Le Gène Égoïste | |
Auteur | Richard Dawkins |
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Préface | Robert Trivers (édition de 1976 seulement) |
Genre | Scientifique (Biologie de l'évolution) |
Version originale | |
Titre original | The Selfish Gene |
Éditeur original | Oxford University Press |
Langue originale | Anglais |
Pays d'origine | Royaume-Uni |
Date de parution originale | 1976 (première édition), 1989 (deuxième édition) |
Version française | |
Traducteur | Laura Ovion |
Éditeur | Odile Jacob |
ISBN | ISBN 978-2-7381-1243-9 |
Le Gène égoïste est un livre sur l'évolution écrit par Richard Dawkins publié en 1976. Il se base sur la théorie de George William (décrite dans le livre Adaptation et sélection naturelle). Dawkins invente le terme «gène égoïste » comme un moyen de décrire l'évolution focalisée sur le gène. Dawkins soutient que mettre au centre de l'évolution le gène est une meilleure description de la sélection naturelle et que la sélection au niveau des organismes et des populations ne l'emporte jamais sur la sélection par les gènes. On attend d'un organisme qu'il évolue de façon à maximiser son aptitude inclusive (le nombre de copie de ses gènes qui sont transmis). En conséquence, les populations auront tendance à atteindre des stratégies évolutionnairement stables. L'auteur invente aussi le concept de mème comme étant l'unité de l'évolution culturelle par analogie avec le gène; cela suppose que la duplication égoïste peut aussi s'appliquer dans la culture humaine, dans un sens différent. La mémétique a donné naissance à de nombreuses études depuis la publication du livre.
En décrivant les gènes comme étant «égoïstes», l'auteur n'entend pas par là (comme il l'affirme de manière univoque dans le livre) qu'ils sont munis d'une volonté ou d'une intention propre, mais que leurs effets peuvent être décrits comme si ils l'étaient. Sa thèse est que les gènes qui se sont imposés dans les populations sont ceux qui provoquent des effets qui servent leurs intérêts propres (c'est-à-dire de continuer à se reproduire), et pas forcément les intérêts de l'individu même. Cette vision des choses explique l'altruisme au niveau des individus dans la nature, en particulier dans le cercle familial : quand un individu se sacrifie pour protéger la vie de membre de sa famille, il agit dans l'intérêt de ses propres gènes. Certaines personnes trouvent cette métaphore très claire, mais d'autres la trouvent déroutante, trompeuse voire inutile en attribuant les attributs cognitifs à quelque chose qui est purement mécanique. Par exemple Andrew Brown (qui refuse manifestement de comprendre le concept tel que son auteur l'entend) a écrit:
« Egoïste », appliqué au gène, ne signifie pas « égoïste » du tout. Cela veut dire en fait une qualité extrêmement importante pour laquelle il n'existe pas de bon terme en Anglais : «la capacité d'être copiée par un processus de sélection darwinien.» C'est un terme compliqué et à rallonge. Il se peut qu'il existe un meilleur et plus court terme, mais ce n'est pas «égoïste»
Le livre fut extrêmement populaire quand il fut publié pour la première fois et il reste encore largement diffusé. Il fut vendu à plus d'un million d'exemplaires, et fut traduit dans plus de 25 langues. Les partisans soulignent que l'idée maîtresse du livre (selon laquelle le gène est l'unité de la sélection), est un principe qui complète et qui prolonge efficacement l'explication de l'évolution par Charles Darwin avant la découverte des mécanismes génétiques. Les opposants soutiennent que cela simplifie à l'excès la relation entre les gènes et l'organisme. L'idée de "gène égoïste" suggère en effet une personnification anthropomorphique du gène.
Quelques biologistes ont critiqué l'idée de décrire les gènes comme étant l'unité de la sélection, et suggèrent plutôt de considérer le gène comme unité de l'évolution, se basant sur l'idée que la sélection est un évènement qui se produit ici et maintenant en vue de la reproduction et de la survie, alors que l'évolution est un phénomène à long terme qui régit la fréquence des allèles.
D'autres critiques du livre, émises par la philosophe Mary Midgley dans son livre Evolution et Religion, abordent les questions philosophiques et morales qui vont au-delà des arguments biologiques de Dawkins. Par exemple le fait que l'humanité « prenne l'avantage » sur les gènes est un thème majeur à la fin du livre. Cette vision a été critiquée par le primatologue Frans de Waal, qui la considère comme une théorie qui considère le moralité humaine juste comme un "recouvrement culturel", une fine couche de verni qui cache une nature égoïste et bestiale.
Dans son ouvrage, La société pure, de Darwin à Hitler, l'historien des sciences français André Pichot émet de sévères critiques à l'égard de la thèse de Dawkins. Dans une section consacrée à la sociobiologie, Pichot estime que la thèse de Dawkins est à peu près équivalente dans ses principes à celle d'Edward O. Wilson. Il estime que son livre est écrit « dans un style de camelot bêtifiant » (p. 113) est analyse la thèse de Dawkins comme étant le fruit d'un « anthropomorphisme » et d'une « sorte de personnification des gènes dont l'"intérêt" se substitue à celui de l'individu dans la sélection naturelle » (p. 116). En effet, en faisant des gènes « de joyeux compagnons de voyage traversant les générations », Dawkins en parle comme s'ils étaient des êtres vivants (p. 116).
Reprenant l'idée de « capitalisme génétique » que Marshall Sahlins emploie dans sa Critique de la sociobiologie (1976) pour qualifier la sociobiologie, Pichot explique l'origine idéologique de la théorie de Dawkins comme « une maximisation du patrimoine génétique, sur le modèle économique de la maximisation du capital » (p. 123). Cette théorie considère en effet « les individus comme des quantités négligeables, les simples supports d'un patrimoine génétique dont ils doivent assurer la maximisation » à l'égal des acteurs économiques dans le capitalisme industriel (p. 123).
Pichot constate ensuite la similitude des théories de Wilson et Dawkins avec celles de biologistes nazis comme, par exemple, Otmar von Verschuer car elles mettent toutes trois l'accent sur « la prééminence du patrimoine génétique comparé à un fleuve traversant les individus et les générations, et l'importance des liens de parenté biologique pour ce qui concerne la conservation de ce patrimoine génétique » à travers la sélection de parentèle (p. 124). La différence étant que Verschuer en a tiré à son époque des conclusions politiques, alors que Wilson et Dawkins s'en abstiennent soigneusement, « laissant ce soin aux idéologues d'extrême droite qui gravitent autour de leurs thèses. » (p. 125).
L'ouvrage de Pichot a été traduit en anglais par les éditions Verso en 2009. A ce jour, Dawkins n'a pas répondu à ces critiques.
Dans leur ouvrage La mystique de l'ADN, écrit en 1994, les sociologues américaines Dorothy Nelkin et Susan Lindee évoquent brièvement la théorie de Dawkins :
Plus loin, elles font également le rapprochement avec la théorie de Wilson :
Dawkins se fait ainsi un des héraut de la mystique de l'ADN qui a eu cours dans les années 1980 et 1990 aux États-Unis et, dans une moindre mesure en Europe.