Néphroangiosclérose - Définition

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Introduction

Il y a 80 ans, Fahr et Volhard appelèrent « néphrosclérose » (Nephrosklerose) la sclérose primitive des vaisseaux rénaux secondairement compliquée d'hypertension artérielle (HTA). Par la suite, la conception d’une néphosclérose secondaire à l'HTA s’est progressivement répandue, renforcée par la mise en évidence du rôle de l’HTA dans la dégradation de la fonction rénale 46. Ces mêmes lésions vasculaires rénales peuvent cependant exister en l’absence d’HTA. De cette apparente contradiction est né un débat étiopathogénique et sémantique ayant donné lieu à plusieurs définitions voisines pour un cadre nosologique qui reste à préciser.

La littérature américaine a généralement retenu le terme de « néphrosclérose hypertensive » (hypertensive nephrosclerosis) pour caractériser l’atteinte rénale secondaire à une hypertension artérielle systémique chronique de grade 1 ou 2. Les synonymes de la néphrosclérose hypertensive les plus fréquemment utilisés sont « néphrosclérose hypertensive bénigne » (benign hypertensive nephrosclerosis) ou « néphrosclérose bénigne » (benign nephrosclerosis). Le terme d’ « artérionéphrosclérose » (arterionephrosclerosis) est plus général et tient compte de l’absence de preuve de l’imputabilité exclusive de l’HTA dans les lésions rénales constatées. Il désigne ainsi les lésions vasculaires et parenchymateuses associées à l’HTA, celles-ci pouvant en particulier être secondaires à la néphrosclérose hypertensive ou à l’atteinte rénale liée à l’âge. L’« artériolonéphrosclérose » (arteriolonephrosclerosis) implique que les lésions parenchymateuses rénales soient exclusivement le fait d’une pathologie artériolaire, ce qui est rarement le cas en pratique.

La littérature européenne a préférentiellement retenu le terme de « néphroangiosclérose » (nephroangiosclerosis), synonyme de « néphroangiosclérose bénigne » ou « néphroangiosclérose commune ». Cette dernière appellation exclut le qualificatif « bénin », employé pour distinguer cette pathologie de l’atteinte rénale aiguë secondaire à une HTA maligne (malignant hypertensive nephropathy). Il est en effet manifeste que le processus pathologique chronique discuté ici n’est en rien « bénin » au regard des atteintes rénales, cardiaques et neurologiques qui peuvent l’accompagner.

Présentation clinique

Le diagnostic de néphroangiosclérose (NAS) est suspecté devant un tableau clinique évocateur, après exclusion des autres causes de néphropathies primitives et secondaires. L’insuffisance rénale est de sévérité variable au moment de la découverte de la maladie, mais la règle est que la NAS conduit à une altération lente et progressive de la filtration glomérulaire. Dans ce contexte, le diagnostic est classiquement évoqué chez un patient hypertendu connu sans autre antécédent néphrologique, lors de l’apparition d’une protéinurie de faible débit en l’absence d’anomalie associée du sédiment urinaire.

Protéinurie

Une protéinurie détectable par les méthodes usuelles existe chez 4 à 16% des patients considérés comme ayant une hypertension artérielle. La protéinurie, si elle est présente, est habituellement de faible débit, inférieure à 1g/24h.

Dans une étude rétrospective analysant 60 patients qui présentaient une biopsie classée NAS, Dasgupta et al retrouvaient une protéinurie moyenne avant biopsie à 2,3 ± 2,4 g/24h. Innes et al avaient également montré que 40% de leurs patients recrutés sur des critères identiques présentaient une protéinurie supérieure à 1,4 g/24h et 22% une protéinurie d’ordre néphrotique, supérieure à 3g/24h. De façon similaire, en reprenant rétrospectivement 237 biopsies rénales réalisées en raison d’un syndrome néphrotique, Obialo et al ont retenu le diagnostic de NAS isolée dans 5,5% des cas étudiés.

Ces données soulignent la grande variabilité de la protéinurie parmi les patients atteints de néphroangiosclérose, un fort débit de protéinurie traduisant ainsi un retentissement glomérulaire de la maladie vasculaire. Cette atteinte glomérulaire peut être de mécanisme ischémique ou au contraire secondaire à une élévation importante de la pression capillaire glomérulaire par hyperfiltration compensatrice et perte de l’autorégulation physiologique pré glomérulaire. Dans les deux cas, elle correspond à stade évolué de la NAS.

Sédiment urinaire

Le sédiment urinaire est habituellement normal mais il présente parfois quelques cylindres hyalins ou finement granuleux. Classiquement, il n’existe pas d’hématurie microscopique. Cet élément négatif permet notamment de minimiser le risque de méconnaître une néphropathie glomérulaire proliférative, en particulier liée à des dépôts mésangiaux d’IgA.

Il convient cependant de nuancer cette affirmation à la lumière des résultats d’études rétrospectives de patients atteints de NAS. Avec les réserves qu’imposent les biais inhérents aux indications de l’examen histologique rénal dans ce contexte, Innes et al ont ainsi montré que parmi 185 sujets présentant une NAS isolée, prouvée histologiquement, 25% présentaient une hématurie lors de la prise en charge initiale.

Critères diagnostiques

La pratique clinique courante conduit ainsi à une surestimation importante du diagnostic de NAS. Cette interprétation excessive est en partie liée à la discrétion et à l’absence de spécificité de la présentation initiale de la maladie, qui justifie rarement le recours à la ponction biopsie rénale. L’analyse histologique demeure cependant le seul examen de certitude diagnostique.

Une étude récente a démontré que l’estimation de la prévalence de la NAS dans une population de patients insuffisants rénaux chroniques était nettement réduite lorsque des critères diagnostiques cliniques stricts étaient appliqués. En l’absence de biopsie rénale, la prévalence du diagnostic de NAS, établi sur des critères cliniques non contrôlés, était évaluée à 37% dans un registre épidémiologique de patients hémodialysés aux Etats-Unis. En appliquant à cette population les critères diagnostiques de NAS définis par l’étude AASK, la prévalence était ainsi diminuée à 13,5%. Selon les critères de Schlessinger cette prévalence était même réduite à 1,5%. Ainsi, certains diagnostics sont méconnus par la pratique clinique habituelle et faussement classés parmi les NAS. Parmi ceux-ci, on retrouve en particulier la néphropathie ischémique rénovasculaire, des néphropathies glomérulaires chroniques et la maladie des emboles de cholestérol. La gravité et les implications thérapeutiques de certains diagnostics différentiels de la NAS soulignent l’importance de savoir remettre en cause une présomption diagnostique initiale dont la spécificité est incertaine.

Bien que l’imprécision du diagnostic de NAS incite à une restriction des critères diagnostiques, une harmonisation de ces critères semble difficilement applicable actuellement. En imposant la notion d’HTA préexistante, l’utilisation de critères tels que ceux utilisés pour l’étude AASK ou par Schlessinger améliore très vraisemblablement la spécificité du diagnostic de néphropathie vasculaire chronique secondaire à l’HTA (hypertensive nephrosclerosis). La forte proportion des patients exclus entre l’évaluation classique du diagnostic de NAS et l’évaluation réalisée selon ces critères stricts pose d’importantes questions pour la pratique, en particulier concernant le choix des méthodes d’estimation de l’antécédent d’HTA (présence d’un traitement antihypertenseur, mesure simple au brassard ou mesure ambulatoire automatisée de la pression artérielle sur 24h).

Cependant, le nœud du problème est très problablement lié à notre manque de compréhension de la physiopathologie de la NAS. On pourrait émettre l’hypothèse que les difficultés diagnostiques de la NAS résident moins dans l’absence de spécificité de la traduction clinique de ses atteintes vasculaires que dans la diversité des processus pathologiques que ce terme générique regroupe. Le rôle non exclusif de l’HTA dans la genèse des lésions de NAS constitue, à ce titre, un obstacle important. Ainsi, le caractère probablement hétérogène des conditions conduisant ou prédisposant aux lésions de NAS rend difficile l’établissement de critères diagnostiques communs. Une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques de la NAS pourrait vraisemblablement permettre une redéfinition de ce cadre nosologique et orienter utilement l’établissement de critères diagnostiques ciblés.

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