Placenta - Définition

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Symbolique

Jadis aux relevailles, la femme partageait avec la maisonnée un gâteau garni d'une fève, du type de la galette des rois. Ceci indique un lien autre qu'étymologique entre placenta et gâteau, et une possible survivance tardive de la placentophagie dans les sociétés humaines. En anglais en termes populaires, être enceinte se dit « avoir un petit-pain dans le four » (have a bun in the oven).

Placentophagie

chèvre mangeant le placenta après la mise-bas

Le placenta est une annexe embryonnaire caractéristique des mammifères euthériens placentaires mais qui existe également sous d'autres formes chez les mammifères marsupiaux et chez certains reptiles. Dans la plupart de ces espèces animales y compris chez les herbivores, le placenta est toujours mangé par la mère. Le mâle ne possède pas cet instinct. Les origines de cet instinct sont depuis longtemps discutées.

Un tel comportement, dit placentophagie a pu être sélectionné au cours du temps pour plusieurs raisons :

  • intérêt pour la femelle de récupérer des protéines, du fer et d'autres oligoéléments alors qu'elle en aura besoin pour la lactation ;
  • manger le placenta et soigneusement lécher les nouveau-nés pourrait être un moyen de ne pas attirer de mouches ou autres insectes susceptibles de colporter des microbes. Ce pourrait aussi être un moyen de limiter le risque d'attirer des prédateurs (les animaux sauvages mangent plus souvent leur placenta que leurs cousins domestiqués ne le font) ;
  • le placenta est riche en vitamines et hormones, dont en prostaglandines et oxytocines qui favorisent à la fois la rétractation post-partum de l'utérus et la montée laiteuse.

Les propriétés galactogènes du placenta étaient déjà rapportées par Pline. Lederer et Pribram ont dit avoir suscité quelques minutes après une injection d'extrait placentaire, une augmentation considérable de la quantité de lait sécrétée mais leur résultat a été critiqué, comme pouvant résulter d'une élévation de pression via le tonus musculaire. Dixon et Taylor ont dit avoir trouvé de telles substances pressives mais Rosenheim a montré qu'il s'agissait de produits de la putréfaction dans les extraits de placenta employés dans leurs expériences.
Le Dr. Mark Kristal, neurologue comportementaliste de l'Université de Buffalo, a conclu de ses études que la consommation des résidus de naissance (placenta et cordon) réduit la douleur consécutive à l'accouchement, et aiderait à prévenir la dépression post-natale. Elle aurait aussi un impact sur deux centres particuliers du cerveau qui commandent la capacité à ressentir l'instinct maternel. Ceci serait notamment dû à une hormone opioïde (proche des opiacées) découverte en 1986 et dite « Placental Opioid-Enhancing Factor » ou POEF. Cette hormone qui inhibe certaines zone du cerveau traitant les sensations nociceptives (perception de la douleur) pourrait atténuer la douleur du bébé lors des contractions et de la naissance, mais aussi ensuite calme celles de la mère qui mange le placenta. L'effet analgésique de cette hormone est très efficace à des doses bien moindre que celles nécessaires avec les opiacées. Cette hormone est également présente dans le liquide amniotique qui est également soigneusement léché par les animaux sur leur petit et parfois sur le sol après l'accouchement. M. Kristal pense que cette hormone pourrait aussi renforcer le comportement maternant, car la zone du cerveau qu'elle cible (l'aire tegmentale ventrale), est connue pour jouer un rôle dans l'apparition du comportement maternel. Cette hormone pourrait (cela reste à vérifier) inhiber l'action des opiacées, sur une autre zone (l'aire préoptique médiane) où ils sont connus pour au contraire perturber le comportement maternel, selon M. Kristal ;

  • Au début du XXe siècle, dans un article de mars 1902 de la revue L'Obstétrique, le Français M. Bouchacourt expliquait qu'un extrait de placenta de mouton pouvait doper la lactation chez des femmes ne produisant pas de lait. Bouchacourt notait aussi que les oiseaux mangeaient également instinctivement les restes de l'oeuf ;
  • M. Bouchacourt remarquait aussi l' « étrange » attraction que les hippomanes ont exercé sur l'Homme. Ce sont des éléments en forme de galettes grossièrement ovales mesurant jusqu'à 1à cm de long (1,5 pouces d'épaisseur et 8 pouces de diamètre), lisses, parfois trouvés (en exemplaire unique) dans le liquide allantoïdien de certains mammifères, dont juments et les vaches. Cuvier estime qu'il s'agit d'une concrétion. Les hyppomanes sont appelés par les anglophones « foal's bread » (pain de poulain) ou « foal's tongue » (ou langue de poulain). L'intérieur a la consistance du foie cru, est homogène et de couleur jaunâtre, ambre à brune. Des hippomanes semblent également produits par certains carnivores. Certains auteurs pensaient qu'il s'agissait d'une excroissance de chair poussant in utero sur le front du poulain (Aristote parlait déjà de ce qu'on a traduit par « caruncule du front du poulain », dont il disait qu'elle était sur le front du poulain mais que la mère l'emporte en le léchant.
L'hippomane « est d'une telle nature qu'une cavalle (jument) n'a pas plutôt mis bas son poulain, quelle lui mange ce morceau de chair, & que sans cela, elle ne le voudroit pas nourrir. On ajoute que si elle donne le temps à quelqu'un d'emporter ces hippomane, la seule odeur la fait devenir furieuse » ;
  • L'hippomane était déjà évoqué par Virgile, son commentateur Servius, cité par Fongerus dans son lexicon philologique, par Calepin, par Decimator, etc.


Pline précise qu'on les utilisait pour préparer des sortilèges. On a prêté à l'hippomane des vertus aphrodisiaques. Ces vertus sont selon Aristote « des fables forgées par des femmes & des enchanteurs ». Bayle estime que c'est le fait qu'on considérait que si la jument ne mange pas l'hippomane, elle ne s'occuperait pas de son poulain qui est à l'origine des filtres qu'on a fait avec cette matière.

« il est facile de voir que ce qui a persuadé au commencement, qu'on le pourvoit servir de cela comme d'un philtre, est qu'on disoit que si la cavale (jument) n'avaloit pas ce morceau, elle ne nourrissoit point son petit ». Cette explication n'est pas partagée par tout le monde, puisque le médecin allemand Raegerus, dans le journal des physiciens d'Allemagne décrit un hippomane qu'on lui a apporté tout chaud, lequel « éprouva que la mère nourrit à l'accoutumée le poulain, à qui l'on avoit ôté cette partie ».
Remarque : Le mot hippomanes (hippomane) désignait aussi pour Aristote une certaine liqueur qui coule des parties naturelles de la jument chaude (en chaleur).


Un auteur cité par Apulée nomme ce filtre « binnientium dulcedines », ce qui le rapporte merveilleusement au « matri prareptus amor » de Virgile ; mais « comme les filtres inspiroient plutôt de la fureur que de l'amour, de là est venu que l'hippomane a été considéré comme une drogue funeste ; Juvénal (comme Suétone) débite que Césonia l'ayant employé envers son mari calligula fut cause de la fureur enragée qui lui fit commettre tant de crimes ».
Certains auteurs ont aussi pensé au XVIIe siècle que c'était le nom – selon Théocrite – d'une plante de l'Arcadie, qui mettait en fureur les poulines et les juments. Claude Saumaise pensait que cette plante n'existe pas et que cette interprétation résulte d'une mauvaise traduction de Théocrite qui parlait d'un cheval de bronze (sans queue), près du temple de Jupiter, si bien imité « excitoit dans les chevaux les émotions de l'amour, tout de même que si elle eut été vivante, vertu qui lui étoit communiquée par l'hippomanes, qu'on voit mêlé avec le cuivre en la fondant ».

La placentophagie semble de nos jours a priori très rare chez les humains, et elle l'est sans doute depuis longtemps, peut-être parce que spontanément associée au tabou du cannibalisme. Mais on peut remarquer que les enfants se rongent volontiers et instinctivement les ongles, mangent spontanément les croutes de cicatrisation qui se forment sur leurs blessures et que placenta signifie gâteau en latin. En allemand le mot est encore plus explicite : mutterkuchen, qu'on peut traduire par « gâteau de la mère ».
Si les observations chez l'animal abondent, les témoignages et expériences de placentophagie sont plus que rares :

  • En 1556, le missionnaire, Jean de Léry rapporte que les indigènes du Brésil mangent le placenta, ce que confirmeront ensuite Engelman et Rodet.
  • Guillaume-Thomas Raynal dit que les amérindiens Topinamboos et Tampuya mangent le placenta après la naissance, et que des pratiques semblables persistent en Afrique dans certaines parties du Soudan.
  • chez les yakouts, le mari et les amis de la famille mangeaient rituellement le placenta après la naissance, au moins jusqu'en 1719 où cette pratique était décrite par Gemelli Carreri.


Il est difficile de juger comment la coutume a pu aboutir à ce que ce soit l'époux qui mange le placenta (à la place de sa femme parturiente) écrivait aussi en 1916 Raymond Crawfurd, tout en ajoutant qu'on pourrait dire de même de la couvade qui existe belle et bien.

  • Selon Crawfurd, le placenta figurait dans la pharmacopée du XVIIe siècle pour servir de galactogène, d'aphrodisiaque, de laxatif,de recours contre la stérilité, contre la chlorose et contre la maladie de l'utérus. Crawfurd estime que ces usages évoquent plus une magie sympathique, qu'une pharmacie rationnelle, mais que si l'on admet l'existence de telles propriétés aphrodisiaques, même en imagination, il pourrait expliquer que des hommes veuillent manger le placenta de leur femme.
  • Au moins jusqu'à la fin du XIXe siècle, la placentophagie a été pratiquée dans certaines tribus du Soudan selon le Dr. Raynaud d'Algiers (janvier 1902).
  • La médecine chinoise utilise traditionnellement le placenta comme aphrodisiaque.
  • Dr. Raymond Crawfurd rapporte que le médecin Reverdin a vécu l'expérience dune mère qui juste après la délivrance, lui a demandé si elle pouvait voir son placenta, qui se trouvait à proximité « encore fumant, sur un tissu ». Reverdin le lui a montré. Elle a exprimé sa surprise à son apparition, elle l'a examiné de près et l'a soudainement saisi « et avec un cri sauvage », l'a dévoré. Quand le lendemain, Reverdin lui a demandé pourquoi elle avait fait ça, elle lui a répondu qu'elle avait été submergée par un désir incontrôlable de le faire. Quand Reverdin lui a demandé si elle en avait encore envie, elle a répondu que non, que cela la dégouterait et qu'elle ne concevait pas comment elle était arrivée à le faire.


Crawfurd dit que d'autres cas de ce genre se trouvent dans la littérature médicale de l'époque, et que l'événement, serait sans doute beaucoup plus fréquent si le placenta n'était pas soigneusement caché et si rapidement éliminé par la sage-femme.

  • une infirmière et sage-femme américaine, a fait l'expérience lors de son second accouchement. Selon son témoignage, elle pense que cela a amélioré sa peau et ses cheveux, a permis de prolonger d'une semaine la sensation de plénitude due à la grossesse, a favorisé ses montées de lait et entretenu une euphorie postnatale « je me sentais si forte, j'avais l'impression de pouvoir tout réussir... J'ai continué de manger des morceaux de placenta cru conservés dans le frigo, perfectionnant au passage ma méthode pour l'ingérer : en coupant des petits morceaux que je plaçais directement au fond de la gorge et que j'avalais rond, sans ressentir le goût. Pendant cette période, chaque fois que j'ai ressenti de la tristesse ou du découragement, j'ai avalé un petit morceau de placenta cru qui a agi comme un anti-dépresseur immédiat ».

La culture fait que l'Homme se distingue volontiers de la nature en s'opposant à l'animal. Le tabou est également religieux et semble aussi dans certaines cultures lié au sang (que le placenta évoque car il est richement vascularisé). À titre d'exemple, le Lévitique, dans la Bible interdisait aux hommes d'Israël d'imiter les païens qui mangent du sang (ou l'offraient aux satyres).
De nombreuses sociétés traditionnelles éloignent le placenta pour l'enterrer ; l'enterrement du placenta est parfois l'occasion d'une cérémonie, comme chez les maoris.

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