Joseph Priestley - Définition

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Needham Market et Nantwich (1755–1761)

Page de titre de The Rudiments of English Grammar (1761).

Robert Schofield, principal biographe moderne de Priestley, parle de son premier « appel » de 1755, destiné à une paroisse dissidente de Needham Market dans le Suffolk, comme d'une « erreur », aussi bien pour son auteur que pour la congrégation. Priestley aspire à une vie urbaine et au débat théologique, alors que Needham Market est une petite bourgade rurale avec une congrégation attachée à la tradition. La fréquentation du culte et les dons chutent brusquement lorsque les paroissiens découvrent l'étendue de son hétérodoxie. Bien que sa tante lui ait promis son soutien s'il accédait aux fonctions de ministre du culte, elle lui refuse son aide lorsqu'elle se rend compte qu'il n'est plus calviniste. Pour tenter d'augmenter ses revenus, Priestley envisage d'ouvrir une école, mais les familles du voisinage lui font savoir qu'elles n'y enverront pas leurs enfants. Cependant, sa série de conférences scientifiques intitulée Use of the Globes rencontre quelque succès.

Ses amis de Daventry l'aident à obtenir un autre poste et, en 1758, il s'installe à Nantwich dans le Cheshire, où il connaît une existence plus heureuse. La congrégation rechigne moins à son hétérodoxie et il parvient même à fonder une école. Contrairement à de nombreux instituteurs de l'époque, Priestley enseigne à ses élèves la philosophie naturelle et leur achète des instruments scientifiques. Atterré par la mauvaise qualité des ouvrages de grammaire anglaise dont il dispose, il écrit son propre manuel The Rudiments of English Grammar (« Rudiments de grammaire anglaise ») en 1761. Ses innovations concernant la description de la grammaire anglaise, en particulier ses efforts pour la dissocier de la grammaire latine, ont conduit les universitaires du XXe siècle à le décrire comme « l'un des plus grands grammairiens de son temps ». Après la publication de son Rudiments et de la réussite de son école, la Warrington Academy lui offre un poste d'enseignant en 1761.

Calne (1773–1780)

Lord Shelburne (Premier ministre du Royaume-Uni entre 1782 et 1783), par Joshua Reynolds.

En 1773, les Priestley s'installent à Calne puis, l'année suivante, Lord Shelburne et son nouveau conseiller entreprennent un tour d'Europe. Selon son ami Theophilus Lindsey, ce voyage permettra à Priestley de « nettement améliorer son point de vue global sur l'humanité ». Dès leur retour, Priestley assure aisément ses fonctions de précepteur et de bibliothécaire. Sa tâche est à dessein peu astreignante, ce qui lui permet de poursuivre ses recherches scientifiques et théologiques. En tant que conseiller politique, Priestley a accès aux travaux parlementaires, assure la liaison entre Shelburne et les Dissidents, et sert d'intermédiaire pour les intérêts américains. Lorsque naît son troisième fils le 24 mai 1777, Lord Shelburne le prie de le prénommer Henry.

Philosophe matérialiste

Gravure de Charles A. E. Turner (1836) d'un portrait de Priestley commandé par son ami et éditeur Joseph Johnson à Henry Fuseli (vers 1783).

Priestley écrit ses œuvres philosophiques majeures pendant les années passées chez Lord Shelburne. Dans une série de textes métaphysiques de premier plan, publiés entre 1774 et 1780 : An Examination of Dr. Reid's Inquiry into the Human Mind (1774), Hartley's Theory of the Human Mind on the Principle of the Association of Ideas (1775), Disquisitions relating to Matter and Spirit (1777), The Doctrine of Philosophical Necessity Illustrated (1777), et Letters to a Philosophical Unbeliever (1780), il plaide en faveur d'une philosophie intégrant quatre concepts : le déterminisme, le matérialisme, la causalité et le nécessitarisme. Il fait valoir l'idée que l'étude de la nature rend les hommes plus compatissants, heureux et prospères. Il assure sans équivoque qu'il n'existe pas de dualité corps-esprit et il propose une philosophie matérialiste fondée sur le postulat que tout dans l'univers est matière perceptible. Il soutient également que discuter de l'âme est impossible, car elle est de substance divine et l'humanité n'a pas accès au divin. Malgré cette distinction entre divin et dépouille mortelle, sa position choque et contrarie bon nombre de lecteurs convaincus que cette dualité est nécessaire à l'âme pour exister.

Répondant au Système de la nature (1770) du Baron d'Holbach et aux Dialogues Concerning Natural Religion (1779) de David Hume ainsi qu'aux travaux des « philosophes français », Priestley maintient que matérialisme et déterminisme peuvent se réconcilier grâce à la foi en Dieu. Il critique ceux dont la foi a été façonnée par les livres et la mode, dressant une analogie entre le scepticisme des hommes instruits et la crédulité des masses. Puisque, selon lui, l'homme ne dispose pas du libre arbitre, Priestley professe que la « nécessité philosophique » (semblable au déterminisme absolu) est compatible avec le Christianisme, position fondée sur sa compréhension du monde naturel. Comme le reste de la nature, l'esprit de l'homme est soumis aux lois de la causalité, mais un Dieu bienveillant ayant créé ces lois, le monde et les gens qui le composent sont finalement perfectibles. Le mal ne provient donc que d'une compréhension imparfaite du monde perceptible.

Bien que l'œuvre philosophique de Priestley ait été qualifiée d'« audacieuse et originale », elle participe des plus anciennes traditions philosophiques sur les sujets du libre arbitre, du déterminisme et du matérialisme. Par exemple, le philosophe du XVIIe siècle Baruch Spinoza plaidait déjà en faveur d'un déterminisme et d'un matérialisme absolus.

Comme Spinoza et Priestley, Leibniz est convaincu que la volonté de l'homme est entièrement déterminée par des lois naturelles ; toutefois, à leur encontre, Leibniz plaide en faveur d'un « univers parallèle » d'objets immatériels (tels que l'âme humaine), organisé par Dieu de telle manière qu'il soit en parfait accord avec son homologue matériel. Leibniz et Priestley partagent la vision optimiste d'un Dieu ayant choisi avec bienveillance les maillons de la chaîne ; cependant, Priestley croit que ces maillons conduisent au glorieux millénarisme, alors que pour Leibniz, l'ensemble est optimal, en soi et par rapport aux autres systèmes concevables.

Fondateur de l'Unitarisme

Lorsque Theophilus Lindsey décide de fonder un mouvement chrétien n'imposant pas de restrictions à la foi de ses membres, il reçoit le soutien de plusieurs penseurs, dont Priestley. Le 17 avril 1774, Lindsey organise la première célébration unitarienne en Grande-Bretagne, concevant sa propre liturgie, largement critiquée. Priestley défend son ami dans un pamphlet intitulé Letter to a Layman, on the Subject of the Rev. Mr. Lindsey's Proposal for a Reformed English Church (1774), où il affirme que seule la forme, et non la substance du culte a été modifiée, et il s'en prend à ceux qui suivent la religion comme s'il s'agissait d'une mode. Au cours des années 1770, il assiste régulièrement aux offices de Lindsey et, parfois, y fait même un prêche. Sa vie durant, il continuera à soutenir l'unitarisme institutionnel, rédigeant en sa faveur plusieurs Defenses et encourageant la création de nouvelles chapelles en Grande-Bretagne et aux États-Unis.

Experiments and Observations on Different Kinds of Air

Priestley utilise une version modifiée de la pompe à air de Stephen Hales pour ses expériences sur l'« air nitreux ».

Les années que passent Priestley à Calne sont les seules de son existence à être surtout consacrées aux investigations scientifiques et sont naturellement les plus fructueuses en ce domaine. Ses expériences sont presque entièrement réservées aux « airs » et conduisent à la publication de ses textes scientifiques majeurs : les six volumes d'Experiments and Observations on Different Kinds of Air (1774–86). Ces recherches contribuent à anéantir les derniers vestiges de la théorie des Quatre éléments, que Priestley tente de remplacer par sa propre variante de la théorie phlogistique. Selon cette théorie du XVIIIe siècle, la combustion ou oxydation d'une matière génère la libération d'une substance, le « phlogistique ».

Les travaux sur les « airs » de Priestley ne sont pas aisément classifiables. L'historien des sciences Simon Schaffer écrit qu'ils « ont été vus comme une branche de la physique ou de la chimie, ou comme une version hautement idiosyncratique (autrement dit, personnelle) des inventions de Priestley ». Qui plus est, ses ouvrages ont une portée politique autant que scientifique, car il y affirme que la science peut mettre à mal « l'autorité usurpée et excessive » et que le gouvernement a « raison de trembler, même devant une pompe à air ou une machine électrique ».

Le volume I, d'Experiments and Observations on Different Kinds of Air, présente plusieurs découvertes : nitrous air (monoxyde d'azote, NO) ; vapor of spirit of salt, baptisé plus tard « air acide » ou « air acide marin » (chlorure d'hydrogène, HCl) ; alkaline air (ammoniac, NH3) ; diminished ou dephlogisticated nitrous air (protoxyde d'azote, N2O), et le plus célèbre, dephlogisticated air (oxygène, O2). S'y ajoutent d'autres résultats qui conduiront à la découverte de la photosynthèse. Priestley met également au point un « test de l'air nitreux » afin de déterminer la « qualité de l'air ». Avec une pompe à air, il mélange de l'« air nitreux » avec un échantillon test, au-dessus d'un substrat d'eau ou de mercure, et mesure la diminution du volume gazeux ; principe de l'eudiomètre. Après un bref rappel de l'histoire des « airs », il décrit ses expériences sans en rien cacher. Comme l'écrit un de ses premiers biographes, « tout ce qu'il sait ou pense, il le dit : les doutes, les incertitudes, les erreurs sont mentionnés avec la plus rafraîchissante franchise ». Priestley présente aussi son matériel, bon marché et facile à réaliser, ses collègues pouvant ainsi, selon lui, plus facilement reproduire ses expériences. Parvenu à des résultats incohérents, il a recours à la théorie phlogistique selon laquelle il n'existe que trois types d'« airs » : fixed, alkaline et acid. Rejetant l'essor de la chimie à son époque, il se concentre sur les gaz et les « changements dans leurs propriétés sensibles », comme l'avaient fait avant lui les autres philosophes naturels. Il isole le monoxyde de carbone (CO), mais apparemment, ne se rend pas compte qu'il s'agit d'un « air » différent.

Découverte de l'oxygène

Réplique (à échelle réduite) du verre ardent utilisé par Priestley pour la découverte de l'oxygène, exposé dans le laboratoire de la Joseph Priestley House aux États-Unis.

En août 1774, il isole un « air » qui semble être d'un type inconnu, mais il n'a pas le temps d'en poursuivre l'étude, devant partir pour un tour d'Europe avec Shelburne. Cependant, alors qu'il se trouve à Paris, il tente de présenter son travail, en particulier au chimiste français Antoine Lavoisier. À son retour en Grande-Bretagne en janvier 1775, il reprend ses expériences et découvre le vitriolic acid air (dioxyde de soufre, SO2).

En mars, il écrit à plusieurs personnes à propos de ce « nouvel air », mis à jour en août. L'une de ces lettres est lue en séance à la Royal Society et un article présentant la découverte, intitulé An Account of further Discoveries in Air, est publié dans le Philosophical Transactions. La nouvelle substance, nommée dephlogisticated air, a été isolée en concentrant les rayons du soleil sur de l'oxyde de mercure. Il la teste d'abord sur une souris confinée dans cet « air », dont la survie le surprend, puis sur lui-même, et il écrit que [« cet air »] est « cinq ou six fois meilleur que l'air ordinaire pour la respiration, l'inflammation, et, pensai-je, tout autre usage de l'air atmosphérique auquel on a habituellement recours ». Il vient de découvrir le gaz oxygène (O2).

Priestley réunit ses articles sur l'oxygène avec quelques autres dans le second volume d’Experiments and Observations on Air, publié en 1776. Il n'insiste pas sur sa découverte du dephlogisticated air (prévue pour la troisième partie de l'ouvrage), mais soutient dans la préface combien ces avancées sont importantes pour la religion rationnelle. Son exposé raconte son cheminement de manière chronologique, relatant les longs délais écoulés entre les expériences et ses premières perplexités. Il est donc difficile de déterminer le moment exact où il a « découvert » l'oxygène. Pourtant, la date n'en est pas sans importance, car aussi bien Lavoisier que Carl Wilhelm Scheele, pharmacien suédois, revendiquent haut et fort la même paternité, Scheele pour avoir, le premier, isolé le gaz, même s'il a publié après Priestley, et Lavoisier pour l'avoir décrit avant les autres en tant qu'air purifié « sans changement et sans altération », donc l'avoir expliqué sans recours à la théorie phlogistique.

Priestley est le premier à établir la relation existant entre le sang et l'air, et cela en dépit de son appui sur sa théorie phlogistique. Il expose ses vues dans Observations on Respiration and the Use of the Blood dont la préface présente un historique des recherches sur la respiration. Un an plus tard, clairement influencé par Priestley, Lavoisier débat également de la respiration à l'Académie des Sciences. Ces travaux signent le début d'une longue série de découvertes devant aboutir à la publication d'études sur la respiration de l'oxygène qui sonneront le glas de la théorie phlogistique et l'avènement de la chimie moderne.

Pour des raisons qui demeurent obscures, se produit vers 1779 la rupture entre Priestley et son mentor. Shelburne reproche à Priestley son état de santé, tandis que ce dernier affirme que Shelburne n'a simplement plus besoin de ses services. Certains contemporains émettent l'hypothèse que le franc-parler du conseiller nuit à la carrière de l'homme politique. Schofield est d'avis que la raison la plus plausible est le récent mariage de Shelburne avec Louisa Fitzpatrick qui éprouve de l'antipathie pour les Priestley. Dans un premier temps, Priestley contemple la possibilité de s'installer en Amérique, puis il accepte l'offre de la congrégation de Birmingham New Meeting qui lui propose un ministère du culte.

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