Ormes remarquables
Le naturaliste J.Macquart cite parmi les arbres qui l'ont le plus impressionné deux ormes remarquables en Suisse :
- « (...) mais c'est particulièrement dans les environs de Genève que j'ai observé les arbres les plus remarquables. En parcourant la rive septentrionale du lac jusqu'à Villeneuve, j'ai vu dans une riante prairie près de la jolie petite ville de Morges deux Ormes aux dimensions colossales. Chacun d'eux avait à la sortie du sol 17 mètres de circonférence, et sa couronne était d'une très-grande étendue. Dès l'année 1541, ces Ormes étaient d'une grosseur remarquable. L'un d'eux a été renversé en 1824 ».
Etat, pressions, menaces pour les populations d'ormes
Les grands ormes ont presque disparu d'Europe en quelques années suite à la diffusion du pathogène Ophiostoma novo-ulmi. On cherche à restaurer des populations génétiquement diversifiées pour qu'elles soient plus résilientes
Dans les années 1990-2000, des recherches ont sélectionné quelques dizaines de clones supposés moins sensibles à la graphiose (INRA Nancy et Cemagref en France). En Europe et en France depuis 1987 le Cemagref coordonne la conservation et l'étude génétique des ormes indigènes de 9 pays européens.
- Conservation Ex-situ : En France, près de 400 clones (300 U. minor, 80 U. laevis, 30 U. glabra) ont été collectés, obtenus de bouturage de pousses herbacées venant d'ormes apparemment indemnes, dans une dizaine de régions, plutôt du nord et de Poitou-Charentes). Un petit conservatoire régional a été créé sur l’île de Chausey, abritant 70 clones de Basse-Normandie bouturés dans les années 1980 par la DRAE (ex-DIREN) avec l’association CREPAN. Il enrichit la collection nationale de Nogent-sur-Vernisson (Loiret) et de Guémené-Penfao (Loire-Atlantique), conservée sous forme de haies basses, peu attractives pour l’insecte vecteur du pathogène. Quelques dizaines de clones sont aussi cryo-conservés par l’AFOCEL et d'autres (dont clones français) son aussi cryo-conservés en France et en Allemagne.
- Conservation in situ ; depuis 1998, le Cemagref et l'ONF travaillent aussi à la conservation in situ, avec les conservatoires botaniques et diverses ONG, dont en forêt pour U. glabra et U. laevis.
Traditions
Pour les grecs de l'Antiquité, l'orme était l'arbre d'Hermès et d'Oneiros (dieu des songes et de la nuit, fils d'Hypnos, dieu du sommeil, frère de Thanatos, dieu de la mort). Les fruits ailés accompagnaient les âmes des défunts devant le juge suprême. Il fut le symbole celte de "générosité". Les germains l'ont considéré comme arbre féminin et sacré (associé au frêne masculin). C'est à l'ombre d'un orme qu'au Moyen Âge on rendait justice dans le sud de la France.
Les Gaulois assimilaient les personnalités des individus à des arbres, l'orme caractérise les natifs du 12 au 24 janvier et du 15 au 25 juillet.
La graphiose
En 1825, François Joseph Grille, sans employer le vocabulaire des écologues modernes, proteste déjà contre l'appauvrissement génétique des populations d'ormes trop volontiers clonés et/ou greffé au détriment de la richesse adaptative que permet le semis :
- « Les planteurs d'ormes se bornent trop souvent au moyen le plus facile, qui est de planter par rejeton et par éclats de racines ; mais ils en sont les dupes , et ils n'obtiennent que des sujets rabougris qui ne rapportent presque rien. On distingue au premier coup-d'œil, à la beauté de leur port et à la vigueur de leur végétation, les ormes de semis, et ceux à feuilles étroites greffés sur sujets écossais, dans les plantations d'agrément, dans les parcs, et sur les pelouses qui environnent les maisons de campagne. » Cette homogénéisation génétique a effectivement peut-être contribué à la rapide diffusion de la graphiose de l'Orme.
La graphiose ou maladie hollandaise de l'orme a dévasté les ormes dans tout l'hémisphère nord depuis 1925 environ.
C'est à la fin des années 1970 que la maladie des ormes est apparue pour la première fois à Paris. Aucun traitement n'a réussi à en venir à bout. Des injections dans les arbres malades en 1986-1987 ont été infructueuses. On comptait 30 000 ormes parisiens avant l'épidémie, alors qu'aujourd'hui seuls 1 000 survivent, dans les larges avenues parisiennes (avenue d'Italie, de Choisy, boulevard Lefebvre, de Grenelle, Garibaldi…) et deux très vieux rescapés (un au jardin des Tuileries devant l'Orangerie et un autre place Saint-Gervais devant l'hôtel de ville de Paris). Alors que, au XVIIe siècle, l'orme était la première espèce d'arbre à Paris, aujourd'hui, il est l'une des moins répandues.
Tant que l'arbre jeune est taillé, il survit plus longtemps qu'en croissance libre, bien qu'affecté de déformation de l'écorce. Mais il finit par mourir précocement.
Résistance à la graphiose
On cherche à développer des ormes résistant à la graphiose depuis 1960. La recherche est partie dans diverses directions :
- Hybridation entre l'orme d'Amérique et l'orme de Chine. Cela a produit des arbres plus résistants (des hybrides commerciaux sont disponibles). Toutefois, ces arbres sont plus petits que les ormes américains et n'ont pas sa forme en vase appréciée.
- D'autres tentatives ont été faites pour développer des cultivars résistants de Ulmus americana : les variétés Liberty Elm, Valley Forge et New Harmony sont disponibles commercialement et semblent bien résister. Toutefois, on ne saura que vers 2010 si elles sont viables. Le Princeton Elm, cultivar créé en 1920 pour ses qualités ornementales, semble également bien résister à la graphiose.
En 2005, les deux types d'ormes les plus résistants sont :
- un hybride japonais, "Ulmus x resista" dont il existe 2 cultivars : 'Sapporo Autumn Gold'® et "New Horizon". Mais leurs caractéristiques sont assez éloignées des ormes européens (port arbustifs, pousse très rapide).
- le cultivar 'LUTECE® Nanguen' est le plus prometteur. Il devrait être commercialisé en 2006. Un chercheur de l'INRA de Nancy a obtenu cet hybride par fécondations croisées de 6 variétés dont Orme de montagne (Est de la France), Orme champêtre et Orme de l'Himalaya.