Von Neumann professe de son vivant un anticommunisme viscéral. Il est un collaborateur actif du complexe militaro-industriel américain, consultant pour la CIA et la RAND Corporation. En un mot, il est le cerveau des aspects scientifiques de la guerre froide qui commence alors et qui va durer quarante ans.
Il n'est pas interdit de penser qu'il a beaucoup influencé le stéréotype hollywoodien du savant fou doté d'un fort accent étranger et d'idées réactionnaires, surtout si l'on sait que la destruction mutuelle assurée (mutually assured destruction) qu'il promeut alors a pour acronyme, en anglais, MAD (c'est-à-dire « fou »).
En 1956, peu avant son décès, il reçoit le Prix Enrico Fermi.
Il meurt d'un cancer probablement provoqué par l'exposition aux radiations lors de tests d'explosion de la bombe atomique auxquels il assista. Son lit d'hôpital est sous haute surveillance militaire car on craint que, fortement drogué pour supporter la douleur, il ne divulgue accidentellement des secrets militaires dont il a eu connaissance.
L'axiomatisation des mathématiques sur le modèle des éléments d'Euclide atteint des nouveaux degrés de rigueur et de profondeur à la fin du XIXe siècle, en particulier en arithmétique avec Richard Dedekind et Giuseppe Peano et en géométrie avec David Hilbert. Au tournant du XXe siècle, en revanche, la théorie des ensembles, la nouvelle branche des mathématiques créée en particulier par Georg Cantor, est fortement ébranlée par la découverte de paradoxes par Cantor lui-même, Cesare Burali-Forti et Bertrand Russell. En 1897, Burali-Forti découvre une construction qui conduira à ce que l'ensemble de tous les ordinaux n'a pas d'ordinal. Russell publie en 1903 son célèbre paradoxe au sujet des ensembles qui n'appartiennent pas à eux-mêmes.
Au cours des vingt années qui suivent, Ernst Zermelo, puis Abraham Adolf Fraenkel et Thoralf Skolem, montrent comment axiomatiser la théorie des ensembles de façon à éviter les paradoxes connus, tout en permettant la construction d'ensembles effectivement usités en mathématiques, en particulier les constructions de Cantor. Ceci aboutit finalement à la théorie ZFC (théorie de Zermelo-Fraenkel avec axiome du choix). Cependant ils n'excluent pas la possibilité d'ensembles qui, s'ils ne sont pas paradoxaux, semblent contre-intuitifs comme les ensembles qui appartiennent à eux-mêmes. Dans sa thèse de doctorat, von Neumann énonce l'axiome de fondation qui exclut en particulier cette éventualité, et permet surtout de hiérarchiser l'univers des ensembles. Il propose également la théorie des classes, une reformulation de la théorie ZFC, qui permet de parler de collections d'objets qui ne sont pas nécessairement des ensembles, de façon adéquate à une notion restée assez informelle chez Cantor. Cette théorie a ensuite été améliorée par Paul Bernays puis par Kurt Gödel. Elle est désormais connue sous le nom de Théorie des ensembles de von Neumann–Bernays–Gödel (en abrégé, NBG).
Pour simplifier, on dira que l'axiome de fondation précise que les ensembles doivent être construits progressivement de sorte que, si un ensemble appartient à un autre, alors celui-ci vient avant celui-là et ne peut par conséquent lui appartenir. Afin de prouver que l'addition de ce nouvel axiome n'engendre pas de nouvelle contradiction (du type de Russell), von Neumann introduit une nouvelle méthode de démonstration, la méthode des modèles internes, qui fut illustrée ensuite par Gödel pour montrer la cohérence relative de l'hypothèse du continu, et qui est devenue essentielle dans la théorie des ensembles.
Avec cette méthode et la notion de classe, le système axiomatique de la théorie des ensembles semble totalement satisfaisant et adéquat aux intuitions de Cantor, mais la question se pose de savoir s'il est complet. Une réponse négative est apportée en 1930 par Gödel qui, au congrès international des mathématiques de Konigsberg, annonce son premier théorème d'incomplétude : dans n'importe quelle théorie récursivement axiomatisable, cohérente et capable de « formaliser l'arithmétique », on peut construire un énoncé arithmétique qui ne peut être ni prouvé ni réfuté dans cette théorie. Von Neumann fut alors l'un des rares à comprendre ce résultat et ses conséquences, en particulier pour le programme de Hilbert auquel il adhérait comme beaucoup de mathématiciens de l'époque. Il fut capable dans le mois qui suivit la conférence de proposer à Gödel la conséquence suivante de son théorème : les systèmes axiomatiques, sous des conditions analogues, sont incapables de démontrer leur propre consistance. C'est le second théorème d'incomplétude de Gödel, que cependant ce dernier connaissait déjà. Il est probable que von Neumann fut pour beaucoup dans la reconnaissance des travaux de Gödel, et il fut toujours d'une grande aide pour ce dernier.
On doit aussi à von Neumann la notion d'ensemble transitif, ainsi qu'une définition précise et simple de la notion de nombre ordinal en théorie des ensembles, qui permet en particulier la construction des entiers naturels (on parle alors d'ordinal de von Neumann, ou d'entier de von Neumann).
En 1900, David Hilbert présente sa liste des 23 problèmes dont le sixième porte sur l'axiomatisation de la physique. Dans les années 1930, la mécanique quantique est peu acceptée par les physiciens, pour des raisons tout autant philosophique que technique. D'un côté, le non-déterminisme quantique n'a pas été réduit en dépit des efforts d'Albert Einstein (et ne le sera jamais), d'un autre côté, la théorie est sous-tendue par deux formalisations heuristiques, concurrentes et équivalentes avec, d'une part, la formalisation matricielle de Werner Heisenberg et, d'autre part, l'approche par les équations différentielles ondulatoires d'Erwin Schrödinger. Il manque une formulation mathématique unique, unificatrice et satisfaisante de la théorie.
Von Neumann, en 1926, s'attaque à l'axiomatisation de la mécanique quantique et réalise rapidement qu'un système quantique peut-être considéré comme un point dans un espace de Hilbert analogue de dimension 6N (où N est le nombre de particules, 3 coordonnées spatiales et 3 coordonnées canoniques). Les quantités physiques traditionnelles (position et énergie) peuvent être remplacés par des opérateurs linéaires dans ces espaces.
La physique quantique est désormais réductible aux mathématiques des opérateurs hermitiens linéaires dans un espace de Hilbert.
Par exemple, le fameux principe d'incertitude de Heisenberg selon lequel on ne peut déterminer la position et la vitesse d'une particule équivaut à la non-commutativité de deux opérateurs correspondants. Cette formule mathématique réconcilie Heisenberg et Schrödinger et von Neuman publie en 1932 son classique Les Fondements mathématiques de la mécanique quantique (Mathematische Grundlagen der Quantenmechanik). Si cette axiomatisation plaît énormément aux mathématiciens pour son élégance, les physiciens lui préfèrent celle de Paul Dirac, publiée en 1930 et qui s'appuie sur une étrange fonction, la fonction δ de Dirac. Cette théorie sera durement critiquée par von Neumann.
Jusqu'aux années 1930, l'économie utilise un grand nombre de données chiffrées mais sans réelle rigueur scientifique. Elle ressemble à la physique du XVIIe siècle : dans l'attente d'un langage et d'une méthode scientifique pour exprimer et résoudre ses problèmes. Alors que la physique classique a trouvé la solution dans le calcul infinitésimal, von Neumann propose pour l'économie, dans un souci axiomatique qui le caractérise, la théorie des jeux et la théorie de l'équilibre général.
Sa première contribution significative, en 1928, est le théorème du minimax qui énonce que, dans un jeu à somme nulle avec information parfaite (chaque joueur connaît les stratégies ouvertes à son adversaire et leurs conséquences), chacun dispose d'un ensemble de stratégies privilégiées (« optimales »). Entre deux joueurs rationnels, il n'y a rien de mieux à faire pour chacun que choisir une de ces stratégies optimales et s'y tenir.
Von Neumann améliore par la suite sa théorie pour y inclure les jeux avec asymétrie d'information et les jeux avec plus de deux joueurs. Son travail aboutit en 1944 avec la publication, en collaboration avec Oskar Morgenstern, de ce qui est devenu un classique de l'économie : La Théorie des jeux et comportements économiques (The Theory of Games and Economic Behavior).
Sa seconde contribution essentielle à la science économique est la solution, formulée en 1937, d'un problème formulé en 1874 par Léon Walras concernant l'existence d'un point d'équilibre dans les modèles mathématiques d'un marché basé sur l'offre et la demande. Il trouve la solution en appliquant le théorème du point fixe de Brouwer. L'importance toujours actuelle des travaux sur le problème de l'équilibre général et la méthodologie sous-jacente des théorèmes de point fixe est soulignée par l'attribution du prix « Nobel d'économie » en 1972 à Kenneth Arrow et 1983 à Gérard Debreu.
En 1937, peu après l'obtention de la citoyenneté américaine, il s'intéresse aux mathématiques appliquées, devient rapidement l'un des principaux experts en matière d'explosifs et est conseiller de l'US Navy.
L'une de ses découvertes tient à ce que des bombes de « large dimension » ont un effet dévastateur plus important si elles explosent en hauteur plutôt qu'au sol. Cela sera mis en pratique lors de l'explosion des premières bombes atomiques les 6 et 9 août 1945, von Neumann ayant calculé l'altitude précise pour maximiser l'étendue des dommages causés.
Dans le cadre du projet Manhattan, il est chargé du calcul des lentilles explosives nécessaires à la compression du noyau en plutonium de l'essai Trinity et de Fat Man, la bombe A larguée sur Nagasaki.
À cette époque, il fait également partie du comité chargé de sélectionner les cibles pour la bombe atomique. Le choix initial de von Neumann (le centre de Kyoto, capitale culturelle du Japon) est alors écarté par Henry Stimson, le ministre de la guerre. Roosevelt, président des États-Unis d'alors, a donné comme consigne formelle d'éviter de bombarder Kyoto, ville qui l'avait ébloui lors d'une visite avant la Seconde Guerre mondiale.
Après-guerre, Robert Oppenheimer faisant la remarque que les physiciens avaient « connu le péché » en développant la bombe atomique se voit répliquer par von Neumann : « Parfois on confesse un péché pour s'en attribuer le crédit. »
Il travaille ensuite au développement de la bombe H. Si le dessein qu'il conçoit avec Klaus Fuchs n'est pas celui retenu, il est reconnu qu'il est un pas dans la bonne direction sur la voie poursuivie par Edward Teller et Stanislaw Ulam.
Pendant la guerre, le Laboratoire national de Los Alamos réunit l'élite intellectuelle juive centre-européenne qui a fui le nazisme, et particulièrement l'élite intellectuelle juive hongroise avec, outre John von Neumann, Paul Erdős, Eugene Wigner, Edward Teller, Leó Szilárd ou Gábor Dénes. Une blague circule alors dans les couloirs selon laquelle non seulement les martiens existent et qu'ils sont doués d'une intelligence surhumaine, mais ils prétendent venir d'un pays inconnu, la Hongrie, et parlent tous une langue inintelligible au reste de l'humanité.
Le développement des bombes A et H nécessite un nombre très important de calculs. C'est surtout dans ce domaine que l'apport de von Neumann va être essentiel.
Von Neumann a donné son nom à l'architecture de von Neumann utilisée dans la quasi totalité des ordinateurs modernes, l'apport d'autres collaborateurs de l'EDVAC en est par conséquent grandement minimisé (on citera J. Presper Eckert et John William Mauchly parmi d'autres). Cela est dû au fait qu'il est, en 1944, le rapporteur des travaux pionniers en la matière (First Draft of a Report on the EDVAC). Le modèle de calculateur à programme auquel son nom reste attaché et qu'il attribuait lui-même à Alan Turing, possède une unique mémoire qui sert à conserver les logiciels et les données. Ce modèle, extrêmement innovant pour l'époque, est à la base de la conception de nombre d'ordinateurs.
L’architecture de von Neumann décompose l’ordinateur en 4 parties distinctes :
Il est également à l'origine du concept novateur d'automate cellulaire afin de construire les premiers exemples d'automates auto-reproductibles introduits dans son œuvre posthume Theory of Self Reproducing Automata et qui a inspiré le jeu de la vie.
Ce qu'en anglais on appelle une von Neumann machine est régi par les principes suivants :
Ce modèle préfigure celui de la reproduction cellulaire et de l'ADN.