LSD - Définition

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Production et trafic

Saisie de la DEA dans un laboratoire clandestin de LSD.

Avant son interdiction par l’Organisation des Nations unies, la firme suisse Sandoz le distribue gratuitement sous la forme d’une préparation-test (Delysid) de la fin des années 1940 à 1966. Il est disponible pour les chercheurs en laboratoire ou en clinique qui en font la demande. Dans son communiqué de presse annonçant l’arrêt de la production, Sandoz nie toute implication dans le marché noir lié au LSD et dénonce la facilité à se procurer des précurseurs.

Depuis son interdiction, comme pour la plupart des « drogues de synthèse », la production s’effectue près des lieux de consommation grâce à des laboratoires clandestins mobiles. Il semble que les produits nécessaires à sa fabrication soient sortis de manière plus ou moins légale - fonction de la législation du pays en question - des laboratoires les fabriquant. En effet, avec de bonnes conditions de production, il suffit d’une quantité relativement faible - donc facilement transportable - de précurseurs (quelques kilogrammes) pour obtenir une importante quantité de doses de LSD.

D’après l’Organe international de contrôle des stupéfiants dans son rapport du 1er mars 2006, le LSD fait l’objet d’un trafic anecdotique qui ne dépasse généralement pas le cadre local. Globalement, il existe deux types de producteurs de LSD :

  • Un nombre réduit de producteurs organisés à grande échelle, écoulent le LSD sur un grand territoire. Ce sont des chimistes expérimentés, sans doute les mêmes depuis les années 1960.
  • Un nombre beaucoup plus important de petits trafiquants, eux-mêmes consommateurs, écoulent leur production sur un territoire réduit, notamment à un cercle d’habitués.
  • Son prix à l'unité (buvard ou micro-pointe) varie en général de 5€ à 15€, il peut augmenter jusqu'à 90€ dans certaines circonstances

Au plus haut niveau de la chaîne du trafic, le LSD est vendu sous forme cristallisée. Il est ensuite conditionné sous forme liquide. La solution de LSD est finalement utilisée par le plus bas niveau de la chaîne pour fabriquer les buvards (ou les autres formes sous lesquelles le LSD est vendu). Comme le LSD est un composé peu stable (voir la ) il est généralement conditionné sous sa forme finale le plus tard possible pour éviter au maximum de laisser se dégrader la molécule.

Contrairement à d’autres trafics de stupéfiants, où le bénéfice est un facteur essentiel de motivation, le trafic de LSD comporte un aspect idéologique. Les prix restent donc stables, et relativement bas comparativement à d’autres drogues de synthèse du même type. Bien que le marché soit restreint, on peut observer une dimension marketing, notamment une émulation dans la diversité des logos et des motifs mettant en valeur les buvards de LSD.

LSD et société

Drogue propre à une génération, le LSD a marqué son époque.
Lors de la publication des rapports scientifiques sur le LSD, la mention de ses effets psychiques attire l'attention des intellectuels ou des artistes - de la beat generation d'abord puis hippies. Sensibilisés par les récits des expériences d'Aldous Huxley avec la mescaline en 1953, ils se livrent à des auto-expérimentations. En 1959, le poète Allen Ginsberg prend du LSD au Mental Research Institute de Palo Alto sous la houlette de l'anthropologue Gregory Bateson. Timothy Leary, alors conférencier en psychologie à l'Université Harvard, est un ami d'Allen Ginsberg. Il est initié au LSD en 1961.

L'expérience vécue sous LSD (mais aussi d'autres substances psychédéliques) est utilisée comme source d'inspiration, ce qui donne naissance à un nouveau genre artistique, le psychédélisme. Cependant, il est rare qu'une œuvre soit directement née sous l'emprise du LSD et dans ce cas, elle possède généralement un caractère rudimentaire.

Leary comprend qu'une substance aussi puissante court un fort risque d'être déclarée illégale. Il prend donc soin d'orienter un débat public à son avantage où il cible des personnalités influentes. Dès 1962, il organise des séances de prise contrôlée de LSD qu'il continuera ensuite à Millbrook. En 1963, Timothy Leary et son collègue Richard Alpert fondent l'International Federation for Internal Freedom (IF-IF). Ils réunissent intellectuels et divers membres anonymes autour d'un projet utopique largement inspiré des sources mystiques que le LSD aurait révélées aux hommes. Ce projet fondera la contre-culture américaine des années 1960 et 1970. Ainsi, en 1964, à Millbrook, Leary et les écrivains Jack Kerouac, Allen Ginsberg, William S. Burroughs déclarent commencée la « révolution psychédélique », ou « révolution chimique », où la prise de substance psychédélique va permettre l'avènement d'une nouvelle ère pour l'humanité. L'écrivain Alan Watts parle de « civilisation occidentale post-acide ». Puis en 1967, c'est la Ligue pour la découverte spirituelle que Leary fonde. On le désigne alors comme « l'apôtre des drogues » ou le « pape du LSD ». Les médias le désignent comme responsable du fait que 3,6 millions de personnes, selon les estimations, aient consommé du LSD. La philosophie de Leary se résume par « Turn on, tune in, drop out » (s'ouvrir, s'accorder, s'évader). L'usage du LSD change la perception de la vie et permet donc de changer de vie. Leary donne une dimension spirituelle, individuelle et contemplative à la consommation de LSD afin de permettre la « transmutation cérébrale ».

En cela, il rejoint ceux qui relancent le débat et les recherches sur les expériences mystiques ou religieuses. Ainsi, Aldous Huxley considère les drogues psychédéliques – dont le LSD – comme des adjuvants de l'apparition d'un vécu visionnaire. Pour Art Kleps, théologien de la « révolution chimique » : « Les substances psychédéliques sont des sacrements. Peu importe qui s'en sert et avec quelles intentions. Les substances psychédéliques sont la chair de Dieu. » Pour les plus pragmatiques, le LSD a une spiritualité certaine mais pas nécessairement déiste.

Planche de buvards imprimée de motifs d'inspiration psychédélique.

Parallèlement, l'écrivain Ken Kesey fonde une communauté, les Merry Pranksters (joyeux lurons). En 1964, ils achètent un bus qu'ils aménagent : il est sonorisé intérieurement et extérieurement, et conçu pour recevoir des passagers sur le toit. À l'avant du bus est écrit « Further ». Les Merry Pranksters sillonnent les États-Unis avec ce bus, en organisant des acid tests où le LSD est généralement fourni par le chimiste Augustus Owsley Stanley. Ils établissent leur camp de base à La Honda où ils organisent, dès 1965, de grandes fêtes tous les samedis : du LSD est saupoudré partout, les bois sont sonorisés et agrémentés de sculptures, une scène accueille des jeux de lumière et les Merry Pranksters courent déguisés et maquillés. Les acid tests sont des shows multimédia qui accueillent généralement de 200 à 300 personnes : le groupe Grateful Dead joue, Neal Cassady, le chauffeur du bus des Pranksters, parle à n'en plus finir dans le micro, Allen Ginsberg psalmodie des mantras, une baignoire pleine de punch au LSD est installée au milieu de la salle, parfois il y a des projections de films. Ces premiers spectacles globaux visent à accompagner au mieux le voyage sous LSD en jouant sur un maximum de stimulis. Le plus grand des acid tests se tient sur trois jours à San Francisco en janvier 1966 sous le nom « Trips Festival ». C'est là qu'apparaît la différence fondamentale entre Leary et les Pranksters. Là où Leary espère du calme et de la contemplation, les Pranksters cherchent volontairement des situations fantaisistes pour pousser leurs propres limites. Pour eux, le LSD est comme un sport extrême, une sorte de test d'endurance réservé aux seuls initiés dont ils excluent tout rapport mystique à la différence de Leary. C'est en 1965 qu'Augustus Owsley Stanley rejoint les Pranksters. Il prend pour la première fois du LSD à la fin de ses études de chimie à Berkeley. En 1966, Augustus Owsley Stanley installe un labo dans la baie de San Francisco, pour tenter de fabriquer du LSD le plus pur possible puis de le distribuer à bas prix. Il crée des lots de couleurs différentes pour éviter les contrefaçons de la concurrence. Ensuite, il fait connaître la couleur des nouveaux lots en distribuant des échantillons gratuits (parfois via des groupes comme avec Jefferson Airplane pour le orange sunshine) et le bouche à oreille fait le reste. Maître du marché, il fixe les prix – le LSD est encore légal – à 2 dollars le comprimé de 250 microgrammes. D'autres chimistes marquent l'histoire du LSD comme Tim Scully, l'assistant d'Owsley ou Nick Sand, le chimiste de Millbrook.
Mais le 6 octobre 1966, le LSD devient illégal en Californie. Ken Kesey prévoit un dernier happening pour Halloween : le « Acid test Graduation » avec remise de diplômes à certains Pranksters. Ce sera le dernier acid test. Le dernier grand festival fourni en LSD par Augustus Owsley Stanley a lieu le 14 janvier 1967 à San Francisco, le Pow-Wow : A gathering of the tribes of a human Be-In.

L'apparition contemporaine de la contre-culture américaine est historiquement liée à la popularisation du LSD. Des auteurs comme Hofmann notent que c'est son association à ce mouvement qui lui vaut une interdiction rapide aux États-Unis où, par delà le produit, c'est l'idéologie qui lui est associée qui est proscrite. Les hippies associent au LSD des valeurs en rupture avec les mouvements qu'ils perçoivent comme centraux dans la société - le matérialisme et l'insatisfaction qu'il crée ; l'urbanisation et la perte de contact avec la nature qu'elle engendre ; l'industrialisation et le manque de perspectives qu'elle génère. En revendiquant une liberté totale jusqu'à la libre consommation des drogues, ils prônent notamment l'usage de LSD pour ses effets psychiques.

De nombreux artistes ont consommé du LSD, notamment Jim Morrison du groupe The Doors, Syd Barrett, membre fondateur du groupe anglais Pink Floyd, les Beatles, Bob Dylan ou encore Jimi Hendrix et les Rolling Stones. Ainsi, il a été influent dans la création musicale dès la fin des années 1960, notamment dans la création et le développement du rock psychédélique, de la pop psychédélique et des différents styles d'acid.

Un phénomène d'une telle importance influence aussi le cinéma.
Dès 1963, un documentaire italien Mondo Cane (kaléidoscope d'images sur le thème du sang et du sexe) lance un nouveau genre aussitôt suivi par Mondo Hollywood de Robert Cohen (sur le thème des freaks) puis par Peter Perry avec Mondo Mod (évoquant les émeutes et le LSD). De nombreux films s'inspirent aussi du LSD ou de sa culture, en 1966 : Les Anges sauvages, Chappaqua ; en 1967 : The Trip ; en 1968 : Head, Psych-Out, Wonderwall, Rosemary's Baby ; en 1969 : Easy Rider, The Big cube, Skido.

Mais outre les films traditionnels, d'autres films, au nom souvent évocateur, issus de production de série Z, émergent, ce qui créera un genre à part entière. On peut citer notamment Alice in acidland, Hallucination Generation, LSD I hate you ou The Weird World of LSD.

D'autres contre-cultures se sont aussi liées au LSD. Le cyberpunk dénonce l'illégalité du LSD qui est un obstacle à leur souhait de libre information et s'intéresse parallèlement à la capacité de générer une sorte de réalité virtuelle. De la même manière, le taux de prévalence du LSD est plus élevé dans les milieux festifs techno, notamment alternatifs où ses effets rejoignent des revendications de liberté proches de celles des années 1970.

Perception du LSD

De par la large médiatisation positive des années 1950, le LSD bénéficie d'abord d'une image positive dans le grand public. Selon cette image, il suffirait de prendre du LSD pour provoquer en soi des effets prodigieux, d'où son qualificatif d'« instant nirvana ». À l'inverse dans les années 1960, l'augmentation de la consommation hors d'un cadre scientifique génère de nombreux accidents (bad trips, suicides, actes criminels, crimes) qui lui donnent une image de « roulette russe chimique » ou de « drogue de la folie » à l'origine de son interdiction. Cette image négative persiste chez les non-usagers. Alors que son image est plutôt bonne parmi les consommateurs. Il bénéficie d'une sorte d'aura mythique due à sa réputation de produit accessible uniquement aux initiés capables d'en maîtriser les effets et de substance phare de la contre-culture des années 1960 et 1970.

Argot

Les usagers utilisent des termes identiques à ceux utilisés par les usagers de drogue par voie orale notamment l'ecstasy par exemple :

  • « gober » : action d'avaler un carton de LSD ;
  • « perché » : le fait d'être sous l'effet du LSD ;
  • « montée » : le début des effets ;
  • « descente » : la fin des effets.

Le terme « tripper » servait originellement à désigner exclusivement les effets du LSD mais son usage se généralise dans un synonyme de délire et serait plus à rapprocher maintenant du terme bad trip dont il a repris le sens de « voyage ».

Les termes « scotché » ou « collé » sont utilisés pour décrire les usagers chez qui les effets persistent durablement.

Les termes « timbre », « carton » ou « buvard » désignent un petit morceau de papier pré-découpé imbibé de LSD pour être consommé.

Le terme « acid head » désigne les usagers ayant pris plusieurs fois du LSD. En effet, l'expérience sous LSD peut changer la vie de façon si radicale que certains se contentent d'une seule prise, refusant d'affronter ce type de transformation encore une fois.

Le terme « acid facism » désigne le fait de faire consommer du LSD à une personne à son insu. Cette méthode découle de l'idée que la consommation de LSD est bénéfique car elle entraîne des modifications définitives mais nécessaires de la personnalité. Elle est contraire à la vision de Hofmann qui considère que la prise de LSD est quelque chose qui se prépare en amont. Cette pratique était très prisée des Merry Pranksters ; elle fut aussi courante au Pow-Wow : A gathering of the tribes of a human Be-In où les sandwichs à la dinde étaient saupoudrés de LSD.

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