La paranoïa est, au sens premier, une maladie mentale chronique du groupe des psychoses, caractérisée par un délire d'un type particulier, dit délire paranoïaque, pour lequel il existe plusieurs thèmes récurrents. Il est opportun d'en différencier la personnalité paranoïaque, qui est un caractère particulier chez certains sujets, mais sans développement d'un délire (même si une personnalité paranoïaque peut évoluer vers une authentique paranoïa). Au début du XXIe siècle, dans un sens dérivé, le langage commun ou journalistique utilise le terme « paranoïa » pour rendre compte d'états comme la méfiance, la suspicion ou le scepticisme, qui ne sont pas pathologiques.
Historiquement, le terme de paranoïa était utilisé en Allemagne tout au long du XIXe siècle pour qualifier tout type de délire. En 1879, Richard von Krafft-Ebing isole les formes hallucinatoires (paranoïa hallucinatoria) des autres délires (paranoïa combinatoria). Emil Kraepelin définit plus précisément la paranoïa à la fin du XIXe siècle comme le « développement lent et insidieux d'un système délirant durable et impossible à ébranler, et par la conservation absolue de la clarté et de l'ordre de la pensée, du vouloir, et de l'action. »
Dès lors, la paranoïa est définie comme un délire chronique, organisé, structuré, logique dans son développement, comportant le plus souvent un sentiment de persécution, entraînant une forte adhésion du patient, mais n'entravant pas les autres fonctions psychiques. Ce type de délire, dit délire paranoïaque apparaît préférentiellement chez des sujets marqués par un trouble de la personnalité paranoïaque pré-existant.
En français, l'adjectif qui correspond à paranoïa est « paranoïaque », et il ne doit pas être confondu avec le terme « paranoïde », de sens très différent (dans l'expression délire paranoïde) et utilisé pour décrire certains types de schizophrénie.
Il existe plusieurs types de paranoïas qui possèdent cependant un certain nombre de caractères communs.
La paranoïa est une affection mentale chronique du groupe des psychoses. Elle survient en général entre 30 et 40 ans, chez des individus qui présentaient le plus souvent une personnalité paranoïaque préalable, et elle est centrée sur un délire. Le délire est un trouble du contenu de la pensée caractérisé par la permanence d'idées délirantes (c'est-à-dire des idées manifestement en désaccord avec la réalité et les croyances habituellement partagées) dont le sujet est convaincu Au cours de la paranoïa, ce délire est dit délire paranoïaque, et il est complètement différent du délire paranoïde observé quant à lui dans la schizophrénie. C'est une différence de nature et pas de degré qui existe entre les deux termes comme le montre le tableau suivant :
Délire paranoïde | Délire paranoïaque | |
---|---|---|
Mécanisme délirant | Mécanismes multiples (hallucinations, interprétations, etc.) | Mécanisme principalement interprétatif |
Thématique délirantes | Thèmes multiples | Thème unique (persécution, préjudice, complot, jalousie, etc.) |
Degré de systématisation du délire | Non systématisé (pas de cohérence interne) | Hautement systématisé |
Le délire paranoïaque présente donc plusieurs particularités :
Le délire peut être en sourdine plusieurs années, avant que n'éclatent les troubles. Lorsque la maladie est déclarée, elle devient chronique, évoluant par poussées. Il existe trois types principaux de délires paranoïaques : délires passionnels, délire d'interprétation et délire de relation des sensitifs.
Ils sont dits passionnels du fait de la nature du sentiment qui les inspirent : la passion. Ces délires débutent par une première interprétation délirante de la réalité (Par exemple : « Si ma femme est rentrée précipitamment dans sa chambre c'est qu'elle cache une liaison ») ou parfois par une intuition délirante initiale (Par exemple : « Brutalement, j'ai tout compris pour ma femme, tout est devenu clair »). Ils se développent ensuite avec une forte charge émotionnelle qui peut provoquer un comportement dangereux. En revanche, le délire ne s'étend pas à d'autres domaines, il reste limité à un principal objet (délire en secteur).
Le délire érotomaniaque correspond à la conviction délirante d'être aimé secrètement par une personne généralement plus favorisée socialement.
Ce sont les délires systématisés et en secteur, essentiellement basés sur l'interprétation délirante. Ils reposent sur la croyance délirante en un préjudice subi, accompagné d'exaltation, de quérulence et d'agressivité. Il s'agit pour ces patients de « faire surgir la vérité » ou de « punir les coupables ». On distingue :
Les thèmes du délire, c'est-à-dire le contenu des interprétations, concernent des idées de persécution, de préjudice, de complot. L'évolution fait que, peu à peu, l'ensemble des évènements rencontrés par le sujet vont être rattachés au système délirant. Par exemple, si un proche, ou un collègue, ou un médecin tente de rassurer le sujet en lui disant qu'il « se fait des idées », cela sera immédiatement interprété comme un signe d'appartenance au « complot ». C'est ce qu'on appelle un délire « en réseau » puisqu'il s'étend peu à peu à toute la vie psychique. Il concerne tous les domaines (affectif, relationnel et psychique) de la vie du sujet. L'évolution est chronique.
Le délire de relation des sensitifs s'installe chez l'adulte, chez des sujets qui présentaient antérieurement une personnalité marquée par la sensitivité. Un état délirant apparaît progressivement, généralement à la suite d'échecs ou de déceptions. Les thèmes du délire, c'est-à-dire le contenu des interprétations, concernent des idées de persécution, de préjudice, d'hostilité et de mépris dont le sujet serait victime, ou d'atteinte de ses valeurs morales. Le délire est en général limité au cercle proche du patient (sa famille, ses amis, ses collègues, ses voisins, etc). Il est vécu douloureusement et de manière solitaire. Il se complique généralement d'épisodes dépressifs parfois sévères. Contrairement à ce qui se passe dans les autres types de paranoïa, il n'y a pas de réaction d'agressivité envers l'entourage, peu de réactions bruyantes ni de dangerosité tournée vers autrui. Le risque suicidaire existe au cours des épisodes dépressifs. L'évolution est moins souvent chronique que dans les autres paranoïas.