) est décalée de 480 nm à pH 7 à 415 nm à pH 4. Cela peut être attribué à la formation d'une structure de pelote compacte pouvant former des liaisons hydrogène avec le PVA lors d'une déprotonation partielle du groupe acide acétique. Les PT chiraux ne montre pas de dichroïsme circulaire induit (ICD) dans le chloroforme, mais démontre des ICD intenses mais opposés dans des mélanges chloroforme-acétonitrile et chloroforme-acétone. Ainsi, un PT avec un acide aminé chiral comme chaîne latérale montre des décalages de bande d'absorption et des ICD modérés en fonction du pH et de la concentration du tampon.

Les décalages dans les bandes d'absorption des PT en raison d'une modification de température résultent d'une transition conformationnelle d'une conformation coplanaire quasi-linéaire à basse température à une conformation non-plane, en pelote pour des températures plus élevées. Par exemple, le poly(3-(octyloxy)-4-méthylthiophène) subit un changement de couleur du rouge violacé à 25 °C au jaune pâle à 150 °C. Un point isobestique (point auquel les courbes d'absorption à toutes les températures se superposent) indique la coexistence entre deux phases, qui peuvent exister pour une même chaîne ou pour différentes chaînes. Cependant, tous les PT thermochromes ne présentent pas de point isobestique : les très régioréguliers (la régiorégularité est le fait que les monomères s'agencent de la même manière sur la plus grande longueur de chaîne possible et le plus fréquemment possible) poly(3-alkylthiophène)s (PAT) montre un décalage vers le bleu continu lorsque la température augmente si les chaînes sont assez courtes pour ne pas se mêler et s'interconvertir entre phases cristallines et désordonnées à basse température.

Enfin, les PT peuvent montrer des décalages d'absorption dus à l'application de champs électriques (électrochromisme) ou à l'introduction d'ions alcalins (ionochromisme). Ces effets seront discutés ci-dessous dans le contexte de l'application des PT.

Régiorégularité

L'asymétrie des thiophènes trisubstitués conduit à trois couplages possibles lorsque deux monomères sont reliés entre les positions 2 et 5. Ces couplages sont :

  • 2,5' ou couplage tête-queue (en anglais head–tail - HT)
  • 2,2' ou couplage tête-tête (en anglais head–head - HH)
  • 5,5' ou couplage queue-queue (en anglais tail–tail - TT)

Ces trois diades peuvent se combiner en quatre triades distinctes, indiquées figure 3.

Figure 3.Les quatre triades possibles résultant du couplage de thiophènes triplement substitués.

Les triades peuvent être distinguées par spectroscopie RMN, et le degré de régiorégularité peut être estimé par intégration du spectre obtenu.

Elsenbaumer et al. remarquèrent en premiers l'effet de la régiorégularité sur les propriétés des PT : un copolymère de 3-méthylthiophène et de 3-butylthiophène à blocs aléatoires possède ainsi une conductivité de 50 S/cm, alors qu'un copolymère plus régiorégulier avec un rapport de 2/1 de couplages HT et HH possède une conductivité plus importante de 140 S/cm. Des films de poly(3-(4-octylphényl)thiophène) (POPT) régiorégulier avec plus de 94 % de HT possèdent des conductivités de 4 S/cm, à comparer avec les 0,4 S/cm du POPT régioirrégulier. Les PAT préparés en utilisant du zinc de Rieke forment « des films cristallins, flexibles, et couleur bronze avec un éclat métallique ». D'un autre côté, les polymères régioaléatoires correspondants produisent des « films amorphes et orange ». La comparaison des propriétés thermochromes des PAT de Rieke montre que, alors que les polymères régioréguliers montrent des effets thermochromes forts, les régioirréguliers ne présentent pas de changements significatifs à température élevée. Ceci est probablement dû à la formation de défauts conformationnels légers et localisés. Enfin, Xu et Holdcroft ont montré que l'absorption de fluorescence et les maxima d'absorption des poly(3-hexylthiophène)s se produisent à des longueurs d'ondes décroissantes (plus haute énergie) lorsque le taux de diades HH croît. La différence entre l'absorption et les maxima d'absorption, le déplacement de Stokes, croît aussi avec le taux de diades HH, ce qui peut être attribué principalement à la contrainte conformationnelle dans le premier état excité.

Solubilité

Les PT non substitués sont conducteurs après dopage, et possèdent une excellente stabilité experimentale, comparés à d'autres polymères conducteurs comme le polyacétylène (ou polyéthyne selon la nomenclature IUPAC : (C2H2)n), mais sont peu manipulables et solubles uniquement dans des solutions comme les mélanges de trifluorure et de pentafluorure d'arsenic. Cependant, en 1987, des exemples de PT organo-solubles ont été annoncés. Elsenbaumer et al., en utilisant un couplage croisé de Grignard catalysé par du nickel, ont pu synthétiser deux PT solubles, poly(3-butylthiophène) et poly(3-méthylthiophène-'co'-3’-octylthiophène), qui peuvent être déposés en films et dopés à l'iode pour atteindre des conductivités de 4 à 6 s/cm. Hotta et al. ont synthétisé par voie électrochimique du poly(3-butylthiophène) et du poly(3-hexylthiophène) (et posterieurement par voie chimique) et caractérisé ces polymères en solution, puis déposé en films. Les PAT solubles montrent à la fois du thermochromisme et du solvachromisme (voir ) dans le chloroforme et le 2,5-diméthyltétrahydrofurane.

Également en 1987, Wudl et al. ont réussi les synthèses de poly(3-thiophènealcanesulfonate)s hydrosolubles. En plus de leur conférer l'hydrosolubilité, les groupes latéraux sulfonates agissent comme des contre-ions, et induisent donc un auto-dopage de ces polymères conducteurs. Les PT substitués avec des fonctions acides carboxyliques, acides acétiques, acides aminés, et uréthanes sont aussi hydrosolubles.

Plus récemment, des poly(3-(perfluorooctyl)thiophène)s solubles dans du dioxyde de carbone supercritique ont été synthétisés par voies chimie et électrochimique par Collard et al.. Enfin, des oligothiophènes non substitués terminés à chaque extrémité par des esters d'alkyles thermiquement labiles ont été déposés en film à partir de solution, puis chauffés afin d'ôter leurs groupes terminaux solubilisants. Des images de microscopie à force atomique (AFM) ont montré un accroissement significatif de l'ordre à longue portée après chauffage.

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