L'exploration du fond des océans, notamment au voisinage des dorsales océaniques et des failles transformantes, a permis de montrer l'origine océanique des ophiolites. En effet, les premières campagnes d'exploration firent apparaître une correspondance entre certaines séquences ophiolitiques et certaines séquences de roches des lithosphères océaniques actuelles. Dans les deux cas en effet, la séquence type (très simplifiée) semblait être, de haut en bas, la suivante : sous des radiolarites (sédiments siliceux formés par les squelettes de radiolaires, organismes du plancton marin), on rencontre des basaltes, puis des gabbros, puis des péridotites, ou des serpentines issues de l'altération des mêmes péridotites. On trouve souvent, à la base d'une séquence ophiolitique charriée sur une marge continentale, une "semelle" de roches métamorphiques dont l'épaisseur peut atteindre 300 mètres. Elles sont issues de basaltes et de sédiments rabotés et métamorphisés par la nappe ophiolitique encore chaude au cours de son charriage.
Il convient cependant de ne pas confondre les ophiolites avec les roches constitutives des lithosphères océaniques actuelles. En effet les premières ont subi des phases de métamorphisme et de rétrométamorphisme qui ont considérablement transformé les roches initiales : les péridotites ont donné des serpentinites, les gabbros des métagabbros, les basaltes des métabasaltes (prasinites), les radiolarites des quartzites etc. De plus les processus complexes de leur tectonisation ont fait que les séries ophiolitiques sont rarement complètes (c'est le cas notamment des ophiolites alpines, reliques dissociées et dilacérées d'un plancher océanique détruit par l'écaillage de la lithosphère océanique au cours de la subduction). Enfin, il faut tenir compte de l'altération due à l'érosion. On tiendra compte de ces remarques en lisant le chapitre suivant, qui décrit la formation des ophiolites à partir de celle des roches des lithosphères océaniques actuelles.
Caractéristiques des ophiolites
L'étude des lithosphères océaniques actuelles nécessite la mise en œuvre de moyens considérables, sophistiqués et coûteux : plongées, dragages, forages, mesures géophysiques. Les ophiolites offrent au géologue l'opportunité d'étudier "à pied sec", à l'aide des outils et des méthodes classiques de la géologie, la structure et le fonctionnement d'une lithosphère océanique, surtout quand on a la chance d'avoir affaire à une ophiolite bien conservée et peu déformée, comme c'est le cas de l'ophiolite d'Oman.
Mais en fait, l'étude des ophiolites rencontre l'ensemble de la problématique de la tectonique des plaques, en particulier dans sa dimension diachronique. S'étant formées à des époques diverses, dans divers contextes paléogéographiques, dans divers environnements géodynamiques (dorsales médio-océaniques, bassins d'arrière-arc etc.), obductées sur les continents et intégrées à des chaînes de montagnes lors de diverses orogenèses, les ophiolites sont de précieux témoins, susceptibles de fournir des réponses à nombre de questions posées par les processus d'expansion et de fermeture océanique, de collision de plaques, d'orogenèse, et par le devenir de ces processus au long de l'histoire de la Terre.