Plan Langevin-Wallon - Définition

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Introduction

Le plan Langevin-Wallon est le nom donné au projet global de réforme de l'enseignement et du système éducatif français élaboré à la Libération conformément au programme de gouvernement du Conseil national de la Résistance (CNR) en date du 15 mars 1944.

Ce projet global fut élaboré par les membres de la « Commission ministérielle d'études pour la réforme de l'enseignement » nommés le 8 novembre 1944 par René Capitant, ministre de l'Éducation nationale du gouvernement provisoire de la République française présidé par Charles de Gaulle. Commission successivement présidée par deux grands intellectuels liés alors au PCF - Paul Langevin puis Henri Wallon - et qui devait projeter pour la France un grand système éducatif démocratique pour lui permettre de rattraper son retard dans ce domaine décisif de la compétition avec les autres pays développés (États-Unis, Royaume-Uni...).

Mais ce projet global de réforme fut remis trop tardivement en juin 1947 à un 2ème gouvernement Paul Ramadier qui, ayant exclu les ministres communistes, venait de prendre en compte le nouveau contexte de « guerre froide » planétaire et le financement par l'inflation de la guerre coloniale en Indochine comme du développement économique avec l'aide américaine du Plan Marshall. Il semblait ainsi mort-né en juin 1947 mais, paradoxalement, il a servi depuis de référence.

Historique du projet global de réforme qui semblait mort-né en juin 1947

La dernière grande réforme de structure du système éducatif date alors des années 1879-1882 lorsque les lois dites Jules Ferry ont réalisé dans l'enseignement primaire une « révolution par la loi » mise en œuvre par les Hussards noirs de la République. En effet, en 1937, alors que la société française a considérablement évolué, le projet de réforme de l'enseignement notamment secondaire de Jean Zay - ministre radical du gouvernement de Front populaire - est enterré par les tergiversations de la commission parlementaire. Échec suivi, de 1940 à 1944, de la part de l'État français de Philippe Pétain, de mesures remettant en cause les principes de gratuité et de laïcité et supprimant le Brevet supérieur comme les Écoles normales primaires tout en relevant après la classe de 3ème le recrutement des futurs instituteurs obligés maintenant de préparer en trois ans leur baccalauréat dans les lycées. C'est pourquoi, face à cette situation de retard par rapport aux autres pays développés, le 15 mars 1944, le Conseil national de la Résistance (CNR) adopte un programme de gouvernement comportant la mise en œuvre d'une nouvelle « révolution par la loi » avec une grande réforme globale de l'enseignement à qui est assignée notamment l'objectif suivant :

« La possibilité effective, pour les enfants français, de bénéficier de l'instruction et d'accèder à la culture la plus développée, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance, mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires. »

Paul Langevin (1872-1946)
Henri Wallon (1879-1962)

Le 8 novembre 1944, alors que la France n'est pas encore complétement libérée, René Capitant (non inscrit), ministre de l'Éducation nationale du gouvernement provisoire présidé par Charles de Gaulle, crée donc une « Commission ministérielle d'études pour la réforme de l'enseignement » et en nomme les dix neuf membres qui ne remettront leur projet que trente et un mois plus tard en juin 1947. Commission présidée d'abord par Paul Langevin (professeur au Collège de France, président de la Société française de pédagogie et alors lié au PCF) puis, après le décès de celui-ci en 1946, par Henri Wallon (professeur au Collège de France, fondateur de la psychologie en milieu scolaire et alors lié au PCF). Et commission de dix neuf membres composée d'abord, outre de son président Paul Langevin, des deux vice-présidents Henri Wallon et Henri Pierron (professeur au Collège de France et directeur de l'Institut d'orientation professionnelle), d'un secrétaire en la personne de M. Grandjouan (directeur du service de documentation et d'études pédagogiques au ministère) et des deux secrétaires adjoints Roger Gal (professeur agrégé attaché à la direction de l'enseignement du second degré) et M. Weiler (professeur au lycée Henri IV à Paris). Les treize autres membres de la commission étant Mlle Cabane (inspectrice des écoles primaires à Paris), M. Coornaert (professeur au Collège de France), M. Dubry (maître de conférences à la Sorbonne), Lucien Febvre (professeur au Collège de France), Pierre George (Professeur agrégé à Paris), M. Janets (professeur agrégé à Paris), Adrien Lavergne (professeur de collège moderne à Paris), M. Renaudeau (directeur de l'École normale supérieure de l'enseignement technique), Mme Seclet-Riou (professeur de collège moderne à Paris), Jean-Auguste Senèze (instituteur à Paris), M. Teissier (professeur à la Sorbonne) et M. Voguet (instituteur à Paris).

Ont également participé , ès qualités, aux travaux de la commission : Jean Bayet (directeur général de l'enseignement), Pierre Auger (directeur de l'enseignement supérieur), Gustave Monod (directeur de l'enseignement du second degré), M. Barrée (directeur de l'enseignement du premier degré), Paul Le Rolland (directeur de l'enseignement technique), MM. Marcel Cornu et Beslais (représentants du ministre), M. Parodi (inspecteur général honoraire de l'Instruction publique ayant remplacé Mlle Soustre décédée en mai 1945).

La commission désigne comme rapporteur le 13 février 1947 Mme Seclet-Riou dont le rapport « Projet de la commission ministérielle d'études », adopté à l'unanimité de ses membres, est remis le 19 juin 1947 entre les mains de Marcel Naegelen (SFIO) ministre de l'Éducation nationale du 2ème gouvernement Paul Ramadier.

Paul Ramadier (SFIO) qui, un mois plus tôt, avec l'exclusion des cinq ministres communistes, vient de prendre en compte le nouveau contexte de « guerre froide » planétaire et le financement par l'inflation de la guerre coloniale en Indochine comme du développement économique avec l'aide américaine du Plan Marshall. Paul Ramadier ne préside donc plus un gouvernement d'union nationale « tripartite » MRP-SFIO-PCF (élargi en fait à 2 UDSR, 2 Radicaux et 2 Indépendants) appliquant encore pour partie le programme de gouvernement du Conseil national de la Résistance (CNR) mais un gouvernement de Troisième force (Indépendants, MRP, parti Radical, UDSR, SFIO...). « Troisième force » qui rejette dans l'opposition les deux autres forces : opposition relative des gaullistes du RPF créé en avril 1947 par Charles de Gaulle et opposition durable des communistes du PCF avec Maurice Thorez jusqu'alors ministre d'État chargé de la Fonction publique et vice-président du Conseil.

Les travaux de la commission ont duré trop longtemps (31 mois) et les conditions politiques exigées pour la mise en œuvre de son ambitieux projet ne sont maintenant plus réunies. C'est pourquoi le ministre Marcel Naegelen, remerciant le président et la commission pour leur dévouement, leur précisa que le projet suscitant à l'étranger un courant d'intérêt très marqué, il était indispensable qu'il soit largement diffusé dans le monde quand bien même il ne devrait pas recevoir une application immédiate en France.

De fait, le projet sera publié mais ne sera jamais discuté par le gouvernement ni présenté devant le Parlement. La nécessaire grande réforme démocratique du système éducatif reste alors lettre morte pour l'essentiel. De ce fait, les politiques scolaires de la IVe République conserveront ainsi les ségrégations malthusiennes antérieures du primaire et du secondaire entre cursus dit « populaire » des écoles primaires élémentaires, des cours complémentaires et des nouveaux centres d'apprentissage et cursus « bourgeois » des collèges et des lycées (de la 11ème à la 1ère puis à la Terminale) avec leurs catégories spécifiques d'enseignants aux recrutements et aux formations très disparates. Et il faudra attendre la Ve République pour que des réformes successives soient entreprises. Notamment, la prolongation de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans en 1959, la circulaire ministérielle de 1960 définissant la fonction des psychologues scolaires dont le recrutement et la formation reprennent, la création en 1967 des sections en deux ans préparant aux brevets d'études professionnelles (BEP) dans les collèges d'enseignement technique (CET de 1959 succédant aux centres d'apprentissage), la concentration de 1963 à 1974 des collèges d'enseignement général (CEG de 1959) en gros collèges d'enseignement secondaire (CES de 1963) à trois filières transformés en 1975 en collèges uniques puis l'unification du recrutement à la licence et de la formation des enseignants dans les IUFM en 1989 comme l'envisageait le plan Langevin-Wallon quarante deux ans plus tôt.

Finalement, les analyses et dispositions du « Plan Langevin-Wallon » ont constitué, depuis 1947, une référence constante dans le débat sur l'enseignement en France.

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