C'est à partir du dernier tiers du XIIe siècle, que les textes signalent des édifices qualifiés de "fortis domus, fortalicium". C'est l'apparition des maisons fortes, ou maison fortifiées. Ces édifices qui ne sont pas des châteaux (castrum ou castellum), sont plus qu'une simple résidence (domus). Ce phénomène qui se poursuivra largement dans la première moitié du XIIIe siècle, prendra fin au début du XVIe siècle. Elles peuvent présenter l'aspect d'une maison solide, avec tours, ou avoir l'apparence d'une bâtisse, construite de bric et de broc. Elles sont souvent situées aux abords des bourgs, le long de routes principales ou à la frontière d’une grande seigneurie. Elles appartiennent à des cadets, à des parents ou à des alliés de grandes familles seigneuriales. Par définition, elles sont les résidences de la petite aristocratie.
A l'instar du château, qui a servi de modèle, les seigneurs on cherché à imiter ce dernier en en reprenant les éléments les plus significatifs et les plus chargés de symboles que sont la tour et la salle.
Le nombre important de maison forte est à mettre en relation avec la prolifération de chevaliers (miles) qui accèdent à la noblesse dans la deuxième moitié du XIIe siècle, tel que nous l'apprend la lecture des hommages, aveux, dénombrements et reconnaissances. De par son implantation à la campagne, on peut parler de maison forte rurale et par extension de petite noblesse rurale.
Aujourd'hui bon nombre de ces édifices se présentent à nous, sous une forme qui les rapproche plus de la ferme ou des demeures de gentilshommes.
Suivant les régions, elle peut présenter des morphologies variées, en Savoie, on parlera de maison-tour et en Bretagne de manoir.
En Bourgogne, les maisons fortes ont leur façades orienté à l'est, pratique qui relèvent d'un certain raffinement, et en général un soin est apporté aux aménagements extérieurs et à l'organisation intérieure et la présence de nombreux décors peints. Il est bien difficile de catégoriser tel édifice en château plutôt qu'en maison fortifiée. Les chercheurs actuels, donne la définition de château, comme le lieu de résidence d'un détenteur du droit de ban, à l'origine d'une circonscription territoriale, mandement, châtellenie ou bourg, et non le développement autour d'une fortification mineure.
N'ayant pas de droits territoriaux dans la structure féodale, les occupants de ces maisons fortes jouissent souvent de droits économiques d'où leur positionnement près des gués et des passages, des moulins et des centres de production artisanale.
Elles sont aussi le siège de châtellenies et sont occupées par des châtelains.
D'un point de vue défensif, elles doivent pouvoir résister quelques heures contre une petite troupe.
M. Bur, La maison forte au Moyen Age, Actes de la table ronde de Nancy, Pont-à-Mousson, 1984, Paris, Ed. CNRS, 1986.
F. Cayot, « Les maisons seigneuriales rurales à la fin du Moyen Age (XIVe–XVIe s.) dans l’Yonne », Annales de Bourgogne, 75, 2003, p. 259–288.
H. Mouillebouche, Les maisons fortes en Bourgogne du Nord du XIIIe au XVIe siècle, EUD, Dijon, 2002.
(Liste non-exhaustive)
Le Dauphiné, qui appartient alors au Saint-Empire romain germanique est une région riche en maisons fortes. On en dénombre une bonne trentaine, toutes construites avant 1300 et selon la même architecture : une tour ronde, surmontée d'un toit conique, adossée à une bâtisse rectangulaire, massive, avec peu d'ouvertures, l'ensemble couvert de tuiles plates ou en ardoises.
Sur Grenoble, le mas du Châtelet, dont la présence est attestée par un acte en 1312, subsiste encore. Située sur le chemin de Gières à une demi-lieue des enceintes dans une vaste plaine marécageuse, la bâtisse s'est légèrement affaissée vers le sud, ce qui permet de la remarquer en dépit des multiples outrages qu'elle a subis.
Pour dater la construction des maisons fortes, il faut observer la tour. Durant le haut Moyen Âge, elles sont carrées et en bois, puis sont en pierre. Vers 1200, de carrées, elles deviennent rondes, avec des archères ou meurtrières dans toutes les directions, pour observer et se défendre. Les fenêtres nous renseignent également, vers 1400 les ouvertures s'agrandissent, on recherche le confort, elles sont à meneaux ou à croisée de pierre.
Aujourd'hui, elles sont devenues restaurants, chambres d'hôtes, centres équestres et, pour beaucoup, elles ont perdu leur caractère authentique et primitif.
En Gascogne, il existe un type de maison forte caractéristique, appelé salle ou tour-salle : plan carré ou rectangulaire, murs épais, rez-de-chaussée aveugle servant de cave ou de cellier, accès par le premier étage par un escalier amovible, étages supérieurs résidentiels. La salle est le premier état avant le château gascon des XIIIe et XIVe siècles, qui est une salle à laquelle on a généralement adjoint de hautes tours carrées à deux angles opposés.
La tour d’Albinhac (XIIIe s.), à Lectoure (Gers), est un exemple de maison forte qui a subsisté à l’intérieur de la ville.
À proximité de la ville de Toul existaient de nombreuses seigneuries dénommées communément maisons-fortes du Toulois" que l'on peut toujours contempler. Le plus souvent ces maisons-fortes sont de forme carré et flanquées de quatre tours et de quatre niveaux de hauteur. On peut citer, de manière non-exhaustives, celles de Sexey-aux-Forges ou de Villey-Saint-Étienne ainsi que celles communément appelées "châteaux" telles celles de Boucq ou de Bouvron.
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