Mélancolie - Définition

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À travers les âges et les œuvres

La mélancolie prend différentes significations au fil des siècles. Elle décrit, très généralement, un état de détresse apathique, d'abandon proche de la dépression :

  • au XIe siècle, elle imprègne une grande partie des quatrains d'Omar Khayyam ;
  • au XIIe siècle, dans le vocabulaire courtois, elle désigne toutes sortes d'états d'âme allant de la tristesse profonde à la folie ;
  • au XIVe siècle, Guillaume de Machaut fait de la mélancolie le sentiment qui caractérise le jaloux amoureux qui cherche la solitude ;
  • au XVIIe siècle, le sens s'affaiblit à celui de tristesse douce et vague ;
  • au XIXe siècle, la mélancolie prend deux sens : d'une part celui d'un mal-être dû à un manque profond qu'on ne peut identifier ; et d'autre part elle prend un sens clinique de maladie mentale associée à un profond abattement. La mélancolie devient alors synonyme de dépression.

La mélancolie peut aussi être vue comme une « maladie sacrée » qui dans la culture occidentale a concerné toutes les expressions de la pensée et de l'art : philosophie, médecine, psychiatrie et psychanalyse, religion et théologie, littérature, musique et arts. La mélancolie est un vecteur de fertilité, de lucidité, de clairvoyance, mais aussi paradoxalement de désespoir. Jean Starobinski et Wolf Lepenies ont dit que la mélancolie était une forme de « mise à distance » de la conscience face au « désenchantement » du monde.

Dans l'Antiquité

Dès le IVe siècle av. J.-C., les stèles funéraires attiques présentent des individus prenant des poses de deuil. La mélancolie s'y rattache donc à la perte d'un proche. Au VIe siècle av. J.-C., Pénélope est représentée devant son métier à tisser, toute mélancolique.

Aristote se demanda pourquoi tous les hommes d'exception sont mélancoliques : « Pourquoi tous les hommes qui se sont illustrés en philosophie, en politique, en poésie, dans les arts, étaient-ils bilieux, et bilieux à ce point de souffrir de maladies qui viennent de la bile noire, comme par exemple, on cite Hercule parmi les héros ? Il semble qu'en effet Hercule avait ce tempérament ; et c'est aussi en songeant à lui que les Anciens ont appelé mal sacré les accès des épileptiques ». (Trad. Barthélémy-Saint-Hilaire, 1891). Aristote donne ainsi l'exemple d'Oublos le jeune, qui, d'après lui, a contracté une mélancolie bilieuse suite à un excès d'écriture : il est intéressant de noter que si l'on croit, dans cet ouvrage, que c'est l'auteur mélancolique qui produit son oeuvre, en fait l'oeuvre peut produire l'auteur mélancolique. Le critique Flughörn fit plus tard la même analyse à propos de Gérard de Nerval.

Pour Hippocrate, la mélancolie se comprend comme trouble de la bile noire. La rate serait l'organe responsable de ce trouble (alors que la médecine actuelle y voit l'organe des défenses immunitaires).

Du Moyen Âge et pendant la Renaissance

Melencolia I (Albrecht Dürer)

L’acedia, au départ, n'a rien à voir avec la paresse : c'est un malaise lié à l'excès de privations qui se saisit des moines dans le désert. Elle provient d'une activité cérébrale trop intense et tournant à vide, faute d'exutoire. Saint Antoine, père de pères du désert, quand il subit des « tentations » - c'est-à-dire un martyre - subit en réalité un accès d’acedia, de pensées trop lourdes, trop fortes, trop obsédantes. En s'emparant de ce symptôme, qui chez les Pères du Désert relève davantage du malaise psychique que du « mal », les chrétiens le transformeront en émission de pensées mauvaises et diaboliques. L’acedia deviendra ensuite, sous la plume de saint Thomas, le péché des péchés, le détournement volontaire du bien divin. Une certaine splendeur ténébreuse risquant à ce moment-là d'être associée à ce péché, les chrétiens d'Occident, peu fidèles à la tradition des pères du désert, sa hâteront de transformer l’acedia en paresse et de la ranger parmi les sept péchés capitaux. Désormais, l’acedia n'a plus aucune aura tentatrice ; elle est paresse de se lever matin pour aller à la messe, puis paresse tout court. De gras docteurs font des rêves érotiques près de leur poêle bien chaud : voilà l’acedia, telle que la représente le Songe du Docteur de Dürer.

En 1621, Robert Burton publie l’Anatomie de la mélancolie. Il en analyse les causes et les effets et recherche des remèdes. Il distinguera par exemple une mélancolie religieuse. L’Anatomie de la mélancolie constitue une importante somme de toutes les théories, connaissances concernant la mélancolie, que Burton lie au deuil.

« Parmi tant de milliers d'auteurs, vous aurez du mal à en trouver dont la lecture fera de vous quelqu'un d'un peu meilleur ; tout au contraire elle vous infectera alors qu'elle devrait contribuer à vous perfectionner. »

Burton se considérait comme mélancolique.

Spleen

Baudelaire

Au XVIIe siècle, George Cheyne refonde la mélancolie comme état d'âme, et la renomme spleen. Cette expression devient celle des poètes.

Au XIXe siècle

Le mal du siècle

Le XIXe siècle est caractéristique de ce mal qu'est la mélancolie. Musset parle de mal du siècle, Chateaubriand de maladie morale abominable. Elle prend chez Flaubert la forme de l'ennui et chez Baudelaire le spleen.

La mélancolie au XIXe siècle résulte d'un traumatisme entre le rejet du christianisme de la Terreur de 1793 et la chute de l'Empire en 1814. Les enfants de cette génération ont derrière eux de grands exploits et devant eux l'avenir d'une nouvelle France bourgeoise dont la seule perspective est de s'enrichir. La mélancolie vient donc d'une énergie qui ne peut pas être investie et qui devient un poison noir.

Charles Baudelaire fut l'une des grandes figures du spleen : « Tout enfant, j'ai senti dans mon cœur deux sentiments contradictoires : l'horreur de la vie et l'extase de la vie. » (Mon cœur mis à nu, 1864)

Saturne dévorant un de ses enfants

Saturne dévorant un de ses enfants est un tableau de 1823, du peintre Francisco de Goya. Cette œuvre fait partie d'une série de peintures noires réalisées entre 1820 et 1823, après le bouleversement de la guerre. Elle reprend fidèlement le thème de Cronos dévorant ses enfants, si cher à Goya. Cette dévoration, absorption, relaterait la racine même de la mélancolie, ou encore ses prémisses.

Le tableau fut utilisé pour la couverture du séminaire IV, La relation d'objet, de Jacques Lacan.

Søren Kierkegaard

Emphatiquement dans La Maladie mortelle mais également dans Crainte et tremblement, Kierkegaard expose que les humains sont composés de trois parties : le fini, l'infini, et la relation entre les deux. Les finis (les sens, le corps, la connaissance) et les infinis (le paradoxe et la capacité à croire) existent toujours dans un état de tension. Cette tension, consciente de son existence, est l'individu. Lorsque l'individu est perdu, insensible ou exubérant, la personne est alors dans un état de désespoir. Notamment, le désespoir n'est pas l'agonie, c'est, au lieu de cela, la perte de l'individu.

Au XXe siècle

Jean-Paul Sartre

Jean-Paul Sartre publie La Nausée en 1938. Il y décrit Antoine Roquentin, pris d'un profond dégoût pour ce qui l'entoure, pour ses activités, et qui se réfugie dans l'imaginaire. Le titre que Sartre voulait à l'origine donner à l'oeuvre était "Melancholia", en référence à la fameuse gravure de Dürer.

Françoise Sagan

Françoise Sagan publie Bonjour tristesse.

Emil Cioran

Emil Cioran traite de la mélancolie dès les premières pages de son premier livre Sur les cimes du désespoir (1934) : selon lui, la forme que prend la mélancolie n'est pas indépendante du cadre de vie ou du milieu environnant.

Chanson populaire

  • Serge Gainsbourg : Quand mon 6,35 me fait les yeux doux, L'aquoiboniste
  • Maxime Le Forestier : Le fantôme de Pierrot
  • Alain Souchon : Le dégoût
  • Gilbert Bécaud : Les Caraïbes
  • Loco Locass : Spleen et montréal
  • Stefie Shock : Je combats le spleen
  • Sinsemilia : La nausée
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