On qualifie de « papier » les matériaux constitués de fibres végétales dont le grammage est inférieur à 224 g/m2.
Ces unités découlent de la visite manuelle des feuilles de papier dans les anciennes salles de triage. Les ouvrières comptaient les feuilles de papier et les tenaient sur la main à raison de 5 par doigt.
Jusqu’au XIXe siècle, la matière première est exclusivement le chiffon de lin, de chanvre et ultérieurement de coton.
La pâte à papier est le matériau de base. Elle peut être produite à partir de différents composants :
Le tissu est trié, lavé et mis à pourrir pendant plusieurs semaines. Les chiffons sont ensuite découpés et effilochés dans plusieurs moulins munis de pile à maillets à clous. La rareté relative du textile a conduit à l’utilisation du bois.
Le bois est écorcé puis défibré (les rondins sont « râpés » à l’aide d’une meule à laquelle on ajoute beaucoup d’eau). Les particules sont alors filtrées et nettoyées dans plusieurs bains successifs afin d’obtenir une pâte homogène.
La pâte à papier moderne est généralement un mélange de fibres de bois et de papier auquel est ajouté un liant afin d’améliorer la résistance des feuilles produites.
Procédé naturel : utilisation de la cellulose contenue dans les excréments d’herbivores non ruminants. En 1841, M. Tripot de Paris déposa un brevet pour fabriquer du papier « à partir de la fiente de tous les animaux herbivores ». Cette idée fut reprise par M. Jobard (directeur des Arts et Métiers de Bruxelles). Il estimait que la paille et le foin avaient déjà subi une première trituration sous la dent et dans l’estomac des chevaux. « Le crottin, disait-il, est en grande abondance : on peut obtenir de chaque cheval un kilogramme de papier par 24 heures ; une seule caserne de cavalerie suffirait à la consommation du Ministère de la guerre. Il est étonnant que l’on n’ait pas songé plus tôt à cette matière… »
L’idée fut exploitée un peu plus tard par une usine, située aux Portes de Paris, qui fabriquait du papier et du carton avec le fumier des chevaux des écuries impériales. Certains papiers « bulle » en pâte demi-blanchie qui sortaient de ces ateliers étaient appréciés, paraît-il, pour envelopper la pâtisserie (Albert CIM, Le Livre, tome III).
Depuis 1995, le moulin à papier de Brousses-et-Villaret, dans l’Aude, fabrique du papier avec la cellulose du crottin des éléphants de la réserve africaine de Sigean.
Le papier fabriqué à base de tissus, majoritairement de chanvre (qui, en Europe, a été le seul type de papier utilisé jusqu’au milieu du XIXe siècle) était déjà constitué de matières recyclées : vieux linges, cordages, filets de pêche déchiquetés. On appelle d’ailleurs ces papiers, toujours utilisés dans l’estampe par exemple, des papiers « torchon ». Le carton, quant à lui, est fabriqué à partir de papier récupéré depuis le XVIIIe siècle : on voit que l’idée du recyclage n’est pas nouvelle dans le domaine papetier.
Le papier recyclé est devenu une nécessité pour préserver l’environnement, aussi la valorisation des déchets papiers est-elle de plus en plus importante : en 2008, 6,9 millions de tonnes de papiers et cartons ont été récupérées en France, sur une consommation apparente de 10,7 millions de tonnes.
La pâte à papier recyclée est élaborée selon un procédé particulier. Les vieux papiers (issus en général de journaux, magazines et cartons) sont triturés (déchiquetés) dans un pulpeur avec de l'eau, la pâte ainsi obtenue est épurée (filtrée) puis stockée dans des cuves. Le désencrage reste facultatif, mais il est possible de retirer l’encre de la pâte en lui faisant subir plusieurs nettoyages successifs, avec du savon, de l’air, voire des dissolvants chimiques (les dissolvants pouvant être très polluants, ils doivent être utilisés le moins possible). Ces opérations de lavage et de traitement nécessitent beaucoup d'eau (au total 130 l pour fabriquer 500 feuilles de papier recyclé, contre seulement 51,1 l pour 500 feuilles produites à partir de bois). Mais le bilan de matières premières et le bilan énergétique sont en faveur du papier recyclé.
Le papier recyclé peut être utilisé pour la majorité des travaux d’impression ; d’ailleurs, les imprimeurs ont maintenant l’habitude de travailler avec ces papiers de plus en plus demandés. Des grammages allant du 45 g au 350 g sont ainsi facilement disponibles. La qualité d’impression sur ce type de papier est excellente, y compris pour les photos, et les journaux sont essentiellement d’origine recyclée.
Il existe également des méthodes artisanales pour fabriquer du papier recyclé chez soi.
Dans un premier temps, on a utilisé un cadre de bois recouvert d’un tamis d’abord végétal et non fixé (c’est toujours le cas en Orient) puis métallique à partir de 1275 en Italie. Cet ensemble s’appelle une forme et sert à puiser la pâte dans une cuve où elle a été diluée en fonction du grammage du papier à fabriquer. Après égouttage, on peut transférer la feuille sur un feutre. Différentes couches de feutres et de feuilles peuvent être pressées afin de retirer l’excédent d’eau, avant un séchage définitif à l’air libre dans un étendoir. En Orient, on continue dans certains endroits à utiliser la forme comme un moule et à faire sécher la feuille sur son moule. On utilise ainsi autant de formes que de feuilles fabriquées.
La production s’effectue à l’aide de gigantesques machines dépassant souvent 100 m de long et jusqu’à 10 m de laize (largeur). La feuille est produite à une vitesse pouvant aller jusqu’à 1 800 m/min.
On peut diviser la fabrication en deux étapes : la préparation de la pâte à papier et la fabrication du papier lui-même.
La pâte à papier arrive très diluée (environ 1 %) dans la caisse de tête et passe entre deux lèvres afin d’avoir un jet bien uniforme. La solution est déposée sur une « table de formation » (tamis roulant) composée d'une toile et d'organes d'égouttage. L’eau utilisée pour le transport des fibres s’égoutte à travers les mailles de la toile, d’abord par simple gravitation. L’égouttage est complété par des racles (foils) dont la forme aérodynamique engendre une aspiration avec la vitesse de la toile et/ou la rotation de pontuseaux, rondins placés sous la toile pour la soutenir et dont le mouvement rotatif provoque une aspiration. Les fibres retenues par la toile commencent à former un tapis de plus en plus dense, il devient nécessaire d’éliminer l’eau par succion à l’aide des caisses aspirantes disposées sous la toile après les racles ou pontuseaux.
Un cylindre égoutteur est éventuellement situé en travers de la toile entre deux caisses aspirantes et peut être revêtu d’une fine toile métallique et d’un motif soudé sur ce fond. Le motif marque la feuille encore humide et sera ainsi visible par transparence lorsque la feuille sera sèche. C’est ainsi que l’on obtient filigranes, vergeures, grains fantaisie. L’eau d’égouttage qui contient des fibres non retenues par la toile est recyclée.
La feuille ainsi formée à la fin de la table passe par une section de presses (deux cylindres exerçant une pression sur la feuille) pour évacuer le maximum d’eau avant son séchage. À la sortie des presses, la feuille a perdu de son épaisseur et sa teneur en eau n’est plus que d’environ 60 %.
La feuille qui sort des presses est suffisamment solide pour quitter le support de feutre et entrer directement en contact avec les sécheurs : de gros cylindres chauffants dont la température augmente progressivement, jusqu’à atteindre 120 °C, ce qui entraîne l’évaporation de l'eau restante dans la feuille. De cylindre en cylindre la température redescend progressivement.
En fin de fabrication, le papier a une teneur en eau comprise entre 5 et 10 %.
On peut alors ajouter des traitements de surface pour améliorer son imprimabilité en faisant passer la feuille dans une size-press (papier photo par exemple).
La size-press appelée « presse encolleuse » est placée avant les derniers sécheurs. Il s’agit de deux rouleaux disposés côte à côte horizontalement qui forment une cuvette que l’on alimente avec la sauce voulue. Le papier passant entre les deux rouleaux est enduit de sauce colorée pour teinter le papier par exemple.
Certains papiers reçoivent un collage de surface dans le but d’assurer la cohésion extérieure de la feuille, afin de maintenir les fibres de surface susceptibles de se relever inopinément. Ces morceaux de fibres qui adhèrent mal peuvent encrasser les caractères des machines à écrire, accrocher la plume lors de l’écriture manuelle ou provoquer des imperfections dans les aplats imprimés.
C’est ainsi que certains papiers sont colorés en surface, ou que le papier couché reçoit une première préparation.
La feuille une fois séchée peut subir le calandrage qui consiste à presser de nouveau la feuille entre plusieurs lourds rouleaux afin de rendre le papier bien lisse. On parle alors de papier glacé ou calandré.
Afin d’en améliorer l’imprimabilité, on peut déposer à la surface du papier sur une seule face (papier étiquettes) ou sur les 2 faces (papier pour impression) une couche pigmentaire, on parle alors de papier « couché ». Ces couches pigmentaires sont principalement constituées de charges minérales (carbonates et kaolins principalement) ainsi que de latex synthétiques (styrènes butadiènes ou styrènes acryliques) et sont déposées au moyen de machines appelées « coucheuses ». Elles ont pour objectif de régler l’absorption des encres afin de conserver leurs pigments en surface. En sortie de la coucheuse le papier est d’aspect « mat » ou « semi mat » mais, après une opération de calandrage il peut être rendu « brillant ».
On obtient alors une bobine qui est tronçonnée à la taille voulue à la bobineuse. Les bobines de papier peuvent être utilisées telles quelles (impression sur presse rotative) ou reconditionnées sous forme de feuilles de formats divers.