Paysage - Définition

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Approches géographiques

Histoire de la notion en géographie

À la charnière des XIXe et XXe siècles, la géographie, notamment par l'intermédiaire d'Alexandre de Humboldt et Élisée Reclus, reprend à son compte le paysage, jusqu'alors territoire du peintre pour en faire un objet d'étude. Le géographe Paul Vidal de la Blache, co-fondateur des Annales de géographie et de la géographie française dite classique, a largement contribué à forger l'approche géographique des paysages dans la seconde moitié du XIXe siècle. Le paysage est alors conçu dans une visée objective et généalogique : il est le résultat des actions des hommes s'adaptant à leur environnement naturel au cours de l'histoire. Il devient un vaste ouvrage où le géographe peut distinguer les éléments naturels des éléments culturels, et leur intime mélange dans bien des régions, se succédant au cours du temps. Cette approche, qui réduisait le paysage à l'ensemble des objets qui le composent a longtemps dominé la pensée géographique française du paysage, mais elle évacuait la question de la subjectivité.

Dans les années 1970-1980, les géographes, sous la houlette de Georges Bertrand, ont commencé à considérer le paysage comme un objet hybride, faisant appel à la fois aux sciences naturelles (géomorphologie, écologie végétale, climatologie) et aux sciences sociales (territorialisation de l'espace, perception, phénoménologie, symboles politiques…). Georges Bertrand a ainsi créé un concept ternaire d'étude : géosystème - territoire - paysage, permettant d'étudier les dynamiques du paysage et son évolution. Une telle conception permettait de rendre compte de l'évolution d'un paysage, dépendant à la fois des processus naturels et des aménagements humains, des perceptions et des idéologies. Dans son article « Paysage et géographie physique globale » (in Revue de géographie des Pyrénées et du Sud-Ouest, 1968) Georges Bertrand, en se référant au paysage, synthétise cette idée en affirmant :

« C'est, sur une certaine portion de l'espace, le résultat de la combinaison dynamique, donc instable, d'éléments physiques, biologiques et anthropiques qui, en réagissant dialectiquement les uns sur les autres, font du paysage un ensemble unique et indissociable en perpétuelle évolution. »

Depuis une vingtaine d'années, l'étude du paysage par les sciences humaines est particulièrement vive en France. Dans cette perspective, « les formes paysagères sont désormais conçues comme des construits, analysés en tant qu'ils sont représentations des rapports des hommes aux lieux ». Le géographe Jean-Robert Pitte par exemple se place dans une posture rompant avec les principes de Vidal de la Blache : il insiste largement sur la place de la subjectivité et de l'évolution des perceptions, à travers nos modes de vie (voiture, avion, train) que les artistes viennent révéler grâce à leurs œuvres. L'historien Alain Corbin élargit aussi la question de la perception paysagère en ne la cantonnant pas qu'au visuel mais à tous les sens. Il a ainsi parlé de « paysage sonore » dans son ouvrage sur les cloches dans les campagnes françaises. La distinction entre une approche naturaliste du paysage et une approche culturaliste a été exprimée le plus fortement par le philosophe Alain Roger dans son essai « Paysage et environnement : pour une théorie de la dissociation » qui en appelle à distinguer les deux notions.

Une définition légale du paysage aujourd'hui largement partagée, à l'échelle européenne, est celle contenue dans la Convention européenne du paysage, signée sous les auspices du Conseil de l'Europe en 2000. Selon cette définition « Le paysage définit une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ».

Espaces vierges

La notion de paysage recouvre des dimensions spécifiques en Amérique du Nord. Le paysage américain, et particulièrement ceux du Grand Ouest et des forêts boréales du Canada, rompt avec bien des canons européens. La découverte des grands espaces occidentaux des États-Unis, lors de la seconde moitié du XIXe siècle, bouleverse totalement ses découvreurs, dignes successeurs d' Alexandre de Humboldt. Ils sont face à des espaces sauvages, en regard d'une Europe quasi-entièrement anthropisée, et d'échelles sans commune mesure avec ceux de l'Ancien Monde. De plus, ce fut l'occasion à un nouveau médium artistique de fournir sa vision du paysage : la photographie, alors que jusqu'à présent la peinture avait eu la charge de cette représentation. Les photographies d'Ansel Adams dans le massif de la Yosemite Valley en sont exemplaires. C'est à cette occasion qu'est forgé le concept de wilderness, difficile à traduire (« sauvageté », « monde sauvage », « naturalité » ?), pour qualifier ces grands espaces vierges proposés comme des mondes à préserver de l'anthropisation.

La délicate étude des paysages anciens

Les dérives des études morpho-historiques

L’étude de paysage est délicate et controversée. Les tentatives de synthèse d’histoire rurale ou d’histoire du paysage de telle ou telle région, ayant l’ambition d’exploiter des sources écrites et non écrites, sont généralement soit des travaux rapprochant de manière superficielle des données archéologiques, morphologiques et textuelles pour produire un discours historique, soit des ouvrages de paléogéographie lacunaires et parfois anhistoriques.

La cause d’un tel échec est de vouloir réduire le réel à une schématisation systématique dès que celui-ci est perçu comme paysage aux formes complexes. Les historiens ont donc plus fait l’histoire d’un paysage irréel à force d’être réduit à des schématisations successives, que l’histoire la plus « réelle » possible de l’objet.

Or, le paysage n’est pas seulement une structure que l’on peut schématiser : il est un fonctionnement, une interaction dynamique permanente entre des éléments physiques et des éléments sociaux, et l’étude de la morphologie des paysages du passé doit donc être une géographie des espaces des sociétés du passé rendant compte de leurs dynamiques de transformation.

Une réalité épistémologique complexe

Étudier un paysage considéré comme fonctionnement, interaction dynamique, est rendue d’autant plus difficile qu’elle s’inscrit dans une situation épistémologique particulière :

  • d’une part, l’histoire a pris l’habitude de se priver d’espace, à force de le réduire à un stéréotype, à une idée d’espace ;
  • d’autre part, la géographie fut partagée entre géographie physique et géographie humaine ;
  • enfin, l’archéologie actuelle est profondément marquée par les sciences du paléoenvironnement, permettant l’accès aux composantes végétales et animales du paysage ancien, et par la géoarchéologie, traitant du sédiment, de son évolution et de sa relation avec les sociétés, de par l’aménagement du paysage et de l’agriculture.

Ainsi, une étude de paysage, qui pourrait être dite « archéologie des paysages », « morphologie dynamique des paysages » ou encore « paléogéographie », est donc au carrefour de plusieurs disciplines.

Les voies d’accès à la connaissance du paysage ancien

Connaître et comprendre le paysage implique de rapprocher des disciplines et points-de-vue différents pour notamment :

  • exploiter des textes, des atlas, des inscriptions, cartes, itinéraires, toponymie, etc. ;
  • Prospecter (approche spatiale et matérielle), afin d'exploiter des sources archéologiques pour connaître l'histoire et les impacts des structures (agraires ou autres) et pour permettre une écologie rétrospective, l'étude des paléopaysages et une archéomorphologie ;

Vers une nouvelle organisation des champs scientifiques

Pour une étude de paysage, il ne suffit pas d’articuler entre elles des disciplines autonomes (histoire, géographie, etc.) possédant leur propre méthode et leur corpus documentaire. En effet, le paysage est à la marge de disciplines qui ne s’articulent pas vraiment :

  • L’histoire, analysant les textes ;
  • La géographie, analysant les régimes agraires et les phénomènes d’urbanisation ;
  • L’archéologie, étudiant les sites ;
  • La géologie des profondeurs.

L'étude de paysage appelle donc une nouvelle organisation des champs scientifiques permettant une approche systémique. Ces questions ont été largement traitées par Gérard Chouquer (directeur de la rédaction des Études rurales), François Favory ou encore Philippe Leveau.

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