La construction du palais — réalisée majoritairement entre 1065 et 1081 — fut ordonnée par Abú Ya'far Ahmad ibn Sulaymán al-Muqtadir Billah, connu sous son titre honorifique de Al-Muqtadir, (le puissant), second monarque de la dynastie des Houdides, comme symbole de pouvoir de la Taifa de Saraqusta, Sarragosse. Le roi décrit lui-même son palais comme « Qasr al-Surur » (Palais de la Joie) et la salle du trône qu'il présidait lors des réceptions, « Maylis al-Dahab » (Salon Doré), comme en témoignent les vers suivants composés par le monarque :
« Ô Palais de la Joie!, ô Salon Doré!
Grâce à vous, je suis au sommet de mes désirs.
Et même si mon royaume ne comportait d'autres choses,
Vous êtes tout ce que je pourrais vouloir. »
On trouve pour la première fois le nom de Aljafería dans un texte d'Al-Yazzar as-Saraqusti (entre 1085 et 1100) — qui transmet également le nom de l'architecte du palais taïfa, le slave Al-Halifa Zuhayr — et dans un autre de Ibn Idhari de 1109, dérivant du nom de Al-Muqtadir, Abu Ya'far, et de «Ya'far», «Al-Yafariyya», qui évolua en «Aliafaria» et de là, «Aljafería».
La disposition générale du palais adopte l'archétype des châteaux omeyyades du désert de Syrie et de Jordanie de la première moitié du VIIIe siècle, (comme celui de Qasr al-Hayr al-Sharqi, Msatta, Jirbat al Mafyar et celui de la première étape abbasside, le château de Ujaydir), de base carrée surplombée de tours semi-circulaires sur les pans. L'espace central tripartite offre trois espaces rectangulaires : l'espace central est formé par un patio avec des bassins. Aux extrêmes se trouvent les salons et les appartements de la vie quotidienne.
L'architecture de l'Aljafería rend hommage à ce modèle de château-palais : la zone noble est située sur le segment central de la base carrée, bien que l'alignement des côtés ne soit pas régulier. C'est le rectangle central qui accueille les appartements princiers, organisés autour d'un patio muni de bassins d'eau potable face aux portiques nord et sud d'où partent les salons royaux.
Aux extrêmes nord et sud se situent les portiques et appartements. Le secteur nord est le plus important : à l'originelle s'élevait un deuxième étage, dont la salle était plus profonde, précédée par une façade principale ouverte formée de colonnes et très richement décorée. Cette façade s'étendait en deux bras, sous forme de deux pavillons sur les flancs, et servait de portique pour les représentations théâtrales de la salle du trône (le salon doré des vers d'Al-Muqtadir), situé au fond. Cette structure permettait un jeu sur les différentes hauteurs et les volumes cubiques qui commençaient par les couloirs perpendiculaires des extrêmes ; le jeu s'amplifiait avec la présence du deuxième étage et la tour du Trouvère qui donnait du volume au fond pour un spectateur situé dans le patio. Tout cela se reflétait dans le bassin, mettant en valeur les zones princières et à l'extrême est, la façade nord d'une petite mosquée privée et son mihrab.
À l'intérieur du Salon Doré, au centre du mur nord, on voit un arc aveugle - c'est là que se tenait le roi - ornementé d'un motif géométrique traditionnel imitant les jalousies de la façade du mihrab de la Grande mosquée de Cordoue, édifice clé par son influence. Ainsi, depuis le patio, il apparaissait à moitié caché par les trames de colonnes, autant les colonnes principales, donnant accès au Salon Doré, que celles du portique contigu. Cette configuration donnait un aspect de jalousies, une illusion de profondeur, provoquant l'admiration du visiteur et conférant du prestige à la figure du monarque.
Pour se faire une idée de l'aspect du palais à la fin du XIe siècle, il faut imaginer que tous les reliefs de motifs végétaux, géométriques et épigraphiques étaient peints en plusieurs couleurs où dominaient le rouge et le bleu pour les fonds, le doré pour les reliefs. Avec les plinthes en albâtre et leur décoration épigraphique ainsi que les sols en marbre blanc, l'ensemble donnait une impression de grande richesse et majesté.
Les divers avatars frappant l'Aljafería ont fait disparaître de cette disposition du XIe siècle une grande partie des stucs qui composaient la décoration et, avec la construction du Palais des Rois Catholiques en 1492, le deuxième étage complet, ce qui élimina le couronnement des arcs taïfa. Dans la restauration actuelle, la couleur des ornements en plâtre est plus foncée que l'originale, les finitions de la décoration des arcs sont blanches et lisses ; cependant, la structure reste intacte.
La décoration des murs du Salon Doré a majoritairement disparu, cependant des restes des ornementations sont conservés au musée de Saragosse ainsi qu'au musée archéologique national de Madrid. Francisco Íñiguez commença la restauration, replaçant les décorations existantes dans leur lieu d'origine et reprenant des moulages complets des arcs du portique sud.
Tels étaient les fonctions et l'aspect du palais des Houdides au XIe siècle. Il convient maintenant de détailler les parties les plus importantes de l'édifice tel qu'il se présente actuellement.
Cette dépendance nord est l'ensemble le plus important d'appartements du palais de l'époque houdide, puisqu'elle comprend le Salon du Trône ou Salon Doré et la petite mosquée privée située sur l'aile est du portique d'accès qui sert d'antichambre à l'oratoire. Le mihrab est situé à l'intérieur, dans l'angle sud-est, donc orienté en direction de La Mecque, point commun de toutes les mosquées, sauf celle de Cordoue.
Les sols des dépendances royales étaient en marbre cerclés par des plinthes en albâtre. Les chapiteaux étaient en albâtre, sauf certains en marbre réutilisés de l'époque califale. Ces salles sont toutes décorées par une bande d'ornementation épigraphique formée des caractères kufiques reproduisant les sourates coraniques qui font allusion à la signification symbolique des décorations. Les sourates qui correspondent à ces inscriptions ont pu être déduites des fragments subsistants.
Sur deux de ces reliefs calligraphiques, on peut lire le nom d'Al-Muqtadir, grâce auquel on a pu dater la construction du palais, au moins une première partie, entre 1065 et 1080. Il est inscrit textuellement sur l'un : « Ceci [=la Aljafería] a été commandité par Ahmed al-Muqtadir Billáh ».
Aux extrémités est et ouest du salon se trouvent deux pièces qui ont pu être des chambres privées, possiblement utilisées par les rois. Actuellement, la chambre ouest a disparu, elle fut utilisée comme chambre à coucher, également par les rois d'Aragon jusqu'au XIVe siècle.
La majorité des ornementations florales en plâtre qui tapissaient de panneaux décoratifs les murs de ces pièces, ainsi qu'une plinthe d'albâtre de 2,5 m de hauteur et les sols de marbre blanc du palais original sont perdus. Les vestiges qui subsistent, autant dans les musées que les rares que l'on trouve dans le salon, permettent cependant de reconstruire l'aspect de cette décoration polychrome, qui dut, à son époque, être splendide.
Les plafonds à caissons en bois reproduisaient le firmament, le salon dans sa totalité étant une image du cosmos, parsemée de symboles de pouvoir que le monarque de Saragosse exerçait sur l'univers céleste, le présentant ainsi comme héritier des califes.
L'accès au Salon Doré s'effectuait à travers un mur formé de trois embrasures. L'embrasure centrale, très large, est formée de cinq colonnes doubles en marbre. Les chapiteaux en albâtre sont très stylisés, et portent quatre arcs recti-curvilignes entrecroisés, entre lesquels, plus en hauteur, s'enchaînent d'autres arcs de facture moins complexe.
Vers le sud, on trouve une dépendance de taille relativement identique qui donne sur le patio par un portique de grands arcs polylobulés, c'est-à-dire composés de petits arcs contigus. On retrouve à nouveau un espace tripartite, et les extrémités est et ouest se prolongent perpendiculairement en deux galeries latérales. On accède à ces galeries par d'amples arcs polylobulés qui se terminent chacun en un arc pointé, polylobulé également. L'alfiz, cadre qui entoure l'extérieur de l'arc, est décoré par des bandes complexes enlacées et des reliefs floraux.
Cette structure cherche une apparence de solennité et majesté, faisant contrepoint au peu de profondeur de ces pièces. Sans cela, le spectateur ne pourrait savoir qu'il entre au salon royal. Il faut imaginer que toute l'ornementation en plâtre du palais était polychromée en tons rouge et bleu pour les fonds, les reliefs dorés. Entre les filigranes, on remarque la représentation d'un oiseau, insolite figure zoomorphique dans l'art islamique, soit une colombe, un faisan ou le symbole du roi comme un être ailé.
Les tracés d'arcs recti-curvilignes entrecroisés sont une des caractéristiques de ce palais, ainsi qu'une innovation qui se propagea par la suite dans diverses édifications.
Sur l'aile est du portique, on trouve l'espace sacré, la mosquée : on y accède par une porte inspirée de l'art califal.
Du côté ouest du portique d'entrée au Salon Doré se trouve la petite mosquée ou pièce oratoire privée utilisée par le monarque et sa cour. On y accède en traversant une porte se terminant en arc de fer à cheval, inspiré par la Mezquita de Cordoue, mais les premières pierres d'où part l'arc sont en forme d'S, innovation qui sera reprise dans l'art almoravide et nasride. Cet arc s'appuie sur deux colonnes aux chapiteaux en forme de feuilles géométriques, dans la lignée des réalisations de l'art de Grenade mozarabe. L'alfiz est profusément décoré par des motifs végétaux. Une frise d'arcs en plein cintre entrelacés le surplombe.
En entrant dans la salle oratoire, on se retrouve dans un espace réduit, de base carrée, mais les angles sont atténués, donnant la sensation que la pièce est octogonale. Du côté sud-est, orienté vers la Mecque, est placé le mihrab. La partie frontale du mihrab est formée par un arc en fer à cheval très traditionnel, de formes inspirées de Cordoue, des voussoirs alternés décorés de reliefs végétaux, d'autres lisses (originellement peints). Les matériaux nobles du mirhab de Cordoue (mosaïques et maîtres d'œuvre byzantins) sont remplacés à Saragosse, les ressources étant bien moindres que dans la capitale califale, par des stucs en plâtre et polychromie, les couleurs ayant disparu de presque tout le Palais. En revenant à l'arc d'entrée, on apprécie l'alfiz englobant l'extrados. Sur les écoinçons apparaissent en creux deux rosettes godronnées, tout comme la coupole de l'intérieur du mihrab.
Le reste des murs de la mosquée est décoré d'arcs recti-curvilignes aveugles entrecroisés et ornés, sur toute leur superficie, d'atauriques végétaux d'inspiration califale. Ces arcs s'appuient sur des colonnes aux chapiteaux de fins entrelacements. Une plinthe formée de dalles carrées de marbre recouvre la partie inférieure des murs. Cette structure est couronnée par des arcs polylobulés entrecroisés. Ces arcs ne sont pas aveugles dans leur totalité, car les angles aux pans coupés laissent entrevoir les angles de la base carrée.
Cette galerie constitue la seule pièce conservant des vestiges de la décoration pictographique du XIe siècle. Ces motifs ont été récupérés lors de la restauration effectuée par Francisco Íñiguez Almech : ils apparurent en retirant la couche de chaux dont ils furent recouverts lorsque l'Aljafería devint une chapelle chrétienne. Cependant, les travaux, initiés en 1947, répondent à des critères de restauration différents de ceux actuellement en cours, proposant une restitution de tous les éléments à leur aspect original. Les motifs ont été repeints avec de la peinture acrylique, rendant inaccessible la vision du pigment original.
La coupole de la mosquée ne se conserva pas, car le palais des Rois Catholiques fut construit à cette hauteur. Cependant, la structure de base octogonal laisse envisager sans peine une solution copiant au pied de la lettre celles existantes dans la maqsurah de la mosquée de Cordoue, c'est-à-dire une coupole d'arcs en plein cintre s'entrelaçant pour former un octogone en leur centre. La solution apportée par Francisco Íñiguez est, dans ce cas, réversible : il élabora une coupole de plâtre démontable.
Cet espace ouvert, couvert de jardins est le point d'union du palais taïfa. On pouvait y accéder depuis les portiques nord et sud, et probablement depuis les chambres et dépendances est et ouest.
Son nom procède de la naissance dans le palais de l'infante Isabelle d'Aragon, qui devint en 1282 reine de Portugal. Le bassin sud est conservé tandis que celui du côté nord, datant du XIVe siècle, est recouvert d'un sol en bois. La restauration avait pour intention de rendre au patio sa splendeur originale : on déposa des dalles de marbre sur les chemins entourant les jardins d'orangers et de fleurs.
Les arcades que l'on contemple vers le portique sud ont été restaurées à partir des moulages des arcs originels déposés au Musée archéologique national de Madrid et au Musée de Saragosse. Ces arcs sont ceux démontrant d'une réelle innovation en comparaison aux modèles califaux. Selon Christian Ewert, qui étudia assidûment durant une quinzaine d'années les arcs de la Aljafería, plus les ornementations des arcades sont en relation avec les zones nobles, telles le Salon Doré et la Mosquée, plus la facture traditionnelle cordouane est respectée.
Pour compléter la balade dans le palais du XIe siècle, on arrive au portique sud qui, sur son flanc méridional, comporte des arcades donnant accès à deux dépendances latérales. Ce portique était l'antichambre d'un grand salon qui probablement était construit sur la même disposition tripartite que nous avons observée dans le salon nord. De ce salon n'est conservée qu'une arcade d'accès formée par des arcs recti-curvilignes aux décorations géométriques.
Dans cette aire, on observe les distances prises par rapport au modèle de Cordoue et les majeures innovations dans la structure des arcs : les entrecroisements de formes lobulaires et mixtilignes incluant de fins reliefs sur les fûts et chapiteaux jouent une fonction uniquement ornementale
La complexité des entrelacs, des atauriques et des tailles nous amène à une esthétique baroquisante, constituant ainsi un prélude au filigrane de l'art de l'Alhambra et l'admiration dans l'ensemble de l'art andalou.