Poisson abyssal - Définition

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Introduction

Un chauliode de Sloane (Chauliodus sloani).

Un poisson abyssal, poisson des abysses ou poisson des profondeurs est un poisson qui passe la plus grande partie de sa vie dans les abysses. Les poissons des abysses constituent un élément important de la faune abyssale et une ressource halieutique considérable. Réputés pour leur apparence monstrueuse, la plupart mesurent à peine une dizaine de centimètres de longueur, rares sont ceux qui dépassent le mètre. En raison de leur difficile accessibilité, on ne sait que peu de choses de leur comportement, on ne peut le déduire qu'à partir de leur anatomie.

La profondeur moyenne des océans est d'environ 3 800 m, les abysses constituent donc plus de 85 % du volume total. La haute mer est donc le plus grand habitat de la biosphère terrestre, pour la compréhension de la propagation de la biodiversité, l'étude des poissons abyssaux constitue un élément important.

Sur 15 800 espèces de poissons de mer, on estime qu'au moins 2 000 vivent dans les abysses. Les poissons abyssaux sont divisés en deux types: les poissons dits benthiques, qui vivent près du fond de l'océan, et ceux dits pélagiques, qui flottent au milieu de l'océan, loin du fond. Leurs modes de vie sont très différents, cette distinction est importante pour comprendre l'évolution de l'écologie des poissons des profondeurs.

Découvertes et explorations

La découverte de la vie dans les abysses

Poisson (Diceratias bispinosus) découvert durant l'expédition du Challenger.

Avant la fin du XIXe siècle , les scientifiques pensaient que toute forme de vie était impossible dans cet environnement hostile que constituent les abysses. En 1858, le naturaliste britannique Edward Forbes affirmait, en se basant sur des observations à bord d'un navire hydrographique en 1839, qu'il ne pouvait y avoir de vie au-dessous de 300 brasses (550 m).

La découverte de poissons dans les abysses est récente, mais elle ne date pas d'hier. Bien avant l'invention des premiers submersibles, les premiers spécimens décrits datent de la fin du XIXe siècle avec des expéditions équipées de longs filets pour attraper la faune abyssale. De 1872 à 1876, les scientifiques de l'expédition du Challenger, la première circumnavigation océanographique autour du monde, raclèrent les fonds marins à l'aide de dragues et de chaluts. Parmi de nombreuses autres découvertes, l'expédition catalogua plus de 4 000 espèces animales jusque là inconnues, dont des centaines de poissons. Cette expédition est le point de départ de l'histoire de l'étude des poissons des abysses.

Mais lors de ces prises miraculeuses, la brutalité de la décompression et du changement thermique était telle que les poissons mourraient rapidement. En effet, la plupart des poissons abyssaux ne sont pas capables de survivre à la surface, et les tentatives de les garder en captivité ont toutes échouées. Pour cette raison, on ne sait que peu de choses d'eux : il y a des limites à la quantité de recherches fructueuses qui peuvent être effectuées sur un spécimen mort et les équipements d'exploration en eaux profondes sont très coûteux.

Début de l'exploration des abysses par l'homme

William Beebe (à gauche) et Otis Barton à côté d'une bathysphère.

L'invention des premiers submersibles pendant la Première Guerre mondiale à des fins militaires, mais également académiques, marque le début de l'exploration des abysses par l'homme. En 1928, une bathysphère, un submersible sphérique, rend finalement possible l'observation des poissons abyssaux. La bathysphère n'a aucune autonomie, mais peut plonger jusqu'à 923 m de profondeur. Mais en 1948, Auguste Piccard construit le premier bathyscaphe, un submersible autonome. Le bathyscaphe a eu par la suite beaucoup de successeurs, il constitue un puissant outil pour observer et recueillir des échantillons de l'environnement des poissons des profondeurs.

À partir des années 70, le perfectionnement des submersibles habités (Alvin, Nautile, Shinkai 6500, etc.) et l'apparition des robots fixés à un câble (ROV) ont permis d'accumuler les informations sur le mode de vie des poissons abyssaux dans leur milieu naturel. Mais la lumière éblouissante des projecteurs provoque une réaction défensive ou de fuite chez la plupart des poissons abyssaux, empêchant des analyses concrètes.

L'exploration des abysses est encore d'actualité ; de nombreuses expéditions sont chaque année chargées d'en découvrir un peu plus. Certaines d'entre elles pêchent jusqu'à 50 à 90 % d'espèces non identifiées, notamment dans le sud de l'Atlantique et sur les monts sous-marins du Pacifique. Les estimations sur le nombre d'espèces à découvrir dans les abysses se situe généralement autour de 10 et 30 millions, alors qu'on connaît actuellement 1,4 millions d'espèces terrestres et marines. On peut donc en conclure que de nombreuses espèces de poissons abyssaux attendent d'être découvertes.

Des poissons à des profondeurs extrêmes

Une donzelle (Typhlonus nasus).

En 1960, les États-Unis avaient pour objectif de descendre dans la fosse des Mariannes, déjà connue à l'époque comme le point le plus profond du monde, avec l'un des bathyscaphes Trieste. Jacques Piccard se trouvait à bord (fils d'Auguste) lorsque le point le plus bas fut atteint (environ 10 900 m de profondeur) Piccard rapporta avoir vu « un poisson semblable à une limande ». L'engin sans pilote japonais utilisé pendant l'expédition de 1998, ne vit aucun poisson dans la même zone. Depuis, à cause de Piccard, le statut de « témoin » est discuté et on préfère se fier aux caméras. En effet, certains chercheurs pensent que Jacques aurait confondu une limande avec un concombre de mer.

Un exemple avec des preuves scientifiques solides, où des poissons ont été recueillis dans les plus grandes profondeurs, des donzelles de l'espèce Abyssobrotula galatheae, Dans la fosse de Porto Rico à une profondeur de 8 372 m par l'équipe d'une expédition danoise en 1952, le nom scientifique de cette espèce vient du nom du navire de l'expédition, Galathea. Des scorpaéniformes et des donzelles ont été observés à 7 000 m de profondeur.

Développement des techniques de capture

Un grenadier géant (Albatrossia pectoral) pêché. Les organes internes gonflés par la décompression soudaine, sont projetés par la bouche

Pour analyser la capacité d'adaptation aux basses températures et aux pressions extrêmes des poissons abyssaux, il faudrait maintenir en vie les échantillons capturés le plus longtemps possible, cette prouesse pourrait bientôt devenir possible en laboratoire.

Toutefois, pour capturer les poissons vivant en eau profonde il reste de nombreuses difficultés pratiques. Le problème le plus important est la température de l'océan qui augmente et la décompression rapide lors de la remontée, les dommages seraient mortels pour les échantillons dans de nombreux cas. Par ailleurs le stress environnemental causé par une trop forte luminosité, pourrait affecter la fonction visuelle et la régulation physiologique.

Les techniques de capture ont continué à s'améliorer avec le développement des techniques d'exploration des abysses. Dès les années 70, les premiers récipients à basse température sont inventés. Puis en 1979, les premiers récipients capables de maintenir une haute pression voient le jour, avec une amélioration considérable dans les années 80. Il est devenu possible de capturer des poissons benthiques en haute mer tels que Nezumia kamoharai, mais les techniques de maintien en vie à long terme ne sont pas encore au point.

La Japan Agency for Marine Earth Science and Technology (JAMSTEC) a élaboré, au début des années 2000, un dispositif pour remonter à haute pression les poissons des profondeurs. Le récipient central est de forme sphérique pour résister à la pression du réservoir sous pression, capable de maintenir la pression interne. Après la capture de poissons par le navire Dipuakuariumu, les échantillons sont acheminés par transport terrestre, tout en maintenant l'environnement à haute pression dans le réservoir reproduisant les conditions de leur milieu naturel. La décompression sans provoquer d'échange d'eau est devenue possible, ce qui devrait fournir de nouvelle pistes d'études à la recherche.

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