Paul Kammerer - Définition

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Les travaux de Paul Kammerer

Ses travaux sur l'hérédité des caractères acquis

Devenu un biologiste réputé Kammerer entreprit une série d'expériences utilisant « la reproduction planifiée » et fondées sur des modifications artificielles de l'environnement des amphibiens.

Un grand nombre d'expérimentations porta sur deux espèces de salamandres, la salamandre noire (Salamandra atra), et la salamandre tachetée (Salamandra maculosa selon l'ancienne dénomination). Dans une première série d'expériences, en faisant incuber les œufs de l'une des espèces dans l'environnement de l'autre, il parvint à faire apparaître dans une espèce certaines caractéristiques de développement de l'autre. Par la suite, il fit se reproduire des salamandres tachetées de noir et de jaune alternativement sur un terrain jaune et un terrain noir : à chaque fois la coloration de ses taches augmentait ou diminuait conformément à la couleur du fond, et cette coloration se transmettait aux descendants.

D'autres observations furent faites sur le protée anguillard aveugle (Proteus anguinus), un animal cavernicole vivant habituellement dans l'obscurité qui possède des yeux rudimentaires et non fonctionnels enfouis sous la peau. Kammerer constata que chez le protée élevé à la lumière du jour, des taches pigmentées apparaissaient sur la zone située en surface des ébauches d'organes visuels mais ne permettaient pas une fonction visuelle. Sous la lumière rouge en revanche les yeux se développaient pour devenir fonctionnels. Là encore ces nouvelles caractéristiques étaient transmises aux générations suivantes.

Le crapaud accoucheur, animal d'expérience de Paul Kammerer

Mais ses expériences les plus célèbres sont celles qui portèrent sur les crapauds accoucheurs. Exposés à la chaleur, ces animaux qui s'accouplent normalement sur la terre ferme, préfèrent aller copuler dans l'eau fraîche. Pour ne pas déraper dans l'eau sur la femelle devenue glissante, les mâles doivent développer des callosités de rut ou d'agrippement encore appelées coussinets nuptiaux. Dans la succession des expériences que faisait Kammerer, ces coussinets se transmettaient héréditairement à leurs descendants. C'est ainsi qu'il réussit à obtenir six générations de crapauds accoucheurs chez lesquels les callosités de rut s'étaient transmises avant que la lignée ne disparût. Enthousiasmé par cette découverte, Kammerer alla jusqu'à embrasser un crapaud, ce qui lui valut le surnom de « Krötenküsser », l'embrasseur de crapauds.

Fort de ces résultats, Kammerer pensa avoir démontré que certains organismes vivants ayant acquis durant leur existence des propriétés nouvelles mieux adaptées à leurs conditions de vie, étaient capables de les transmettre à leur descendants. La théorie de Darwin fondée sur le principe de la sélection naturelle par le hasard dans l'évolution ne représentait donc plus une vérité absolue : il fallait admettre aussi une part de vérité dans l'hypothèse de son prédécesseur Lamarck, selon laquelle les espèces se développent en suivant le principe d'une transformation systématique et logique.

Implications idéologiques

L'importance idéologique d'une telle conclusion appliquée à l'espèce humaine était considérable. Elle donnait en effet une base scientifique à l'aspiration politique de voir à l'avenir des générations plus heureuses. Les idéologues racistes affirmaient que l'origine (génétique) détermine tout, à quoi Paul Kammerer répondait : « Nous ne sommes pas les esclaves du passé, mais les maîtres-d'œuvre de l'avenir. » Il déclara dans une conférence :« Quand on élève correctement des enfants, on leur offre plus que le profit bien court de leur propre vie; une partie de notre effort va là où l'homme est vraiment immortel - dans cette substance merveilleuse de laquelle dans une suite ininterrompue naîtront les petits-enfants et les arrière-petits-enfants. »

Interprétation darwinienne

Dans son essai La tentation lamarckienne inclus dans le recueil Le pouce du panda, Stephen Jay Gould ne doute pas de la réussite de l'expérience du crapaud accoucheur mais l'interprète dans le cadre de la théorie darwinienne. Il pointe l'apparition spontanée de coussinets nuptiaux rudimentaires chez certains individus anormaux comme une preuve que les ancêtres du crapaud accoucheur s'accouplaient dans l'eau et possédaient de tels coussinets. Lorsque les crapauds accoucheurs actuels, s'accouplant habituellement sur la terre ferme, ont été obligés par Kammerer à s'accoupler dans l'eau, il y eut peu de descendants et la pression sélective fut forte en faveur des gènes d'adaptation à la vie aquatique. Ceux-ci, normalement dispersés dans la population terrestre, se sont regroupés lors des générations soumises à l'expérience, jusqu'à provoquer l'apparition des coussinets.

Ses travaux sur la loi des séries

En 1919 Kammerer publiait Das Gesetz der Serie. Eine Lehre von den Wiederholungen im Lebens- und Weltgeschehen (La loi des séries. Ce que nous enseignent les répétitions dans les évènements de la vie et du monde) dont le titre a été depuis adopté par le langage courant. Il y développait le principe de la sérialité, indépendante de la causalité et fondée sur l'observation de coïncidences inexplicables survenues au cours de plusieurs années. Ces observations provenaient de son expérience personnelle (un grand nombre étaient appuyées par des chiffres), de ce qui était arrivé à des amis ou de ce qu'il avait lu dans les journaux. La série y est définie comme suit : « La récurrence régulière de faits ou d'évènements identiques ou semblables, récurrence ou assemblage dans le temps ou dans l'espace telle que les membres individuels de la séquence - autant que l'analyse sérieuse permette d'en juger - ne sont pas reliés par la même cause active. » Arthur Koestler, biographe de Kammerer, parlera plus tard de « hasards signifiants ». Kammerer voulait établir par là qu'une loi universelle de la nature se manifeste dans de ce que nous appelons « hasards », et qu'elle agit indépendamment des principes de causalité physique que nous connaissons.

À l'appui de ses démonstrations, Kammerer produisait une collection de coïncidences dont voici quelques exemples :

- « Le 18 septembre 1916, ma femme, attendant son tour dans la salle d'attente du docteur J.V.H. parcourt la revue Die Kunst : elle est impressionnée par les reproductions des tableaux d'un peintre nommé Schwalbach, et se dit qu'elle doit se rappeler ce nom parce qu'elle aimerait voir les originaux. À ce moment la porte s'ouvre, et la réceptionniste appelle : "On demande Mme Schwalbach au téléphone." »

« - Le 23 juillet 1915, j'ai l'expérience de la série progressive suivante :
a) ma femme lit les aventures de "Mme de Rohan", personnage d'un roman de Hermann Bang, intitulé Michael; dans le tramway elle voit un homme qui ressemble à son ami, le prince Joseph Rohan; le soir le prince Rohan vient nous voir à l'improviste.
b) Dans le tram elle entend quelqu'un demander au pseudo-Rohan s'il connaît le village de Weissenbach-Sur-Attersee, et si ce serait un endroit agréable pour les vacances. En descendant du tram elle entre dans une charcuterie du Naschmarkt, où le vendeur lui demande si par hasard elle connaît Weissenbach-Sur-Attersee : il doit y expédier un colis et n'est pas sûr de l'adresse »

- « Le 17 mai 1917, nous étions invités chez les Schreker. Sur notre chemin j'achète à ma femme dans une confiserie devant la gare de Hütteldorf-Hacking des bonbons au chocolat. - Schreker nous joue son nouvel opéra Die Gezeichneten dont le rôle féminin principal porte le nom de CARLOTTA. Revenus à la maison, nous vidons le petit sac contenant les bonbons; l'un d'eux portait l'inscription CARLOTTA.»

Ces nombres, ces noms et ces situations qui revenaient indépendamment et correspondaient entre eux, il les qualifiait de processus cycliques d'un ordre et d'une puissance différentes et il ébaucha une terminologie propre pour la classification des séries. Il appelait série du second ordre une série dans laquelle le même type de coïncidences s'est produit deux fois successivement comme dans l'exemple suivant : « le 4 novembre 1910, son beau-frère alla au concert où il eut le fauteuil no 9 et le ticket de vestiaire no 9; le lendemain à un autre concert le même beau-frère eut le fauteuil no 21 et le ticket no 21. »

En conclusion de son livre, Kammerer écrivait : « Nous avons établi que la somme des faits exclut tout « hasard » ou fait si bien du hasard une règle que cette notion même semble disparaître. En cela nous arrivons au cœur de notre pensée : en même temps que la causalité, un principe acausal agit dans l'univers. Ce principe influe sélectivement sur la forme et sur la fonction pour joindre dans l'espace et dans le temps les configurations apparentées; et cela dépend de la parenté et de la ressemblance. »

La théorie de la sérialité est fondamentale dans l'histoire de la parapsychologie puisqu'elle préfigure l'idée de synchronicité chez C.G. Jung et Wolfgang Pauli. Cette idée avait d'ailleurs été émise une première fois par Camille Flammarion. Dans son livre Synchronizität, Akausalität und Okkultismus (Synchronicité, Acausalité et Occcultisme), Jung se réfère abondamment au travail de Kammerer. Einstein lui aussi se prononce positivement en qualifiant ce travail d'« original et nullement absurde » et Sigmund Freud dans son livre Das Unheimliche nous dit ceci sur Kammerer : « un naturaliste (Paul Kammerer) a entrepris récemment de subordonner les faits à certaines lois de manière telle que l'impression d'étrangeté devrait disparaître. Je n'ose pas décider s'il y a réussi ou non. »

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