Krakatoa - Définition

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Histoire

Une éruption en 416 ou en 535

La date de la première éruption historiquement documentée pour le Krakatau est débattue. Elle est en général datée de 416, mais la date de 535 est parfois proposée. Le Pararaton ou « Livre des Rois », une chronique javanaise écrite au XVIe siècle, relate qu'en l'année 338 de l'ère Saka, soit 416 du calendrier grégorien :

« Un son tonitruant était entendu depuis la montagne Batuwara ... un bruit similaire depuis Kapi ... la terre entière était puissamment secouée et de violents éclairs, accompagnés d'une lourde pluie et d'orages, se déroulaient, mais non seulement cette lourde pluie n'éteignait pas le feu sur la montagne Kapi, mais au contraire l'augmentait ; le bruit était effrayant, au final la montagne Kapi dans un formidable rugissement explosa en morceaux et coula dans les profondeurs de la terre. L'eau de la mer remonta et inonda la côte, la région à l'est de la montagne Batuwara, jusqu'à la montagne Raja Basa ; les habitants de la partie nord du pays de la Sonde vers la montagne Raja Basa ont été noyés et emportés avec tous leurs biens. L'eau s'apaisa mais la région où se situait Kapi fut remplacée par la mer, et Java et Sumatra furent séparées en deux parties. »

— Pararaton

On estime le plus souvent aujourd’hui que cette éruption avait une puissance d’environ 400 mégatonnes de TNT (soit 20 000 fois la puissance de la bombe d’Hiroshima). Elle détruisit le cône volcanique ouvrant une caldeira de 7 km de large et laissant les trois îles de Krakatau, Verlaten et Lang (Rakata, Panjang et Sertung). Cette éruption entraîna sans doute des tsunamis qui ont dû être plus puissants que ceux de 1883. On ignore toutefois les destructions qu’ils purent causer. Si ce scénario et cette datation sont aujourd’hui encore les plus souvent retenus, David Keys, correspondant en archéologie pour le quotidien britannique The Independent, et Ken Wohletz, géologue au Los Alamos National Laboratory, ont proposé une date plus tardive et un scénario différent, impliquant une éruption bien plus puissante et aux conséquences historiques déterminantes. Pour Keys et Wohletz il se pourrait que le récit du Pararaton, dont les premiers manuscrits ont été écrits à la fin du XVe siècle, contienne une erreur de date et se rapporte en fait à une éruption qu’il faudrait placer en février 535 de l'ère chrétienne. Selon Wohletz un volcan, le proto-krakatau, occupait alors l’actuel détroit de la Sonde. C’est au cours d’une immense éruption, correspondant à l’éjection de 200 km3 de magma qu’il aurait laissé une caldeira de 50 km de diamètre, l’actuel détroit séparant les deux îles de Java et Sumatra. La perturbation atmosphérique résultant de cette éruption expliquerait les anomalies climatiques bien attestées dans plusieurs endroits de la planète vers 535. Selon Keys, les retombées de l'éruption auraient obscurci la totalité de la Terre durant au moins deux ans à partir de cette date. Cette éruption aurait rejeté une telle quantité de poussière, d'eau, de soufre et de gaz dans la stratosphère qu'un hiver volcanique aurait régné sur notre planète pendant plusieurs années. Le fait est que les sources anciennes, ainsi que les mesures dendrochronologiques attestent de perturbations météorologiques et climatiques, qui peuvent correspondre aux effets d'une puissante éruption volcanique, sans toutefois nécessairement posséder un caractère exceptionnel. Ce nuage volcanique aurait bloqué les rayons du soleil, détruisant les récoltes et conduisant à la famine. Elle aurait entraîné, selon certaines théories, des exodes massifs et des invasions en Eurasie, en particulier celles des Avars depuis la Mongolie jusqu'à Constantinople affaiblie, ainsi que des épidémies et des changements politiques, religieux et sociaux.

Si l'existence d'une perturbation climatique vers 535 est certaine, et si son attribution au volcanisme possède de forts arguments, l'attribution au Krakatoa n'a pas suscité l'unanimité, pas plus que la volonté d'en tirer un très grand nombre de conséquences historiques dans des domaines très variés. Plusieurs objections peuvent en effet être faites aux hypothèses de Keys et Wohletz : leur scénario ne correspond pas au récit le plus courant de création du détroit de la Sonde ni aux observations géologiques pratiquées sur le complexe volcanique du Krakatoa, qui l'attribuent à un graben. Par ailleurs, comme le reconnaît au demeurant Ken Wohletz, aucun élément tiré de l’analyse géologique ne permet de dater les éruptions du Krakatoa entre -6600 et 1215 : la date de 535 n’est avancée que par rapport aux perturbations climatiques attestées ailleurs sur le globe. Ainsi pour Mike Baillie, dendrochronologue à l’université de Belfast, l’hypothèse de Keys ne s’appuie sur aucune preuve. Les éruptions volcaniques de cette puissance laissent un signal acide typique dans les carottes glaciaires polaires : or selon M. Baillie les carottes prélevées au Groenland, et désormais datées presque à l’année près n’ont révélé aucun signal entre 536 et 545, le signal le plus proche se trouvant durant les années 520. Pour Baillie les perturbations climatiques des années 530 ne seraient donc pas à expliquer par une explosion volcanique mais par une collision cométaire, hypothèse qui reste aussi controversée. Toutefois un signal acide typique de telles éruptions a été retrouvé dans les prélévements d'une carotte glaciaire antarctique pour l'année 542 plus ou moins dix-sept ans. Le signal a été attribué par les éditeurs de la carotte au volcan Rabaul avec mention de l'hypothèse du Krakatoa. Surtout une publication a récemment montré qu’un signal volcanique existait bel et bien pour 535. Le Krakatau n’est cependant pas le seul candidat à une puissante éruption à cette époque et l’éruption du Rabaul est aussi souvent mise en rapport avec les événements climatiques de 535 et des années suivantes. L’ampleur et l’impact exact de ces événements sont aussi actuellement discutés et parfois difficiles à établir. Si les deux livres contemporains de David Keys et Mike Baillie ont rencontré un certain succès populaire, la réaction de la communauté des historiens a été plus contrastée, plusieurs chercheurs cependant se sont penchés sur les événements climatiques des années 535 et suivantes. Dans son étude des perturbations climatiques des années 530 en mer Méditerranée, Antti Arjava, chercheur à l’université d’Helsinki souligne les faiblesses de spéculations trop générales ou trop simplistes et attire l’attention sur les lacunes et les ambiguïtés des sources disponibles. À partir du cas de l’Égypte apparemment peu touchée, il insiste sur la variabilité régionale et son importance à cette époque et sur la résilience de sociétés habituées aux conséquences des aléas climatiques. Il conclut qu’en elles-mêmes, et sans préjuger de leur lien avec la peste de Justinien — qui ne peut être actuellement prouvé — les perturbations climatiques des années 530-540 ont eu des implications historiques limitées et que l’explication de leur origine est encore très incertaine. La question reste donc actuellement ouverte du point de vue scientifique.

Observations intermédiaires

Au moins trois explorateurs hollandais rapportent avoir observé des éruptions au Danan et au Perboewatan en mai 1680 et février 1681.

En février 1780, les équipages du HMS Resolution et du HMS Discovery, sur la voie du retour au pays après le décès du capitaine James Cook à Hawaii, font escale quelques jours au Krakatoa. Ils détectent deux anneaux près de l'île, l'un d'eau chaude et l'autre d'eau froide. Ils décrivent les autochtones vivant sur l'île comme « amicaux » et dessinent quelques esquisses. Dans son journal, John Ledyard appelle l'île Cocoterra.

En 1809, les Hollandais établissent un bagne à un endroit non spécifié de l'archipel. Il se maintient pendant environ une décennie.

En 1880, Rogier Verbeek mène une étude officielle de l'île et publie un épais rapport en 1884-1885. Il s'avère très précieux dans la compréhension de l'impact géologique et biologique de l'éruption de 1883.

L'éruption de 1883

Prémices

Esquisse du Krakatoa du début du XIXe siècle.

Jusqu'à cette journée fatidique, Krakatoa est une île qui mesure neuf kilomètres de long sur cinq kilomètres de large. Elle est couverte d'une végétation luxuriante typique des régions tropicales humides, mais déjà une activité sismique intense se fait sentir dans la région du volcan, jusqu'en Australie.

Dormant depuis 1681, Perboewatan se réveille le 20 mai 1883 en émettant des panaches de vapeur et de cendres jusqu'à six kilomètres de haut et un son audible jusqu'à Batavia, l'ancienne Jakarta. L'activité décroît pendant quelques semaines, mais, le 19 juin, de nouvelles explosions se produisent, puis le 20 juillet un nouveau cône se forme selon toute vraisemblance entre Perboewatan et Danan. Le 11 août, l'activité gagne encore en intensité avec des panaches s'élevant en pas moins de onze points distincts. Les bateaux continuent pourtant à emprunter le détroit de la Sonde : celui qui passe le 14 août navigue dans l'obscurité pendant quatre heures, tellement les émissions de cendres sont épaisses.

Déroulement

Schéma d'une éruption plinienne.

L'« apocalypse » commence le 26 août 1883 à 13 heures locales (UTC+7) : une violente explosion est entendue à plus de cinquante kilomètres du volcan, suivie d'une autre, encore plus forte vers 14 heures, puis d'une série de détonations sans cesse plus violentes jusque vers 17 heures. L'explosion de 14 heures est accompagnée d'abondantes projections de cendres propulsées jusqu'à plus de vingt-sept kilomètres de hauteur et dont une autre partie retombe, recouvrant tout dans un rayon de 160 kilomètres autour du Krakatoa, plongeant la région dans une nuit totale.

À 10 heures 02 minutes, le 27 août, survient enfin une explosion effroyable ; le bruit le plus fort entendu par des oreilles humaines est audible dans toutes les Indes néerlandaises bien sûr, mais aussi à Alice Springs dans le centre de l'Australie et à l'île de Rodrigues dans le sud-ouest de l'océan Indien, situées respectivement à 3 500 et à 4 800 kilomètres du Krakatoa. Le bruit de l'explosion est entendu sur environ un douzième de la surface de la terre, ce qui en ferait le phénomène sonore le plus important de l'histoire humaine. À 160 kilomètres de distance, il atteint encore 180 décibels. Beaucoup de personnes deviennent totalement ou partiellement sourdes sur un rayon de plusieurs kilomètres. L'éruption plinienne atteint le niveau 6 sur l'échelle d'explosivité volcanique, développe une énergie correspondant à 13 000 Little Boy et expulse entre 10 et 20 km3 de matière dans l'air. Quelques vitrines éclatent, des becs de gaz s'éteignent.

Onde du tsunami généré par l'éruption du Krakatoa en 1883.

Des vagues colossales — peut-être aussi hautes qu'un cocotier — déferlent à plusieurs reprises les 26 et 27 août sur les côtes de Java et de Sumatra. Dans les régions basses bordant le détroit de la Sonde, tout est balayé, détruit, tordu, emporté. À Merak, une vague de quarante-six mètres déferle sur la ville ; quand elle se retire, rien n'indique que l'endroit ait été habité. À Teluk Betung, grand port de la région de Sumatra, l'eau monte de vingt-deux mètres, nivelant tout. Une oscillation anormale des eaux est enregistrée par les marégraphes jusque dans le golfe de Gascogne et dans la Manche à 18 000 kilomètres du lieu de la catastrophe. Elle a probablement été causée par une onde de choc aérienne résultant de l'explosion, car elle s'est produite trop tôt pour être un reliquat du tsunami. Ces ondes de choc ont circulé plusieurs fois autour du globe et sont encore détectables à l'aide de barographes cinq jours plus tard.

Vers midi, une pluie de cendres chaudes s'abat autour de Ketimbang à Sumatra et un millier de personnes sont tuées par ces simples retombées, sans compter les victimes des tsunamis successifs. Cet évènement unique serait dû, selon Verbeek et d'autres historiens et scientifiques, à une déflagration latérale ou à une nuée ardente au raz de l'eau similaire à celles de la montagne Pelée en 1902 et du mont Saint Helens en 1980, si bien que le nord-ouest de Ketimbang est épargné grâce à la protection jouée par l'île de Sebesi.

De plus faibles éruptions se déroulent jusqu'à mi-octobre. Verbeek dément les témoignages selon lesquels le volcan aurait été actif des mois après l'explosion principale, en les mettant sur le compte des vapeurs provenant de roches encore chaudes, des glissements de terrain causés par une mousson particulièrement intense et des hallucinations provoquées par des phénomènes électriques. Au final, aucune nouvelle éruption ne se produit avant 1913 et l'île de Krakatoa a presque entièrement disparu, laissant uniquement le cône éventré de Rakata au sud.

Causes de l'éruption

Les causes de la violence de l'éruption font l'objet de quatre théories divergentes. Des chercheurs contemporains ont expliqué que le volcan se serait enfoncé dans la mer au matin du 27 août, laissant de l'eau inonder la chambre magmatique et causant une série d'explosions phréatiques massives. Ou bien l'eau de mer, sans être directement en contact avec le magma, l'aurait toutefois refroidi et durci provoquant un effet « cocotte-minute », libérant toute l'énergie accumulée seulement au moment où la pression suffisante fut atteinte. Ces deux théories supposent que l'île s'est affaissée avant les explosions ; pourtant aucune preuve ne vient appuyer cette conclusion et les pierres ponces ainsi que l'ignimbrite déposées ne sont pas compatibles avec une interaction entre du magma et de l'eau de mer. Une autre hypothèse suppose qu'un effondrement sous-marin massif, voire un simple affaiblissement partiel, aurait soudainement ouvert la chambre magmatique hautement pressurisée. La dernière explication affirme que l'explosion finale serait due à un mélange magmatique provoqué par une infusion soudaine de magma basaltique chaud dans le magma plus froid et plus léger de la chambre. Le résultat aurait consisté en une rapide et insoutenable montée en pression, entraînant une explosion cataclysmique. Les preuves de cette théorie sont l'existence de ponces constituées de matériaux légers et foncés, témoins d'une origine thermique importante. Malgré tout, la quantité de ces matériaux serait inférieure à 5% du volume en ignimbrite du Krakatoa et pour cette raison certains chercheurs rejettent cette explication comme cause essentielle de l'explosion du 27 août 1883.

Conséquences

Le bilan humain est lourd : les autorités hollandaises chiffrent le nombre total de victimes à 36 417. C'est l'éruption volcanique la plus meurtrière de l'histoire après celle du Tambora, également en Indonésie, en 1815. De nombreuses colonies sont détruites, y compris Teluk Betung et la majeure partie de Ketimbang à Sumatra, Sirik et Semarang à Java. Les zones de Banten et Lampung sont dévastées. Des documents rapportent la présence de squelettes flottant au travers de l'océan Indien en direction de l'Afrique sur des radeaux de pierres ponces un an après l'éruption. Certaines régions à Java n'ont jamais été repeuplées et sont retournées à la jungle, si bien que le parc national d'Ujung Kulon a été créé, dans un périmètre incluant le Krakatoa et ses eaux.

Les régions touchées sont sous administration des Indes orientales néerlandaises depuis plusieurs années déjà. Le journaliste britannique Simon Winchester écrit que les relations entre les communautés musulmanes et chrétiennes sont très tendues. Les autorités religieuses de l'ouest de Java, en particulier, sous la houlette des sultans, sont très strictes et montrent une hostilité croissante vis-à-vis des colons au cours du XIXe siècle. Persuadés qu'une croisade (Perang Salib) est en cours, ils n'hésitent pas à prôner dans les écoles islamiques (pesantren) le retour des « brebis égarées » de Java et Sumatra dans le giron de l'Islam. Dans ces conditions, la situation de désolation qui suit l'éruption catalyse le déclenchement dans les zones touchées d'une vague meurtrière anti-occidentale par les fondamentalistes musulmans, une des toutes premières de l'histoire. Les spécialistes de l'islam indonésien ne citent rien à ce sujet et ces affirmations pourraient comporter de nombreuses inexactitudes. En effet, à l'époque, il n'y avait pas de « communauté chrétienne » dans l'ouest de Java, si ce n'est la petite population européenne des villes. Il n'y avait pas de colons mais des fonctionnaires coloniaux néerlandais. En outre, traditionnellement à Java, il n'y a pas d'autorités religieuses mais des kyai, c'est-à-dire des maîtres en religion. Enfin, il n'y avait déjà plus de sultan dans l'ouest de Java depuis la dissolution du sultanat de Banten en 1813.

Le panache de cendres volcaniques est monté à quatre-vingts kilomètres dans l'atmosphère et a répandu suffisamment de particules pour abaisser la température mondiale moyenne de 0,25 °C l'année suivante, avec une amplitude allant d'approximativement 0,18 à 1,3 °C. Les modèles climatiques continuent à être chaotiques durant quelques années, et les températures ne reviennent à la normale qu'après 1888. L'éruption a émis une quantité inhabituelle de dioxyde de soufre haut dans la stratosphère tout autour de la planète. La concentration d'acide sulfurique a augmenté dans les cirrus, augmentant l'albedo des nuages et la réflexion des rayons solaires incidents jusqu'à ce qu'il retombe en pluies acides. Ces poussières sont également à l'origine des couchers de soleil flamboyants, puis rouge lie-de-vin qui inspirèrent nombres d'artistes, comme William Ashcroft avec ses centaines de chromolithographies ou Edvard Munch avec Le Cri en 1893, ainsi que des colorations vives inhabituelles de la lune comme par exemple à Londres. Dans plusieurs villes des États-Unis, des lueurs rougeoyantes sont prises pour des incendies et l'on fait appel aux pompiers. Ces phénomènes de nuages noctulescents essentiellement composés de glace sont provoqués par la diffraction de la lumière par les particules de lave pulvérisée montées dans la stratosphère et se manifestent pendant environ trois ans. Ceci engendre également le phénomène appelé anneau de Bishop, un halo visible autour du Soleil et de la Lune, qui sera pour la première fois officiellement rapporté par le révérant S. Bishop à Hawaï le 5 septembre 1883.

Cependant l'éruption a aussi des effets bénéfiques sur l'environnement local. Un an seulement après le cataclysme, de l'herbe pointe déjà sur les bouts d'îlots épargnés. Deux ans plus tard, vingt-six espèces de plantes y poussent et en 1924, ces fragments de terre sont recouverts d'une forêt dense. Les régions proches comme Lampung, presque stériles avant l'éruption, deviennent très fertiles. Cela attire une population importante. On estime par ailleurs que cette éruption a permis la survie du rhinocéros de Java.

L'enfant du Krakatoa

Vue aérienne de l'Anak Krakatau où sont bien visibles les coulées de lave et les franges de végétation.

Verbeek, dans son rapport sur l'éruption, prédit que toute nouvelle activité se manifestera dans la zone comprise entre les anciens cônes de Perboewatan et Danan. Cette prédiction s'avère juste puisqu'en 1927 des signes d'éruption sous-marine surtseyenne sont observés par un réseau de scientifiques à cet endroit, tandis que la population est mise à l'abri craignant la retombée des blocs qui sont propulsés à 1 200 mètres d'altitude. Quelques jours plus tard, une nouvelle île volcanique, Anak Krakatau (l'« enfant de Krakatoa »), émerge de 9 mètres au-dessus de la surface. Initialement, les éruptions sont constituées de ponces et de cendres, et l'île, ainsi que deux bancs, sont rapidement érodés ; mais finalement Anak Krakatau gagne rapidement sur la mer en raison de la quantité et de la vitesse d'émission des matériaux pour se stabiliser en août 1930.

L'Anak Krakatau le 21 septembre 2007.

Depuis, près de quarante éruptions se sont succédé, la dernière étant en cours depuis le 27 octobre 2007, et ont progressivement fait grandir l'île à un rythme moyen de cinquante centimètres par mois. Le premier cône atteint 67 mètres d'altitude en 1933 et 138 mètres en 1950 mais, à cause de l'érosion, il s'ouvre à plusieurs reprises à la mer entre ces deux dates. Par la suite, un second cône commence à apparaître, au fond du lac ainsi formé à l'intérieur du cratère, correspondant à un remplacement progressif des émissions de cendres par des coulées de lave qui finissent par combler le lac et rendre plus résistants les flancs du volcan à l'érosion. En 1960, le nouveau cône atteint 30 mètres, puis 160 mètres en 1968 et 181 mètres en 1977. Aujourd'hui, haut de plus de 300 mètres pour trois à quatre kilomètres de diamètre, Anak Krakatau offre d'exceptionnels sujets d'études aux volcanologues et aux botanistes. Actuellement, l'accès est officiellement interdit aux civils sur un rayon de trois kilomètres autour de l'île.

Risques futurs

La dernière victime recensée est morte durant l'éruption de 1992-1993. Aujourd'hui, le Krakatoa est surveillé par le Krakatoa Volcano Observatory, à Carita, sur la côte ouest de l'île de Java. Un réseau de stations suit constamment le volcan. Quatre stations permanentes sont installées sur l'archipel dont trois sur l'Anak Krakatau et enregistrent des données sur les secousses telluriques, sur la déformation du terrain par GPS, sur les variations du niveau de la mer, sur les émissions de gaz, sur les ondes électromagnétiques et sur le climat. Trois stations sismologiques temporaires complètent le dispositif sur Krakatau, Panjang et Sertung. Ce complexe communique par télémétrie avec l'observatoire à Carita. De plus, six autres stations temporaires mesurent les séismes autour du détroit de la Sonde. Les données collectées permettent d'évaluer la probabilité d'une catastrophe imminente. Un des facteurs déterminants est la quantité de silice présente dans le magma que les volcanologues mesurent dans les échantillons d'éjectas. Plus la teneur en silice est importante, plus le magma devient visqueux, plus les gaz ont du mal à s'échapper et la pression augmente. Lorsqu'elle est finalement trop forte, le volcan explose violemment, libérant une grande quantité de matière et en particulier la silice, initialisant un nouveau cycle. Le Krakatoa suit naturellement ce modèle et rien n'indique aujourd'hui qu'une nouvelle catastrophe se prépare, même si de la prudence s'impose.

Par sa situation, le Krakatoa pose de réels risques pour les populations côtières de Java et de Sumatra et pour le trafic économique transitant par les importantes routes maritimes à travers le détroit. La densité de population en Indonésie est relativement élevée, particulièrement dans cette région où elle dépasse cent habitants par kilomètre carré en moyenne dans les zones peuplées. Dans un rayon de cinquante kilomètres autour du volcan la population s'élève déjà à près de 275 000 habitants et atteint 5,8 millions dans un rayon de cent kilomètres. La population indonésienne est donc particulièrement vulnérable et le faible indice de développement humain du pays rend critique la question de la destruction des infrastructures, de l'approvisionnement alimentaire et des exodes, maux inévitablement engendrés par une éruption de grande ampleur. Le relief qui peut protéger par endroit la population des retombées directes potentiellement générées par les nuées ardentes peut aussi favoriser localement des glissements de terrain. Mais comme le prouve l'éruption de 1883, le principal risque est lié aux tsunamis, menaçant les installations portuaires à l'est et les régions touristiques au sud. En effet, Java et Sumatra pourraient être touchées en moins d'une heure. Dans les zones préservées, la mangrove et les récifs coralliens protègent naturellement la côte tandis que dans les zones urbanisées des projets de brise-vagues sont envisagés.

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