Poliomyélite - Définition

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Agent causal

Poliovirus en microscopie électronique en transmission. Document issu de la banque d'images du CDC.

La poliomyélite est causée par les poliovirus, virus à ARN du genre Entérovirus et de la famille des Picornaviridae ; ces poliovirus (ou virus polio) ressemblent au virus de la grippe et de l'hépatite A qui ont la même taille et sont de la même famille. Ils ont les mêmes propriétés, les mêmes affinités pour aller s'installer dans l'intestin, la même contamination par la bouche.

L'Homme est le seul réservoir du virus. Les poliovirus ont un tropisme préférentiel pour le tractus digestif. Leur structure est très simple, composée d'un génome ribonucléique de sens positif entouré d'une capside. La capside protège le matériel génétique et rend possible l'infection de certains types de cellules par le virus. Trois sérotypes de poliovirus ont été identifiés : poliovirus type 1 (PV1), type 2 (PV2) et type 3 (PV3), chacun différant légèrement des autres par les protéines de sa capside. Tous trois sont extrêmement virulents et produisent les mêmes symptômes. PV1 est la forme la plus régulièrement rencontrée, et la plus fréquemment associée à la paralysie.

En de rares circonstances des poliomyélites peuvent survenir des suites d'infections produites par des enterovirus autres que les poliovirus.

S'il peut « survivre » dans les eaux, la vase, etc., le polio-virus – comme tout virus – n'est capable de se multiplier qu'au sein de cellules vivantes : dans le milieu extérieur, faute de pouvoir se multiplier, il est donc voué à disparaître au bout quelques mois.

Évolution

La guérison est la règle chez les sujets porteurs d'une poliomyélite abortive. En cas de méningite aseptique les symptômes peuvent persister de deux à dix jours mais l'évolution est presque toujours favorable. En cas de poliomyélite spinale, la paralysie est définitive si l'innervation motrice du muscle est entièrement détruite. Les cellules endommagées mais survivantes peuvent récupérer une partie de leur fonctionnement quatre à six semaines après les premiers signes. La moitié des patients atteints de poliomyélite spinale récupère totalement, un quart récupère avec des séquelles modérées et un quart présente un handicap sévère. Le degré de paralysie à la phase aiguë et de paralysie résiduelle semble proportionnel à l'intensité de la virémie, et inversemment proportionnel au degré d'immunité. La poliomyélite spinale est rarement mortelle.

En l'absence d'assistance respiratoire, les formes s'accompagnant d'atteinte respiratoire évoluent vers les pneumopathies d'inhalation et vers l'asphyxie. Au total, 5 à 10 % des poliomyélites paralytiques évoluent vers la mort par paralysie des muscles respiratoires. Le taux de mortalité varie selon l'âge : 2 à 5 % des enfants, 15 à 30 % des adultes décèdent des suites de la maladie. La polio bulbaire est la plus meurtrière, constamment mortelle en l'absence de traitement et d'assistance respiratoire et tuant 25 à 75 % des patients pris en charge. La ventilation mécanique en pression positive, méthode de ventilation artificielle de référence à l'heure actuelle, permet de réduire la mortalité à 15 %.

Formes cliniques

Traduction clinique de l'infection
Traduction Proportion de cas
Asymptomatique 90–95%
Symptômes mineurs 4–8%
Méningite aseptique
non-paralytique
1–2%
Poliomyélite paralytique 0.1–0.5%
— Polio spinale 79% des cas paralytiques
— Polio bulbospinale 19% des cas paralytiques
— Polio bulbaire 2% des cas paralytiques

Chez la plupart des sujets immunocompétents l'infection à poliovirus reste asymptomatique, les anticorps neutralisants sécrétés au niveau digestif assurant un rôle protecteur vis-à-vis du virus. Le terme poliomyélite se réfère à une infection symptomatique causée indistinctement par les trois sérotypes de poliovirus. Deux formes principales d'infection symptomatique sont décrites : une forme extra-neurologique parfois qualifiée de « poliomyélite abortive » (97 % des cas) d'évolution le plus souvent favorable, et une forme neurologique avec atteinte du système nerveux central (3 % des cas environ) qui peut être paralytique ou non paralytique.

Formes extra-neurologiques

Si le virus franchit la barrière digestive, l'infection se traduit par des manifestations générales mineures et non spécifiques allant de l'infection des voies respiratoires (maux de gorge, toux, fièvre) aux signes digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales, constipation ou, rarement, diarrhée) en passant par le syndrome grippal. Myocardite et péricardite sont possibles et parfois associées.

Formes neuroméningées non paralytiques

Le virus atteint le système nerveux central dans environ 3 % des cas, parmi lesquels une majorité développe un syndrome méningé fébrile (céphalées, douleurs cervicales et dorsales, fièvre, nausées, vomissements, léthargie) traduisant une méningite à liquide céphalo-rachidien clair, d'évolution favorable. L'absence de paralysie est alors la règle. Les formes encéphalitiques sont rares et surviennent presque exclusivement chez les nourrissons, s'accompagnant d'une fièvre élevée, de modifications du comportement, de crises convulsives généralisées et de paralysie spastique. Une paralysie faciale périphérique isolée est possible.

Poliomyélite antérieure aiguë

La dénervation du tissu musculaire squelettique secondaire à l'infection par le poliovirus peut conduire à la paralysie.

Entre 1 sujet sur 200 et 1 sujet sur 1 000 évolue vers une maladie paralytique qui se traduit par la survenue d'une faiblesse musculaire croissante jusqu'à la paralysie complète. Après incubation, la maladie se traduit par un syndrome infectieux fébrile non spécifique (pharyngite, troubles digestifs) suivi de l'installation rapide, en quelques heures, de paralysies flasques sans atteinte sensitive. L'atteinte est toujours asymétrique.

Le poliovirus migre le long des trajets nerveux et atteint les motoneurones de la corne antérieure de la moelle épinière, du tronc cérébral ou du cortex moteur dans lesquels il se réplique et qu'il détruit. La paralysie qui en résulte définit la poliomyélite paralysante, dont les diverses variantes (spinale, bulbaire, spinobulbaire) diffèrent par l'étendue des dommages causés aux motoneurones, par l'inflammation subséquente et par les régions du système nerveux central qui sont touchées. Les lésions s'étendent au ganglion spinal, parfois à la formation réticulée, aux noyaux vestibulaires, au vermis cérébelleux et aux noyaux gris centraux. L'inflammation associée à la destruction neuronale altère souvent la couleur et l'apparence de la substance grise de la moelle épinière, qui apparaît rougeâtre et tuméfiée. Des lésions du prosencéphale sont également associées à la poliomyélite paralytique, touchant particulièrement le thalamus et l'hypothalamus. Les mécanismes moléculaires qui conduisent à la paralysie restent mal compris.

La propension à développer une poliomyélite paralytique augmente avec l'âge, de même que le risque de paralysie étendue. Chez les enfants, la méningite non paralytique est la conséquence la plus fréquente de l'infection du système nerveux central. La paralysie ne survient que dans 1 cas sur 1 000 et, avant l'âge de cinq ans, ne concerne généralement qu'un membre inférieur. Chez l'adulte, la paralysie survient dans 1 cas sur 75. Elle s'étend plus volontiers aux muscles du thorax et de l'abdomen, voire aux quatre membres (quadriplégie). Le taux de paralysie varie également selon le sérotype viral. Ainsi le poliovirus 1 en est-il le premier pourvoyeur (1 cas sur 200) devant le PV3 et le PV2 (1 cas sur 2 000).

Symptomatologie précoce

La poliomyélite antérieure aiguë se traduit par une symptomatologie précoce qui associe fièvre élevée, céphalées, raideur cervicale et dorsale, myalgies, faiblesse asymétrique de plusieurs muscles, sensibilité au toucher, troubles de la déglutition, disparition des réflexes ostéo-tendineux, paresthésies, irritabilité, constipation, difficultés mictionnelles. La paralysie survient en général un à dix jours après le début des symptômes, progresse durant deux ou trois jours, et cesse de s'étendre au moment de la défervescence.

Poliomyélite spinale

Localisation des motoneurones (en rouge) dans la corne antérieure du cordon médullaire (ici en région cervicale).

La poliomyélite spinale est la forme la plus courante de poliomyélite paralytique. Elle résulte de l'invasion par le poliovirus des motoneurones de la corne antérieure de la moelle épinière (partie ventrale de la substance grise), qui véhiculent l'ordre transmis par le cortex moteur et sont responsables des mouvements. Les nerfs moteurs spinaux innervent les muscles du tronc (dont les muscles intercostaux et le diaphragme) et des membres.

L'infection virale cause une inflammation des cellules nerveuses, conduisant à la destruction partielle ou totale du ganglion des motoneurones. La mort des motoneurones entraîne leur dégénérescence wallérienne. Les cellules musculaires ne recevant plus de signaux en provenance du cortex moteur ni de la moelle épinière s'atrophient, s'affaiblissent et deviennent rapidement inactives. La destruction partielle totale de l'innervation d'un muscle détermine l'intensité de sa paralysie. L'évolution vers une paralysie maximale est rapide (deux à quatre jours) et s'associe généralement à une fièvre et des myalgies. L'arc du réflexe myotatique étant interrompu, les réflexes ostéo-tendineux sont abolis. En revanche, l'intégrité des nerfs sensitifs permet la préservation de la somesthésie.

La distribution de la paralysie spinale dépend de l'étage médullaire atteint, qui peut être cervical, thoracique, lombaire ou combiné. L'atteinte peut être bilatérale, mais elle est toujours asymétrique. La paralysie est souvent plus marquée pour les muscles proximaux (proches de la racine des membres) que pour les muscles distaux (doigts et orteils).

Poliomyélite bulbaire

Anatomie du bulbe rachidien (en orange)

La poliomyélite bulbaire représente 2 % des cas de poliomyélite paralytique. Elle est la conséquence de l'invasion et de la destruction par le poliovirus des motoneurones de la région bulbaire du tronc cérébral qui entraîne la paralysie des muscles innervés par les nerfs crâniens, des signes d'encéphalite, des difficultés respiratoires, des troubles de la phonation et de la déglutition. Les trois nerfs crâniens les plus critiques sont le nerf glossopharyngien (IXe paire), qui contrôle les mouvements de l'oropharynx et la déglutition, le nerf vague (Xe paire) qui joue notamment un rôle majeur dans la phonation et le nerf accessoire (XIe paire) qui innerve le sterno-cléido-mastoïdien et le trapèze. L'atteinte du nerf trijumeau (Ve paire) et du nerf facial (VIIe paire) expose à des troubles de la mastication et à une paralysie faciale. L'atteinte des nerfs oculomoteurs (IIIe et VIe paires) entraîne une diplopie.

Poliomyélite spinobulbaire

Forme combinée des deux précédentes, la poliomyélite spinobulbaire représente 19 % des cas de poliomyélite paralytique. Elle est parfois qualifiée de poliomyélite respiratoire. Le virus s'attaque à la partie supérieure de la moelle cervicale (de C2 à C5) exposant à la paralysie diaphragmatique par atteinte du nerf phrénique. Cette forme redoutable peut ainsi nécessiter le recours à la ventilation mécanique. Elle peut conduire également à la paralysie des membres, à des troubles de la déglutition et de la fonction cardiaque.

Chez les singes

L'homme est le seul hôte naturel connu chez qui le virus provoque la maladie, ce qui a permis d'envisager un programme d'éradication. Si dès 1909 il fut établi que les singes de certaines espèces pouvaient développer la maladie suite à des inoculations, il fallu du temps pour déterminer non seulement la sensibilité de chaque espèce de singe au virus - et à ses différents sérotypes - mais aussi pour savoir s'ils peuvent héberger le virus et être source de contagion en conditions naturelles : en 1948 cet inventaire n'était pas encore achevé''.

Les singes et les chimpanzés développent une paralysie lorsque le virus est inoculé dans leur cerveau ou leur moelle épinière. Les chimpanzés et les singes Cynomolgus (macaques crabiers) peuvent être infectés par la voie orale, mais ne présentent qu'exceptionnellement des signes cliniques. Ils peuvent parfois développer une virémie et en des cas très rares une paralysie. Une poliomyélite paralytique a été décrite chez des chimpanzés, des orang-outans et des gorilles en captivité, ainsi que chez des chimpanzés sauvages. Cependant, ces espèces sont probablement des hôtes accidentels et leurs populations vivant à l’état sauvage sont trop petites et trop dispersées géographiquement pour pouvoir permettre la transmission du poliovirus ou constituer une menace de réintroduction du virus dans les populations humaines une fois éradication obtenue.

Les singes rhesus - Macaca Mulatta - font partie de ces rares espèces de singes qui ne développent pas d'infection suite à l'ingestion du poliovirus (qui ne se développe tout simplement pas dans son appareil digestif). Si Flexner a défendu son hypothèse erronée de neurotropisme exclusif, c'est en grande partie du au fait qu'il avait justement expérimenté sur ces singes rhesus.

Les singes ont été utilisés en grand nombre : dans les années 1950 quelques dizaines de milliers de Singe rhésus et cynomolgus étaient importés chaque année d'Inde et d'Indonésie vers les États-Unis et l'Europe. Le SV40 infectant les Maccacus rhesus importés d'Inde et les Maccacus cynomolgus importés d'Indonésie mais pas les singes africains, ces derniers ont commencé à être utilisés couramment dans la production des vaccins polio à compter des années 1960. Le singe Mac. cynomolgus (qui possède un système nerveux central très sensible à l'inoculation intracérébrale du poliovirus) continua cependant à être utilisé pour le contrôle des vaccins et pour les études de neurovirulence.

NB : Ce qui est désigné par goat polio en anglais, désigne la polioencéphalomalacie une maladie métabolique qui affecte non seulement les moutons et les chèvres (ainsi que les camélidés le wapiti et le chevreuil) mais aussi les bovins. Des sérums neutralisant le poliovirus ont été retrouvés chez d’autres vertébrés, par exemple chez des vaches, des chevaux, des poulets, des chiens, des chèvres et des moutons, mais sans qu’il y ait des signes d’infection.

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