Le début de la campagne anti-tabac est considéré comme un échec : entre 1933 et 1937, la consommation de tabac augmente rapidement en Allemagne. Le taux de fumeurs dans le pays augmente plus rapidement qu'en France, où le mouvement anti-tabac est pourtant faible et nettement moins influent : entre 1932 et 1939, la consommation de cigarettes par habitant passe en Allemagne de 570 à 900 par an, alors qu'en France, elle n'augmente que de 570 à 630.
Les entreprises allemandes du tabac tentent à plusieurs reprises d'affaiblir la campagne anti-tabac : elles publient de nouvelles revues et essaient de dépeindre le mouvement anti-tabac comme « fanatique » et « non scientifique ». Elles tentent également de contrer la campagne visant à empêcher les femmes de fumer en utilisant des modèles féminins dans leurs publicités. Malgré les mesures gouvernementales, de nombreuses femmes en Allemagne fument régulièrement, y compris les épouses de plusieurs dignitaires nazis. Magda Goebbels, par exemple, fume même lorsqu'elle est interviewée par un journaliste. Des illustrations de mode présentant des femmes avec des cigarettes sont souvent publiées dans d'importantes publications comme le Beyers Mode für Alle (Beyers mode pour tous) ; la couverture de la chanson populaire Lili Marleen, interprétée par Lale Andersen, la représente tenant une cigarette.
Année | ||||
1930 | 1935 | 1940 | 1944 | |
Allemagne | 490 | 510 | 1 022 | 743 |
États-Unis | 1 485 | 1 564 | 1 976 | 3 039 |
Les Nazis renforcent leur lutte contre le tabac à la fin des années 1930 et dans les premières années de la Seconde Guerre mondiale, faisant décliner le taux de consommation. Résultat des mesures anti-tabac mises en œuvre dans la Wehrmacht, la consommation totale de tabac par les soldats diminue entre 1939 et 1945. Selon une étude menée en 1944, le nombre global de fumeurs augmente dans la Wehrmacht, mais la consommation moyenne de tabac par le personnel militaire décline de 23,4 % comparé aux années précédant la Seconde Guerre mondiale. Le nombre de personnes fumant trente ou plus de trente cigarettes par jour décline de 4,4 % à 0,3 % pendant la même période.
Cependant, les politiques anti-tabac des Nazis ne sont pas dépourvues de contradictions : si les politiques de la Volksgesundheit (« Santé du Peuple ») et la Gesundheitspflicht (« Devoir de la Bonne Santé ») sont renforcées, des cigarettes sont distribuées activement aux groupes « méritants », selon les critères nazis, comme les soldats au front ou les membres des Jeunesses hitlériennes et les groupes « non-méritants » et discriminés, comme les Juifs ou les prisonniers de guerre, sont privés de tabac.
Dans le cadre de leur campagne anti-tabac, les nazis utilisent plusieurs tactiques de propagande pour convaincre la population allemande de ne pas fumer. De populaires magazines sur la santé, comme le Gesundes Volk (« Peuple Sain »), Volksgesundheit (« Santé du Peuple ») et Gesundes Leben (« Vie Saine »), publient des avertissements sur les effets du tabac sur la santé et des affiches les illustrant sont placardées ; des messages anti-tabac sont envoyés aux personnes sur leur lieu de travail, bien souvent grâce à l'aide des membres de la Hitlerjugend et du Bund Deutscher Mädel. La campagne anti-tabac comporte également un volet consacré à l'éducation à la santé. En juin 1939, un bureau contre les dangers de l'alcool et du tabac est créé ; il participe à la lutte anti-tabac aux côtés du Reichsstelle für Rauschgiftbekämpfung (« Bureau pour la lutte contre les toxicomanies »). Des articles prônant l'abstinence tabagique sont publiés dans les magazines Die Genussgifte (« Les poisons plaisants »), Auf der Wacht (« Sur la garde ») et Reine Luft (« Air pur »). Parmi ces revues, Reine Luft était la principale du mouvement anti-tabac ; l'institut pour la recherche sur les dangers du tabac, dirigé par Karl Astel à l'Université d'Iéna, achète et distribue d'ailleurs des centaines de rééditions de Reine Luft.
Après la reconnaissance des effets délétères du tabac sur la santé, plusieurs points de la campagne anti-tabac font l'objet de dispositions législatives ou réglementaires, à partir de la fin des années 1930 : en 1938, la Luftwaffe et la Reichspost imposent le bannissement de la cigarette ; le tabagisme est également interdit dans les établissements de soins, dans certains services publics, dans les maisons de repos et dans les écoles. Il est aussi interdit aux sages-femmes de fumer pendant leur travail. En 1939, le parti nazi proscrit l'usage du tabac dans tous ses bureaux locaux, et Heinrich Himmler, chef suprême de la Schutzstaffel, en limite la consommation par le personnel de police et les officiers SS durant leurs heures de travail. En 1941, la consommation de tabac dans les tramways est interdite dans soixante villes allemandes ; une telle mesure concerne aussi les abris anti-bombes dont certains comportent cependant des pièces réservées aux fumeurs.
Une attention particulière est portée à la lutte contre le tabagisme chez les femmes. Le président de l'association médicale en Allemagne annonce que « les femmes allemandes ne fument pas ». Les femmes enceintes, de même que celles de moins de 25 ans ou de plus de 55 ans, n'obtiennent pas de cartes de rationnement de tabac pendant la Seconde Guerre mondiale ; des restrictions sur la vente des produits dérivés du tabac aux femmes sont imposées au secteur hospitalier et à l'industrie de la distribution alimentaire. Des films anti-tabac visant les femmes sont projetés et des éditoriaux discutant de l'usage du tabac et de ses effets furent publiés dans les journaux. Un département du Nationalsozialistische Betriebszellenorganisation (NSBO : Organisation des cellules d'entreprises national-socialistes) annonce même qu'il expulserait tous les membres féminins qui fument en public.
Une nouvelle étape est franchie en juillet 1943 avec l'interdiction aux personnes de moins de 18 ans de fumer en public. L'année suivante, la consommation de tabac dans les bus et les métros est également proscrite, sur l'initiative personnelle d'Hitler qui craint que les femmes voyageant dans les transports en commun soient victimes du tabagisme passif.
Les publicités pour le tabac sont limitées par une loi promulguée le 7 décembre 1941 et signée par Heinrich Hunke, le président du conseil de la publicité : les annonces essayant de dépeindre le tabac comme inoffensif ou comme une expression de la masculinité sont bannies ainsi que les tentatives de tourner en ridicule les activistes anti-tabac ; l'utilisation de panneaux publicitaires le long des voies ferrées, dans les régions rurales, dans les stades et les terrains de courses est interdite, tout comme la publicité via les haut-parleurs et le courrier.
La Wehrmacht subit également des restrictions. Les rations de cigarettes chez les militaires sont limitées à six par soldat et par jour ; toutefois, il arrive souvent que des cigarettes supplémentaires soient vendues aux soldats, en particulier en cas de stagnation du front ou de retraite ; leur nombre est cependant limité à 50 pour chaque personne et par mois. Les soldats adolescents servant dans la 12e Panzerdivision SS Hitlerjugend, composé de membres des Jeunesses hitlériennes, reçoivent quant à eux des sucreries au lieu de tabac. L'accès aux cigarettes n'est pas autorisé aux membres auxiliaires féminins de la Wehrmacht. Des conférences médicales sont organisées pour persuader le personnel militaire d'arrêter de fumer. Le 3 novembre 1941, une ordonnance augmente les taxes sur la tabac de 89 à 95 % du prix de vente : ce sera la plus importante augmentation des taxes sur le tabac en Allemagne pendant plus de 25 ans après la chute du régime nazi.