Nouveau-Groenland méridional - Définition

Source: Wikipédia sous licence CC-BY-SA 3.0.
La liste des auteurs de cet article est disponible ici.

Introduction

La ligne rouge montre les lieux rapportés par Benjamin Morrell de la côte du Nouveau-Groenland méridional (1823), et le 4e point montre « l'apparition » signalée par James Clark Ross en 1843. La ligne en point tiré désigne le trajet du capitaine Johnson en 1821.

Le Nouveau-Groenland méridional, ou Groenland méridional, appelé New South Greenland en anglais, est une terre fantôme consignée en mars 1823 par le capitaine américain Benjamin Morrell lors d'un voyage d'exploration et de chasse aux phoques en Mer de Weddell, dans l'Océan Austral, à bord de la goélette Wasp. Également connue sous le nom de Terre de Morrell, ou Morrell’s Land en langue anglaise, elle est mentionnée dans son récit intitulé A Narrative of Four Voyages, écrit neuf ans plus tard : l'auteur y fournit les coordonnées précises mais aussi une description sommaire de cette terre qu'il aurait longé sur plus de 480 km.

Au moment du voyage de Morrell, la géographie de la mer de Weddell est approximative et ses côtes proches presque entièrement inconnues, rendant une découverte plausible. Toutefois, la réputation d'affabulateur dont souffre l'auteur et les erreurs manifestes dans le compte rendu de son voyage mettent à mal sa crédibilité et sèment le doute quant à ses diverses revendications. Comme la zone est peu visitée à l'époque et la navigation difficile en raison du pack, l'existence de cette prétendue terre ne fit jamais l'objet d'une enquête sérieuse avant d'être catégoriquement démentie au cours des expéditions antarctiques du début du XXe siècle. En juin 1912, l'explorateur allemand Wilhelm Filchner cherche sans succès des signes de l'existence d'une terre, après que son navire Deutschland se bloque dans les glaces et dérive vers la région décrite par Morrell. Un sondage révèle que le fond de la mer y atteint une profondeur de plus de 1 500 m, donc sans terre qui puisse se trouver à proximité. Trois ans plus tard, pris au piège dans les mêmes eaux avec son navire Endurance, Ernest Shackleton réussit par des moyens similaires à confirmer l'inexistence du Nouveau-Groenland méridional.

Plusieurs explications possibles à l'erreur de Morrell ont été suggérées, y compris la tromperie intentionnelle. Cependant, Morrell décrit brièvement et prosaïquement cette terre, sans rechercher gloire ou crédit personnel pour sa découverte. Dans son récit, il attribue à Robert Johnson, son ancien capitaine, l'honneur d'avoir découvert et nommé la terre deux ans plus tôt. Morrell peut réellement s'être trompé, par un mauvais calcul de la position de son navire ou en oubliant certains détails en écrivant le compte-rendu, neuf ans plus tard. Sinon, il a pu avoir commis la faute — fréquente — de confondre des lointains icebergs avec une terre, ou être induit en erreur par les effets d'un mirage. En 1843, l'explorateur James Clark Ross signale l'existence possible de terres dans une zone proche des observations de Morrell, mais cette terre, elle non plus, ne sera jamais confirmée.

Voyage du Wasp, 1822-1823

Première phase, de juin 1822 à mars 1823

Au début du XIXe siècle, la géographie de l'Antarctique est presque totalement inconnue, bien que des observations occasionnelles de terres aient été déjà enregistrées. En 1822, Morrell, qui avait navigué aux îles Sandwich du Sud l'année précédente est nommé commandant du Wasp pour un voyage d'une durée de deux ans de chasse aux phoques, de commerce et d'exploration dans les océans Austral et Pacifique. Outre ses fonctions de chasseur, Morrell obtient, comme il disait, « des pouvoirs discrétionnaires de poursuivre de nouvelles découvertes ». Il propose de les employer pour étudier les mers antarctiques « et de vérifier la possibilité […] de pénétrer jusqu'au pôle Sud ». Ce serait le premier des quatre grands voyages qui garderont Morrell en mer pratiquement huit années, bien qu'il ne retourne pas en Antarctique après ce premier voyage.

Île Bouvet, que Morrell déclare avoir aperçue le 6 décembre 1822.

Le Wasp prend la mer au départ de New York, en direction du sud, le 22 juin 1822. L'expédition atteint les îles Malouines à la fin du mois d'octobre, après quoi Morrell passe seize jours à chercher sans succès d'inexistantes îles Aurora, avant de se diriger vers la Géorgie du Sud où le bateau jette l'ancre le 20 novembre. Le relèvement de ce mouillage, tel que Morell en fait état dans son compte-rendu, est manifestement erroné, puisqu'il le situe en pleine mer à environ 97 km au sud-ouest du littoral de l'île. Le Wasp se dirige ensuite vers l'est pour chasser le phoque et, selon Morrell, atteint la lointaine île Bouvet le 6 décembre, trouvant cette île insaisissable avec ce que l'historien William James Mills appelle une « facilité improbable ». La description de Morrell des caractéristiques physiques de l'île est, toujours selon Mills, « peu fiable », car il omet de mentionner la plus singulière caractéristique de l'île : elle est couverte par une couche de glace permanente. Il tente alors de mener le bateau vers le sud, mais, atteignant la glace épaisse aux environs du 60e parallèle sud, il fait cap au nord-est vers les îles Kerguelen où il jette l'ancre le 31 décembre.

Après plusieurs jours d'exploration et de chasse aux phoques de toute évidence fructueuse, le Wasp quitte les îles Kerguelen le 11 janvier 1823, navigant sud et ouest, pour noter sa position la plus à l'est à64°52′S 118°27′E / -64.867, 118.45 le 1er février. De ce point, conformément à son propre compte rendu, Morrell décide de profiter de forts vents venant de l'est, et fait un rapide passage à l'ouest pour revenir au méridien de Greenwich (0°). Son compte rendu fournit peu de détails mais indique qu'une distance de plus de 5 600 km a été couverte en 23 jours. La crédibilité d'un voyage si rapide et direct dans des eaux infestées de glaces flottantes est largement mise en cause, notamment du fait que Morrell indique les latitudes sud relevées au cours de cette navigation, et qu'elles s'avèreront plus tard comme étant d'au moins 160 km à l'intérieur du continent. Le 28 février, le Wasp atteint l'île Candlemas aux îles Sandwich du Sud. Après quelques jours passés à la recherche de carburant pour alimenter les poêles du navire, le Wasp navigue en direction du sud le 6 mars, dans la région qui sera plus tard connue sous le nom de la mer de Weddell. Trouvant la mer remarquablement libre de glace, Morrell progresse jusqu'à la latitude 70°14'S avant de venir au nord-ouest, le 14 mars. Cette retraite, dit Morrell, est due au fait que le navire est à cours de carburant ; par ailleurs, il prétend, dans ces eaux libres, qu'il aurait pu mener le navire jusqu'au 85e parallèle sud ou peut-être même jusqu'au pôle lui-même. Ces mots sont très similaires à ceux utilisés par l'explorateur britannique James Weddell pour décrire ses propres expériences dans la même région, un mois plus tôt, ce qui conduit les historiens à penser que Morrell aurait pu plagier le compte-rendu fait par Weddell de sa propre expédition, puisque celui-ci avait été publié auparavant.

Observation de la terre

Le capitaine Benjamin Morrell.

À quatorze heures le jour suivant, pendant que le Wasp naviguait vers le nord-est dans la mer qui sera nommée plus tard mer de Weddell, Morrell note : « la terre a été aperçue du nid-de-pie, vers l'ouest, à trois lieues de distance », soit environ quatorze kilomètres. Son compte-rendu se poursuit : « À quatre heures et demie, nous étions proche de la terre à laquelle le capitaine Johnson a donné le nom de Nouveau-Groenland méridional ». En effet, Robert Johnson, un ancien capitaine du Wasp, avait fait un voyage d'exploration le long de la côte ouest de la péninsule Antarctique en 1821, la nommant « New South Greenland ». La référence de Morrell à Johnson indique qu'il considérait la terre qu'il voyait comme la côte est de la péninsule, dont le caractère géographique et les dimensions étaient alors inconnus. Morrell décrit les activités de chasse au phoque continuant le long de cette côte durant le reste de la journée. Le lendemain matin, la chasse reprend et le navire progresse lentement vers le sud ; il continue ainsi jusqu'à ce que Morrell décide d'arrêter « en raison de la pénurie d'eau et [parce que] la saison [était] bien avancée ». Les montagnes de neige qu'il observe semblent avoir été à près de 120 km plus au sud.

Morrell met le cap au nord alors qu'il se trouve à 67°52'S, 48°11'O, selon son calcul du point. Trois jours plus tard, le 19 mars, le navire passe ce qu'il estime être le cap Nord de la terre, à 62°41'S, 47°21'O. « Cette terre abonde en oiseaux océaniques de toutes sortes », écrit Morrell. Il note également la présence de près de 3 000 éléphants de mer. À dix heures, le Wasp fait « [ses] adieux aux côtes sans joie du Nouveau-Groenland méridional » ; il n'y aura pas d'autre mention de ce long voyage dans le compte-rendu. Le Wasp fait voile pour la Terre de Feu, puis à travers le détroit de Magellan dans l'océan Pacifique, atteignant Valparaiso, au Chili, le 26 juillet 1823.

Dès la première navigation de l'océan Austral au XVIe siècle, des terres qui devaient par la suite s'avérer inexistantes sont signalées dans ces eaux. L'historien du Pôle Robert Headland du Scott Polar Research Institute propose différentes raisons pour expliquer ces fausses observations, qui vont de l'« excès de rhum » à l'invention de canulars visant à attirer les navires rivaux loin des bonnes zones de chasse. Une autre raison est le fait que certains blocs de glace, charriés par la mer, peuvent transporter des roches et d'autres débris glaciaires, qui, plus ou moins sales, peuvent paraître similaires à de la terre. Il est également possible (bien que peu plausible) que certaines de ces terres aient existé, mais se soient englouties après des éruptions volcaniques. D'autres observations peuvent être de véritables terres, situées à tort par le biais d'une observation déficiente due à la défaillance du chronomètre, à des conditions météorologiques défavorables ou simplement à l'incompétence.

Page générée en 0.266 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales | Partenaire: HD-Numérique
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise